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Chapitre 2. Recension des écrits

2.5 Le Programme National de Bourses de sécurité Familiale (PNBSF)

La situation économique difficile des dernières années au niveau international n’a pas manqué d’avoir des répercussions sur les conditions de vie des Sénégalaises et des Sénégalais. En effet, les crises pétrolières et surtout financières qui ont touché toute l’Europe ont secoué de façon profonde les efforts de développement entrepris par l’État du Sénégal. À cela s’est ajouté le déficit pluviométrique en 2006 et 2011. Ces différents évènements ont entrainé la hausse des prix des denrées de première nécessité en 2008 au niveau national, rendant davantage

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vulnérables les ménages pauvres (République du Sénégal Délégation Générale à la Protection Sociale et à la Solodarité National, 2017). Le Sénégal fait partie des pays en développement. Le taux de personnes vivant en dessous du seuil d’extrême pauvreté a été réduit ces dernières années, mais reste encore important. Entre 2005-2006, le nombre de personnes vivantes sous ce seuil était de 48,7% et en 2011 il est estimé à 46,7% (Dia, 2016). Ceci montre que la pauvreté persiste encore. Il y a une forte disparité entre le milieu urbain et le milieu rural en termes de développement et d’accès aux services sociaux de base (Dia, 2016). Depuis la deuxième alternance politique, le Plan Sénégal Émergent (PSE) est devenu le document de référence en matière de politique économique et sociale au Sénégal. La protection sociale occupe une bonne place dans la vision du PSE. Son axe deux est exclusivement dédié à la protection sociale (République du Sénégal, 2014). Cette volonté est traduite par la mise en place du Registre National Unique (RNU), qui est une base de données où est enregistrée la quasi-totalité des personnes pauvres du Sénégal. À côté du RNU nous avons le Programme National de Bourses de sécurité familiale (PNBSF). Ce Programme, destiné aux ménages vivant dans l’extrême pauvreté, a réalisé son objectif de 300 000 ménages bénéficiaires à atteindre en 2017.

L’objectif du PNBSF est de participer à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale des ménages pauvres et vulnérables grâce à un programme de transfert monétaire conditionnel à la présence des ménages aux séances de sensibilisation, relative à la santé ainsi qu’à l’éducation des enfants afin de renforcer le développement du capital humain et d’endiguer la transmission intergénérationnelle de la pauvreté. Ce type de programme, qui mise sur le développement du capital humain, ressemble à ce que Jenson (2009) appelle « l’investissement social ». Il vise à favoriser l’inclusion sociale, à réduire la pauvreté cyclique et à outiller la population à occuper de potentiels emplois (Jenson, 2009). Cette dernière pense que pour être efficace dans la gestion et le développement de ce type de programme, l’État ne doit pas simplement s’arrêter à régler les problèmes des populations au quotidien, il doit aussi s’atteler à investir sur les générations futures pour leur assurer un avenir meilleur. D’autres pays ont mis sur pied des programmes de transferts sociaux en nature ou en espèces en vue d’endiguer la pauvreté dans les familles. Par exemple, il y a la « Bolsa Familia » au Brésil, « Oportunidades » au Mexique et « Chile Solidario » au Chili.

L’évaluation du Fond des Nations Unies pour l’agriculture (FAO) de sept programmes de transferts sociaux non conditionnels en Afrique sub-saharienne a montré l’impact productif de ce type de programme sur le plan social, économique, et dans la lutte contre la pauvreté (Fonds des Nations Unies pour l’agriculture, 2016). Plusieurs évaluations menées sur la « Bolsa

