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PRATIQUES PHYTOSANITAIRES ET OUTILS D’AIDE A LA DECISION

Encadré 1. La mesure de la pression phytosanitaire sur l’agriculture française : le NODU

2.2.3. Indicateurs d ’évaluation des risques liés aux pratiques phytosanitaires

Selon l’OCDE25 (1993), un indicateur est un paramètre ou une valeur dérivée de paramètres donnant des informations sur un phénomène donné. Selon le PNUE26 (1996), un indicateur est une information finalisée ou « instrumentale » servant à caractériser une situation évolutive, une action ou les

conséquences d’une action, de façon à les évaluer et à les comparer à leur état actuel, ancien ou prochain. Dans une autre lecture, Adriaanse (1993) indique que l’indicateur est construit pour

présenter (‘announce’), révéler (‘reveal’) ou prescrire (‘notify’). Il permet de mieux comprendre les

situations difficiles, voire impossibles, d’évaluer directement, alors que pour Mitchell et al. (1995), un indicateur transmet une information concernant des systèmes complexes afin de les rendre plus compréhensibles. Depuis les années 90, les publications traitant des indicateurs environnementaux

n’ont cessé de croître, notamment pour ce qui concerne les indicateurs de performance environnementale et de développement durable en agriculture (IFEN 1996, 1997 ; OCDE 1993, 1999 ; COPREN 2003).

25 OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économiques

Selon la figure 20, qui indique le statut des différents indicateurs disponibles, en tenant compte des

composantes du risque, il existe deux catégories d’indicateurs (indicateur de pression et indicateur d’état). Dans ces deux catégories, les indicateurs sont classés en trois groupes (Capillon et al. 2005) :

- Les indicateurs de pression fondés sur les modèles d’estimation des émissions de

pesticides dans les différents compartiments de l’environnement (eau, air, sol) en tenant

compte des propriétés physico-chimiques des produits phytosanitaires et des caractéristiques du milieu récepteur.

- Les indicateurs de pression fondés sur les pratiques phytosanitaires de l’agriculteur, qui peuvent être qualitatifs (application de telle ou telle technique de traitement) ou quantitatifs (dose appliquée sur la parcelle de chaque produit).

- Les indicateurs d’état fondés sur les impacts des produits sur le milieu récepteur et l’analyse

de leurs effets sur les organismes qui y vivent.

Figure 20. Impacts des pratiques agricoles sur l’environnement (Pingault et al. 2009)

Par ailleurs, prendre en considération les différentes composantes du risque représente un élément

primordial dans la détermination du type d’indicateur pour évaluer les risques liés aux pesticides et notamment les pratiques phytosanitaires. Au niveau de la littérature, le risque correspond à la

probabilité qu’un événement dangereux se concrétise dans des conditions bien déterminées. En effet,

le risque associé aux produits phytosanitaires, principalement à la matière active, se traduit par la combinaison, présentée dans la figure 21, de l’exposition au produit (certaine quantité d’une substance

active en contact avec les organismes vivants dans le milieu naturel) et le danger que représente cette

substance en contact avec l’utilisateur des pesticides (Batsch 2011) ou avec d’autres organismes

Figure 21. Positionnement des matières actives dans des zones de risques (Zahm 2003 ; Source méthode SIRIS)

Pingault et al. (2009) indiquent, dans leur article « Produits phytosanitaires et protection intégrée des cultures», que l’efficacité des politiques publiques et des stratégies de gestion et de développement durable doit être évaluée à la fois par des indicateurs d’état du milieu mais aussi par des indicateurs de pression permettant d’analyser les pratiques agricoles et d’améliorer notamment les pratiques phytosanitaires. En effet, il est indispensable d’approfondir les connaissances concernant les

caractéristiques physico-chimiques et l’utilisation réelle des produits phytosanitaires, au niveau territorial et à l’échelle de l’exploitation et de la parcelle individuelle, pour une meilleure gestion des pratiques phytosanitaires. Pour s’y mettre, l’utilité de la détermination des indicateurs qui associent l’état du milieu et la pression phytosanitaire semble nécessaire, afin d’évaluer et de mesurer l’impact et les effets des pratiques agricoles sur les différents compartiments de l’environnement (eau, air, sol),

notamment sur la faune et la flore et la santé publique.

