• Aucun résultat trouvé

Les cellules épithéliales sont impliquées, notamment durant le développement embryonnaire, dans des processus qui déterminent la forme et la structure des tissus et organes des organismes, c’est la morphogenèse. Durant cette morphogenèse, les cellules épithéliales induisent des remodelages intenses des tissus en subissant elles mêmes des remodelages de leur forme et de leur polarité. Plusieurs évènements morphogénétiques ont été décrits (Quintin et al., 2008).

Figure 19 : Représentation schématique de la formation des appendice dorsaux de l’œuf de

Drosophile

Adapté de Dorman et al., developmental Biology, 2004

(A) Au stade 10B, on peut distinguer les cellules stretch (SC, vert) qui recouvre les cellules nourricières (NCs, violet) et en antéro/dorsal, deux populations de cellules folliculaires antéro-dorsales, les cellules de toit (en bleu) et les cellules de plancher (en rouge). (B-L) Les différents mouvements que subissent ces cellules pour former les appendices dorsaux, du stade 10B au stades14, sont représentés ici. Notons que dans un souci de clarté, de B à F certaines cellules de toit ont été retirées et de A’ à F’ les cellules de toit ont été retirées.

22 Tout d’abord, lors des évènements morphogénétiques, les cellules épithéliales peuvent perdre leur polarité apico-basale ainsi que leur contact entre cellules et avec la matrice extra-cellulaire. Cette perte de contact et de polarité est ensuite suivie d’un processus de migration cellulaire, c’est la Transition Epithélio-Mésenchymateuse (EMT). Ce type de remodelage peut être observé notamment lors de la formation du mésoderme au cours de l’embryogenèse (Kalluri and Weinberg, 2009). L’EMT peut également être impliqué lors de l’invasion des cellules cancéreuses (Thiery et al., 2009). D’autres évènements morphogénétiques ne nécessitent cependant pas la perte de la polarité apico-basale mais impliquent un changement morphologique des cellules. Ces dernières peuvent alors induire différents mouvements morphogénétiques comme l’intercalation, la rotation, l’invagination, l’extension du tissu, la formation d’un tube ou la constriction et l’élongation de tubes (Quintin et al., 2008).

Durant l’ovogenèse de Drosophile, les cellules folliculaires subissent de nombreux mouvements morphogénétiques, notamment impliqués dans la formation des structures de l’œuf nécessaires au développement de l’embryon (Xiaodong et al., 2008). La plupart des évènements morphogénétiques que subissent les cellules folliculaires, prennent place à partir du stade 9. En effet à partir de ce stade, les cellules folliculaires qui entourent la chambre ovarienne se réorganisent. Les cellules folliculaires en contact avec les cellules nourricières s’aplatissent pour former des cellules squameuses appelées cellules “stretch“, tandis que les cellules folliculaires en contact avec l’ovocyte s’allongent le long de l’axe apico-basal pour former un épithélium columnaire. De plus, à l’antérieur de la chambre, les cellules de bordure acquièrent à la fois une propriété de cellules migratoires tout en conservant leur polarité et leur cohésion (Montell et al., 2012; Pinheiro, 2004) afin de migrer collectivement jusqu’à la membrane antérieure de l’ovocyte. Ces cellules formeront alors le micropyle. A partir du stade 10B, un groupe de cellules folliculaires, les cellules centripètes, va migrer entre l’antérieur de l’ovocyte et les cellules nourricières pour finir d’entourer l’ovocyte. Le domaine apical de ces cellules s’allonge en remodelant leur cytosquelette, notamment grâce l’α-spectrine (Dobens et al., 2005) et la βH-spectrine (Zarnescu and Thomas, 1999). Ces cellules formeront l’operculum (Spradling, 1993) et collaboreront avec les cellules de bordure pour former le micropyle (King, 1970; Montell et al., 1992). Enfin, au niveau du coin antéro-dorsal de l’ovocyte, des cellules folliculaires antéro-dorsales (ADCs) vont se réorganiser pour former un tube et ainsi établir les appendices dorsaux de l’œuf (Berg, 2008) (Figure 19). Cette réorganisation se fait grâce aux gradients EGF (Epidermal Growth Factor, Gurken chez la Drosophile), sécrété par l’ovocyte, et BMP (Bone morphogenetic protein, Decapentaplegic chez la Drosophile), sécrété par les cellules “stretch“ voisines (Berg, 2005; Dobens and Raftery, 2000). Ces deux gradients permettent

