Chapitre 6 Espaces norm´es
7.2 Projection orthogonale
Th´eor`eme 7.2.1. Soient E un espace pr´ehilbertien et A une partie convexe compl`ete non vide de E. Alors, pour tout x de E, il existe un unique point y de A, appel´e projection orthogonale dex sur A tel que d(x, A) =kx−yk.
Ce point est caract´eris´e dansA par la propri´et´e
∀z ∈A <e(hx−y, z−yi)≤0
D´emonstration : Si x ∈A, il est clair que y = x est le seul point de A qui minimise la distance `a x. De plus, on ahx−x, z−xi= 0 pour tout z ∈A. Et si pour un certain y∈A on a <e(hx−y, z−yi) ≤ 0 pour tout z ∈A, on a kx−yk2 =<e(hx−y, x−yi)≤ 0, d’o`u x=y.
Si, au contraire, x /∈A, on note δ la distance dex `a A. Pour toutn∈N, on pose Cn ={z ∈A:kz−xk2 ≤δ2+ 2−2n}
Alors la suite (Cn) est une suite d´ecroissante de ferm´es non vides de l’espace complet A. En vertu du th´eor`eme 4.2.4, il suffit de montrer que le diam`etre deCn tend vers 0 pour montrer que l’intersection des (Cn) est un singleton{y}.
Soient doncz et w deux points de Cn. Puisque A est convexe, u = z +w
2 appartient aussi
`
a A, d’o`u on d´eduit que kx−uk ≥δ. Et le th´eor`eme 7.1.9 donne alors 2δ2+ 1
2kz−wk2 ≤2kx−uk2+ 1
2kz−wk2 =kx−zk2+kx−wk2
≤δ2+ 2−2n+δ2+ 2−2n
d’o`u on d´eduit quekz−wk2 ≤4.2−2n, c’est-`a-direkz−wk ≤21−n, et enfin quediam(Cn)≤ 21−n. Ceci ach`eve de prouver l’existence d’un pointy ∈A tel que T
n∈NCn ={y}, Le point y est donc le seul point de A tel que kx−yk=d(x, A).
Soit z un point de A. Par convexit´e de A, on a zt := y+t(z −y) ∈ A pour tout t ∈]0,1].
Donc
δ2 ≤ kx−ztk2 =hx−y−t(z−y), x−y−t(z−y)i
=kx−yk2+t2kz−yk2−2t<e(hx−y, z−yi)
=δ2+t2kz−yk2−2t<e(hx−y, z−yi)
On en d´eduit que 2<e(hx−y, z−yi)≤tkz−yk2, et puisquet peut ˆetre pris arbitrairement petit, on obtient que<e(hx−y, z−yi)≤0.
Si maintenant un point y0 de A v´erifie cette relation pour tout z ∈A, on a pour z =y, 0≥ <e(hx−y0, y−y0i) =<e(hx−y, y−y0i) +<e(hy−y0, y−y0i)
=ky−y0k2− <e(hx−y, y0−yi)≥ ky−y0k2
puisque y est la projection de x sur A. Ceci entraˆıne ky−y0k= 0 donc y=y0. ¥ D´efinition 7.2.2. Si A est une partie d’un espace pr´ehilbertien E, on appelle orthogonal de A et on note A⊥ l’ensemble des vecteurs y de E orthogonaux `a tout ´el´ement de A.
Pour tout x ∈ A, x⊥ = {y : hy, xi = 0} est le noyau de la forme lin´eaire continue (voir le th´eor`eme 7.1.7) : y7→ hy, xi, donc est un sous-espace vectoriel ferm´e de E. Il en r´esulte que
A⊥ = \
x∈A
x⊥ est un sous-espace vectoriel ferm´e deA.
Chapitre 7 : Espaces de Hilbert
Th´eor`eme 7.2.3. Si F est un sous-espace vectoriel ferm´e de l’espace hilbertien E, il existe pour tout x de E un unique couple (y, z) avec y ∈ F et z ∈ F⊥ tel que x = y+z. On a alors kyk ≤ kxk et kzk ≤ kxk.
