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PRATIQUES PHYTOSANITAIRES ET OUTILS D’AIDE A LA DECISION

Encadré 3. Les différents niveaux sp atiaux d’investigation envisagés

3.1. Modélisation des exploitations agricoles

3.1.1. Programmation mathématique appliquée à l’économie agricole

Dès les premiers jours de leur apparition, les méthodes quantitatives ont joué un rôle crucial dans

l’économie agricole. Leur champ d’application a été naturellement contraint, lorsque les calculs ont

été faits en utilisant un crayon et un papier, des calculatrices manuelles, voire même des calculatrices

bureautique. L’avènement de la grande capacité des ordinateurs électroniques a permis aux chercheurs d’effectuer des analyses systématiques de problèmes empiriques beaucoup plus complexes. Avec l'introduction très récente et la propagation rapide des micro-ordinateurs à grande vitesse, il est

maintenant tout à fait possible pour les décideurs d’effectuer leurs propres analyses plutôt que de s’appuyer entièrement sur le travail des autres. Le principal obstacle d’une analyse quantitative pertinente et utile est de passer du processus de solution mécanique à la compétence de l’analyste dans

la conception de structures appropriées pour la question étudiée (Hazell and Norton 1986).

Historiquement, la programmation linéaire (P.L.) a été développée à des fins militaires pendant la deuxième guerre mondiale, par Dantzig (1948) au sein du projet SCOOP entre 1947 et 1952 (projet qui avait comme objectif de calculer les plans logistiques de l’armée américaine ; calcul scientifique

des programmes optimaux). Dantzig est l’inventeur de la première technique générale de calcul : l’algorithme de la méthode du Simplexe (Dantzig 1953 ; Dantzig et al. 1954). Plusieurs économistes ont contribué au développement de la programmation linéaire : Dorfman (1951), Dorfman et al.

(1958), Heady et Egbert (1963 et 1964) et Koopmans (1975) ont été les premiers à appliquer les

principes de la programmation linéaire à l’analyse économique en agriculture. Selon la littérature en économie agricole, la première application de la programmation linéaire a été la détermination des

plans de production optimaux, au niveau de l’exploitation agricole. La programmation mathématique

est utilisée en économie agricole depuis plus de 50 ans. Elle est devenue un outil d’analyse si utile que ses principes de base sont enseignés dans tous les collèges d’économie agricole, et ses applications ont

eu une extension géographique remarquable, en particulier au cours des années 80. Les modèles de programmation pour l'agriculture ont été utilisés dans un grand nombre de pays développés et de pays en voie de développement.

Entre les années 70 et 80, il y a aussi eu un certain progrès méthodologique dans ce domaine. Les

l’observation de la réalité institutionnelle et économique dans les modèles (Truchon 1988). Les progrès les plus notables ont eu lieu dans les domaines de la modélisation de la demande des

consommateurs, l’équilibre du marché, à la fois sur les marchés de produits et de facteurs, ainsi que la modélisation du risque et l’aversion au risque et le rôle des instruments de la politique économique (Hazell and Norton 1986). De même, la capacité de la profession à modéliser les décisions du ménage

agricole s'est améliorée. En conséquence, l’effet cumulatif de ces progrès a été de fournir un outil

d’analyse beaucoup plus adaptable aux différentes situations et d’établir une représentation

potentiellement plus réaliste de la réalité agricole (Hazell and Norton 1986).

Le modèle de programmation fournit un cadre assez réaliste pour l’organisation de l’information quantitative pour ce qui concerne l’offre de l’agriculture, que ce soit au niveau de l’exploitation ou de la région agricole. D’autres utilisations du modèle impliquent souvent différents types d’analyse de

sensibilité. Selon Hazell et Norton (1986), à l’échelle de l’exploitation, le modèle peut être utile pour

calculer les implications des différentes dotations en ressources, des conditions de marché, des

technologies nouvelles ou améliorées, etc. Ce genre d’information est généré par le modèle via les variations de valeurs de paramètres, avec une nouvelle solution obtenue pour chaque ensemble de ces paramètres. Au niveau régional, les variations paramétriques peuvent être utilisées pour générer des fonctions de réponse qui sont implicites dans la structure du modèle. Parmi les exemples de variations paramétriques, nous pouvons citer : la substitution de facteur surfaces (assolement et rotation des

cultures), les fonctions de réponse à l’offre (relation production/marché), les fonctions de réponse

associées à certains instruments de politique. Lorsqu’il est utilisé de cette façon, le modèle devient un

dispositif pour traduire le micro-niveau (niveau de l’exploitation) des informations en macro-niveau (niveau sectoriel et/ou régional) des fonctions qui sont plus familières à de nombreux économistes

(Hazell and Norton 1986). En revanche, pour l’exploitation agricole, la solution du modèle attribue

également des évaluations de ressources fixes, telles que les allocations de terres et d’eau, dont les prix

peuvent ne pas refléter leurs valeurs économiques (Hazell and Norton 1986).