En outre, les deux indicateurs de pression fondés sur les pratiques agricoles, à savoir la « quantité totale de substances actives » utilisée ou vendue sur un territoire et le « nombre de traitements phytosanitaires appliqués » sur une parcelle (ou un ensemble de parcelles) au cours d’une campagne

agricole, ne permettent pas d’effectuer une évaluation fiable de la pression phytosanitaire. En effet, ces

indicateurs ne tiennent pas compte des caractéristiques propres (physiques et chimiques) de chaque matière active utilisée et considèrent qu’un kg de substance active, vendu ou appliqué sur une parcelle, à profil environnemental médiocre possède le même poids, au niveau de la pression phytosanitaire,

qu’un kg de matière active à profil très satisfaisant (Pingault et al. 2009). Pour cela, le gouvernement français (ministère de l’Agriculture et de la Pêche), en 2006, a eu recours à un nouvel indicateur de pression phytosanitaire, mettant en considération les pratiques agricoles, l’utilisation réelle des

produits phytosanitaires et leur évolution sur différentes échelles en partant de l’échelle individuelle sur la parcelle et l’exploitation jusqu’au niveau du territoire ou de la région. Cet indicateur est celui de la fréquence de traitement (IFT), fondé sur l’expérience danoise; l’IFT reflète l’intensité du traitement

et celle de l’utilisation des produits phytosanitaires au niveau de la parcelle en traduisant la pression phytosanitaire exercée sur l’environnement. De façon indirecte, cet indicateur permet de mesurer la

dépendance des agriculteurs aux produits phytosanitaires. Selon Pingault et al.(2009), l’IFT détermine

le « nombre de doses homologuées appliquées sur une parcelle pendant une campagne culturale », il est mesuré pour chaque produit utilisé sur la parcelle, selon la formule suivante, en appliquant le rapport entre la dose appliquée et la dose homologuée par hectare :

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Bien que l’IFT soit facile à calculer et à appliquer par les agriculteurs, il n’intègre pas les propriétés

physico-chimiques ni commerciales spécifiques aux produits utilisés, si bien que l’IFT ne représente pas un indicateur de mesure du risque ou d’évaluation d’impact de l’utilisation des produits phytosanitaires sur les différents compartiments de l’environnement (air, eau, sol), notamment la

biodiversité (la faune et la flore) et la santé humaine. En effet, Pingault et al. (2009) indiquent que

l’IFT représente un indicateur de « pression polluante » pour mesurer l’évolution du recours aux

pesticides.

Par ailleurs, Zahm, en 2003, a élaboré une étude dans laquelle il dévoile les différentes méthodes de

diagnostic des exploitations agricoles, notamment les pratiques phytosanitaires en intégrant l’optique de l’évaluation de l’impact environnemental des pesticides. Ainsi, deux approches d’analyse ont été

mises en place : la première se base sur la modélisation des processus agronomiques propres aux pratiques agricoles, alors que la deuxième approche permet, à l’aide des indicateurs, de faire une évaluation indirecte des impacts des pratiques. Ces indicateurs peuvent être soit de pression polluante et ils tiennent compte de la pression liée aux activités agricoles sur l’environnement (Maurizi et al.

2002), soit d’état et ils représentent l’évolution des caractéristiques des milieux récepteurs (Zahm 2003). De plus, les indicateurs fournissent soit une information chiffrée sur un élément considéré comme primordial pour suivre ou analyser un programme ou une action (OCDE 1999), soit une indication non chiffrée qui est difficilement hiérarchisable sur une échelle de valeur telle que la classification du degré de toxicité des matières actives. Dans les deux cas, il reste difficile de mesurer et de classer les différents risques liés aux pratiques agricoles sur l’environnement. Cette difficulté est due à la complexité des liens existant entre pratiques agricoles et impacts sur l’environnement et l’indépendance entre ces deux éléments, ce qui rend cette relation difficile à résumer à un indicateur sur une seule échelle ou grille d’analyse (Zahm 2003).

L’évaluation de l’impact de l’emploi des pesticides, en particulier les matières actives phytosanitaires, sur l’environnement illustre cette difficulté de mesure. La complexité particulière de nombreuses

cibles d’impactspotentiels, suite à l’utilisation des produits phytosanitaires, telles que : la

contamination des eaux (souterraines et superficielles), de l’atmosphère (air), des effets sur la santé

humaine (utilisateurs de pesticides, voisinages, consommateurs de produits agricoles), ainsi que sur les différentes espèces de la faune et la flore terrestres et aquatiques sont à l’origine de cette difficulté.

Depuis l’année 2000, plusieurs programmes d’actions et de diagnostic agri-environnemental traitant de

l’analyse et de l’évaluation des impacts des produits phytosanitaires utilisés en agriculture ont été mis

en place par les deux ministères chargés de l’Agriculture, de l’Ecologie et du Développement durable,

afin de réduire la pollution diffuse d’origine agricole et, en particulier, celle liée aux pratiques phytosanitaires (Encadré 2).

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