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Autonomisation des femmes vulnérables participant au Programme national de bourses de sécurité familiale (PNBSF) du Sénégal, demeurant dans la commune de Saint-Louis

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Academic year: 2021

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© Inthy Sangaret, 2020

Autonomisation des femmes vulnérables participant au

Programme national de bourses de sécurité familiale

(PNBSF) du Sénégal, demeurant dans la commune de

Saint-Louis

Mémoire

Inthy Sangaret

Maîtrise en service social - avec mémoire

Maître en service social (M. Serv. soc.)

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ii

Résumé

Aujourd’hui pour profiter de la croissance, la question de l’intégration des femmes dans toutes les actions de développement est une nécessité. Au Sénégal, les femmes jouent un rôle primordial dans la bonne marche des familles. Or, leurs conditions de vie socio-économique interrogent sur la prise en compte de leurs besoins. Dans ce contexte, le Gouvernement du Sénégal a mis en place le Programme national de Bourses de Sécurité familiale (PNBSF) pour assurer à tous un développement plus inclusif à travers une redistribution des ressources nationales sous forme de transferts sociaux en espèces aux ménages pauvres et dont la principale récipiendaire est la mère. Dans ce contexte, l’objectif de ce mémoire est d’identifier les obstacles et les éléments facilitant l’autonomie des femmes dans la commune de Saint-Louis. En même temps, il s’intéresse au rôle que pourrait jouer le PNBSF à ce sujet. Pour la réalisation de l’étude, un devis qualitatif a été utilisé et 21 participants dont 14 femmes recevant la bourse du PNBSF, cinq intervenants de l’ONG Concept responsable de la dispensation de ce programme sur le terrain et un agent du Ministère de la Santé ont pris part à cette recherche. Trois focus group et un entretien individuel ont permis de recueillir les données. Les résultats ont montré que les femmes rencontrent des obstacles sur les plans économique, psychosocial et culturel de même que sur les plans politique, légal et administratif. Leur vulnérabilité a des conséquences sur leur santé et l’éducation de leurs enfants.

L’étude montre aussi que pour favoriser l’autonomie chez ces femmes, il faut renforcer leurs capacités aussi bien en alphabétisation, dans leurs compétences professionnelles et favoriser leur accès à diverses ressources. Le PNBSF pourrait jouer un rôle dans la formation des femmes, leur financement et le suivi.

Mots clés : autonomisation, femmes vulnérables, Programme national de bourses de sécurité familiale.

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iii

Abstract

In order to foster better social and economic development, empowering women appears to be a clear necessity. In Senegal, women play a key role in the smooth running of families. However, their socio-economic living conditions question whether their needs are taken into account. However, their socio-economic living conditions question whether their needs are taken into account.

In this context, the Government of Senegal has established the National Family Security Subsidy Program (PNBSF) to ensure more inclusive development for all through a redistribution of national resources in the form of cash transfers to low income households with children, the recipient of which are mothers. In this context, the objective of this research is to identify the obstacles and elements which facilitate women's autonomy and participation in the commune of Saint-Louis, one of Senegal's largest cities. At the same time, it examines the role the PNBSF could play in this regard. To carry out this study, a qualitative methodology was used, involving 21 participants, including 14 women from low-income households who are beneficiaries of the PNBSF grant, five agents of the NGO responsible for implementing this programme in the field and an expert from the Ministry of Health. Three focus groups and one individual interview were conducted to collect the data. The results show that women face economic, psychosocial and cultural barriers as well as political, legal and administrative obstacles. Their vulnerability also affects their health and the education of their children. The study shows that in order to empower these women, it is necessary, among other things, to build their capacity in literacy and vocational skills and to promote their access to a number of resources. The PNBSF could play a role in providing these women with training, counselling and additional financial support.

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iv

Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Remerciements ... x

Liste des tableaux ... xi

Liste des abréviations ... xii

INTRODUCTION ... 1

Chapitre 1. Problématique ... 3

1.1 Objet de l’étude ... 3

1.2 Pertinence de l’étude ... 3

1.3 Démarche documentaire ... 5

Chapitre 2. Recension des écrits... 6

2.1 La notion d’autonomisation des femmes ... 6

2.2 Autonomisation sur le plan social ... 9

2.2.1 Les violences vécues par les femmes ... 9

2.2.2 Les besoins d’éducation et de formation des femmes ... 10

2.3 Autonomisation sur le plan économique ... 12

2.4 Mesures pour favoriser l’autonomisation des femmes au Sénégal ... 16

2.4.1 Sur le plan social ... 16

2.4.2 Sur le plan économique ... 17

2.5 Le Programme National de Bourses de sécurité Familiale (PNBSF) ... 18

2.6 Présentation de la région de Saint-Louis ... 21

2.6.1 Situation géographique et démographique ... 21

2.6.2 L’économie de la région ... 22

(5)

v

2.6.4. L’accès à l’éducation et à la formation ... 24

2.7 Limites des études ... 24

Chapitre 3. Cadre d’analyse ... 25

3.1 Dimension psychosociale et culturelle ... 27

3.2 Dimension politique, légale et administrative ... 27

3.3 Dimension économique ... 27

3.4 La théorie de l’empowerment ... 28

3.5 Définition des concepts ... 29

3.5.1 Autonomisation ... 29 3.5.2 Vulnérabilité ... 30 Chapitre 4. Méthodologie ... 31 4.1 Type de recherche ... 31 4.2 Population ... 31 4.3 Échantillonnage ... 32 4.4 Modes de recrutement ... 33 4.5 Instruments de collecte ... 33

4.5.1 Guide d’entretien de groupe pour les femmes bénéficiaires de bourses ... 33

4.5.2 Guide d’entretien des intervenants de l’ONG Concept ... 34

4.5.3 Guide d’entretien individuel pour l’agent du Ministère de la Santé ... 34

4.5.4 Prétest des instruments : guides d’entretien de groupe des femmes bénéficiant du PNBSF ... 34

4.6 Analyse des données ... 35

4.7. Considérations éthiques ... 35

Chapitre 5. Résultats ... 36

5.1 Description socio-démographique et professionnelle des participants à l’étude ... 36

5.1.1 L’âge et l’appartenance ethnique des femmes bénéficiaires de bourses de sécurité familiale ... 36

(6)

vi

5.1.2 Situation matrimoniale des femmes bénéficiaires de la bourse et le nombre d’enfants

... 37

5.1.3 Occupations des femmes bénéficiaires de la bourse familiale et le montant de leur revenu individuel et familial ... 39

5.1.4 Caractéristiques socio-professionnelles des intervenants de l’ONG Concept ... 40

5.1.5 Caractéristiques socio-professionnelles de l’agent du Ministère de la Santé ... 41

5.2 Les obstacles à l’autonomie des femmes ... 41

5.2.1 Les obstacles à l’autonomie des femmes sur le plan économique ... 41

5.2.1.1 Les difficultés dans la gestion de leurs ressources ... 42

5.2.1.2 Conjoncture économique dans la commune de Saint-Louis ... 42

5.2.1.3 La pauvreté des femmes bénéficiaires de bourses de sécurité familiale ... 43

5.2.1.4 L’absence d’épargne... 44

5.2.1.5 L’accès aux financements ... 45

5.2.1.6 Le manque d’espace de travail pour les femmes bénéficiaires de la bourse ... 47

5.2.1.7 Durée limitée de la bourse familiale... 48

5.2.1.8 Manque de soutien de la part de certains conjoints ... 49

5.2.1.9 Les effets de l’environnement ... 50

5.2.2 Les obstacles à l’autonomie des femmes sur le plan psychosocial et culturel ... 50

5.2.2.1 Manque de formation et de suivi ... 51

5.2.2.2 Les difficultés d’accès aux soins des femmes et de leurs ménages... 52

5.2.2.3 Les violences vécues par les femmes ... 53

5.2.2.4 La question du respect des droits des femmes ... 54

5.2.2.5 Le manque d’organisations formelles des femmes ... 54

5.2.2.6 Restriction de la liberté des femmes pour mener leurs activités économiques . 55 5.2.3 Les obstacles à l’autonomie politique, légale et administrative des femmes... 56

5.2.3.1 Utilisation des femmes par les leaders en politique ... 57

(7)

vii

5.2.3.3 Le manque de temps et de liberté pour mener des activités politiques ... 59

5.2.3.4 Les violences subies par les femmes en politique ... 60

5.3 Les conséquences de la vulnérabilité économique des femmes dans la commune ... 60

5.4 Les répercussions négatives de la vulnérabilité économique des femmes bénéficiaires de la bourse sur la scolarisation de leurs enfants ... 61

