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L’expérience individuelle des phénomènes paranormaux et l’entourage des élites

CHAPITRE 3 : PARCOURS ET PROFIL DES RÉPONDANTS : TRAJECTOIRES ET BIOGRAPHIE

3.2. L’expérience individuelle des phénomènes paranormaux et l’entourage des élites

Le Don médiumnique et le Don de clairvoyance offrent donc, à leur détenteur, la possibilité de valider des remises en questions existentielles à travers leurs expériences individuelles, mais aussi de briser cette réticence à parler de leurs croyances personnelles. Il est donc possible d’envisager que l’entourage de cette élite du paranormal est la première à vivre ce changement dans les croyances, car le paranormal vient s’insérer dans le quotidien — le cas de Simon Tremblay qui a fait de son Don un métier en est un exemple. Le cas de Barbara et d’Émeline vient appuyer ce fait et souligner la difficulté de croire aux phénomènes paranormaux quand on est catholique non pratique ou agnostique.

3.2.1. Barbara, conjointe de médium

Barbara est la conjointe de Simon Tremblay et la belle-mère d’Émeline. Mère d’un petit garçon de cinq ans, Théo, elle partage la vie du médium depuis une dizaine d’années et à ce titre, peut témoigner de l’impact du paranormal dans ses propres croyances. En tant que catholique, Barbara veut transmettre à son entourage des valeurs bien définies telles que : « aide les autres et aime-les » et accepte le concept catholique du « haut » qui est le Paradis, et du « bas », l’Enfer. Elle vit pourtant dans l’incertitude en ce qui concerne l’Au- delà puisqu’elle n’a jamais vécu d’expériences paranormales jusqu’à l’entretien tenu entre Simon et le grand-père défunt de Barbara lors d’un souper de famille. Depuis cet évènement

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durant lequel Barbara a pu échanger quelques mots avec son parent disparu, sa perceptive de la mort a changé :

« Ça me réconforte d’avoir parlé avec mon grand-père […] ça continue, y a une continuité à la vie. On peut revenir. […] c’est apaisant, car ma grand-mère sait qu’en mourant, elle va être jugée à sa mort donc, elle meurt dans la peur. […] Je ne souhaite pas mourir jeune, mais je ne veux pas non plus mourir dans la peur, dans la souffrance. » (Barbara, entretien de février 2015, Saint-Canut)

Cependant, si Barbara est apaisée face à la mort et une potentielle continuité dans l’au-delà, il n’en reste pas moins difficile pour elle de vivre avec un médium au quotidien : « il fait

quoi ton chum ?...Il est dans la communication ! » En effet, c’est la réponse que Barbara

évoque chaque fois qu’il est question du métier médiumnique de Simon. Dans un sens, elle veut se protéger du regard des autres : « J’ai perdu un ami, car ça lui faisait peur tout ça.

Ça me fait de quoi, je ne peux pas dire que ça ne me dérange pas, mais c’est de même, c’est de même. », et reste évasive sur ses croyances : « tu crois en quoi toi ? Moi, je crois en tout même en toi ». Pour cette femme travaillant dans le domaine psychologique, il n’est

pas toujours facile de se confier sur ses convictions et elle s’efforce de garder une distance entre son cercle familial, son entourage et les phénomènes paranormaux. Compte tenu du Don de son compagnon, Barbara tente de comprendre les nombreuses manifestations de la médiumnité et d’apporter son aide au médium :

« Il [Simon] a de la misère à quitter sa bulle de méditation […] la discipline de la vie, c’est de trouver de l’intérêt de la vie quotidienne dans le monde […] Simon, c’est quelqu’un de bon, c’est Star Wars c’est la lumière qui combat les ténèbres. » (Barbara, entretien de février 2015, Saint-Canut).

3.2.2. Émeline, fille de médium

Pour Émeline, âgée de vingt ans et agnostique, les capacités de son père Simon Tremblay restent à confirmer. Cette vendeuse dans une boutique de vente aux détails ne croit pas en la médiumnité et reste sceptique sur l’existence du paranormal. Depuis l’âge de 13 ans, elle joue au Ouija7 quand l’occasion s’en présente jusqu’à ce que l’expérience du jeu échappe à tout contrôle et dévoile à la jeune femme qu’une entité s’est attachée à

7 Hasbro, la société américaine spécialisée dans les jouets et les jeux d’enfants vend et classe le Ouija

comme un jeu de société. Le principe est de se grouper autour d’une planche de bois gravée des lettres de l’alphabet latin, des dix premiers chiffres arabes, et de trois mots : « oui », « non », « au revoir. Un accessoire appelé “l’œil” est saisi par l’ensemble des joueurs et ces derniers doivent formuler des questions qui nécessitent des réponses courtes et directes. Le but de ce jeu est de communiquer avec des entités.

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elle depuis sa naissance. Il lui faut donc attendre ses seize ans pour commencer à croire aux entités, à la possession et à la possibilité de phénomènes inexplicables : « j’y croyais et j’y

croyais pas. J’avais besoin que quelque chose de concret arrive, genre faire bouger un verre ». Émeline vit alors plusieurs phénomènes inexplicables tels que des apparitions

d’entités durant la nuit tandis qu’elle vit chez son copain de l’époque, mais aussi un changement de caractère majeur : « je suis peureuse et là, j’écoutais des films d’horreur

toute seule dans le noir et même le gore. J’étais rendue une mordue de ça. Moi, je voyais ça normal parce qu’un adolescent de 16 ans, ça a des conflits puis tout. » C’est un fait tout

simple qui alerte Émeline que quelque chose ne va plus : un collier d’améthyste qu’elle porte au cou se met à lui brûler la peau. Dès lors, elle part vivre chez Simon qui tente de comprendre ce qui arrive à sa fille. Le bilan est assez clair : une entité, un étudiant du cégep de Sainte-Thérèse en cinéma, qui plus est, passionné de films d’horreur est décédé le même jour, au même hôpital où la conjointe de Simon Tremblay a donné le jour à Émeline. À ce compte, le jeu Ouija fait office de révélateur, de porte à une entité qui est attachée à la jeune femme depuis sa naissance. Lorsque Simon explique tout ceci à sa fille et malgré son intervention, Émeline reste indécise sur ses opinions : « j’étais pas trop réceptive, j’avais

des doutes » pour enfin avouer : « après ça, je me suis dit : câline, c’est vrai ! J’ai fait le lien avec ça parce que j’avais pu envie d’en écouter [des films d’horreur]. ». Il est

intéressant de voir que malgré son expérience des phénomènes paranormaux, Émeline va douter jusqu’à la toute fin des capacités médiumniques de son père, malgré ses propres constatations : « j’ai vu que j’avais du changement et que c’était vrai […], ça a été la petite

goutte qui a fait que ouais, y a quelque chose. ». À ce jour, Émeline sait que les phénomènes

paranormaux existent et cela a changé sa perception sur la possible continuité d’une vie après la mort.

3.3. Les croyants aux phénomènes paranormaux