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Chapitre 6. Discussion

6.2 Pistes de solutions proposées par les participants à l'étude

Les participants à l’étude ont proposé des solutions que nous allons analyser davantage dans cette partie. Elles peuvent être regroupées de la façon suivante. Il s’agit de suggestions touchant à la fois les domaines économique, social et politique.

6.2.1 Formations de base en écriture, calcul et planification

La formation de base en écriture et calcul semble être une mesure importante pour accompagner les femmes vers leur autonomie. Sans ces connaissances de base, il serait difficile pour les femmes bénéficiaires de bourse familiale de suivre quelques cours théoriques sur les formations qui seraient dispensées (Wohnlich, 2011). L’éducation financière a également été identifiée comme faisant partie des éléments qui permettraient aux femmes bénéficiaires de la bourse d’atteindre l’autonomie économique. L'Assemblée des premières nations pour les secteurs de la santé et du développement social (2012) considère ces compétences de base en calcul et en écriture essentielles pour prétendre à un emploi. « Investir dans l’éducation des femmes offre à celles-ci de plus grandes chances de trouver un emploi et de générer des revenus, et augmente le coût d’opportunité de leur temps d’activité économique par rapport à l’éducation de leurs enfants » (Akinboade, 2008 p. 294). Pour les participants cette formation permettrait aux femmes bénéficiaires de la bourse familiale de mieux gérer leurs activités sur le plan financier, d’éviter les gaspillages et d’être sensibilisées sur l’intérêt de l’épargne. En effet, les compétences en calcul de base et lecture permettraient aux femmes de gérer leurs activités de façon autonome et de tenir une petite comptabilité lorsqu’il s’agit d’activités qui durent dans le temps. En effet, OXFAM (2017) identifie le manque de compétences, le faible niveau d’alphabétisation des femmes comme des facteurs qui empêchent les femmes d’accéder aux « actifs, aux services et opportunités économiques ».

Depuis quelque temps, le Programme national de bourses de sécurité familiale initie les femmes bénéficiaires de la bourse familiale à l’éducation financière et à l’épargne. Cette formation est en phase test avec quelques bénéficiaires dans des départements qui ont été ciblés. Cette formation en gestion de leurs activités répond à un besoin qui a été identifié aussi bien par les femmes elles-mêmes, par les intervenants de l’ONG Concept et par le travailleur social du Ministère de la Santé. Donc, elle mériterait une attention particulière de la part du Programme. À ce niveau, des personnes qui maîtrisent les techniques de l’éducation des adultes devraient

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être engagées comme facilitateurs. Cependant, les études de Sourang et collègues (1998), rappellent que les caisses d’épargne semblent être plus utiles aux femmes qui n’ont aucune éducation, car les autres avec ou sans les caisses d’épargne arrivent à se débrouiller.

6.2.2 Offre de formations plus diversifiées et suivi accru

À côté de cette formation, les femmes souhaiteraient avoir des formations qui leur assurent des compétences techniques par rapport à l’activité qu’elles voudraient exercer. En effet, le savoir- faire pourrait les aider à mieux s’insérer dans le tissu économique. Dans ce sens, elles ont identifié quelques filières qu’elles pourraient mettre à profit. Il s’agit de la transformation du poisson, des céréales locales, de la couture, de la teinture, etc. Sajeev et David (2011) dans leur étude menée en Inde montrent que les compétences techniques permettent aux femmes d’accéder à des emplois. Malhotra & Schuler (2002) retiennent d’ailleurs l’éducation, l’alphabétisation et la formation comme des éléments qui participent à l’autonomie des femmes. Les autres participants comme le travailleur social et les intervenants de l’ONG Concept souhaiteraient que les femmes aillent vers la diversification de leurs activités économiques et ne se limitent plus à la transformation des céréales locales. Cette notion de diversification ressort également dans l’étude de Sajeev et David (2011), qui considèrent que les femmes doivent explorer d’autres métiers et étendre leurs choix professionnels. À ce propos quelques domaines d’activités ont été proposés. Il s’agit du maraîchage, de l’aquaculture, de l’aviculture, de l’hébergement temporaire pendant les manifestations culturelles. Ils proposent aussi que les femmes améliorent davantage la qualité des produits qu’elles mettent sur le marché. En rapport avec ces propositions plusieurs structures étatiques ou locales existent et pourraient accompagner davantage les femmes. À ce sujet, on peut citer l’Agence nationale de l’aquaculture qui a une antenne à Saint-Louis, le Centre horticole, l’École nationale d’élevage, les centres de formation professionnelle des filles. Toutes ces structures pourraient être mises à contribution dans le cadre de l’accompagnement des femmes qui le désireraient.