D´emonstration : Un sous-espace vectoriel ferm´e d’un espace complet est convexe et complet. Il r´esulte donc du th´eor`eme 7.2.1 que pour toutx de E existe un unique y∈F tel que kx−yk=d(x, F). On a alors, pour tout w∈ F, y+w ∈F, y−w ∈F, y+iw ∈F et y−iw∈F donc
<e(hx−y, wi) =<e(hx−y,(y+w)−yi)≤0
− <e(hx−y, wi) =<e(hx−y,(y−w)−yi)≤0
=m(hx−y, wi) =<e(hx−y,(y+iw)−yi)≤0
− =m(hx−y, wi) =<e(hx−y,(y−iw)−yi)≤0
d’o`uhx−y, wi= 0, c’est-`a-dire que z =x−y ∈F⊥. Puisque y etz sont orthogonaux, on a kxk2 =ky+zk2 =kyk2+kzk2, donckyk ≤ kxk et kzk ≤ kxk.
Enfin, si on a une autre d´ecomposition de x en somme d’un vecteur y0 deF et d’un vecteur z0 de F⊥, on a y+z = y0 +z0, donc y−y0 = z0 −z. Le vecteur y−y0 appartient `a F et z0 −z ∈ F⊥. Donc y−y0 est orthogonal `a lui-mˆeme, c’est-`a-dire est nul. On conclut que
y=y0 et z =z0. ¥
Th´eor`eme 7.2.4. SiF est un sous-espace vectoriel ferm´e d’un espace hilbertien,F⊥⊥ =F. D´emonstration : Puisque tout vecteur de F est orthogonal `a tout vecteur de F⊥, on a F ⊂F⊥⊥.
Inversement, si x est un vecteur de F⊥⊥, x se d´ecompose en y+z, avec y ∈ F et z ∈ F⊥. Puisquex et y sont orthogonaux `a F⊥, z =x−y appartient `aF⊥ et est orthogonal `a F⊥; il est donc orthogonal `a lui-mˆeme, c’est-`a-dire nul. Doncx =y∈F. ¥ Th´eor`eme 7.2.5. Soit X un sous-espace vectoriel de l’espace hilbertien E. Alors X est dense si et seulement si X⊥ ={0}.
D´emonstration : Si X est dense et si y ∈X⊥, on a X ⊂ y⊥. Et puisque y⊥ est ferm´e, il contient l’adh´erence deX, c’est-`a-dire E; en particulier y ∈y⊥, d’o`u y = 0. Ceci montre que X⊥ ={0}.
Inversement, si X n’est pas dense, son adh´erence est un sous-espace vectoriel ferm´e F distinct de E, et tout vecteur z de F⊥ appartient `a X⊥. Si on avait F⊥ = {0}, on aurait F =F⊥⊥ ={0}⊥ =E, contrairement `a l’hypoth`ese. DoncX⊥ 6={0}. ¥ Th´eor`eme 7.2.6. SiF est un sous-espace vectoriel ferm´e de l’espace hilbertienE, il existe une unique application lin´eaire continueP de E dans E de norme 1, telle que, pour tout x de E, P(x) appartienne `a F et, pour tout x de F, P(x) =x. Cette application est appel´ee projecteur orthogonal sur F.
D´emonstration : Pour tout x de E, il existe un unique couple (y, z) dans F ×F⊥ tel que x = y+z. Posons P(x) = y. On a P(x) ∈ F, et si x ∈ F on a y = x et z = 0, donc P(x) =x.
Si x et x0 sont deux vecteurs de E, et λ ∈C, si x =y+z et x0 =y0+z0, avec y et y0 dans F, z et z0 dans F⊥, on a
x+λx0 = (y+λy0) + (z+λz0)
et puisque y+λy0 ∈F et z+λz0 ∈F⊥, on conclut que
P(x+λx0) =y+λy0 =P(x) +λP(x0) donc que P est lin´eaire.
Enfin, si P1 v´erifie les mˆemes conditions, soient z ∈ F⊥ et y = P1(z) ∈ F. Alors, pour tout t ∈ R on a P1(z + ty) = P1(z) + tP1(y) = (1 + t)y. On doit avoir pour tout t, kz+tyk2 − kP1(z+ty)k2 ≥0. Et
kz+tyk2− kP1(z+ty)k2 =kzk2+t2kyk2−(1 +t)2kyk2
=kzk2−(1 + 2t)kyk2
qui ne peut ˆetre positif pour tout t que si kyk = 0. Il en r´esulte que P1 est nul sur F⊥. Et si x=y+z avec y∈F et z ∈F⊥, on a
P1(x) =P1(y) +P1(z) =P1(y) =y=P(x)
ce qui montre que P1 co¨ıncide avec P. ¥
Th´eor`eme 7.2.7. (Riesz) Si f est une forme lin´eaire continue sur l’espace de Hilbert E, il existe un unique y ∈ E tel que, pour tout x de E, on ait f(x) = hx, yi. De plus, on a kyk=kfk.