5.5 Pistes de solutions favorisant l’autonomie des femmes ... 63

5.5.1 Solutions sur le plan économique ... 63

5.5.1.1. Éducation à la gestion financière... 63

5.5.1.2 Diversification des activités économiques et des sources de revenus des femmes ... 63

5.5.1.3 Quelques secteurs où les femmes pourraient davantage s’investir ... 64

5.5.1.4 Création d’emplois rémunérés au profit des femmes ... 65

5.5.1.5 Organisation formelle des femmes en groupements ... 66

5.5.1.6 Accompagnement et suivi des groupements ... 67

5.5.1.7 Permettre aux femmes d’acquérir des espaces de travail ... 67

5.5.2 Solutions sur le plan politique et administratif ... 68

5.5.2.1 Sensibiliser les femmes pour une meilleure prise de conscience politique ... 68

5.5.2.2 Accompagnement sur le plan administratif ... 69

5.5.3 Solutions sur le plan psychosocial et culturel ... 69

5.5.3.1 Implication des hommes dans le processus d’autonomisation des femmes ... 70

5.5.3.2 La formation des femmes bénéficiaires de la bourse familiale ... 70

5.6 Rôles du PNBSF dans l’autonomie des femmes ... 72

5.6.1 Augmentation du montant de la bourse ... 72

5.6.2 Faciliter aux femmes l’accès à des appuis financiers ... 72

5.6.3 Formation et suivi des femmes du Programme National de Bourses de Sécurité Familiale (PNBSF) ... 74

(8)

viii

Chapitre 6. Discussion ... 75

6.1 Les obstacles à l’autonomisation des femmes ... 75

6.2 Pistes de solutions proposées par les participants à l'étude ... 84

6.2.1 Formations de base en écriture, calcul et planification ... 84

6.2.2 Offre de formations plus diversifiées et suivi accru ... 85

6.2.3 Bonification des diverses formes d'appui financier ... 85

6.2.4 Emplacements adéquats ... 87

6.2.5 Création de regroupements de femmes ... 87

6.2.6 Favoriser l’engagement politique des femmes... 87

6.2.7 Sensibilisation des hommes ... 88

6.2.8 Accès à la santé et aux services sociaux ... 88

6.3 Autre piste de solution : les mesures actives de soutien ... 88

6.4 Pistes de recherche future ... 91

6.5 Forces et limites de l’étude ... 91

CONCLUSION ... 93

Références bibliographiques ... 96

ANNEXES ... 104

Annexe 1 : Avis de recrutement aux femmes bénéficiaires de bourses de sécurité familiale ... 104

Annexe 2 : Avis de recrutement aux femmes bénéficiaires de bourses de sécurité familiale version en langue Wolof ... 105

Annexe 3 : Avis de recrutement aux intervenants de l’ONG Concept ... 106

Annexe 4 : Avis de recrutement aux intervenants de l’ONG Concept version en langue Wolof ... 107

Annexe 5 : Avis de recrutement d’un agent du ministère de la Santé ... 108

Annexe 6 : Formulaire de consentement pour les femmes bénéficiaires de bourses de sécurité familiales ... 109

(9)

ix

Annexe 7 : Formulaire de consentement pour les femmes bénéficiaires de bourses de sécurité familiales version en langue Wolof ... 112 Annexe 8 : Formulaire de consentement pour les intervenants de l’ONG Concept ... 115 Annexe 9 : Formulaire de consentement pour les intervenants de l’ONG Concept version en langue Wolof ... 118 Annexe 10 : Formulaire de consentement pour l’agent du ministère de la Santé ... 121 Annexe 11 : Guide d’entretien de groupe pour les femmes bénéficiaires de bourse ... 124 Annexe 12 : Guide d’entretien de groupe pour les femmes bénéficiaires de bourse version en langue Wolof ... 128 Annexe 13 : Guide d’entretien de groupe pour les intervenants de l’ONG Concept ... 132 Annexe 14 : Guide d’entretien de groupe pour les intervenants de l’ONG Concept version en langue Wolof ... 135 Annexe 15 : Guide d’entretien individuel pour l’agent du ministère de la Santé ... 138

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Remerciements

Je remercie Allah de nous avoir donné la force et l’endurance pour terminer ce travail.

La réalisation de ce mémoire a été possible grâce au soutien de mon directeur de mémoire, Monsieur Patrick Villeneuve. Sa générosité, ses précieux conseils, sa patience, sa rigueur intellectuelle et ses encouragements ont été déterminants pour terminer ce travail qui représente une étape importante de ma carrière professionnelle.

Mes remerciements s’adressent également au Programme canadien de bourses de la Francophonie (PCBF) qui nous a facilité ce voyage d’études.

Je remercie également ma famille qui m’a accompagné pendant ce long séjour. Grâce à leur amour, je n’ai pas senti la douleur de l’éloignement. Une mention spéciale à Papa et à Maman pour leurs nombreux sacrifices. Grâce à vous j’ai pu trouver l’énergie et la motivation nécessaire pour persévérer dans la vie. Que Dieu vous garde en santé encore longtemps. Je n’oublie pas mon jeune frère Cheikh Sadibou qui a été très tôt arraché à notre affection. Ce travail t’est dédié. Tu as été un exemple pour nous tous, que le paradis soit ta demeure éternelle. Ce travail est aussi dédié à mes collègues de service et à toutes les femmes, particulièrement à celles du Programme national de bourses de sécurité familiale qui ont bien voulu participer à cette étude. Je leur témoigne ici mon admiration pour leur courage et leur optimisme.

Je ne saurai terminer sans manifester ma reconnaissance à ma femme qui a rendu douce ma dernière année par son affection et sa présence. Merci aussi pour tes relectures, tes suggestions et tes encouragements.

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Tableau d’opérationnalisation de l’autonomisation des femmes Tableau 2 : Âge et ethnie des femmes prestataires

Tableau 3 : Profil socio-démographique des femmes prestataires

Tableau 4 : Niveau de revenu des femmes prestataires et de leurs familles

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xii

Liste des abréviations

AECID : Agence Espagnole de Coopération Internationale pour le Développement BAD : Banque Africaine de Développement

CMU : Couverture Maladie Universelle

DAWN: Development Alternatives with Women for a New Era

DER/FJ : Délégation à l’Entrepreneuriat Rapide des Femmes et des Jeunes DGPSN : Délégation Générale à la Protection Sociale et à la Solidarité Nationale DSRP : Document de Stratégies de Réduction de la Pauvreté

EPPS : Enquête auprès des ménages sur la Perception de la Pauvreté au Sénégal FAO : Fonds des Nations Unies pour l’Agriculture

FONGIP : Fonds de Garantie Couverture Maladie Universelle (CMU des Investissements Prioritaires

MTPE : Micros et Très Petites Entreprises ODD : Objectifs de Développement Durables

OCDE : Organisation de Coopération et Développement Économique OIT : Organisation Internationale du Travail

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement ONG : Organisation Non Gouvernementale

ONU : Organisation des Nations Unies PIB : Produit Intérieur Brut

PNBSF : Programme National de Bourses de Sécurité Familiale PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement PSE : Plan Sénégal Émergent

RNU : Registre National Unique

SIGI : Indice des institutions sociales et de genre (SIGI) TIC : Technologie de l’information et de la communication

(13)

1

INTRODUCTION

La problématique de l’autonomisation des femmes constitue depuis ces dernières décennies une priorité pour l’Organisation des Nations Unies (ONU), les Organisations non gouvernementales (ONG) et les gouvernements nationaux. Par sa complexité, elle pose de nombreux défis aux professionnels du développement (sociologues, agents de développement local, etc.) et de la protection sociale. Les années 1970 à 1990 représentent une période charnière dans les différentes tentatives de prise en charge des questions liées à l’autonomisation des femmes. Parmi ces moments phares, on peut retenir les conférences de Mexico 1975, Copenhague 1980, Nairobi 1985 et Pékin 1995 (Nations Unies, 1996). Malgré ces efforts et les progrès effectués, vingt ans après Pékin, la situation des femmes semble encore peu reluisante. Elles sont victimes de violences (Ndiaye, Leye, & Ndiaye, 2016 ; Moghadam, 2007). Leur niveau de scolarisation reste toujours faible comparé aux hommes (Devers, 2014) et leur accès aux différentes ressources constitue un défi majeur (Groupe de la Banque africaine de développement, 2015). Les femmes vivent dans la pauvreté et ont souvent recours au secteur informel pour gagner leur vie (Affaires étrangères Commerce et Développement Canada, 2013; Groupe de la Banque africaine de développement, 2015).

