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Le profil d’un médium et d’un clairvoyant catholiques non pratiquants

CHAPITRE 3 : PARCOURS ET PROFIL DES RÉPONDANTS : TRAJECTOIRES ET BIOGRAPHIE

3.1. Le profil d’un médium et d’un clairvoyant catholiques non pratiquants

Le terrain d’étude que j’ai mené auprès de Simon Tremblay s’est échelonné sur une année entière, soit de septembre 2014 à octobre 2015. Durant ce laps de temps, j’ai pu attribuer une première définition de la médiumnité comme un Don particulier permettant de communiquer avec l’au-delà ; définition qui s’est peaufinée et complexifiée au fil de nos rencontres. Il est vite apparu qu’être médium pour S. Tremblay, c’est de redéfinir des concepts et des notions principalement hérités du catholicisme à travers un bricolage religieux afin de mieux faire cadrer cette nouvelle croyance avec ses valeurs personnelles (méditation, bonheur, famille, pour ne citer que ces trois principales).

Par la suite, j’ai tenté de catégoriser Simon comme spiritualiste ou spirite puisque le médium joue un rôle prépondérant dans ces deux spiritualités. Cependant, il s’est avéré réducteur de s’en tenir à ces deux seules croyances puisque Simon refusait d’adhérer systématiquement soit à l’une soit à l’autre de ces catégories. C’est plus par affiliation avec l’abbé Julio — l’un de guides spirituels qui a joué un rôle prépondérant dans les convictions spirituelles et religieuses de Simon — que par conviction que S. Tremblay a opté enfin pour la terminologie « médium spirite » au détriment de « spiritualiste ».

De plus, lorsque nous avons commencé nos entretiens, Simon se déclarait catholique non pratiquant, impliquant ce qu’on appelle un catholique plus culturel qu’usuel.

3.1.1. Simon Tremblay : médium.

Simon Tremblay est né dans la région de Montréal en 1971 et grandit en périphérie, à Sainte-Thérèse. D’origine italo-québécoise du côté paternel, Simon a toujours voué une grande importance à la famille et aux valeurs traditionnelles, comme il aime les appeler. En tant qu’individu, Simon est passionné par la prise de risque, l’aventure et cette impression de liberté qui l’accompagne, la nature, l’exploration et surtout par l’inconnu. Dès l’âge de six ans, il est confronté à la maladie puisque la mère de son meilleur copain, à cette époque, était atteinte de la sclérose en plaques, une maladie auto-immune qui atteint

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le système nerveux central. C’est aussi à cette époque que Simon se souvient de ses premières expériences de sortie hors corps, des expériences extra-sensorielles qui consistent à voir son propre corps au repos tandis que le reste de l’individu a l’impression de flotter comme forme vaporeuse au-dessus. Simon raconte son expérience en ces mots : « C’est assez effrayant pour un ti-cul de 6 ans de flotter au-dessus de toi-même pendant que les autres font le party dehors ! En plus, c’était la journée de ma fête pis ma mère avait organisé un party avec mes cousins pis des voisins… c’est comme si j’entendais tout le monde dehors, que je voyais tout ce qui se passait : le monde déplier les chaises, ma mère qui allait accueillir le monde… mais que personne ne voyait que moi, j’étais là ! Pis quand je suis venu à bout de revenir, tout était exactement comme je l’avais vu ! Ça peut faire assez peur ! » (Simon Tremblay, entrevue septembre 2014).

Le médium décrit son enfance comme une enfance « tout ce qu’il y a de plus typique », à savoir : les amis, les sorties, les voyages et les excursions au centre-ville. L’événement qui a le plus bouleversé sa jeune existence a été le divorce de ses parents puisqu’il a dû prendre un parti face au juge afin que sa mère obtienne la garde légale de son frère et lui-même. C’est donc avec sa mère que Simon et son frère cadet grandissent ; cette dernière jouera un rôle prépondérant dans la vie du médium.

Dans le même temps, il change de nom de famille et raconte avoir vécu sa première expérience paranormale avec un fantôme à l’âge de huit ans.

Sa nature aventurière pousse Simon à quitter les bancs scolaires à l’âge de quatorze ans. Le sport étant une seconde nature pour lui et plus particulièrement le vélo, il a dû abandonner son rêve suite à un épuisement résultant d’un surentraînement. Il avoue lui-même avoir connu une certaine période sombre puisque Simon n’a plus de but réel à ce moment-là, ce qui le force à mettre ses objectifs personnels de côté. Le 21 octobre 1989, les données changent pourtant et c’est grâce à un événement qu’il qualifie de providentiel qu’il va rejoindre les Forces de l’Armée canadienne à l’âge de dix-sept ans. C’est à ce moment-là de sa vie que l’idée d’une protection divine et la conviction d’avoir été choisi ou guidé se concrétisent dans l’esprit de Simon, car il prend conscience de son Don à ce moment-là, durant son entrainement militaire. En d’autres termes, Simon entretient un rapport particulier avec ce « là-haut » qu’il explique comme un lien invisible et ses guides spirituels au nombre de douze comme nous le verrons plus tard ; de cette relation née un sentiment de protection privilégié.

