• Aucun résultat trouvé

Chapitre 5. Résultats

5.2 Les obstacles à l’autonomie des femmes

5.2.2 Les obstacles à l’autonomie des femmes sur le plan psychosocial et culturel

5.2.3.2 Faible prise de conscience des femmes de leurs rôles en politique

La faible participation des femmes en politique est due à plusieurs facteurs. On peut constater que certaines participantes pensent que les femmes elles-mêmes ne sont pas convaincues qu’elles puissent avoir des ambitions politiques pour occuper des postes de responsabilités au niveau national ou local. Les femmes se rivalisent entre elles et acceptent difficilement le leadership féminin. Cette participante souligne cette forme de rivalité en ces termes : « sur ce plan, ce sont les hommes qui nous dirigent et c’est eux qui nous indiquent la voie à suivre et prennent les décisions à notre place. Si une femme voulait être Maire, par exemple, je ne parle même pas des hommes, mais ce sont les femmes qui seraient les premières à la pointer du doigt. Certaines iront jusqu’à dire celle-là elle se prend pour qui » (F9).

Ce comportement montre que les femmes pensent qu’elles doivent être toujours derrière les hommes, et ce, même si aujourd’hui, on voit de plus en plus de femmes diriger des collectivités locales au Sénégal.

Une autre femme bénéficiaire de la bourse ajoute que « l’un des problèmes qu’ont les femmes sur le plan politique c’est qu’il y a une grande rivalité entre elles. Aucune femme n’accepte que l’autre la dirige. Ainsi se pose un problème de leadership à leur niveau » (F14).

De plus, certains considèrent que les femmes ne s’intéressent pas beaucoup à la politique. Elles militeraient parce qu’elles auraient un voisin ou un parent qui leur demanderait de les soutenir

58

sur le plan politique. Certains pensent même qu’« au Sénégal, les femmes en entrant en politique n’ont pas une idée claire de ce qu’elles veulent faire » (I6). Un autre participant ajoute qu’à Saint-Louis « l’implication politique des femmes est souvent influencée par les relations sociales qui les lient à un leader politique. Leur engagement politique n’est pas basé sur les bénéfices que les femmes ou la communauté en général pourraient en tirer comme avantages » (I3).

Pour mobiliser les femmes, les leaders politiques leur donnent des pagnes ou de l’argent. Cette attitude est décriée par certains participants qui considèrent que c’est une façon de détourner les femmes et de les orienter sur le plan politique. L’argent que distribuent les leaders aux femmes est perçu comme une source de discorde entre elles. Cette forme de corruption serait encore une occasion pour les hommes de maintenir leur suprématie sur les femmes. Les propos de beaucoup de participants illustrent cela : « quand un politicien donne de l’argent aux femmes, cela peut créer des malentendus et des conflits au sein du groupe. Cela peut aussi changer les idéaux de ces femmes » (I2). Cette participante bénéficiaire de la bourse familiale ajoute que « les hommes n’ont besoin de nous que pour remplir leur bus pendant les manifestations, en nous donnant de l’argent, des t-shirts ou des tissus […], mais avec la corruption, il arrive que des candidats viennent avec de l’argent pour dévier les femmes du choix qu’elles avaient fait auparavant » (F9).

Une autre stratégie qu’utiliseraient les hommes politiques pour faire adhérer les femmes à leurs causes est d’user de promesses sans lendemain pour les convaincre. « Les hommes qui nous sollicitent à Saint-Louis dans le cadre politique nous font beaucoup de promesses. Ce que nous remarquons en retour lorsqu’ils arrivent au pouvoir, ils privilégient leurs proches et nous laissent de côté. Et nous restons là en train d’espérer » (F14).

Cette participante (F9) est d’avis que les femmes encouragent dans une certaine mesure l’instrumentalisation des femmes en politique. Pour elle, leurs comportements favorisent le développement de ces pratiques qui constituent des entraves à l’évolution des femmes en politique.

S’il y’avait moins de corruption aussi dans la politique, les femmes pourraient devenir plus autonomes sur ce plan. Il faut dire aussi que ce sont les femmes qui encouragent cette pratique, car si un leader politique vient rendre visite à des femmes après son départ, la première chose que nous les femmes demandons c’est combien d’argent nous a-t-il laissé ? L’argent que les femmes reçoivent est souvent l’objet de discorde entre les femmes, car chacune d’elles s’attend à recevoir sa part (F9).

59

Cette participante pense que la participation des femmes en politique est plus théorique que pratique. Même si la parité a été votée pour corriger les disparités constatées en ce qui concerne l’intégration des femmes dans les postes électifs, on remarque une surreprésentation des hommes comparés aux femmes.

« L’autre problème c’est que dans les organisations politiques, on parle d’intégration des femmes, mais dans les instances si tu vois vingt hommes, à côté tu auras deux femmes et ça fait mal. Cette intégration n’est que de nom. Elle est moins visible dans la pratique. C’est ce qui fait que les hommes nous dominent… Ce sont les femmes qui élisent les hommes. Et pourtant les hommes ont plus de pouvoir que les femmes sur le plan politique » (F14).

En réalité, les femmes qui arrivent à s’intégrer sur le plan politique sont en général celles qui ont eu la chance d’aller à l’école. « Celles qui ont eu la chance de faire des études poussées sont celles dont la voix compte dans les instances politiques. Sinon les autres sont là pour le folklore, la mobilisation et l’animation. Les femmes qui ont des responsabilités dans les partis politiques sont minimes comparées aux hommes […] La raison principale c’est qu’elles n’ont pas fait d’étude qui leur permet d’occuper certaines responsabilités » (TS).