Ainsi, dans le cadre de ce mémoire nous nous posons la question suivante :

Quels sont les facteurs favorables et nuisibles à l’autonomisation des femmes participant au Programme national de bourses de sécurité familiale dans la commune de Saint-Louis au Sénégal selon :

a) Les femmes recevant la bourse ?

b) Les intervenants de l’organisme non gouvernemental Concept accompagnant ces femmes ?

c) Un agent du ministère de la Santé ? Ce mémoire vise les objectifs suivants

- Identifier les obstacles liés à l’autonomisation sociale et économique des femmes à différents niveaux

- Identifier les facteurs facilitants et autres solutions possibles permettant de favoriser l’autonomisation des femmes

La présente étude s’inscrit dans le paradigme constructiviste. Ce paradigme s’intègre bien avec notre sujet de recherche puisque la façon d’appréhender et de comprendre l’autonomisation

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2

diffère selon les femmes et en fonction de leurs expériences, de leur position sociale dans la vie. Cette étude a également privilégié la théorie de l’empowerment car elle cherche à donner aux femmes et autres acteurs concernés l’occasion de partager leurs savoirs, leurs expériences dans le but de mieux appréhender la problématique en question.

Ce mémoire est divisé en cinq chapitres, soit : la problématique, la recension des écrits, le cadre d’analyse, la méthodologie, la présentation des résultats et la discussion des résultats.

(15)

3

Chapitre 1. Problématique

1.1 Objet de l’étude

Les violences basées sur le genre sont bien présentes au Sénégal. Selon une étude de l’ONU-FEMMES, menée en 2012 sur les violences faites aux femmes, 64% des cas rapportés sont des cas de viol et 17% concernent des coups et blessures volontaires. Cette étude a été réalisée entre 2006 et 2010, au niveau de huit régions sur les 14 que compte le Sénégal. Les femmes représenteraient plus de la moitié de la population sénégalaise. La majorité d'entre elles, soit 83%, évoluent dans le secteur informel avec des revenus précaires (Banque Africaine de Développement, 2010). Cette vulnérabilité des femmes serait accentuée par leur analphabétisme et leur pauvreté (République du Sénégal, 2006; Banque Africaine de Développement, 2010),elles ont de faibles revenus et ont difficilement accès aux ressources de production à cause des discriminations dont elles font l’objet (inégalités de genre) (Sarr, 1998). Plusieurs institutions internationales (Réseau du CAD sur l’égalité hommes-femmes, 2011; Groupe de la Banque africaine de développement, 2015; Banque Mondiale, 2012) reconnaissent l’utilité d’accompagner les femmes dans leur autonomisation socio-économique, pour lutter contre la pauvreté et augmenter le bien-être des familles. Ainsi, différentes tentatives d’implication des femmes dans le développement ont été initiées, mais les résultats restent mitigés (Moghadam, 2007 ; Sarr, 1998). C’est dans ce contexte que les Objectifs de Développement Durable (ODD) promulgués par les Nations Unies tentent de promouvoir l’autonomisation des femmes à travers son objectif cinq, qui vise l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Les enjeux liés à l’autonomisation des groupes vulnérables dont font partie les femmes sont une préoccupation nationale. Elle est traduite dans le document de référence en matière de politique économique et sociale de l’État du Sénégal intitulé Plan Sénégal Émergent (PSE) (République du Sénégal, 2014). Selon Thoreux (2017) même les transferts sociaux initiés ces dernières années, comme le programme de bourses de sécurité familiales, ne suffisent pas pour assurer l’autonomisation des femmes.

1.2 Pertinence de l’étude

Plusieurs raisons justifient l’importance de l’étude sur l’autonomisation des femmes. D’abord, il y a de plus en plus consensus sur le fait que si les obstacles liés à l’autonomisation des femmes sont levés, le monde peut aspirer à une croissance plus soutenue et plus durable. Une étude de la FAO (Fonds des Nations Unies pour l’agriculture, 2011) a montré que l’accès à la terre, aux moyens de production ainsi qu’aux moyens financiers, augmenterait la production agricole

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4

des femmes de 20 à 30%. Cela se traduirait également par une réduction de la faim dans le monde.

Favoriser l’autonomisation des femmes, c’est donner à ces dernières la possibilité de participer à la croissance et d’en bénéficier. L’implication des femmes à la production de la richesse au niveau national et mondial, participe au renforcement de leur pouvoir d’action et leur donne plus de contrôle et d’influence sur leur vie et leur devenir (Organisation de coopération et de développement économiques, 2011).

Dans cette même perspective le Réseau du CAD sur l’égalité hommes-femme (GENDERNET), (2011) rapporte que Bill Clinton dans son discours à l’occasion de la réunion annuelle de la Clinton Global Initiative, affirmait que :

Les femmes assument 66 % du travail effectué dans le monde et produisent 50 % de la nourriture, mais ne perçoivent que 10 % des revenus et possèdent seulement 1 % des biens fonciers. Qu’il s’agisse d’améliorer l’éducation dans le monde en développement, de lutter contre le changement climatique à l’échelle de la planète ou de quasiment n’importe quel autre problème, renforcer leur pouvoir d’action constitue un élément essentiel de l’équation (Organisation de coopération et de développement économiques, 2011, p. 6).

Dans ce sens, la problématique de l’autonomisation des femmes est reprise dans les Objectifs de développement durable (ODD) dans son objectif cinq intitulé « réaliser l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ».

L’autonomisation des femmes a un impact indéniable sur la famille. Selon l’Enquête auprès des ménages sur la perception de la pauvreté au Sénégal (EPPS-1) en 2001, 65% des ménages se considèrent comme pauvres et 23% pensent qu’ils sont très pauvres (République du Sénégal, 2002). Face à ce constat, s’investir dans l’autonomisation des femmes, qui représentent plus de la moitié de la population, devient un impératif. En effet, les femmes dépensent la majorité de leurs revenus dans la réponse aux besoins de base de la famille (Affaires étrangères Commerce et Développement Canada, 2013), ce qui se traduit généralement par une amélioration de la nutrition des enfants, de leurs résultats scolaires, de leur santé et de façon plus globale sur le bien-être de la famille. Plusieurs études dont celle de la Délégation Générale à la Protection Sociale et à la Solidarité Nationale (DGPSN) en collaboration avec les Fonds des Nations Unies pour l’agriculture (FAO) (2017), ont révélé que le Programme National de Bourses de Sécurité Familiale (PNBSF) a amélioré le revenu et la sécurité alimentaire des bénéficiaires et a diminué leur vulnérabilité face à la hausse des prix des denrées ou à une mauvaise récolte. Cependant, il demeure que le Programme a peu d’effet sur les capacités productives des ménages. Cette

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5

étude de la FAO et de la DGPSN montre la pertinence de mener des recherches dans le domaine de l’autonomisation des femmes. Ces dernières rencontrent des difficultés à épargner et pour investir dans des activités productives (Thoreux, 2017), notamment à cause de leur manque de ressources. Aussi, peu d’études ont été réalisées dans le domaine de l’autonomisation des femmes au Sénégal (Heckert & Fabic, 2013).

1.3 Démarche documentaire

Les concepts et expressions suivants ont été utilisés dans le cadre de notre recherche

documentaire. Femmes, épouse, mère/Woman, women, female, spouses, wife.

Autonomisation, indépendance, insertion, intégration/ empowerment, autonomous,

independance. Autonomisation sociale des femmes / social empowerment. Participation politique des femmes/ political participation. Autonomisation économique/ economic empowerment

La démarche documentaire s’est effectuée à partir des bases données suivantes : Social Services Abstracts, EBSCO et Ariane. Certains articles intéressants nous ont permis de repérer d’autres articles à partir de leur bibliographie. Des sites du gouvernement du Sénégal et d’organismes internationaux comme la Banque mondiale, ONU-FEMMES nous ont également permis d’élargir notre recherche.

