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Les motivations des paysans pour l’embocagement, quelles qu’elles soient (pro-tection contre la divagation animale, contre le vol, extraction du système d’as-solement collectif, etc.), sont liées à la volonté d’une valorisation accrue de la parcelle par rapport au système de culture pratiqué traditionnellement. Le bon état de la haie est indispensable à une intensification à l’intérieur de la parcelle ; inversement, seule une valorisation économique avantageuse de la parcelle peut justifier un investissement en temps important du paysan pour entretenir sa clô-ture. L’avenir de la haie autour de la parcelle est étroitement lié aux possibilités de mise en valeur de l’intérieur de la parcelle et aux gains qu’elles permettent.

Le projet doit être attentif à proposer aux paysans de multiples valorisations de l’embocagement afin que la plantation d’arbres ne s’arrête pas avec la dis-parition de la motivation première. Ainsi la suppression de la contrainte qui avait initialement motivé les paysans à planter des arbres et à clôturer leurs parcelles peut conduire dans un second temps les paysans à se désintéresser des haies.

Divagation et embocagement à Koni Djodjo (île d’Anjouan, Comores) Une des principales motivations des paysans du village Koni Djodjo pour embocager leurs parcelles était la lutte contre la divagation du bétail. Les paysans ont ainsi clôturé avec des boutures de Gliricidia et de Sandragon des parcelles sur sols riches situées dans les Hauts, zone de pâturage, afin de protéger leurs cultures de la divagation des bovins

Conclusion

L’appui à l’embocagement ne saurait se limiter à la promotion de la plantation d’espèces pérennes en périphérie d’une parcelle cultivée. Il s’agit au contraire de concilier une action globale d’aménagement du terroir avec l’amélioration des systèmes de culture à un niveau individuel. Ce double enjeu de satisfaction d’impératifs privés immédiats et de réponse à des priorités écologiques glo-bales inscrites dans un plus long terme, nécessite la proposition d’un système agroforestier complet, reproductible et adaptable.

Un projet d’appui à l’embocagement ne peut donc se contenter de fournir du matériel végétal multi-usages à une communauté villageoise ; il devra favori-ser l’autonomie des producteurs à plusieurs niveaux :

au niveau technique à travers la formation (production de plants en pépi-nières, itinéraires techniques améliorés, techniques diverses de gestion de la haie, d’aménagement de la parcelle et de lutte anti-érosive) ;

au niveau de l’approvisionnement, voire dans certains cas de la commer-cialisation, à travers l’émergence de services nouveaux aux agriculteurs, ré-pondant aux besoins de systèmes de culture plus intensifs.

La mise en place d’un comité villageois de lutte contre la divagation qui a infligé des amendes sévères aux propriétaires d’animaux surpris en divagation a eu un effet radi-cal. Les animaux sont désormais attachés avec des cordes solides à des piquets pro-fondément enfoncés dans le sol.

La divagation animale ayant disparu, les paysans peuvent maintenant réaliser en champs ouverts des spéculations qui jadis nécessitaient d’être protégées du bétail par une clô-ture. La fin de la divagation aurait pu avoir pour conséquence l’arrêt total des plantations d’arbres dans cette zone. Cependant, la promotion de techniques améliorées valorisant la biomasse produite par la clôture (paillage, enfouissement, fourrage) a enttemps re-layé la justification initiale de protection pour constituer un nouveau moteur de l’em-bocagement dans la région. Les paysans ont également découvert des valorisations ori-ginales de la haie : des haies non taillées constituent des brise-vents efficaces permettant la culture du bananier dans les Hauts, zone exposée et peu propice à cette spéculation. Enfin, la nouvelle motivation pour la plantation d’arbres est l’appropriation par les pay-sans de parcelles dans la zone jadis forestière, domaine de l’État.

Tous ces facteurs ont concouru à ce que la plantation d’arbres ne disparaisse pas avec l’arrêt de la divagation. Les paysans plantent désormais autrement (des plants plutôt que des boutures), pour d’autres fonctions (brise-vent, fourniture de biomasse, appropria-tion de la terre), dans différents lieux (zone des Hauts, ancienne zone forestière).

La conduite d’un projet partant d’un grand respect des pratiques et des sa-voirs des agriculteurs, mais n’hésitant pas à intervenir de façon volontariste, peut faciliter l’adaptation de ces pratiques à un environnement qui lui-même se transforme. La pérennisation des fonctions et des services d’appui qui sont mis en place dans le courant du projet suppose par ailleurs le souci permanent de se dégager de leur gestion, au profit des acteurs locaux, dès que ceux-ci sont en mesure de le prendre en charge ou que les risques initiaux liés à l’innova-tion ont été réduits.

Progressivement, les fonctions d’un projet d’appui à l’embocagement ten-dent ainsi à se diversifier. Si, au départ, l’iten-dentification puis la diffusion des techniques pour la production du matériel végétal sont évidemment centrales, l’action sur l’environnement de la production devient ensuite essentielle.

Au fur et à mesure que l’action progresse, son caractère thématique agrofo-restier s’estompe souvent : on se rapproche de plus en plus d’actions de déve-loppement rural articulant de nombreuses composantes entre elles. Parallèlement, les interlocuteurs privilégiés évoluent également : au départ, le dialogue se fai-sait surtout avec les « innovateurs ». Dans un second temps, l’appui aux pépi-niéristes a pris le relais. Dans un troisième temps, c’est à nouveau avec les

culteurs embocageurs que se développent des actions, mais cette fois autour de leurs systèmes de culture à l’intérieur des parcelles aménagées. Enfin, les ins-titutions privées ou publiques d’appui, d’approvisionnement ou de commercia-lisation deviennent des partenaires clés dès lors que « ce qui marche » est dé-sormais bien clair et que le projet peut envisager son désengagement.

Bien évidemment, les généralisations sont toujours abusives : chaque situa-tion locale, avec ses condisitua-tions particulières et sa complexité, connaît une dy-namique qui lui est propre, et l’histoire d’une action de développement ne suit jamais un modèle aussi linéaire. Le cadre étroit des projets −rarement plani-fiés sur plus de trois à cinq ans ! −permet aussi rarement d’envisager une in-tervention d’un seul coup, sur toute la profondeur de temps que nécessite un tel processus. Il faut articuler des phases, et souvent des bailleurs de fonds successifs. Il reste cependant important de pouvoir se situer, à tout moment, dans un tel pro-cessus qui va de l’identification des innovateurs à la consolidation d’un système agroforestier pérenne.

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