2.1 Valorisation énergétique : la méthanisation
2.1.2 Les produits de la digestion anaérobie
En entrée du procédé, la MO à transformer en biogaz, qu’elle soit soluble ou particulaire, est un
composant d’un substrat solide (déchet) ou liquide (effluent), les autres composants de cette
matrice étant l’eau et les matières minérales. Le bilan de ce processus de transformation
biologique implique une croissance des microorganismes au fur et à mesure de la conversion de
la fraction biodégradable de la MO (Figure 16). De manière grossière, 5 à 10% (m/m) de la
fraction organique convertie se retrouve sous forme de biomasse microbienne et le reste sous
forme de biogaz. Cette proportion peut être comparée à celle obtenue suite à un traitement
aérobie pour lequel 50% de la MO dégradée est convertie en biomasse (Bernet et Buffière,
2015).
53
Figure 16 : Schéma global du bilan de la méthanisation (adapté de Bernet et Buffière, 2015)
Suite à ce bilan de la méthanisation, 2 produits résultent : le digestat et le biogaz (Figure 16).
2.1.2.1 Les digestats
Au cours du processus de méthanisation, la nature physique et chimique des substrats est
modifiée. Bien que la majorité de son carbone organique soit convertie en biogaz, l’azote, le
phosphore, le potassium et les composés inorganiques ou bio-réfractaires (plastiques, composés
ligneux, etc.) présents initialement sont concentrés selon leurs affinités.
Le suivi qualitatif du digestat permet, d’une part d’évaluer et d’optimiser les performances du
procédé, et d’autre part de connaitre les teneurs en polluants résiduels et/ou la valeur
agronomique en fonction des débouchés potentiels. Des bilans entrée/sortie sont ainsi établis par
comparaison des caractéristiques initiales des substrats méthanisés à celles du digestat produit,
et des indicateurs de performances du procédé peuvent être calculés (rendement matière, taux
de dégradation des solides volatils, rendement épuratoire, rendement méthane, etc.). Les
paramètres généralement analysés sont les suivants : matières sèches (MS), matières volatiles
(MV), DCO, COT, concentration d’un polluant ciblé, présence de microorganismes pathogènes
16.
La réglementation actuelle considère le digestat de méthanisation comme un déchet. Cependant,
en fonction de la nature des intrants et du procédé de méthanisation, il présente une composition
et une valeur agronomique variable et si ses caractéristiques s’y prêtes, il peut être valorisé
directement sous forme brute par épandage
17sur les sols cultivés. De plus, suite à un
16
L’utilisation de digestats porteurs de microorganismes pathogènes nécessite une étape
d’hygiénisation pré ou post-traitement (pasteurisation, compostage ou chaulage).
17
La réglementation de l’ épandage du digestat va rie en fonction des départements, du règlement
sanitaire départemental, des arrêtés préfectorau x en vigueur, des décrets d’application
départementau x de la dir ective nitrate, etc (A DE ME, 2011).
54
traitement
18, les caractéristiques du digestat ou de ses différentes fractions peuvent répondre aux
critères imposés par les normes en vigueur pour les amendements et fertilisants organiques (NF
U44-051, NF U44-095 et NF U42-001). Ces matrices deviennent alors des produits organiques
épandables (sortie du statut de déchet) sans contrainte et le producteur peut envisager leur mise
sur le marché, par exemple, en tant qu’amendement de fond après une séparation de phases
(fraction liquide substituable aux engrais minéraux car riche en azote ammoniacal et en
potassium et fraction solide concentrée en MO et en phosphore). Tout ou partie du digestat peut
également être orienté vers un procédé d’épuration ou vers une filière d’élimination telle que
l’enfouissement. Dans ce dernier cas, la stabilité (ou degré de maturité) du sous-produit peut être
évaluée par la mesure de son potentiel méthanogène résiduel ou par des tests de respirométrie
aérobie (AT
4, Indice de Stabilité Biologique) (Cresson et Denat, 2015).
2.1.2.2 Le biogaz
• Composition et production
Le biogaz est majoritairement composé de CH
4(carbone sous sa forme la plus réduite) et de CO
2(carbone sous sa forme la plus oxydée). Cependant, jusqu’à plus de 140 autres substances (gaz
ou composés) peuvent être présentes : le dihydrogène (H
2), le diazote (N
2), le sulfure
d’hydrogène (H
2S), les composés organiques volatils (COV), des hydrocarbures aromatiques
polycycliques (HAP), des composés halogénés, des métaux lourds et des siloxanes, etc. La
composition typique du biogaz issu d’ISDND est comparée à celles de la digestion de boues
urbaines et d’effluents industriels et celle du gaz naturel (Tableau 7). Le biogaz issu de la
fermentation des DMA présente la plus basse gamme de teneurs en CH
4et la plus haute en CO
2.
Ceci peut être expliqué par le fait que les ISDND ne sont pas des systèmes optimisés pour la
méthanisation tels que le sont les méthaniseurs. La variabilité des DMA et de leur teneur en MO
influence inévitablement la qualité du biogaz généré.