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6

Chapitre 2. Recension des écrits

2.1 La notion d’autonomisation des femmes

D’abord, il faut reconnaître que l’autonomisation est une notion difficile à définir par sa polysémie et sa signification changeante selon les contextes socioculturels et selon les acteurs (Kabeer, 2001 cité par Moghadam & Senftova, 2005). Au regard de son importance, l’autonomisation des femmes a occupé une place centrale lors de la conférence de Beijing en 1995. Les participantes à cette rencontre étaient convaincues que le respect des droits est essentiel à l’autonomie des femmes. C’est pourquoi la question de l’égalité des sexes a beaucoup animé les débats (Nations Unies, 1996).

En effet, parmi les 17 Objectifs de Développement durable (ODD) retenus par les Nations Unies en 2015, l’Objectif cinq traite de la question de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes. Selon les ODD, l’égalité des sexes est un aspect important à prendre en compte pour arriver à l’autonomisation des femmes. Malgré les avancées obtenues d’abord avec les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ensuite avec les ODD, les femmes sont toujours confrontées à des inégalités sociales dans beaucoup de domaines (ONU-FEMMES, 2018). Sur le plan de la santé « à l’échelle mondiale, 303 000 femmes sont mortes de causes liées à la grossesse en 2015. Le taux de mortalité diminue […] lentement. Le ratio de mortalité maternelle en Afrique sub-saharienne est de 556 décès pour 100 000 naissances vivantes » (ONU-FEMMES, 2018, p. 2). Les maladies sexuellement transmissibles comme le Sida touchent plus les femmes que les hommes (0,8% contre 0,5 %) (République du Sénégal Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie, 2016).

L’éducation des filles est compromise en Afrique sub-saharienne. Elles sont moins scolarisées. 48,1% d’entre elles risquent d’abandonner l’école au cours des études contre 43% des garçons. Dans le monde une femme sur cinq vit une situation de violence soit physique ou sexuelle et en Afrique sub-saharienne les 22,3% des femmes âgés de 15 à 49 ans avaient subi des violences physiques ou sexuel de la part de leur partenaire intime (ONU-FEMMES, 2018). Pour atteindre les ODD, il est important d’éliminer les discriminations faites aux femmes et de promouvoir leur autonomie, en leur donnant la possibilité de se soigner, d’accéder aux ressources et en veillant aussi aux respects de leurs droits (Groupe de la Banque africaine de développement, 2015). L’ancien Secrétaire général des Nations Unies (ONU), Kofi Annan, considérait que la réalisation de l’égalité entre les sexes était une condition importante pour la réalisation des Objectifs de Développement Durable (Duflo, 2012).

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Pour atteindre l’autonomie des femmes, Kabeer (2005) suggère la remise en cause de certaines traditions telles que les inégalités de genre qui maintiennent les disparités entre les hommes et les femmes. D’autres conceptions complémentaires de la vision de l’autonomisation ont été avancées par des auteurs qui l’interprètent comme un « processus complexe d’accession des femmes à une pleine participation à la vie civile, politique, économique et à l’exercice des droits correspondant » (Moghadam & Senftova, 2005, p. 426). Cette définition met l’accent sur la notion de participation qui représente un aspect important dans le processus d’autonomisation des femmes. Certains ont poussé la réflexion plus loin et pensent que « les femmes ne sauraient jouir d'autonomie tant qu'elles ne pourront exercer sur leur propre corps et ses fonctions reproductives, le contrôle » ( de Koninck, 1990, p.122). Cette auteure relance le débat sur la question de l’avortement et de l’espacement des naissances qui reste un sujet d’actualité qui divise l’opinion. Au Sénégal, l’avortement est criminalisé. Il est seulement autorisé dans les cas où la vie de la mère est en danger (Guttmachers Institute, 2015). Les pratiques contraceptives demeurent faibles. En 2014, 20% des femmes mariées seulement utilisaient la contraception. Par ailleurs, la restriction de l’avortement pousse certaines femmes à le pratiquer dans la clandestinité. Il est évalué à 17 avortements clandestins pour 1000 femmes en 2012 (Guttmachers Institute, 2015). De Koninck (1990) affirme que « les femmes sont les agentes principales de leur santé. Notons, en santé reproductive, la recherche de moyens permettant de faire le choix d'être ou de ne pas être mère » (p.121). En effet, la maitrise de la natalité chez la femme peut être source d’autonomie si l'on se réfère au nombre d’heures (six à huit heures par jour) que passent les femmes pour prodiguer des soins aux maris et aux enfants en plus des lourds travaux qu’elles accomplissent quotidiennement (Lazrak, 2015).

La notion d’autonomisation ou d’« habilitation » (Le Bossé, Gaudreau, Arteau, Deschamps, & Vandette, 2002) a été souvent assimilée au terme anglais d’empowerment (Calvès, 2009 ;Charlier & Caubergs, 2007) dont le but est nottamment d’impliquer les personnes pauvres dans leur développement (Calvès, 2009; Le Bossé et coll., 2002). Selon Calves (2009), le terme empowerment remonterait aux années 60-70, mais sera surtout utilisé avec les travaux de Barbara Salomon en 1976. Cette approche serait fortement associée « à des principes, tels que la capacité des individus et des collectivités à agir pour assurer leur bien-être » (Calvès, 2009 p. 736). Au Canada, le terme autonomisation renvoie à « affiliation », « habilitation » ou « pouvoir d'agir » (Lazrak, 2015). « Une telle polysémie ajoute à la confusion plutôt que de contribuer à clarifier le terme empowerment » (Le Bossé, 2003, p. 43). On ne peut pas parler d’empowerment sans faire référence à la notion de pouvoir. Le Bossé (2003) pense que le mot

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« pouvoir » traduit de façon satisfaisante la notion d’empowerment même si dans le langage courant il renvoie plus à la domination. Cet auteur rajoute qu’on a intérêt à clarifier ce à quoi renvoie le mot pouvoir dans son utilisation pour lever toute équivoque. C’est à cet exercice que se sont livrés Charlier et Cauberg en tentant de circonscrire la notion d’empowerment. Selon Charlier et Cauberg (2007), l’empowerment est lié à quatre formes de pouvoir : le pouvoir sur, le pouvoir avec, le pouvoir de, le pouvoir intérieur. Le « pouvoir sur » renvoie à une forme de domination, la possibilité de décider à la place de la personne, d’exercer une action sur les autres en particulier si cette action leur est défavorable (Charlier & Cauberg, 2007). Ce type de pouvoir transparait dans les relations entre les hommes et les femmes dans les sociétés ou les croyances et les pratiques sociales sont de types patriarcaux (Sow, 1990). Pour l’empowerment, le « pouvoir sur » voudrait dire que, quelle que soit la situation dans laquelle se trouve la personne, elle a la capacité d’influer sur le cours des choses. Le « pouvoir avec » selon Charlier et Cauberg (2007) met en évidence la capacité des femmes à se mobiliser pour des causes, à s’organiser pour améliorer leurs conditions de femmes et réclamer leur intégration dans le développement. Le mouvement DAWN (Development Alternatives with Women for a New Era) en est une illustration (Calves, 2009). Le « pouvoir de » traduit la capacité de mener des actions, d’avoir une certaine autonomie. Ninacs (2008), abonde dans ce même sens lorsqu’il parle « d’autonomie d’action individuelle et collective, qui reconnaît aux personnes et aux communautés leur capacité à déterminer la direction du changement » (Ninacs, 2008, p. 147-148). Le « pouvoir intérieur », selon Charlier et Cauberg, (2007) renvoie à l’image que la personne a d’elle-même, la confiance qu’elle a en elle. En effet, Ninacs (2008) rappelle que l’estime de soi est une dimension importante de l’empowerment individuel au même titre que la conscience critique, les compétences et la participation. La notion d’empowerment est différemment vécue par les femmes selon les contextes social, culturel et économique. Lazrak (2015) note que l’empowerment prôné en Amérique latine est beaucoup plus contestataire que celui que l’on rencontre au Sénégal qui est plus basé sur la négociation, le respect des règles établies tout en cherchant par la ruse de devenir un acteur incontournable du système. Lazrak (2015) le qualifie par ailleurs de « révolution silencieuse ». Pour Le Bossé (2003), toute définition de la notion d’empowerment doit prendre en compte deux aspects qu’il qualifie de « pôles de changement ». Il s’agit d’un changement au niveau individuel et collectif. Selon l’auteur « l’empowerment implique la prise en compte des conditions structurelles et individuelles du changement » (p. 45).

