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3.2 Evaluation de la biodégradabilité anaérobie de la matière organique

3.2.1 Outils de mesure de la biodégradabilité

L’évaluation expérimentale de la biodégradabilité d’un substrat consiste à placer un échantillon

de ce substrat dans des conditions d’incubation contrôlées puis à suivre dans le temps sa

dégradation biologique en quantifiant, soit la « disparition » ou consommation des « réactifs »,

soit la production de métabolites intermédiaires ou de composés finaux de la dégradation

(Angelidaki et al. 2002 ; Sanders et al., 2003). La consommation de substrat ou la production

d’intermédiaires peuvent être évaluées par la mesure de paramètres globaux (MVS, COD, DCO,

etc.) mais aucune cinétique de dégradation ne peut être appréhendée en raison des contraintes

expérimentales qu’engendrent un prélèvement de substrat en cours de dégradation. La mesure

et le suivi des produits gazeux au cours de la dégradation et la qualification du substrat après

dégradation sont donc souvent privilégiées (Angelidaki et al. 2002).

Peu de méthodes standardisées unanimement acceptées, et peu d’indications précises

concernant le paramètre le plus approprié pour mesurer la biodégradabilité de matières

organiques sont aujourd’hui disponibles. Cette évaluation de la biodégradabilité d’un substrat

peut s’effectuer soit en conditions aérobies, soit en conditions anaérobies avec production de

biogaz méthanogène.

3.2.1.1 Biodégradabilité aérobie

La dégradation biologique aérobie de la MOD conduit à la consommation d’oxygène et à la

formation de dioxyde de carbone, d’eau, de chaleur et de biomasse bactérienne. Le suivi de la

consommation d’oxygène et/ou la production de dioxyde de carbone et de chaleur est aisé au

cours de la dégradation (Sanders et al., 2003 ; Gomez et al., 2006). La mesure d'O

2

est

cependant souvent favorisée car l'oxygène est directement responsable de l'oxydation de la MO

(Gómez et al., 2006) même si les mesures de CO

2

sont décrites comme peu coûteuses (Adani et

al., 2001) et moins sophistiquées (Gómez et al., 2006). Parmi les tests en conditions aérobies, le

test respirométrique AT

4

(activité respiratoire sur 4 jours) est le plus employé et correspond à un

test de référence du décret allemand sur le stockage des déchets prétraités. Il consiste à évaluer

la consommation d’O

2

par les microorganismes en conditions aérobies pendant 4 jours (Binner et

Zach, 1998). De par sa facilité de mise en œuvre, ce test est de plus en plus employé pour des

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substrats solides et les résultats obtenus en seulement 4 jours sont relativement précis et

comparables. La demande biochimique en oxygène à 5 jours (DBO

5

) est plus couramment

appliquée sur des substrats liquides et permet de quantifier l'oxygène utilisé par les

microorganismes pour l’oxydation de la MOB. Rapportée à la demande chimique en oxygène qui

évalue la charge organique globale oxydable (rapport DBO

5

/DCO), elle permet d’estimer la

biodégradabilité de la MOD en conditions aérobies (Reinhart et Townsend, 1998). Plus le rapport

DBO

5

/DCO d’un L

DMA

est élevé, plus la part de MOB est importante et plus l’effluent est

susceptible d'avoir un pouvoir méthanogène élevé (paragraphe 1.2.3, Tableau 5).

3.2.1.2 Biodégradabilité anaérobie

La dégradation biologique anaérobie de la MOD conduit à la production de biogaz méthanogène

et de métabolites intermédiaires, tels que les AGV, avant une humification de la MOD vers des

composés plus hydrophobes et plus aromatiques (Feuillade et al., 2009). La capacité d’un

substrat à générer du biogaz peut être déterminée de manière purement théorique ou

expérimentale.

Approche théorique

L’approche stœchiométrique, basée sur la composition élémentaire du substrat organique brut,

est utilisée afin d’évaluer de manière théorique la qualité et la quantité de biogaz produit lors de la

digestion anaérobie. Cette approche théorique utilise l’équation de Buswell (Shelton et Tiedje,

1984 ; Wang et al., 1997 ; Angelidaki, 2002) (Équation 20), et elle permet d’évaluer le potentiel

maximal de production de biogaz du substrat.

