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Les autres produits d’usage domestique

Les haies fournissent un certain nombre de services aux paysans, qui étaient au-trefois rendus par les arbres et arbustes de la forêt et dont elles compensent en partie la disparition : produits ligneux d’artisanat, liens et cordages, produits thé-rapeutiques. Si la plupart de ces produits sont aujourd’hui remplacés par des pro-duits manufacturés, ils ont néanmoins une importance économique, surtout en temps de crise, car ils sont facilement accessibles.

Certaines parties ligneuses des arbres de la haie peuvent ainsi être utilisées pour l’artisanat.

Par exemple, en pays bamiléké, le bois de Canarium schweinfurthii sert à faire des mor-tiers, celui de Cordia millenii ou Trichilia dragena des sièges et tam-tam de cérémonie, celui de Polyscias fulva des balafons. L’architecture particulière d’autres éléments de la haie permet de réaliser : des chevilles pour les meubles en raphia (Cephaëlis

peduncu-laris, Psorospermum guineense), des peignes (Pittosporum mannii), des manches

d’ou-tils (Eugenia sp., Ficus ovata, Trichilia dregeana) ; tandis que les ramifications en tré-pied de Polyscias fulva servent de support aux ruches et celles de Rauvolfia vomitoria de support pour caler le récipient de récolte du vin de palme.

D’autres produits permettent de constituer des liens pour attacher ou conduire le bétail, lier les fagots de bois et de boutures, ou consolider les clôtures.

Dans les Timbis au Fouta-Djalon, les écorces de plusieurs essences des clôtures fournissent des liens ou des lanières qui sont torsadées en cordes. Elles ont différents usages selon leur résistance et leur sensibilité aux termites : Dichrostachys cinerea servent pour at-tacher le bétail ; Monodora tenuifolia, Ficus dedekena, Ficus erybotrioides, Ficus

ca-pensis pour les toits de case ; Lonchocarpus cyanencens, Landolphia dulics pour

atta-cher les traverses sur les clôtures ; Alchornea cordifolia et Combretum michranthum pour attacher les fagots de branches feuillues destinées au paillage et le petit bois de feu.

Les feuilles de sisal contiennent des fibres à partir desquelles sont tressées des cordes solides, employées notamment pour attacher les animaux, et fabri-quer des hamacs. En Haïti, le sisal est utilisé par l’industrie pour la fabrication de sacs et par l’artisanat pour la fabrication de paniers et de balais.

Les feuilles sont parfois utilisées comme pots dans les pépinières (Dracaena

arborea) ou comme entonnoirs (Ficus chlamydocarpa, Ficus ovata) en pays

ba-miléké ; pour l’emballage des noix de kola ou de viande (Paullinia pinnata,

Newbouldia laevis, Mitrogyna ciliata, Carica papaya) au Fouta-Djalon, ou

comme abrasif (Ficus exasperata).

La sève est utilisée comme colle : Canarium schweinfurthii, Ficus

chla-mydocarpa en pays bamiléké ; Ficus capensis pour réparer les chambres à air

crevées au Fouta-Djalon ; comme encre : Alchornea cordifolia au Fouta-Djalon ; ou comme teinture : Entada abyssinica, Harungana madagascariensis en pays bamiléké ; Indigofera tinctoria, Lonchocarpus cyanescens, Alchornea cordifolia,

Attache d’un lien végétal sur une clôture du Fouta-Djalon

Carapa procera, Bridelia ferruginea, Daniella olivieri, Anogeissus leiocarpus

utilisés par les teinturières au Fouta-Djalon, tandis que les tisserands utilisent

Carapa procera pour rendre les tissus de coton plus brillants.

Les graines servent pour la saponification : Jatropha curcas, Carapa

pro-cera, Ricinus communis au Fouta-Djalon.

Les épines servent de perce-oreilles et d’aiguilles : Bridelia speciosa en pays

bamiléké.