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9 2.2 Autonomisation sur le plan social

2.2.1 Les violences vécues par les femmes

Les violences vécues par les femmes sont un phénomène présent dans les pays du nord et du sud et représentent un frein majeur au développement économique et social des femmes (Moghadam, 2007). Le bilan décennal (2006-2015) de lutte contre les violences faites aux femmes dans la région e Tambacounda au Sénégal montre l’ampleur du phénomène. L’étude a porté sur les dossiers judiciaires des femmes victimes de coups et blessures. L’âge moyen des femmes était de 26 ans (Ndiaye et coll., 2016). Des auteurs comme Blidon (2010), Ndiaye et coll. (2016) précisent que les agressions sur les femmes ont le plus souvent lieu au domicile conjugal et concernent généralement des violences sexuelles et psychiques. La plupart du temps, ces situations ne font pas l’objet de dénonciation du fait des normes sociales en vigueur dans les sociétés africaines. (Richard et coll., 2017 ; Bouatta, 2015).

Les femmes victimes de violences conjugales des situations de détresse qui peuvent les mener jusqu’au suicide. Les enfants qui baignent dans cette ambiance de violence peuvent avoir tendance à les reproduire à l’âge adulte, (Bouatta, 2015; Richard et coll., 2017). Les femmes qui subissent ces violences sont souvent peu autonome sur le plan économique et social (Moghadam, 2007). Elles vivent souvent dans la pauvreté et sont confrontées à des normes sociales très inégalitaires, favorisant moins le respect de leurs droits sociaux et économiques (Moghadam, 2007).

Au Sénégal, « l’indice des inégalités liées au genre, qui est de 0,57 en 2011, traduit la persistance de grandes disparités sociales entre hommes et femmes » (République du Sénégal, 2014, p. 10). Le classement à la 46e place sur 86 pays que lui donne l’Indice des institutions sociales et de genre (SIGI) de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) en est une illustration (République du Sénégal, 2014). Concernant l’indice d’inégalité de genre (IIG), il a été élaboré par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en 2010 pour mesurer les disparités entre les hommes et les femmes au niveau de trois dimensions (1) la santé procréative (2) l’autonomisation et (3) le marché du travail (République du Sénégal, 2014). L’indice est compris entre zéros et un. Zéro signifie qu’il y a une égalité parfaite entre les hommes et les femmes. Plus on s’approche du nombre un les inégalités entre les hommes et les femmes se creusent ce qui semble être le cas pour le Sénégal. Pour calculer l’indice d’inégalité de genre, plusieurs variables sont mises en commun. Par exemple, la santé reproductive regroupe le taux de mortalité maternelle et le taux de fécondité des adolescentes.

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S’agissant de l’autonomisation, elle est mesurée à partir du nombre de femmes au parlement, le nombre d’individus qui ont une éducation secondaire et sur le plan économique elle est déterminée à partir du taux d’activités des individus âgés de 15 ans et plus (Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), 2016). Selon le dernier rapport du PNUD sur le développement humain, le Sénégal est classé 162 avec un IDH (Indice de développement humain) faible (PNUD, 2016).

À côté de la violence physique, les femmes vivent une violence économique. Avec la pauvreté grandissante à partir des années 80, la situation économique des ménages s’est encore dégradée. La pauvreté touche plus les femmes, les expose à toutes formes de précarités et limite leurs capacités de prendre des décisions. Sans baisser les bras, « les femmes font presque tout, elles vendent ou se débrouillent pour combler la dépense ou certains trous » (Dimé & Calvès, 2006, p. 416) pour subvenir aux besoins du ménage.

2.2.2 Les besoins d’éducation et de formation des femmes

En Afrique, l’éducation reste encore un des grands défis des gouvernements. En effet, le nombre de filles qui ne vont pas à l’école primaire est estimé à 13 millions en Afrique de l’Ouest et du centre (Devers, 2014). Cet état de fait est aussi inquiétant chez les adultes puisque la majorité des plus de 15 ans ne savent ni lire ni écrire (Devers, 2014). Le manque de scolarisation des filles les contraint à rester femmes au foyer et empêche leur participation au marché du travail (Kebe & Charbit, 2007). Les mariages précoces sont également fréquents. Des filles de moins de 18 ans sont données en mariage empêchant la poursuite de leurs études et augmentant le taux de déscolarisation chez les femmes (Devers, 2014). Cette situation ne facilite pas leur accès à des emplois rémunérés (Richard & coll., 2017). Le document de stratégies de réduction de la pauvreté (DSRP, 2006) élaboré dans le cadre de la lutte contre la pauvreté au Sénégal montre que cette dernière touche davantage les ménages qui ont un niveau d’éducation faible (République du Sénégal, 2006). L’éducation des femmes présente beaucoup d’avantages. L’étude menée par Sourang, Beaudoin,et Carey-Bélanger (1998) au Sénégal a montré que la variable éducation avait une réelle influence sur la capacité d’insertion économique des femmes. Celles qui avaient un niveau d’instruction plus élevé avaient la capacité de se débrouiller seules sans l’apport de la caisse d’épargne et de crédit initié par le centre de promotion et de réinsertion sociale de Thiès.

L’éducation contribue à la capacité réflexive des femmes, augmente leur bien-être, leurs capacités de prise de décision et favorise leur indépendance socio-économique (Abrar-ul-haq,

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Jali, & Islam, 2017; Kabeer, 2005 ; Samarakoon & Parinduri, 2015). Les retombées positives de l’éducation des femmes montrent qu’elle touche les femmes elles-mêmes, leur ménage et de façon plus large leur communauté. Dans ce même ordre d’idée, Kabeer (2005) ajoute que « L'éducation semble accroître la capacité des femmes à traiter avec le monde extérieur, y compris les fonctionnaires du gouvernement et les prestataires de services de divers types» (p. 17). Favoriser l’éducation d’une fille c’est lui donner la possibilité d’être informée et d’être moins exposée aux maladies sexuellement transmissibles. Elle lui donnera la possibilité de gagner plus de revenus et de réinvestir dans sa famille. Ses enfants auront la chance de mieux grandir et de vivre plus longtemps (Lazrak, 2015). Grâce à l’éducation, elle participera plus à la prise de décision dans le ménage que dans la communauté aussi bien sur le plan social, économique et politique. Cependant, l’éducation devient profitable aux filles lorsque la notion de qualité est prise en compte dans les apprentissages (Devers, 2014). Dans cette même perspective, pour renforcer la productivité des femmes, le Malawi a misé sur l’accès des femmes à la formation, à l’information et à différents services agricoles (Groupe de la Banque africaine de développement, 2015).

Dans un monde où l’éducation joue un rôle de plus en plus important, les femmes au Sénégal enregistrent un taux d’alphabétisation de 35% comparé aux hommes qui totalisent un score de 54% selon l’enquête démographique et de santé IV de 2005 (République du Sénégal-Cellule de suivi opérationnel des programmes de lutte contre la pauvreté, 2016).Pendant la période coloniale (avant 1960) et les années qui suivirent au Sénégal, peu de femmes ont eu la chance de bénéficier de l’éducation formelle. Les formations qui leur étaient dispensées étaient destinées à mieux prendre en charge la famille (Sow, 1990). Dans ce sens, Kabeer (2005) considère que l’autonomie des femmes est limitée lorsque leur éducation ne vise qu’à renforcer leurs habiletés à mieux prendre en charge les enfants et le mari dans l’espace familial. Pour assurer l’autonomisation des femmes Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada, (2011) considère que l’éducation des femmes doit être en rapport avec les besoins du marché du travail. Dans ce sens, il considère que les formations axées sur les compétences de même que les formations techniques et professionnelles peuvent permettre aux femmes d’acquérir les connaissances nécessaires pour occuper des emplois dans des secteurs nouveaux qui ont été toujours la chasse gardée des hommes. Les formations destinées aux femmes devraient aussi tenir compte de leurs besoins. Dans ce sens, les femmes devraient être informées des possibilités qu’offre chaque formation en termes de débouchés, de revenus et de façon plus globale en termes d’emplois. La formation professionnelle constitue une composante

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importante dans le processus d’insertion des femmes dans un emploi. Cette mesure suppose aussi de disposer des informations sur les femmes en ce qui concerne leur niveau d’instruction (de Troy, 1987). Un soin devra être apporté à la pédagogie utilisée, au contenu des apprentissages et à leur pertinence en rapport avec le contexte local pour éviter le décrochage scolaire. Ainsi les apprentissages devraient préparer les femmes et les filles à acquérir des compétences à moindre coût et faciliter leur insertion vers un emploi qui rapporte des revenus (Sajeev & David, 2011).