L’application de E dans E0 qui `ay associe la forme lin´eaire x7→ hx, yi est un isomorphisme antilin´eaire de E sur E0.
D´emonstration : Notons, pour y ∈ E, fy la forme lin´eaire x 7→ hx, yi. D’apr`es la d´efinition d’un produit scalaire, l’applicationy7→fy est antilin´eaire de E dans E0. D’apr`es l’in´egalit´e de Cauchy-Schwarz, on a
|fy(x)|=|hx, yi| ≤ kxk.kyk
d’o`ukfyk ≤ kyk. De plus, puisquefy(y) =hy, yi=kyk2, on a kfyk ≥ kyk. D’o`ukfyk=kyk. Si fy =fz, on a fy−z =fy −fz = 0, donc ky−zk=kfy−zk= 0, c’est-`a-direy =z.
Il reste uniquement `a d´emontrer que toute forme lin´eaire continue f sur E est de la forme fy pour un certain y. Si f = 0, il est clair que y = 0 convient. Si f 6= 0, le noyau H de f est un hyperplan ferm´e de E. Soit a /∈ H. On pose α = f(a) et si on note b la projection orthogonale de a sur H, le vecteur y = α¯
ka−bk2(a−b) est orthogonal `a H puisque a−b l’est. En particulier,hb, a−bi= 0, donc : ha, a−bi=ha−b, a−bi=ka−bk2. De plus,
ha, yi= α
ka−bk2ha, a−bi=α
Il en r´esulte que fy(a) = f(a). Donc f et fy co¨ıncident sur a, et sur H puisqu’elles y sont nulles toutes deux. Et puisque tout vecteur de E est somme d’un vecteur de H et d’un multiple de a, f et fy co¨ıncident sur E, c’est-`a-diref =fy. ¥
Chapitre 7 : Espaces de Hilbert
Remarque 7.2.8. (espaces de Hilbert r´eels)
Si le corpsKest le corps des r´eels, on peut d´efinir les produits scalaires de mani`ere analogue avec les propri´et´es :
i)hx, yi=hy, xi
ii)hλx, yi=λhx, yi pour λ∈R
Alors les principaux r´esultats sur les espaces de Hilbert (in´egalit´e de Cauchy-Schwarz, projection sur un convexe ferm´e, d´ecomposition en sous-espaces orthogonaux,. . .) sont conserv´es. En particulier, l’application qui `a un vecteurxassocie la forme lin´eaire :y7→ hx, yi est une isom´etrie surjective de l’espace de Hilbert sur son dual.
8
FONCTIONS D´ ERIVABLES
8.1 Fonctions r´ eelles d´ erivables
D´efinition 8.1.1. Une fonction f d´efinie sur un ouvert U de R et `a valeurs dans R est dite d´erivable en un point x0 de U si le quotient f(x)−f(x0)
x−x0 poss`ede une limite quand x tend versx0 (par valeurs distinctes de x0). La limite est alors appel´ee d´eriv´ee de f en x0. La fonctionf est dite d´erivable sur U si elle est d´erivable en tout point de U. Dans ce cas, on appellefonction d´eriv´ee de f la fonction d´efinie sur U qui `a tout point x de U associe la d´eriv´ee de f enx.
Notation 8.1.2. On note usuellement f0(x0) ou df
dx(x0) la d´eriv´ee de f en x0.
Plus g´en´eralement on peut d´efinir, quand elles existent, la d´eriv´ee `a droite fd0(x0) et la d´eriv´ee `a gauche fg0(x0) d’une fonction f en x0 par
fd0(x0) = lim
x→x0,x>x0
f(x)−f(x0) x−x0
et fg0(x0) = lim
x→x0,x<x0
f(x)−f(x0) x−x0
Proposition 8.1.3. Toute fonction localement constante est d´erivable, et sa d´eriv´ee est nulle.
Ceci d´ecoule imm´ediatement de la d´efinition, puisque, si f est localement constante, le quotient f(x)−f(x0)
x−x0 est nul pour x voisin mais distinct de x0. ¥ Proposition 8.1.4. Toute fonction affine est d´erivable surR.
Si f(x) =mx+p, on a
f(x)−f(x0) x−x0 =m
pour x 6= x0, et il en r´esulte imm´ediatement que f est d´erivable en tout point, et que sa
fonction d´eriv´ee est constante, de valeur m. ¥