Par ailleurs, les agriculteurs doivent, à plusieurs reprises, prendre des décisions sur les inputs de production, par quelle procédure, dans quelles périodes de saison et en quelles quantités (Hazell and Norton 1986). Les décisions sont prises en fonction des contraintes agricoles physiques et financières

actuelles et souvent dans le contexte d’une incertitude quant à la période de planification à l'avance. L’incertitude peut survenir pour les rendements prévus, les coûts de production, les prix des produits pour les exploitations agricoles individuelles, de même pour les exigences de l'entreprise en matière de ressources fixes et dans les apports totaux des ressources fixes disponibles (Hazell and Norton 1986).

Traditionnellement, les agriculteurs s’appuient sur l’expérience, l’intuition et la comparaison avec

leurs voisins pour prendre leurs décisions (Hazell and Norton 1986). Selon Hazell et Norton (1986), les techniques formelles de la budgétisation et l’analyse comparative ont été développées par des

spécialistes de gestion des exploitations agricoles. De ce fait, ces techniques peuvent être des outils

d’aide utiles pour la prise de décisions dans des situations moins complexes ou pour l’analyse des

décisions sélectionnées, lorsque toutes les autres décisions des exploitations agricoles sont prises

comme une donnée. Par conséquent, c’est seulement avec les progrès les plus récents en informatique,

grâce aux ordinateurs et aux logiciels de programmation mathématique, que des procédures

satisfaisantes ont été développées pour la planification et la gestion globale de l’exploitation agricole dans des situations plus complexes. Des modèles d’optimisation apparaissent pour articuler de manière adéquate les objectifs et les contraintes représentatifs des agriculteurs, ils peuvent également souvent prédire, de façon assez précise, le comportement et les pratiques agricoles de ces agriculteurs (Hazell et Norton 1986).

Dans sa forme la plus simple, la programmation linéaire est une méthode consistant à déterminer des combinaisons de maximisation du profit des exploitations agricoles qui doivent être envisageables par rapport à un ensemble de contraintes agricoles fixées (Hazell and Norton 1986). Les premières

applications de la programmation linéaire dans la gestion des entreprises agricoles supposent que le comportement de maximisation du profit est un horizon de planification d'une seule période (croissance nulle) et pour un certain environnement (pas d’incertitude sur les prix, les rendements, le

climat, etc.). Dans la littérature, plusieurs auteurs (Hazell and Norton 1986 ; Billionnet 2007 ; Castillo

et al. 2011 ; Williams 2013) définissent la programmation mathématique comme un outil pour

résoudre les problèmes d’optimisation sous contraintes, autrement dit, des problèmes où un décideur

souhaite optimiser un critère de son choix (un indicateur de satisfaction) en sélectionnant un ensemble

d’activités et sous certaines conditions externes. Ainsi, la programmation mathématique linéaire est un outil de résolution des problèmes de maximisation ou de minimisation où les contraintes et la fonction objectif à maximiser ou à minimiser sont linéaires (Minoux 1989 ; Williams 2013), elles peuvent être représentées par des droites (Figure 25).

Figure 25. Principe de la programmation linéaire (Melouli et al. 2004)

En général, le problème de programmation mathématique peut s’écrire : Optimiser f(x)

Sous les contraintes g(x) ߳ S1

x ߳S2

Dans ce cas, x est le vecteur de variables de décision, autrement appelé vecteur des activités. Le niveau des variables de décision est choisi de façon à optimiser (maximiser ou minimiser) la fonction f(x) en respectant les conditions définies par g(x). Si f(x) et g(x) sont des fonctions linéaires, il s’agit d’un

problème de programmation linéaire, tandis que si f(x) et/ou g(x) sont non linéaires, on aura recours à la programmation non-linéaire. En pratique, la programmation mathématique linéaire se traduit par la

recherche d’une combinaison optimale d’activités pour un ensemble de conditions technico -économiques données. Boussard et Daudin (1988) définissent la programmation linéaire comme : « un instrument particulièrement bien adapté aux problèmes qui se posent dans l’activité agricole ». Les premières applications de la programmation linéaire (P.L.) à la gestion des exploitations agricoles se basent sur des hypothèses relativement simples : elles supposent un comportement « maximisateur » du profit de la part du décideur, une seule période de planification et un contexte de certitude (ce qui

implique par exemple un niveau de pluviométrie connu pour l’année à venir).

Pour formuler le modèle d’exploitation, il est nécessaire de spécifier (Hazell and Norton 1986) : - l’ensemble des activités, leurs unités de mesure et leurs besoins en ressources ;

- les contraintes de ressources fixes de l’exploitation ; - le rendement de chaque activité ;

une fonction linéaire des inconnues Xj. Elle représente souvent la partie la plus difficile à exprimer de façon mathématique.

