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b) Relevé de la consommation de produits alimentaires de la veille

2.2 Mesures de la satisfaction alimentaire vécue

Profitant des avancées méthodologiques de l’économie du bonheur, nous avons approché ce que nous qualifions dans cette thèse de « bien-être alimentaire subjectif » par une mesure de la « satisfaction alimentaire vécue ». Nous avons suivi, en ce sens, les raisonnements de l’économie du bonheur qui considère que le « bien-être subjectif » se décompose en deux dimensions, cognitive et affective, et que la mesure de sa composante cognitive – la « satisfaction globale par rapport à la vie » – peut être utilisée comme un proxy du bien-être dans son ensemble (Diener et al., 1997).

L’objectif de notre approche en termes de « satisfaction alimentaire vécue » était de s’intéresser { l’expérience alimentaire vécue par les personnes et aux sentiments qu’elles en retirent. Les mesures existantes de la « satisfaction globale par rapport à la vie alimentaire » (Biswas-Diener et Diener, 2001 ; 2006 ; Grunert et al., 2007) ne permettaient pas de répondre à cette exigence puisqu’elles portent toutes sur la satisfaction par rapport { l’alimentation de façon générale. Or nous avons vu que les mesures de la satisfaction générale, qu’elles soient par rapport { la vie globale ou par rapport à un domaine spécifique de la vie, sont sensibles à de nombreux biais. Les réponses dépendent, en particulier, du contexte de l’enquête, de l’humeur de la personne interrogée au moment de l’enquête ou de la conception du questionnaire qui lui est soumis (nature, ordre et formulation des questions). Notre enquête portant uniquement sur des questions alimentaires et visant plus particulièrement à faire expliciter les aspects positifs comme les aspects négatifs de cette partie de la vie des interrogés, nous avons donc décidé, pour limiter les biais, de mesurer la satisfaction alimentaire par rapport à du vécu plutôt que de façon globale et abstraite. L’économie du bonheur a montré, { travers les travaux de l’équipe de Daniel Kahneman en particulier, l’intérêt d’ancrer la mesure de la satisfaction ou des émotions sur une expérience concrète et récente (Kahneman et Krueger, 2006) puisque la satisfaction déclarée résulte de la combinaison des émotions réellement ressenties lors du moment étudié, de la durée qui sépare ce moment de son évaluation, et de l’état émotionnel de la personne au moment de l’enquête. C’est pourquoi, dans notre travail, nous avons choisi de rapporter nos évaluations de la satisfaction alimentaire à la journée de la veille de l’enquête.

Une phrase introductive démarrait la partie visant à mesurer la satisfaction alimentaire vécue la veille dans le questionnaire. Sur le modèle de Grunert et al. (2007), elle précisait que le terme d’ « alimentation » était entendu dans son sens le plus large possible et qu’il englobait toutes les activités en lien avec la nourriture, { savoir l’approvisionnement, la préparation des repas, la consommation elle-même ou le partage du thé par exemple.

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2.2.1 Satisfaction alimentaire vécue globale pour la journée de la veille

Avant de se lancer dans le découpage de la journée de la veille pour identifier les séquences alimentaires propres { chacun, il était demandé { la personne interrogée d’évaluer, sur l’échelle de 1 { 5 déj{ utilisée plus tôt dans le questionnaire99 (de 1 : « pas du tout satisfait » à 5 : « tout à fait satisfait »), son niveau de satisfaction par rapport à son alimentation au sens large, pour l’ensemble de sa journée de la veille.

Cette question a été placée dans le questionnaire avant le rappel des activités des dernières 24 heures pour ne pas biaiser les réponses en rendant saillant(e) un événement ou une émotion qui ne serait pas spontanément revenu(e) en mémoire. L’objectif était d’évaluer le ressenti général qui s’était dégagé de la journée vécue la veille et de mesurer alors la satisfaction par rapport à un domaine particulier, l’alimentation.