23 d’induire la différenciation de deux groupes de cellules de chaque côté de la ligne médiane de la région dorsale : environ 15 cellules appelées cellules de plancher détourent environ 55 cellules appelées les cellules du toit (Dorman et al., 2004). Ces deux types cellulaires subissent différents types de mouvements morphogénétiques. Les cellules du toit subissent une constriction apicale, courbant l’épithélium, et initiant ainsi l’invagination de l’épithélium, précurseur de la formation du tube. En parallèle, les cellules du plancher s’étalent sous le domaine apical des cellules de toit permettant ainsi l’allongement du tube (Dorman et al., 2004). Enfin, il est intéressant de noter que tout au long de l’ovogenèse, les cellules folliculaires effectuent des mouvements de migrations collectives, grâce à la présence de filopodes et de lamellipodes, qui permettent la rotation de ces cellules et l’allongement de la chambre ovarienne selon l’axe antéro/postérieur (Horne-Badovinac, 2014). Cette rotation repose sur l’organisation polarisée de l’actine basale dans les cellules et de la matrice extra-cellulaire (Cetera et al., 2015).

Les mouvements de morphogenèse nécessitent donc une réorganisation des cellules épithéliales. Cette réorganisation nécessite une localisation précise des composants intracellulaires et peut ainsi reposer sur l’intervention de nombreux acteurs. Par exemple, dans les cellules de Mammifères MDCK sur une matrice 3D, la formation d’un lumen dans un cyste passe par l’inversion de la polarité apico-basale. Elle nécessite à la fois la réorganisation des protéines de polarité mais également des phosphatidyl-inositols notamment grâce au trafic vésiculaire (voir chapitre II.4. ). La compréhension des mouvements morphogénétiques est donc liée à la compréhension de la réorganisation des composants cellulaires. Dans l’article n°1, nous nous sommes attachés à comprendre comment certains acteurs de la polarité apico-basale des cellules folliculaires se réorganisent lors de la morphogenèse des ADCs.

C. Polarité de l’ovocyte de Drosophile

Dans la chambre ovarienne de Drosophile, hormis la polarité apico-basale des cellules folliculaires, l’ovocyte constitue également un autre type de cellule polarisée. L’absence de jonctions adhérentes oblige cette cellule géante, à contrôler de manière dynamique sa polarité tout au long de l’ovogenèse. Cette polarité particulière permet d’établir, avant la fécondation, les axes de polarité antéro/postérieur (A/P) et dorso/ventral (D/V) du futur embryon. Ce processus est dépendant de la localisation asymétrique de déterminants sous forme d’ARNm. Ces ARNm sont tout d’abord transcrits dans les cellules nourricières puis localisés au niveau de régions spécifiques de l’ovocyte. La traduction est inhibée pendant leur transport et peut reprendre une fois ces derniers correctement localisés. L’ARNm bicoid

24 (bcd) et les ARNm oskar (osk) et nanos (nos) respectivement localisés à l’antérieur et au postérieur de l’ovocyte définissent alors l’axe A/P (Figure 21) (Lasko, 2012). L’ARNm gurken (grk) localisé dans le coin antéro/dorsal de l’ovocyte défini l’axe D/V (Figure 21) (Lasko, 2012). Le transport de ces ARNm est dépendant du réseau de MTs, lui même établi grâce à de nombreux facteurs, dont les protéines PAR (Johnston and Ahringer, 2010).