2.3 Autonomisation sur le plan économique

L’augmentation croissante de la pauvreté des femmes affecte leur niveau d’autonomie sur le plan social et économique (Dimé et Calvès, 2006). Plusieurs raisons pourraient expliquer cette situation de pauvreté chez les femmes. Pour le cas du Sénégal, elles ont un accès limité aux emplois rémunérés (République du Sénégal, 2006). Le taux de chômage des femmes estimé à 13% en 2011 (République du Sénégal, 2014) est passé à 17,8% au deuxième trimestre de 2017 (Agence Nationale Statistique Démographie, 2017). La pauvreté renforce la dépendance des femmes et diminue leur estime de soi (Trommlerová, Klasen, & Lebmann, 2015; Moghadam et Senftova, 2005). Leur travail dans le secteur agricole et dans l’économie informelle ne leur permet pas d’acquérir des revenus consistants (Affaires étrangères-Commerce et Développement Canada, 2013; Groupe de la Banque africaine de développement, 2015). Lazrak (2015) ajoute que « Huit femmes sur dix qui travaillent en Afrique subsaharienne sont dans un emploi précaire » (p. 6). Les femmes mènent des activités génératrices de revenus qui tournent autour du petit commerce, de l’agriculture, la restauration, etc. Ces activités leur rapportent des revenus dérisoires qui excèdent rarement 50 000 FCFA (Franc de la communauté française d’Afrqiue), ce qui équivaut à environ 119 dollars canadiens. Le Groupe de la Banque africaine de développement, (2015) va dans le même sens en précisant que les femmes sont actives, mais elles sont dans des secteurs à faible rendement. Le quart de ces revenus est reversé dans l’entretien de la famille (nourriture santé, éducation, etc.) (République du Niger. Institut National de la statistique, 2012).

Aussi, la faiblesse de leur capital humain réduit leur niveau de productivité (Cosse, 1993; Sajeev & David, 2011). Les réalités sociales et économiques des pays africains font que les femmes sont obligées de passer un nombre considérable d’heures consacrées à l’entretien des membres de leur ménage (Banque africaine de développement (BAD), 2015 ; Sajeev & David, 2011). Cette charge de travail leur laisse peu de temps libre pour des activités productives hors de la maison.

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Le déficit en infrastructure plombe cruellement le développement local. Selon la Banque africaine de développement (BAD) (2015), très peu de ménages bénéficient de combustibles modernes pour la cuisine, surtout en milieu rural. À travers une étude menée dans 11 pays, seul 1% des ménages vivant en milieu rural ont ces commodités (BAD, 2015). Les femmes et les filles doivent combler ce déficit en matériel d’allègement des travaux ménagers en passant des heures à ramasser du bois pour le ménage, ainsi que 15 h à 17 h par semaine pour l’approvisionnement en eau (BAD 2015). L’incapacité des personnes à accéder à un ensemble de services jugés indispensables à leur autonomie sociale les empêche de pouvoir nourrir le rêve de sortir un jour de la pauvreté (Klein et coll., 2009). La Banque africaine de développement estime à environ 40 milliards d’heures chaque année le temps que passent les femmes rurales en Afrique subsaharienne pour approvisionner les ménages en eau (BAD 2015). L’objectif sept des ODD, soit de « Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durable et moderne, à un coût abordable », est un impératif pour la majorité des pays africains pour tendre vers la sécurité alimentaire, pour favoriser l’emploi et l’autonomisation des femmes (Avadikyan & Mainguy, 2016). Pour cet auteur 70% des ménages en Afrique sub-saharienne n’ont pas accès à l’électricité et ce taux n’arrête pas de s’agrandir puisque l’accès à ce service ne suit pas le rythme de l’augmentation de la population (Avadikyan & Mainguy, 2016). Les femmes accèdent moins aux emplois rémunérés. Pourtant, leur participation économique est considérée comme une des conditions pour réaliser leur autonomisation (Moghadam & Senftova, 2005). Face à ce désavantage par rapport aux emplois rémunérés, les femmes se sont parfois retournées vers le microcrédit comme alternative. Selon Kabeer, (1999; 2005) leur accès aux ressources de production aussi bien matérielles, que financières a un impact direct sur leur développement et celui de leur communauté. L’exemple de la caisse d’épargne et de crédit initiée par le Centre de promotion et de réinsertion sociale au niveau de la région de Thiès (Sénégal) en est une illustration. La caisse a permis à des femmes vulnérables bénéficiaires de pouvoir mener des activités économiques (Sourang et coll., 1998). Par ailleurs, beaucoup de personnes reconnaissent que le microcrédit est un puissant outil de lutte contre la pauvreté des femmes. Aussi « améliorer l’accès direct des femmes aux ressources financières revient à potentialiser les investissements sous forme de capital humain en promouvant la santé, la qualité de la nutrition et l’instruction des enfants » (Fonds des Nations Unies pour l’agriculture, 2011, p. 37). Cependant, il faut dire que l'accès aux ressources financières est une difficulté à laquelle font face les femmes pauvres comme celles du Sénégal (Groupe de la Banque africaine de développement, 2015). Leur situation ne leur permet pas de prétendre à un financement venant

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des banques commerciales, car elles n’ont pas de garantie à fournir (Groupe de la Banque africaine de développement, 2015). Dans certaines parties du monde comme l’Asie, les pratiques discriminatoires font que les femmes n’ont pas directement accès au microcrédit pour développer leurs activités. Il leur est impossible d’obtenir du crédit sans la signature du père ou du mari (Réseau du CAD sur l’égalité homme-femme, 2011; FAO, 2011). Dans sa revue de littérature, Edusei (2013) fait remarquer, à travers une étude réalisée par Idolor et Imhanlahimi (2011), que sur un échantillon de 1000 entrepreneurs, seuls un peu plus de 6% ont pu bénéficier de la microfinance.

Les femmes obtiennent les crédits à des taux d’intérêt assez élevés qui ne leur permettent pas de rembourser et de continuer à faire fructifier leur entreprise. Parfois même, elles s’endettent auprès de leurs bailleurs de fonds (Falquet, 2003). Face à une pauvreté de plus en plus présente dans les familles sénégalaises et avec une exclusion de la majorité des femmes des systèmes financiers formels, ces dernières ont apporté des alternatives en mettant en place les tontines pour sortir de l’étau qui les serre. « La tontine est une pratique répondue dans certaines communautés africaines et asiatiques, elle consiste à verser régulièrement une somme d'argent à un fond que chaque donateur peut utiliser à tour de rôle » (Lazrak, 2015, p. 118). C’est la remarque faite par Boulianne (2006) en ces termes :

On est alors en mesure de constater que la vie associative féminine n’est pas une nouveauté dans la vie des Sénégalaises qui trouvent depuis longtemps déjà dans les tontines et autres dispositifs financiers informels une manière de faire face, en situation de perpétuelle pénurie monétaire, aux nombreuses obligations familiales et religieuses qui leur incombent. Dans un contexte de crise économique généralisée où les hommes n’arrivent plus à faire face à leurs propres obligations, le poids qui repose sur leurs épaules est aujourd’hui d’autant plus lourd à porter ; elles tentent donc de plus en plus d’échapper aux obligations que la tradition faisait peser sur elles de manière à pouvoir survivre sans dépendre continuellement des autres (prêteurs, grossistes, époux, femmes plus âgées) auxquelles elles sont alors nécessairement redevables et qui profitent de leur situation pour les assujettir (p. 266).

