3.1.1 Bilan sur les méthodes existantes
La caractérisation avancée de la MOD permet d’obtenir des informations sur sa structure, sur les
fonctions chimiques constitutives des molécules analysées ainsi que sur les propriétés physiques
(taille des molécules, etc.) ou chimiques (polarité, hydrophobicité, etc.) des éléments qui la
composent (Labanowski, 2004). De nombreuses techniques sont couramment utilisées pour
caractériser la MOD (Tableau 13), et pour obtenir des informations complémentaires, il est
souvent nécessaire de les combiner. En effet, même si les outils analytiques utilisés pour
caractériser la MOD sont identiques à ceux mis en œuvre pour déterminer la composition des
molécules organiques seules, ils ne permettent pas de définir avec précision la structure de la
MOD : seules les informations globales sont atteintes. Cependant en les combinant, il est
possible d’élaborer des modèles structuraux ou de définir l’origine de la matière organique.
L’objectif principal de la caractérisation de la MOD, dans une perspective de traitement d’effluent
à l’échelle industrielle, consiste à comprendre et à prédire la réactivité de celle-ci ou de ses
fractions constitutives vis-à-vis d’un procédé spécifique. Dans le cadre de ce travail, la
caractérisation de la MOD vise à évaluer son évolution suite à des processus aérobies et
anaérobies.
Afin de mieux appréhender cette évolution, les molécules organiques sont étudiées en familles
présentant des propriétés ou réactivités similaires. Elles doivent donc répondre à de mêmes
critères physiques ou chimiques de classification (fractions hydrophobes ou fractions de taille) et
permettre une évaluation globale de leurs caractéristiques. D’autres outils de caractérisation
peuvent être envisagés et permettent d’accéder à des éléments de structure plus qu’à des
caractéristiques en lien avec la réactivité des espèces.
Au cours de cette étude, les composés organiques sont quantifiés par mesure du COD, les
familles de molécules sont isolées par fractionnement selon leurs propriétés physiques et
chimiques (fractionnement de taille par UF, fractionnement hydrophobe sur résines XAD), et des
techniques analytiques telles que l’analyse élémentaire ou des méthodes spectroscopiques
permettent d’accéder à l’aromaticité et la structure des molécules.
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Tableau 13 : Méthodes de caractérisation de la matière organique dissoute : Techniques et intérêts (adapté de Leloup, 2013)
Techniques analytiques Intérêts Références
Estimation
quantitative de la
MO globale
Carbone organique total (COT)
ou dissous (COD)* - Evaluation quantitative de la MO.
Pivokonsky et al., 2006
Henderson et al., 2008 et 2010
Hong et al., 2008
Caractère
biodégradable
Carbone organique dissous
biodégradable (CODB)
- Informations sur la quantité de COD minéralisée
par les micro-organismes hétérotrophes.
Servais et al., 1987
Labanowski et Feuillade, 2009
Carbone organique assimilable
(COA)
- Estimation de la proportion de carbone organique
facilement assimilable par les micro-organismes.
Van der Kooij et al., 1982
Labanowski et Feuillade, 2009
Détermination
d’éléments de
structure/
Groupements
fonctionnels
Analyse de composition
isotopique
- Informations sur l’origine de la MO
(allochtone/autochtone). Hiradate et al., 2004
Electrophorèse capillaire - Caractérisation des substances humiques. Parlanti et al., 2002
Titration acide-base
- Détermination des groupements fonctionnels
acides (de type carboxylique et phénolique) de la
MO pouvant se lier aux EMs.
Perdue, 1985
Lu et Allen., 2002
Spectroscopie de fluorescence
3D*
- Informations sur la structure moléculaire de la
MO dissoute et des SH ;
- Informations sur la réactivité avec les métaux.
Parlanti et al., 2002
Ziegmann et al., 2010
Pyrolyse GC/MS
- Informations sur les origines et la formation de la
MO ;
- Identification au niveau structural.
Navalon et al., 2010
Spectroscopie UV-Visible
Absorbance UV (254 nm)*
- Identification quantitative des composés
organiques (200 - 800 nm) ;
- Mise en évidence de composés organiques
aromatiques.
Leenheer et Croué, 2003
Wang et al., 2009
Analyse élémentaire
(C, H, O, N, S, P)*
- Informations sur les teneurs atomiques en divers
éléments.
Jouraiphy et al., 2008
Maurice et al., 2002
* Techniques utilisées pour la caractérisation de la MO au cours de ce travai l.
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Tableau 13 : Méthodes de caractérisation de la matière organique dissoute : Techniques et intérêts (adapté de Leloup, 2013)
Techniques analytiques Intérêts Références
Détermination
d’éléments de
structure/
Groupements
fonctionnels
Résonance Magnétique Nucléaire
(RMN)
- Etude de la MO (AH et AF) ;
- Information qualitative sur les différents
groupements carbonés ;
- Distinction entre les carbones aromatiques et
aliphatiques.
Maurice et al., 2002
Croué, 2004
Navalon et al., 2010
Spectroscopie photo-électronique
à rayons X
- Analyse de spéciation ;
- Détermination de la nature des liaisons ;
- Quantification de groupements fonctionnels.
Monteil-Rivera et al., 2000
Mercier et al., 2002
Spectrométrie de masse - Caractérisation de la structure chimique des
molécules par fragmentation.
Mugo et Bottaro, 2004
Navalon et al., 2010
Infrarouge à transformée de
Fourrier (FTIR) - Etude des groupements fonctionnels de la MO.