2.2.2 Satisfaction alimentaire vécue au cours des séquences alimentaires

de la veille

Les travaux de l’équipe de Daniel Kahneman ont mis en évidence l’intérêt de se projeter dans le passé pour évaluer, a posteriori, ce qui a été réellement ressenti et vécu à chaque instant au cours d’une expérience concrète et récente (Kahneman et al., 2004a).

Ce principe s’est traduit, dans le questionnaire ALIMI, par l’utilisation du principe de la Day

Reconstruction Method (DRM). Concrètement, les personnes interrogées ont été amenées à

réaliser un « découpage » de leur journée de la veille en « séquences » pour identifier celles en lien avec l’alimentation. Contrairement à ce qui est réalisé dans les enquêtes utilisant habituellement la DRM, ce découpage et cette identification des séquences alimentaires n’ont pas été réalisés par la personne interrogée seule mais ils ont été « aidés » par l’enquêteur. Le fort taux d’analphabètes au sein des populations enquêtées et la passation des questionnaires en entretien individuel face-à-face imposaient cette situation. L’enquêteur aidait ainsi l’enquêté { expliciter ses activités en lien avec l’alimentation, en retraçant sa journée depuis son lever jusqu’{ son coucher et en relançant régulièrement pour vérifier qu’aucune séquence alimentaire, tel que différents « grignotages », n’avait pu être oubliée. Ce choix méthodologique implique que le découpage de la veille obtenu ne renseigne en rien sur la place spontanément donnée à l’alimentation dans la journée des personnes interrogées mais cette question, qui mériterait, { elle seule, une étude plus approfondie, n’était pas l’objet de la présente enquête.

99 Les questions portant sur la satisfaction par rapport { d’autres dimensions générales de la vie (vie sociale, santé, vie matérielle), décrites dans la suite, arrivaient, dans l’ordre du questionnaire, avant les évaluations de la satisfaction alimentaire de la journée de la veille.

130 Pour chacune des séquences alimentaires identifiées, la personne interrogée devait ensuite décrire l’activité alimentaire dans laquelle elle était engagée (consommation, préparation, approvisionnement), le nombre de personnes avec qui elle partageait ce moment, le lieu où elle se trouvait ainsi que les heures de début et de fin de la séquence. Pour les séquences de « consommation », des précisions sur les aliments et plats consommés étaient demandées. Toutes ces questions permettaient de déterminer les pratiques alimentaires effectives au cours de la journée sur laquelle portait l’évaluation de la satisfaction alimentaire vécue.

Dans ce « découpage en séquences » de la veille, l’enquêteur amenait enfin la personne interrogée à évaluer sa satisfaction alimentaire vécue pour chacun(e) des moments ou des activités décrit(e)s, en utilisant toujours la même échelle de satisfaction de 5 points.

La mesure des émotions ressenties pour chaque séquence alimentaire (comme le fait la DRM), un temps envisagée lors de la phase qualitative du projet ALIMI, a finalement été abandonnée pour plusieurs raisons : d’un point de vue pratique d’une part, cette partie d’enquête s’avérait très longue et pénible, et elle ne se prêtait pas { être insérée au cœur d’un questionnaire si vaste et varié que celui du projet ALIMI. D’un point de vue conceptuel, d’autre part, une mesure commune pour l’ensemble des terrains d’étude était très controversée : quelles émotions100

mesurer ? Comment sélectionner les émotions se rapportant { l’alimentation ? Comment s’assurer qu’elles pouvaient avoir un sens (et le même) pour les différentes populations étudiées ? Comment les traduire ? Toutes ces questions auraient nécessité des études qualitatives préalables plus approfondies, inenvisageables dans le temps imparti pour le projet ALIMI. Le but n’étant pas de mesurer un niveau absolu de « bien-être alimentaire subjectif » pour chacune des séquences de la veille, mais bien de comprendre les déterminants de ses variations, l’approximation par des mesures de la « satisfaction alimentaire vécue » nous a donc semblé être un bon compromis.

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