L’étude menée par Kaoutoing et coll. (2017) sur le mode de financement des Micros et Très Petites Entreprises féminines au Cameroun (MTPE) montre que les difficultés que rencontrent les femmes pour financer leurs activités peuvent être contournées grâce au mode de financement informel. Le financement informel concerne le capital que la femme parvient à accumuler pour démarrer son activité, le soutien de la famille et des proches, mais également l’argent tiré des « tontines ». Les tontines au Sénégal ont une fonction à la fois économique, mais aussi sociale, car permettant aux femmes de financer leurs petites activités et de répondre à des besoins sociaux divers (Lazrak, 2015). Les femmes pour autant ne délaissent pas

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totalement la possibilité d’obtenir du crédit auprès des institutions financières formelles. Cette alliance entre financement formelle et informelle leur permet de tirer leur épingle du jeu (Kaoutoing et coll. 2017). Ces auteures précisent que les femmes préfèrent de loin le mode de financement informel qui offre plus de souplesse et n’exige pas par ailleurs, la tenue d’une comptabilité (Kaoutoing et coll., 2017 ; République du Niger. Institut National de la statistique, 2012). À l’instar du Cameroun, le Sénégal aussi rencontre les mêmes défis en termes d’accès des femmes aux sources de financement. Dans ce sens, Dr Foukam, qui est un économiste camerounais a mis en place, dans les années 90, une banque communautaire dans son pays d'origine qui facilite l’accès au crédit aux plus démunies grâce aux épargnes collectées auprès de la communauté(Lekane, 2003). Cette banque est dénommée Mutuelle communautaire de croissance (MC2). Son originalité repose sur le fait que les communautés sont les acteurs principaux du système. Les types de garanties demandées aux mutualistes tiennent compte des réalités socio-culturelles des communautés.

Il faut aussi signaler que l’octroi de financement aux femmes ne garantit pas à lui seul l’autonomisation économique. L’accompagnement par des formations en gestion et des formations visant à faire prendre conscience de leurs droits permet d’avoir une meilleure maitrise des ressources (Réseau du CAD sur l’égalité homme-femme (GENDERNET), 2011). Des auteurs comme Edusei (2013) ont aussi montré que les pauvres ne profitent pas toujours des bienfaits attribués à la microfinance. Certains en sont exclus et d’autres n’en ressentent pas les effets. L’analyse des impacts du microcrédit au Sénégal a montré des impacts négatifs auprès de certaines bénéficiaires dans les régions de Kolda, Kédougou, Fatick, Kaolack, Louga et Saint Louis (République du Sénégal Cellule de Suivi Opérationnel des programmes de lutte contre la pauvreté, 2016).

L’Organisation internationale du Travail (OIT) (2006), sensible aux groupes vulnérables et plus particulièrement aux femmes, rappelle que « dans un contexte d’une politique globale de l’emploi, les Membres devraient adopter des mesures pour répondre aux besoins de toutes les catégories de personnes qui ont fréquemment des difficultés à trouver un emploi durable, telles que certaines femmes [… ] » (p. 83). Dans ce même chapitre intitulé « Promotion de l’emploi », cette organisation ajoute que « la politique nationale de l’emploi devrait tenir compte de l’importance des petites entreprises comme source d’emplois et reconnaître la contribution à la lutte contre le chômage et à la croissance économique des initiatives locales créatrices d’emplois » (p. 79).

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2.4 Mesures pour favoriser l’autonomisation des femmes au Sénégal

Plusieurs mesures allant dans le sens de favoriser l’autonomie des femmes ont été prises par le gouvernement du Sénégal. Ces mesures sont détaillées dans les sections suivantes.

2.4.1 Sur le plan social

Le Sénégal a souscrit à de nombreuses conventions internationales pour renforcer la protection des femmes et leur participation à la vie politique. À titre d’exemple, le Sénégal a adhéré à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui consacre l’égalité entre hommes et femmes. L’État du Sénégal a aussi ratifié la convention des Nations Unies de 1979 sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes. Il a adopté le Code de la famille en 1972 (entrée en vigueur en 1973), un Secrétariat à la condition féminine fut créé en 1978 (Sow, 1990 ; Gueye, 2013). Plus récemment en 2010, on assiste à l’adoption de la Loi sur la parité qui favorise la participation des femmes sur le plan politique au même titre que les hommes (Gueye, 2013). Ces différentes initiatives vont faire évoluer légèrement le niveau de représentativité des femmes dans les instances de décision (Sow, 1995; Gueye, 2013). La plupart de ces conventions ont par la suite été intégrées dans le dispositif juridique national pour que leurs applications soient effectives afin de garantir plus d’équité dans les relations hommes et femmes (Sow, 1990 ; Gueye,2013). Cependant deux difficultés majeures peuvent être relevées. D’abord l’application de ces textes juridiques pour favoriser la protection des femmes pose parfois un problème, à cause de certaines normes sociales très ancrées (Sow, 1990 ; Gueye, 2013). À titre d’exemple, nous pouvons citer l’adoption du Code de la famille qui a connu une vive opposition des familles religieuses au Sénégal (Sow, 1990). Malgré l’existence de certains textes de loi et programmes destinés aux femmes, ces dernières les ignorent dans leur grande majorité. Les femmes ont peu d’information sur les politiques publiques. De la même manière, elles disposent de peu de connaissances sur leurs droits et devoirs au sein de structures comme les collectivités locales (Gueye, 2013). Ce manque de « compréhension des femmes de leurs droits est surtout visible avec l’exemple de la parité [dans la participation aux instances électives] dont le concept n’est pas compris de la majorité des Sénégalaises et des Sénégalais » (Gueye, 2013, p. 83).

La participation politique des femmes au Sénégal est garantie par l’article sept de la Constitution sénégalaise qui mentionne « l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions électives » (Gueye, 2013, p. 13). De 1978 à 1993, le nombre de femmes députées est passé de huit à 11 sur environ 110 parlementaires (Sow, 1997). Même si la participation des

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femmes est inscrite dans les textes, elle se traduit difficilement dans la réalité. Les femmes sont souvent appelées à jouer les seconds rôles dans les grands rassemblements en assurant l’animation festive (Gueye, 2013 ; Grassin, 2016). Les femmes sont surtout appréciées par leur capacité de mobilisation (Gueye, 2013). Cette qualité, si elle fait leur force, ne leur permet pas d’avoir une visibilité et une reconnaissance au sein de ces instances politiques. Le constat de Sow (1997) traduit ainsi la réalité des femmes dans le monde politique: « un rapide survol des institutions politiques sénégalaises montre d’une part la présence et la participation effectives des femmes comme masse de manœuvres dans la vie politique, et d’autre part leur marginalisation dans les instances de décision » (Sow, 1997, p. 2). Lorsque certaines d’entre elles parviennent aux instances de décisions, c’est une véritable prouesse comme le remarque Sanankoua (2004) au Mali où «la représentation est tellement faible qu’en 1997, lorsque 18 femmes furent élues députées sur 147, les Maliens ont parlé de féminisation du Parlement. » (Sanankoua, 2004, p. 145). « Quels que soient les pays pris en considération, les femmes participent peu à la vie politique et peu de femmes occupent des postes parlementaires ou municipaux » (Lachaud, 1997, p. 81). Pour améliorer leur sort socialement et économiquement, les femmes doivent s’engager politiquement (Duflo, 2012).

2.4.2 Sur le plan économique

Pour faire face aux difficultés de financement et d’encadrement rencontrées par les Sénégalaises et les Sénégalais, l’État du Sénégal a mis en place différentes institutions pour apporter des solutions. En effet, au Sénégal le constat est que les banques s’intéressent aux grandes entreprises et ne prennent pas en compte les besoins des petites et moyennes entreprises en termes d’accès au crédit. Les délais de remboursement s’échelonnent le plus souvent dans le moyen terme (au plus 10 mois), ce qui ne permet pas aux femmes d’avoir le temps nécessaire pour accumuler des ressources et de rembourser (République du Sénégal-Fonds de garantie des investissements prioritaires, n.d.-a)

Pour corriger cet impair, le FONGIP (Fonds de Garantie des Investissements Prioritaires) finance les institutions de micro crédit afin qu’elles financent à leur tour les femmes, les jeunes, les groupements porteurs de projets ainsi que les micros, petites et moyennes entreprises (République du Sénégal-Fonds de Garantie des Investissements Prioritaires, n.d.-b). Ces dernières années, les programmes ciblent à la fois les jeunes et les femmes qui sont les personnes les plus touchées par le chômage et la pauvreté au Sénégal. Beaucoup de programmes dont le FONGIP, la DER/FJ (Délégation à l’Entrepreneuriat Rapide des Femmes et des Jeunes) sont chargés, entre autres, de faciliter le financement de ces personnes et de les accompagner

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dans leurs activités d’entrepreneuriat. Dans ce sens, le FONGIP a mis en place un fonds de garantie et d’investissements dédiés aux PME (Petites et Moyennes Entreprises), aux groupements de femmes et aux jeunes. Il a pour mission d’œuvrer pour l’accès au crédit des femmes et des jeunes et de favoriser leur développement économique et social. Ce Fond a été créé par décret depuis 2013.