Les rameaux ou racines dont la composition chimique est particulière sont

utilisés comme cure-dents : branchettes de Cassia sieberiana au Fouta-Djalon, racines de Cola anomala en pays bamiléké.

Là où le bocage est ancien, la cueillette de plantes médicinales et de pro-duits cosmétiques dans les haies est courante. C’est un des derniers endroits, avec les forêts résiduelles, où se développent les espèces ayant des vertus thé-rapeutiques. Les haies constituent la ressource thérapeutique la plus accessible, une réserve proche et personnelle.

Les feuilles, les écorces, les graines, les fruits, les jeunes pousses, les bran-chettes, la sève, les racines et les parasites (Loranthus) sont utilisés pour soi-gner toutes sortes de maux courants : dysenterie, constipation, toux, rhume, plaies, diarrhée, éruptions cutanées, gale, morsures, piqûres, brûlures, maux de dents, de tête, de ventre, de dos, maladies infantiles, conjonctivite, fièvre, etc.

Au Fouta-Djalon, l’arbre a une fonction thérapeutique implicite. Le terme peul lekki si-gnifie à la fois arbre et médicament. Les femmes prélèvent surtout dans les haies les parties aériennes des arbres. Dans ce pays musulman, les arbres de la clôture orientés vers l’est sont très sollicités comme médicaments : on dit qu’ils prient et que leurs extraits végétaux sont très efficaces parce que « ces arbres croient beaucoup en Dieu ». En règle générale, les racines des espèces médicinales sont prélevées en saison sèche. Les autres parties de l’arbre, feuilles, écorces, parasites, sont prélevées à n’importe quel moment de l’année. Il y a cependant des jours et heures de récolte privilégiés.

En pays bamiléké, les haies, en particulier les vieilles haies de bordure de concession, présentent une richesse importante en plantes médicinales. Certaines d’entre elles, d’usage courant, ont des vertus bien connues et sont récoltées au besoin par la famille du pro-priétaire de la haie : Maesa lanceolata, Markhamia lutea, Rauvolfia vomitoria, Vernonia

amygdalina. D’autres sont frappées d’interdit (Kigelia africana) ou sont rares (Bersama englanaria), si bien qu’il n’y a que quelques personnes à les exploiter, en en demandant

l’autorisation au propriétaire de la haie. La rareté d’un arbre à usage thérapeutique in-cite un exploitant à le conserver dans sa haie.

En Haïti, le Jatropha curcas est aussi très largement utilisé dans les haies vives, on le surnomme le « médicinier » du fait de ses usages thérapeutiques.

Les clôtures ne servent pas seulement à produire du bois mais à satisfaire des objectifs multiples de production et de protection. Elles viennent en com-plément des autres ressources forestières. Leur rôle croît au fur et à mesure que la végétation arborée alentour se dégrade. La diversité botanique des arbres et les différences d’âge garantissent une clôture productive toute l’année et sur la durée. Sur le court terme, chaque arbre apporte des ressources régulières ; sur le long terme, il constitue un capital sur pied. Peu de pro-duits de la haie sont vendus, mais les clôtures limitent les dépenses en sa-tisfaisant les besoins domestiques de la famille.

L’IMPACT DES HAIES SUR LE MILIEU

Les relations entre les haies et les cultures qu’elles entourent sont toujours com-plexes. Dans tous les cas, les arbres de la haie font d’abord concurrence aux cul-tures pour la lumière, l’eau et les nutriments. Les insectes et les oiseaux qui nichent dans la haie peuvent nuire aux récoltes. Mais ces relations sont aussi de coopération, c’est-à-dire qu’elles s’apportent mutuellement des bénéfices. Si elles ne sont jamais installées dans ce seul but, les haies contribuent à la pro-tection des sols et des cultures.

La gestion des haies résulte toujours d’un compromis entre les objectifs de production de la parcelle, d’un coté, et, de l’autre, la nécessité de renforcer la haie et de favoriser ses productions propres.