Maurice et al., 2002
Croué, 2004
Thermo-Gravimétrie (TG) et
Différential Scanning Calorimetry
(DSC)
- Mise en évidence de pics spécifiques de la MO. Esteves et Duarte, 1999
Fractionnement
selon des
propriétés
chimiques
Chromatographie Liquide Haute
Performance (HPLC)
- Séparation des différentes classes de MOD ;
- Séparation des SH en fonction de leur polarité.
Parlanti et al., 2002
Navalon et al., 2010
Fractionnement selon le caractère
hydrophobe*
- Quantification et identification des AH, AF et du
carbone organique hydrophile.
Henderson et al., 2008
Labanowski et Feuillade 2009
Détermination de
propriétés
physiques
Chromatographie d’Exclusion
Stérique à Haute Performance
(HPSEC)
- Détermination des masses moléculaires
moyennes.
Maurice et al., 2002
Wang et al., 2009
Chromatographie à perméation
de gel - Etude du poids moléculaire apparent. Seo et al., 2007
Ultrafiltration (UF)* - Fractionnement selon le poids moléculaire
apparent (PMA).
Lagier et al., 2000
Labanowski et Feuillade, 2009
* Techniques utilisées pour la caractérisation de la MO au cours de ce travail.
88
3.1.2 Methodes spectroscopiques UV et fluorescence 3D
L’indice SUVA (Specific UV Absorbance) est un outil pertinent pour déterminer le caractère
aromatique et hydrophobe des molécules organiques : plus il est élevé et plus les molécules sont
aromatiques (Leenheer et Croué, 2003 ; Weishaar et al., 2003). Les composés présentant un
indice SUVA élevé (caractère aromatique et hydrophobe marqués) sont également de poids
moléculaire plus élevé (Croué, 2004). Cet indice correspond au rapport de l’absorbance UV à 254
nm sur le COD (Équation 17), et il s’exprimant en cm
-1.gC.L
-1ou en L.cm
-1.gC
-1.
Équation 17 :
éch nm 254COD
UV
SUVA =
SUVA : Indice SUVA de l’échantillon (L.cm
-1.gC
-1)
UV
254 nm: Absorbance UV à 254 nm de l’échantillon (cm
-1)
COD
éch: COD de l’échantillon (gC.L
-1)
La spectroscopie de fluorescence 3D est choisie comme technique pour accéder aux
informations sur la structure moléculaire des composés organiques en fonction de leur caractère
hydrophobe.
La spectroscopie de fluorescence est utilisée depuis longtemps dans le domaine de la chimie
(Kalle, 1963). En environnement, cette technique s’est développée à partir d’une simple mesure
d’intensité de fluorescence (Kalle, 1963) jusqu’à l’utilisation du spectre total de luminescence qui
analyse la réponse de fluorescence des composés naturels pour toutes les longueurs d’onde de
l’UV au visible (Coble, 1996). Actuellement, de nombreux auteurs utilisent cette méthode, par
exemple, pour mieux comprendre les processus d’humification (Leloup, 2013), identifier les
familles de molécules dans des boues, eaux usées ou les eaux de surface (Sierra et al., 2006
Muller et al., 2011) ou encore mieux identifier les molécules organiques réfractaires à de la
biodégradation (Yunus et al., 2011).
La propriété de fluorescence de certaines molécules est liée à la présence de fluorophores dans
leur structure chimique. Pour un fluorophore donné, son énergie de rayonnement (liée à λ
ex)
capable de provoquer l’excitation est caractéristique, tout comme l’énergie du rayonnement émis
(liée à λ
em), qui dépend de la part de l’énergie absorbée qui est réémise. Ainsi, le plan défini par
λ
exet λ
empeut être divisé en zones spécifiques de familles de fluorophores. Chen et al. (2003) ont
ainsi défini 5 régions : les zones I et II caractéristiques des protéines contenant respectivement
les acides aminés aromatiques tyrosine et tryptophane, la zone III spécifique des structures
similaires aux acides fulviques, la zone IV aux sous-produits protéiques microbiens et la zone V
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des fluorophores analogues aux acides humiques. Au sein de ces zones, les massifs résultent
d’une multitude de fluorophores, chacun contribuant en position et en intensité selon sa structure
et sa concentration.
Les données collectées permettent de calculer 2 indices de fluorescence : l'indice d'humification
(HIX) (Équation 18 ; Zsolnay et al., 1999) et l'indice de fluorescence (FI) (Équation 19 ; McKnight
et al., 2001).
Équation 18 :
∫ λ
∫ λ
=
345nm nm 300 nm 480 nm 435I
I
HIX
em em(déterminé pour λ
ex= 254 nm)
Iλ
em: Intensité de fluorescence émise à la longueur d’onde d’émission λ
emÉquation 19 :
I
I
FI
nm 500 nm 450 em em = =λ
λ
=
Iλ
em: Intensités de fluorescence émises à 450 et 500 nm
L’indice HIX permet de caractériser l'état d'humification du système et de renseigner sur son
caractère biodégradable : plus il est élevé plus les molécules détectées ont de forts poids
moléculaires indicateurs d'un degré d'humification avancé. L’indice FI quant à lui renseigne sur le
degré d'aromaticité de la matière organique dissoute et permet de déterminer l'origine de la MOD.
Des valeurs supérieures à 1,9 traduisent une matière organique issue de l'activité bactérienne
tandis que des valeurs inférieures à 1,4 sont caractéristiques d’une origine allochtone (McKnight
et al., 2001).
3.2 Evaluation de la biodégradabilité anaérobie de la matière
Dans le document
Etude du potentiel de valorisation énergétique ou matière de composés organiques extraits de lixiviats de déchets ménagers
(Page 116-120)