De manière évidente, la qualité énergétique d’un biogaz dépend de sa teneur en méthane. Le
pouvoir calorifique inférieur (PCI)
19du CH
4est de 9,94 kWh.Nm
-3dans les conditions normales de
température et de pression (0°C et 1 atm)
20(Camacho et Prevot, 2008). Le PCI d’un biogaz est
considéré comme quasiment proportionnel à son pourcentage volumique en CH
4. Cependant, en
18
Déshydrata tion par sépa ration physique (filt ration, centrifugation, évapora tion) avec ou sans ajout
de réactifs chimiques (coagulant, floculant, etc.), concentration de nutriments et éléments fertilisants
(filtration, osmose inverse, e xtraction ga zeuse, for mation de struvite) ou po st-compostage.
19
Quantité de chaleur dég agée par la combustion complète d'une unité de combustible, la vapeur
d'eau étant supposée non condensée et la chaleur non récupérée.
55
pratique, il dépend aussi des pourcentages volumiques des autres composés majeurs présents :
CO
2, N
2, O
2, et H
2O.
Tableau 7 : Compositions typiques de biogaz (Source Véolia, Germain et al., 2015)
Composants Biogaz
d’ISDND
Biogaz d’un
digesteur de
boues urbaines
Biogaz d’un
méthaniseur
d’effluents industriels
Gaz naturel
CH
4(% vol) 35 - 65 60 - 70 60 - 80 80 - 90
CO
2(% vol) 15 - 50 30 - 40 20 - 40 0,5 - 1
N
2(% vol) 5 - 40 0 - 0,2 - 0 - 15
H
2S (% vol) 0 - 0,003 0 - 0,4 0 - 2 0
NH
3(% vol) 0 - 0,005 0 - 0,1 0 - 0,1 0
Autres (% vol) 0 - 0,01 0 - 0,01 0 - 0,01 3 - 10
O
2(% vol) 0 - 5 0 0 0
PCI (kWh.Nm
-3) 4 - 5 6 - 7 6 - 8 8 - 11
PCI : Pouvoir calorifique inférieur
L’augmentation exponentielle du nombre de stations de traitement et d’enrichissement du biogaz
dans le monde entre 1987 et 2009 (Figure 17) laisse pressentir l’intérêt grandissant pour la
production de biogaz au cours de ces 20 dernières années (Arnaud et Gricourt, 2015).
Figure 17 : Nombre total de stations de traitement et enrichissement du biogaz dans le
monde entre 1987 et 2009 (Petersson et Wellinger, 2009)
La production mondiale de biogaz est très difficilement estimable. En 2013, elle a toutefois été
évaluée à environ 155 TWh à l’échelle européenne, et elle est principalement répartie selon 3
secteurs : les centrales méthanogènes à vocation énergétique (CMVE) telles que les digesteurs
agricoles, industriels, etc., les ISDND et les STEP (Figure 18) (EurObserv’ER-Biogas Barometer
0
20
40
60
80
100
N
om
br
e
d'
uni
té
Année
56
2014). En France, la majorité du biogaz est produit via l’enfouissement des DMA (60%). En
revanche, malgré l’abondance de substrats organiques sur le territoire (déchets alimentaires,
agricoles, industriels, etc.), les CMVE restent encore peu nombreuses par rapport à l’Allemagne,
et contribuent à hauteur de 23% de la production du biogaz français. En septembre 2016,
l’hexagone comptait 224 unités de méthanisation à la ferme (effluents d’élevage et déchets
agricoles) et 29 unités territoriales (effluents d’élevage et déchets industriels et de collectivités)
(site internet SINOE déchets). L’objectif ambitieux de 1 500 nouveaux méthaniseurs dans les
fermes d’ici à 2020 a de ce fait été fixé par le Gouvernement en mars 2013 (plan « Energie
méthanisation autonomie azote »). L’Allemagne qui a fortement développé la production
d’énergie renouvelable à partir de biomasses, produit environ 50% du biogaz de l’UE. De plus,
cet Etat membre comptait environ 8 000 installations en 2015 dont une très forte proportion de
CMVE agricoles utilisant des cultures énergétiques
21(Bassard et al., 2016). Cette différence de
développement est largement expliquée par les divergences de politique environnementale et
notamment les coûts nationaux de rachat de l’énergie très différents et les contraintes liées à
l’injection du biogaz dans le réseau de gaz naturel.
Source : EurObserv’ER‐Biogas Barometer 2014
Figure 18 : Répartition de la production de biogaz en UE, France et Allemagne en 2013
• Valorisation du biogaz
Le biogaz produit par méthanisation peut être valorisé de différentes manières (Figure 19). Une
valorisation thermique par combustion du biogaz en chaudière permet de produire de la chaleur
(eau chaude, vapeur à moyenne ou haute pression, alimentation de fours de procédés)
21