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Familia » ont montré l’impact positif des transferts conditionnels liés à la santé et à l’éducation (Mourão & Jesus, 2012). Cet auteur montre aussi que les spécialistes des questions de protection sociale ne sont pas d’accord s’il faut ou non imposer des conditionnalités aux bénéficiaires. Les tenants de programmes non conditionnels pensent que l’éducation, la santé, le fait de manger à sa faim sont des droits reconnus à la personne dont l’accès ne devrait être assujetti à aucune conditionnalité et l’État a l’obligation de les assurer. Pour les autres les conditionnalités sont des incitatifs qui encouragent les bénéficiaires à accéder à leurs droits sociaux et ne constituent en aucun cas des moyens de pression vis-à-vis des bénéficiaires (Mourão & Jesus, 2012). Le Programme National de bourses de sécurité familiale s’intéresse à tous les ménages pauvres inscrits dans le Registre National Unique (RNU). Ce ciblage est réalisé à travers trois étapes. D’abord, il y a le ciblage géographique qui consiste à identifier les zones les plus pauvres du pays grâce à l’appui de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie. Ensuite, il y a le ciblage communautaire qui implique la participation des communautés dans l’identification des ménages les plus pauvres en leur sein. Enfin une enquête est faite auprès de ces ménages présélectionnés sur toute l’étendue du territoire, pour ensuite les classer (scoring) selon leur degré de pauvreté, c’est-à-dire du plus pauvre au moins pauvre et en fonction des quotas fixés par l’État pour chaque commune. La phase pilote a débuté en 2013 et 50 000 ménages bénéficiaires avaient été identifiés de même que l’année qui suivit. La cible des 300 000 a été atteinte en 2016.

La durée des bénéficiaires dans le programme de bourses est fixée à cinq ans. En 2017, une stratégie de sortie des bénéficiaires du Programme est adoptée. Les ménages qui ne vivent plus dans l’extrême pauvreté doivent être sortis après évaluation et ceux dont la situation reste toujours précaire sont maintenus dans le programme (Manuel des opérations du Programme National de Bourses de Sécurité Familiale, 2017). Les modalités concrètes demeurent cependant à préciser. Parmi les stratégies envisagées figure la possibilité de refaire les enquêtes pour les ménages qui doivent sortir afin de comparer leur situation à leur entrée dans le programme et au moment de leur sortie. Beaucoup de personnes pensent que les transferts sociaux en espèces créent de la dépendance et de la paresse chez les bénéficiaires au lieu de favoriser leur autonomie Kerstenetzky (2009) cité par Mourão et al. (2018). Cependant, Medeiros et al. 2007 ; Tavares, 2010 cités par Mourão & Jesus, (2018) montrent que le montant des transferts améliore les revenus des femmes certes, mais ne les met pas à l’abri du besoin donc elles sont obligées de travailler.

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Le PNBSF est accompagné par plusieurs partenaires dans la mise en œuvre du Programme. Parmi ceux-ci, on peut retenir les autorités administratives, les services techniques déconcentrés, les comités de ciblage communautaire du Programme de bourses de sécurité familiale, les antennes régionales, les opérateurs sociaux, les opérateurs de paiement, les collectivités locales, etc. (Manuel des opérations du Programme National de Bourses de Sécurité Familiale, 2017).

Les transferts en espèces représentent la principale activité du PNBSF. Depuis quelque temps, des initiatives pilotes sont en train d’être testées pour promouvoir l’autonomie économique des bénéficiaires. En effet, beaucoup d’auteurs s’accordent à dire que les transferts à eux seuls ne peuvent pas permettre aux femmes de prétendre à l’autonomie surtout économique et de « produire la mobilité sociale », c’est-à-dire le changement souhaité (Mourão & Jesus, 2012). Ces auteurs nous informent que des mesures es complémentaires sont nécessaires pour atteindre les objectifs. D’autres comme l'Assemblée des premières nations secteurs de la santé et du développement social (2012) favorisent des mesures actives pour soutenir les plus pauvres. Donc beaucoup de conceptions soutiennent que les transferts peuvent être bénéfiques, mais pour produire des changements plus durables dans le temps d’autres investissements ou mesures sont nécessaires pour rendre les bénéficiaires plus autonomes. La question qu’on se pose est de savoir si l’État a les moyens pour mettre en place de nouveaux programmes en soutien à l’autonomie économique des femmes dans un contexte où les ressources sont limitées.