6.2.3 Bonification des diverses formes d'appui financier

Les femmes bénéficiaires de bourses familiales souhaiteraient que ces formations soient accompagnées par d’autres mesures qui leur permettraient de profiter pleinement de ces nouvelles compétences. Pour trouver une solution durable à leur problème de financement de leurs activités, les femmes font trois propositions :

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1. Adoption de conditions plus souples concernant l’octroi du micro-crédit aux femmes démunies à défaut d’aller vers un rapport de force en boycottant les institutions concernées ;

2. Que le PNBSF fournisse des appuis par groupe de 10 personnes aux femmes récipiendaires de la bourse, qui serviront de fonds de roulement ;

3. Que le PNBSF augmente le montant alloué aux bénéficiaires.

Toutes ces propositions formulées par les femmes bénéficiaires de la bourse familiale nous semblent intéressantes. Cependant, chacune d’elle devra être regardée de près avant de l’adopter comme alternative.

L’appel au boycott des institutions de micro-finance non adaptées aux femmes a toute sa pertinence, car près de 70% des clients de ces structures à Saint-Louis sont composés de femmes (République du Sénégal Cellule de Suivi Opérationnel des programmes de lutte contre la pauvreté, 2016). Cette stratégie pourrait potentiellement représenter un moyen de pression efficace face aux banques commerciales. Pour la mettre en œuvre, elle nécessiterait une sensibilisation des femmes qui utiliseraient ces institutions et une bonne mobilisation pour mener des actions dans ce sens. Si elles s’engagent dans cette voie, d’autres alternatives pour obtenir du crédit devront être trouvées en attendant d’avoir gain de cause. Cette proposition montre que les femmes ont conscience de leur force et de leur potentiel lorsqu’elles se mettent ensemble. Cette proposition des femmes met en valeur aussi leur « conscience critique ». Comme nous le rappelle Ninacs (2008), avoir la conscience critique c’est une façon de pousser la réflexion pour analyser le problème de façon profonde en le mettant en contexte.

La seconde proposition rejoint le modèle mis en œuvre par OXFAM (2017) pour pérenniser l’appui aux financements des jeunes et des femmes dans le cadre de leur autonomisation économique.

La dernière proposition fait un large consensus. Il serait intéressant de voir la possibilité d’augmenter le montant de la bourse. L’étude du Programme des Nations Unies pour l’alimentation (FAO), (2017) en collaboration avec le Programme de bourse familiale constatait que la bourse ne permettait d’assurer que partiellement les besoins nutritionnels de la famille. Mourão et Jesus, (2018) dans leur analyse du Programme de « Bolsa Família » au Brésil proposaient eux aussi une augmentation du montant du transfert jugé faible.