La Délégation à l’Entrepreneuriat Rapide destinée aux femmes et aux jeunes (DER/FJ) a été créée en 2018 pour financer les porteurs de projets pour un montant de 30 milliards de FCFA dans les secteurs prioritaires suivants : aagriculture, pêche, élevage, artisanat, économie numérique et TIC (Technologie de l’information et de la communication), tourisme et industries culturelles, transport et logistique. La DER/FJ, vise également la promotion de l’emploi des jeunes et des femmes afin de les sortir de la pauvreté en les accompagnant dans le financement et le renforcement de capacités. Cette institution intervient sur toute l’étendue du territoire (République du Sénégal. Délégation à l'Entrepreneuriat Rapide des Femmes et des Jeunes). Au Sénégal, pour venir à bout de la pauvreté des personnes vulnérables notamment des femmes, le ministère de la Famille à travers sa cellule de Suivi des programmes de lutte contre la pauvreté a mis en place un programme semblable au Programme de bourses de sécurité familiale dénommé bourse économique. Ce programme vise l’accompagnement des personnes ciblées par des activités génératrices de revenus. Il a été lancé en 2016 et concerne les régions de Louga, Matam et Saint-Louis. Il compte enrôler 5201 bénéficiaires (répartis dans les différentes communes des trois régions : Louga, Matam, Saint-Louis) pour la première cohorte. Des ménages du PNBSF de 2015 ayant une activité économique ont été ciblés (République du Sénégal Cellule de Suivi Opérationnel des programmes de lutte contre la pauvreté, 2016). Cette initiative vise à renforcer les actions du Programme national de bourses de sécurité familiale non pas dans une logique assistancielle, mais plutôt promotionnelle et de responsabilité (Prieur, 2007) pour les aider à sécuriser leur revenu et à sortir du cercle vicieux de la pauvreté.

2.5 Le Programme National de Bourses de sécurité Familiale (PNBSF)

La situation économique difficile des dernières années au niveau international n’a pas manqué d’avoir des répercussions sur les conditions de vie des Sénégalaises et des Sénégalais. En effet, les crises pétrolières et surtout financières qui ont touché toute l’Europe ont secoué de façon profonde les efforts de développement entrepris par l’État du Sénégal. À cela s’est ajouté le déficit pluviométrique en 2006 et 2011. Ces différents évènements ont entrainé la hausse des prix des denrées de première nécessité en 2008 au niveau national, rendant davantage

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vulnérables les ménages pauvres (République du Sénégal Délégation Générale à la Protection Sociale et à la Solodarité National, 2017). Le Sénégal fait partie des pays en développement. Le taux de personnes vivant en dessous du seuil d’extrême pauvreté a été réduit ces dernières années, mais reste encore important. Entre 2005-2006, le nombre de personnes vivantes sous ce seuil était de 48,7% et en 2011 il est estimé à 46,7% (Dia, 2016). Ceci montre que la pauvreté persiste encore. Il y a une forte disparité entre le milieu urbain et le milieu rural en termes de développement et d’accès aux services sociaux de base (Dia, 2016). Depuis la deuxième alternance politique, le Plan Sénégal Émergent (PSE) est devenu le document de référence en matière de politique économique et sociale au Sénégal. La protection sociale occupe une bonne place dans la vision du PSE. Son axe deux est exclusivement dédié à la protection sociale (République du Sénégal, 2014). Cette volonté est traduite par la mise en place du Registre National Unique (RNU), qui est une base de données où est enregistrée la quasi-totalité des personnes pauvres du Sénégal. À côté du RNU nous avons le Programme National de Bourses de sécurité familiale (PNBSF). Ce Programme, destiné aux ménages vivant dans l’extrême pauvreté, a réalisé son objectif de 300 000 ménages bénéficiaires à atteindre en 2017.

L’objectif du PNBSF est de participer à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale des ménages pauvres et vulnérables grâce à un programme de transfert monétaire conditionnel à la présence des ménages aux séances de sensibilisation, relative à la santé ainsi qu’à l’éducation des enfants afin de renforcer le développement du capital humain et d’endiguer la transmission intergénérationnelle de la pauvreté. Ce type de programme, qui mise sur le développement du capital humain, ressemble à ce que Jenson (2009) appelle « l’investissement social ». Il vise à favoriser l’inclusion sociale, à réduire la pauvreté cyclique et à outiller la population à occuper de potentiels emplois (Jenson, 2009). Cette dernière pense que pour être efficace dans la gestion et le développement de ce type de programme, l’État ne doit pas simplement s’arrêter à régler les problèmes des populations au quotidien, il doit aussi s’atteler à investir sur les générations futures pour leur assurer un avenir meilleur. D’autres pays ont mis sur pied des programmes de transferts sociaux en nature ou en espèces en vue d’endiguer la pauvreté dans les familles. Par exemple, il y a la « Bolsa Familia » au Brésil, « Oportunidades » au Mexique et « Chile Solidario » au Chili.

L’évaluation du Fond des Nations Unies pour l’agriculture (FAO) de sept programmes de transferts sociaux non conditionnels en Afrique sub-saharienne a montré l’impact productif de ce type de programme sur le plan social, économique, et dans la lutte contre la pauvreté (Fonds des Nations Unies pour l’agriculture, 2016). Plusieurs évaluations menées sur la « Bolsa

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Familia » ont montré l’impact positif des transferts conditionnels liés à la santé et à l’éducation (Mourão & Jesus, 2012). Cet auteur montre aussi que les spécialistes des questions de protection sociale ne sont pas d’accord s’il faut ou non imposer des conditionnalités aux bénéficiaires. Les tenants de programmes non conditionnels pensent que l’éducation, la santé, le fait de manger à sa faim sont des droits reconnus à la personne dont l’accès ne devrait être assujetti à aucune conditionnalité et l’État a l’obligation de les assurer. Pour les autres les conditionnalités sont des incitatifs qui encouragent les bénéficiaires à accéder à leurs droits sociaux et ne constituent en aucun cas des moyens de pression vis-à-vis des bénéficiaires (Mourão & Jesus, 2012). Le Programme National de bourses de sécurité familiale s’intéresse à tous les ménages pauvres inscrits dans le Registre National Unique (RNU). Ce ciblage est réalisé à travers trois étapes. D’abord, il y a le ciblage géographique qui consiste à identifier les zones les plus pauvres du pays grâce à l’appui de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie. Ensuite, il y a le ciblage communautaire qui implique la participation des communautés dans l’identification des ménages les plus pauvres en leur sein. Enfin une enquête est faite auprès de ces ménages présélectionnés sur toute l’étendue du territoire, pour ensuite les classer (scoring) selon leur degré de pauvreté, c’est-à-dire du plus pauvre au moins pauvre et en fonction des quotas fixés par l’État pour chaque commune. La phase pilote a débuté en 2013 et 50 000 ménages bénéficiaires avaient été identifiés de même que l’année qui suivit. La cible des 300 000 a été atteinte en 2016.

La durée des bénéficiaires dans le programme de bourses est fixée à cinq ans. En 2017, une stratégie de sortie des bénéficiaires du Programme est adoptée. Les ménages qui ne vivent plus dans l’extrême pauvreté doivent être sortis après évaluation et ceux dont la situation reste toujours précaire sont maintenus dans le programme (Manuel des opérations du Programme National de Bourses de Sécurité Familiale, 2017). Les modalités concrètes demeurent cependant à préciser. Parmi les stratégies envisagées figure la possibilité de refaire les enquêtes pour les ménages qui doivent sortir afin de comparer leur situation à leur entrée dans le programme et au moment de leur sortie. Beaucoup de personnes pensent que les transferts sociaux en espèces créent de la dépendance et de la paresse chez les bénéficiaires au lieu de favoriser leur autonomie Kerstenetzky (2009) cité par Mourão et al. (2018). Cependant, Medeiros et al. 2007 ; Tavares, 2010 cités par Mourão & Jesus, (2018) montrent que le montant des transferts améliore les revenus des femmes certes, mais ne les met pas à l’abri du besoin donc elles sont obligées de travailler.

Figure

Tableau 1 : Tableau d’opérationnalisation de l’autonomisation des femmes
Tableau 2 : Âge et ethnie des femmes prestataires   Âge  des
Tableau 3 : Profil socio-démographique des femmes prestataires  Diplôme  obtenu  Situation  matrimoniale   Nombre  d’enfants  à charge
Tableau 4 : Niveau de revenu des femmes prestataires et de leurs familles  Occupation sur le marché
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Références

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