Équation 20 :

+ − 4 − 2 +34 + 2 → 2 + 8 − 4 −38 − 4 + 2 − 8 + 4 +38 + 4 + +

Cependant, cette approche suppose une décomposition totale des constituants (bien loin de la

réalité) donnant lieu à une surestimation par rapport à la mesure expérimentale de la

biodégradabilité. De plus, de nombreux facteurs tels que la biodégradabilité et la biodisponibilité

des substrats, la croissance et le renouvellement cellulaire, les vitesses de biodégradation des

divers composés organiques ou encore les phénomènes de solubilisation, de précipitation,

d’inhibition ou de carence ne sont pas considérés. Cette méthode n’est donc que très rarement

employée contrairement aux techniques appliquées en laboratoire. En effet, les tests en

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laboratoire réalisés dans des conditions optimales donnent des résultats plus représentatifs quant

au potentiel de production de biogaz c'est-à-dire sur la biodégradabilité de la matrice.

Approche expérimentale

En conditions anaérobies, les tests de biodégradabilité consistent à mettre en contact un substrat

avec un inoculum de bactéries anaérobies dans un réacteur de température contrôlée où est

injectée une solution contenant des nutriments et assurant une humidité suffisante pour le

développement des microorganismes. La majorité des tests sont basés sur la mesure de la

production de biogaz par des méthodes volumétriques (augmentation du volume à pression

constante) ou manométriques (augmentation de la pression à volume constant) simples. Cette

mesure présente en effet l’avantage de rendre compte du taux de biodégradation ultime et de

minéralisation du substrat, par mesure de la production de biogaz jusqu’à stabilisation (Angelidaki

et Sanders, 2004).

Parmi les tests en anaérobie, le test GB

n

(« Gärtest » ou « Gasbildung » à n jours) est le second

test de référence du décret allemand sur le stockage des déchets prétraités, le premier étant le

test d’activité respiratoire (AT

n

) en aérobiose (Morais, 2006). Ce test est également appelé « test

de fermentation » car il a été développé sur les bases du test normalisé de fermentation DIN

38414 du même nom (ou encore nommé GP

n

(Heerenklage et Stegmann, 2001)). Il comprend

une détermination volumétrique de la production de gaz (méthode à la seringue ou par

déplacement d’une colonne d’eau). Heerenklage et Stegmann (2001) détaillent les conditions

opératoires du test.

L’application de ce test sur des échantillons frais met en évidence le risque d’une phase de

latence importante en raison d’une acidification (Binner, 2003). Le temps d’incubation correspond

à la durée de la phase de latence pendant laquelle il y a absence de production, à laquelle

s’ajoute « n » jours. La réglementation allemande préconise 21 jours d’incubation après la

période de latence dans le cadre de l’analyse de déchets prétraités destinés à l’enfouissement.

Cependant, selon Binner et al. (1997) et Binner et Zach (1998), une durée du test GB

n

de 21

jours n’est pas suffisamment longue pour déterminer avec certitude le potentiel de production de

biogaz et cette production ne représente que 10 à 60% de la quantité totale produite en 240 jours

(Binner et Zach, 1998). Ce test permet donc une mesure d’activité et non d’un potentiel de

biogaz.

Au contraire, le test du potentiel bio-méthanogène (BMP) permet d’évaluer la biodégradation

ultime d’un substrat en anaérobiose, et donc la quantité maximale de méthane qui peut être

produite dans les conditions d’incubation jugées optimales. Aujourd’hui, ce test est le plus

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couramment utilisé et le plus fréquemment cité dans la littérature (Barlaz et al., 1990 ; Bogner,

1990 ; Boda, 2002 ; Gachet, 2005 ; Angelidaki et al., 2009 ; Bayard et al., 2010 ; Liu et al., 2015).

Bayard et al. (2016) ont mis en évidence une corrélation positive entre la DBO

5

et le test BMP :

plus la valeur de la DBO

5

d’un substrat est élevée, plus son BMP est important.

Lors d’un test BMP, le suivi est réalisé sur la production de biogaz total (Gunaseelan, 1997). Les

analyses de la phase gaz, le plus souvent réalisées par chromatographie gazeuse, permettent

d’établir une cinétique de production de méthane. L’incubation est poursuivie jusqu’à l’arrêt de la

production de biogaz, afin d’obtenir le potentiel ultime du substrat. Ce temps d’incubation

différencie donc le test BMP d’un test GB

n

réalisé sur une durée limitée de « n » jours.