Les femmes pensent aussi que le programme de bourses familiales devrait les appuyer pour mener des activités économiques. Deux raisons pourraient être avancées, d’abord comme on

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l’a vu un peu plus haut les femmes voudraient mener des activités économiques, mais leur vulnérabilité les empêche de le faire. La seconde raison est que les femmes savent que le Programme à une durée déterminée et pour sortir de leur situation elles devraient avoir des activités pérennes et rentables. On constate une volonté et une détermination à vouloir changer les choses de la part des femmes. Cette prise de conscience peut faciliter les interventions futures du Programme dans le cadre de l’autonomisation économique des femmes bénéficiaires de la bourse. Dans ce sens, le Programme de bourses a initié des actions en accompagnant certaines femmes par des appuis financiers. Ces initiatives sont en phase test et ne sont pas encore étendues à beaucoup de bénéficiaires. Une piste connexe a été proposée par le travailleur social du Ministère de la Santé. Il s’agit de compter sur la responsabilité sociale des entreprises pour sponsoriser certaines activités économiques des femmes bénéficiaires de la bourse familiale. Cette proposition est à explorer, car elle peut être une opportunité pour les femmes de voir leurs activités financées grâce aux subventions que ces structures peuvent donner.

6.2.4 Emplacements adéquats

Bolnick (1992) cité par Akinboade, (2008) considère que « les femmes ont besoin d’emplacement adéquat pour mener des activités économiques » (p. 280). Trouver des espaces pour permettre aux femmes bénéficiaires de la bourse familiale de mener leurs activités est une problématique essentielle. Plusieurs avantages pourraient en être tirés. D’abord, ces espaces permettraient aux femmes de mener leurs activités et de faire leurs rencontres. Elles permettraient de garantir la qualité et la visibilité de leurs produits.

6.2.5 Création de regroupements de femmes

La nécessité d’organiser les femmes est souvent revenue pour leur permettre de mener des activités ensemble et de pouvoir bénéficier de financement. En effet, dans une perspective d’empowerment communautaire, il serait bénéfique pour les femmes de pouvoir s’organiser. Ninacs (2008), identifie quatre conditions pour réaliser l’empowerment communautaire. D’abord, il faudra une participation des femmes dans les organisations. Ensuite, il leur faudra développer des compétences en utilisant les ressources du milieu. Une communication permanente est nécessaire pour créer une dynamique de groupe et une transparence dans les actions. Le dernier point sera de susciter la solidarité entre les femmes.

6.2.6 Favoriser l’engagement politique des femmes

Sur le plan politique, selon les intervenants de l’ONG Concept et le travailleur social qui ont participé à l’étude, pour arriver à une meilleure implication des femmes, il faudrait davantage

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les sensibiliser. L’engagement politique des femmes à Saint-Louis ne devrait plus être influencé par les politiciens. La sensibilisation pourrait permettre de réduire la corruption déguisée des hommes à l’égard des femmes en politique et de pouvoir défendre l’intérêt des femmes. Pour avoir plus de femmes dans les instances de décision, les femmes bénéficiaires de la bourse proposent de soutenir les candidatures féminines au moment des élections pour que leurs préoccupations puissent être prises en compte.

6.2.7 Sensibilisation des hommes

L’implication des hommes dans le processus d’autonomisation des femmes est importante à plusieurs niveaux. Les hommes en tant que chefs de famille jouent un rôle décisif dans les prises de décisions dans les ménages et dans la société. Leur implication et leur soutien pourraient favoriser la réussite des femmes. Les hommes devraient être sensibilisés par rapport à ces enjeux.

6.2.8 Accès à la santé et aux services sociaux

Enfin d'autres mesures de soutien pourraient être offertes dans le domaine de la santé et de l’aide sociale. L’accès des femmes bénéficiaires de la bourse et de leur famille à des soins de santé semble être un aspect important qui pourrait participer à l’autonomie de ces femmes. Des mesures visant à promouvoir la sécurité alimentaire et nutritionnelle des familles des femmes bénéficiaires de bourse pourraient aussi favoriser leur autonomie. Parmi les mesures, l’accès au logement serait également un facteur important. L’exemple du Brésil montre que la prise en charge de ces besoins fondamentaux permet par la suite de prendre en compte d’autres éléments qui favoriseraient leur autonomie (Mourão & Jesus, 2012).