Mathématiquement, selon Hazell et Norton (1986), la formulation d’un programme linéaire statique sous forme standard s’écrit comme suit :

ܼ ൌ ෍ ݆݆ܿܺ ௝ୀଵ ෍ ݆݆ܽ݅ܺ ௝ୀଵ ൑ ܾ݅ǡ݅ ൌ ͳǡ ʹǡ ǥ ǡ  Xj ≥ 0, j= 1, 2, …, n

Avec Z : fonction objectif,

cj : vecteur des rendements économiques de chaque activité (ex : revenu, marge brute),

Xj : vecteur des activités,

aij: matrice des coefficients techniques,

bi: vecteur qui exprime les disponibilités de ressources.

Le problème consiste à trouver le plan de production qui maximise le revenu de l’agriculteur (Z) tout en respectant les contraintes de ressources fixes de l’exploitation et les contraintes de non-négativité. En termes mathématiques, le problème consiste à trouver la combinaison de valeurs x1,…, xn qui

maximise la fonction (1.1) en respectant les conditions (1.2) et (1.3). Le même problème peut s’écrire

de façon condensée sous la forme matricielle :

Max Z = c X (1.4) Sous les contraintes A Xb (1.5)

X ≥ 0 (1.6) Avec c : vecteur ligne à n éléments des coefficients de la fonction objectif,

X : vecteur colonne à n éléments des inconnues,

A : matrice à m lignes et n colonnes des coefficients techniques,

b : vecteur colonne à m éléments des disponibilités de ressources.

Selon Hazell et Norton (1986), le problème consiste à trouver le vecteur X = (X1,…, Xn) qui rend maximum la fonction objectif en vérifiant les contraintes (1.5) et (1.6). En effet, ce problème défini par (1.1) à (1.3) est exposé dans le tableau 5, il s’agit d’une matrice représentant les coefficients du modèle algébrique. Par convention, cette façon de présenter un modèle de programmation linéaire est appelé tableau. Plusieurs éléments ont été introduits dans le tableau 5. Tout d’abord, l’équation à maximiser est dénommée fonction objectif. Dans le problème actuel la fonction objectif est la marge

brute totale (1.1), mais d’autres fonctions objectives sont également possibles. Deuxièmement, les

contraintes sont appelées lignes et les activités colonnes. Troisièmement, les approvisionnements de ressources fixes, les coefficients bi, sont dénommés le Right-Hand Side (RHS) du problème. Ils ont tous été stipulés comme inférieur ou égal (≤) aux contraintes, mais il est également possible d’inclure

l’égalité avec les contraintes (=) ou supérieur ou égal (≥) aux contraintes. Les exigences en matière de

non-négativité (1.3) ne sont pas incluses dans le tableau 5. Max

Sous les contraintes

(1.1)

(1.2)

Tableau 5. Matrice de programmation linéaire (Hazell and Norton 1986)

La littérature d’économétrie et d’outils de gestion des entreprises agricoles nous montre que la

programmation linéaire doit respecter un certain nombre d’hypothèses sur la nature du processus de production, les ressources et les activités qui sont implicites dans le modèle de programmation linéaire (1.1) à (1.3). Nous pouvons alors résumer ces hypothèses comme suit (Hazell and Norton 1986) :

1. Proportionnalité : dans un modèle de programmation linéaire, les quantités de ressources

nécessaires par unité d’activités et le rendement économique obtenu sont constants, autrement dit, ils ne dépendent pas du niveau d’activité. Un rendement économique unitaire constant implique que la demande pour les produits et l’offre pour les facteurs de production soient parfaitement élastiques.

2. Additivité : la valeur totale de la fonction objectif résulte de la somme des contributions de chaque activité à la fonction objectif.

3. Linéarité : les propriétés de proportionnalité et additivité peuvent se résumer dans

l’hypothèse de linéarité. Autrement dit, nous admettons comme hypothèse qu’il y a

proportionnalité entre le niveau d’une activité et sa contribution à la fonction objectif. Cela est équivalent à adopter la fonction de production de Leontief. En d’autres termes, les rendements d'échelle sont constants.

4. Bornage : Il doit exister des ressources en disponibilité limitée. Les nombres d’activités et de

contraintes doivent également être finis.

5. Optimisation : le but est de maximiser ou minimiser une certaine fonction objectif. Cette fonction est le seul critère pour choisir la solution optimale entre les solutions admissibles. 6. Divisibilité : on assume que les variables de décision peuvent prendre n'importe quelle valeur

(non-négative).

7. Certitude : les coefficients du programme linéaire sont invariables et connus à l’avance. Les

décisions optimales sont prises en disposant d'une information parfaite.

Selon Hazell et Norton (1986), la programmation linéaire est basée sur des hypothèses assez fortes,

afin d’obtenir un modèle d’optimisation fiable et pertinent. Il s’agit des conditions auxquelles toute

matrice de programmation linéaire doit obéir, mais il est possible néanmoins d’utiliser des techniques

pour augmenter la flexibilité du modèle tout en respectant ces hypothèses.

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