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Les années qui ont suivi ses dix-huit ans ont été difficiles. En octobre 1990, Simon est militaire et cela fait un an qu’il est officiellement dans l’armée. Cependant, certaines circonstances forcent le médium à déserter son poste et se réfugier aux États-Unis avec un groupe d’amis. Durant quatre jours, la famille de Simon reste sans nouvelle de leur fils et l’armée continue de le rechercher comme déserteur. Inquiète, la mère du jeune homme va consulter un médium afin d’obtenir des informations sur la situation actuelle de son fils et éventuellement, la possibilité d’un retour prochain au pays. Cette femme médium va jouer un rôle primordial dans la vie de Simon et celle de sa mère. Le médium donne en effet des renseignements précis qui soulagent les angoisses de la femme et ont un impact significatif sur Simon lors de son retour. Obligé de reprendre son poste de soldat au sein de l’Armée canadienne, le médium est relevé de ses obligations quelques mois à la suite de plusieurs problèmes relevés par le corps médical : une blessure au genou, un diagnostic de dépression majeure et une mononucléose. Simon avoue que la période qui a suivi son retrait de l’armée a été la plus sombre de sa vie : « j’ai même pensé au suicide ! J’ai tout fait : vendu de la

dope, consommation, surconsommation, deal, commerce, name it ! J’étais pas tranquille ! » (Simon Tremblay, entrevue septembre 2014). C’est également à cette époque

qu’il avoue avoir connu le plus d’expériences de sortie hors corps. Sur le plan géographique, Simon va rejoindre son jeune frère à Vancouver puis en Alaska en communauté rasta, dans les montagnes Kootenai. Il devient alors père pour la première fois avec sa fille Emeline.

Il revient au Québec dans les années 2000 où il enchaîne plusieurs petits boulots tels que : livreur de pizza, tatoueur, ouvrier, camionneur, détective pour vol à l’étalage dans des magasins de grandes surfaces, bûcheron, monteur de chapiteaux à Las Vegas, moniteur d’escalade, enseignant en parcours adapté dans une école secondaire, entraîneur de gym, enseignant en transport routier et, enfin, médium. C’est précisément lorsqu’il est enseignant en parcours adapté dans une école secondaire qu’il fait la connaissance de Barbara, sa conjointe actuelle. C’est d’ailleurs lors d’un repas en famille que Simon a pleinement pris conscience de son Don, puisqu’il se met à discuter avec l’esprit d’un homme reconnu par Barbara comme son grand-père.

55 3.1.2. Richard : clairvoyant

Dans certains cas pourtant, il n’est pas toujours facile de vivre avec un Don, qu’il soit médiumnique ou clairvoyant dans le cas de Richard. Une personne est clairvoyante quand elle est apte à saisir des fragments temporels à travers des visions qu’il n’est jamais possible de décrire avec précision :

« Le courant est une vibration qui émane et me donne des frissons. […] ça émane, je contrôle [le Don de clairvoyante], et je gère la situation sans que je le veuille. Ma fréquence change la personne, c’est conscient je le sais, mais comment je le fais, je ne le sais pas. Je ne sais même pas comment l’expliquer. » (Richard, conversation téléphonique, février 2015)

Richard est Québécois, âgé d’une trentaine d’années, catholique baptisé, mais non pratiquant. Pour lui, les phénomènes paranormaux découlent de son Don de clairvoyance, car enfant déjà, il voyait clairement des individus dans sa chambre à coucher qui le touchaient et lui parlaient. Ce qu’il prend pour des cauchemars s’avère être des visions incontrôlées. Lorsqu’il rencontre Simon Tremblay, Richard valide qu’il possède un Don et même s’il est peu enclin à parler de sa capacité, il estime qu’aider les autres qu’ils soient croyants ou non est l’objectif d’un détenteur d’une aptitude, quelle qu’elle soit. Très empathique, il dit lui-même que « se vanter de ce Don, c’est causer sa perte. Je le fais

[utiliser sa capacité] pour me prouver que ça fonctionne et que ça marche. » Le Don, dans

ce cas de figure n’est pas pris pour acquis : « pendant des années, j’ai essayé de l’oublier

et de faire comme si ça n’existait pas. ». Outre cette facilité d’aider les autres en les

comprenant, en leur apportant un sentiment de compréhension totale, la clairvoyance a permis à Richard de se rassurer sur la mort elle-même :

« Je serais prêt à mourir n’importe quand, c’est quelque chose de bien surtout pour ceux qui ont une vie croche. J’ai ressenti ce que c’était de l’autre bord et c’est tellement bien. La mort fait peur à tout le monde, car elle leur est inconnue alors que moi, je l’ai vue, je l’ai connue. » (Richard, conversation téléphonique, février 2015)

Avec son empathie naturelle, Richard est à même de séparer les avantages et les inconvénients du Don de clairvoyance : « je peux comprendre ceux qui ont peur de mourir

[…] et c’est pour ça que j’ai voulu répéter le Don même si au départ, je ne ressentais que des mauvaises fréquences. » Le mot « fréquence » est souvent utilisé par Richard puisque

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d’âmes errantes et des « hantises élémentales » non incarnées, autrement dit des démons non matériels comme Bélial par exemple. En somme, Richard met à profit sa compétence pour aider les autres en verbalisant de ce qu’il ressent à leur contact et ce qu’il perçoit les concernant même s’il lui arrive de ressentir des douleurs physiques lors de ses séances de clairvoyances. Il n’y a donc aucun élément déclencheur dans ce cas de figure ; Richard est né avec le Don de clairvoyance, mais il dit lui-même avoir une part de rationalité qui parfois le freine dans ses tentatives d’utiliser son potentiel. Il a « de la misère à croire » que ça fonctionne et « c’est dur de l’accepter » :

« Même si ça fait quinze ans que ça fonctionne, tu vas douter quand même […] je le suis [clairvoyant] parce qu’on me l’a transmis, la religion est universelle, mais je ne suis pas pratiquant. Je sais qu’il y a quelque chose de plus, mais c’est pas important pour moi » (Richard, conversation téléphonique, février 2015).