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Le trafic vésiculaire permet de localiser certaines protéines, notamment les protéines transmembranaires, au niveau de domaines particuliers de la cellule. Ce processus peut donc être impliqué dans la localisation de certaines protéines participant à la polarité cellulaire. De plus, l’endocytose peut permettre de réguler l’activité de certaines protéines au niveau de certains domaines de la cellule comme par exemple, CRB au niveau du domaine baso-latéral.

i.

Régulation de la localisation des protéines de polarité

Le trafic, grâce à l’endocytose et l’exocytose, peut réguler localement la concentration de certaines protéines de polarité en ciblant vers la dégradation dans le lysosome ou vers le recyclage. CRB est une protéine transmembranaire, et cette dernière est endocytée au niveau du domaine baso-latéral pour éviter l’expansion du domaine apical en baso-lateral, via la voie Clathrine dépendante (Fletcher et al., 2012). En apical, il a été montré, dans les cellules folliculaires de la chambre ovarienne de Drosophile, que CRB y est internalisé grâce à la protéine Syntaxine 7, Avalanche (AVL), et à RAB5 ce qui permet d’avoir une quantité correcte de déterminants apicaux (Lu and Bilder, 2005). AVL fonctionne avec RAB5, Rabenosyne5 et VPS45 pour la fusion avec l’endosome précoce. Ainsi, la mutation de chacun des gènes produisant ces protéines induit des défauts de polarité apico-basale (Morrison et al., 2008). De même, la E-Cadhérine, protéine transmembranaire majeure des AJs, est engagée continuellement dans des mécanismes d’endocytose et d’exocytose ce qui permettrait de maintenir un pool dynamique et fonctionnel de la protéine (Wirtz-Peitz and Zallen, 2009). L’interruption du trafic entraine ainsi une distribution irrégulière des AJs.

Figure 37 : Représentation schématique de la formation du lumen dans les MDCK

D’après Román-Fernández and Bryan, Traffic, 2016

Avant l’initiation de la formation de lumen, des protéines apicales telles que la Podocalyxine (Podxl) et Crumbs (CRB) sont localisées au niveau de la périphérie du cyste. Ces protéines sont internalisées par endocytose et adressées via RAB8 et RAB11 au niveau du domaine AMIS (apical membrane initiation site) avec d’autres protéines comme l’Annexine2 (ANX2) associée à CDC42. L’adressage de ces vésicules au niveau du domaine AMIS est alors dépendant de RAB35, PAR3, aPKC et des protéines du complexe exocyste SEC8 et SEC10. Lorsque le lumen commence à se former, le PI(4,5)P2 et PTEN s’enrichissent au niveau du domaine AMIS permettant alors de localiser à la membrane apicale l’ANX2 qui recrute CDC42 qui elle même recrute aPKC en apical.

55 Le trafic permet donc de réguler la relocalisation des protéines au niveau de domaines particuliers de la cellule. Par exemple, dans le système trachéal de l’embryon de Drosophile, un mécanisme Dynéine dépendant permet de restreindre sous le domaine apical les endosomes de recyclage. Ces derniers pourront réadresser la protéine de polarité PAR3 et la E-Cadhérine aux AJs notamment durant des processus dynamiques de morphogenèse (Le Droguen et al., 2015). De même dans l’ectoderme de l’embryon de Drosophile, RAB11 est impliqué dans le recyclage de CRB à la membrane plasmique (Roeth et al., 2009) et le complexe exocyste dans la localisation apicale de CRB, PAR3, aPKC et dPATJ (Blankenship et al., 2007). L’asymétrie des protéines de polarité est donc étroitement liée au trafic cellulaire.

Les cellules MDCK sont un modèle d’étude de choix pour l’étude de la mise en place de la polarité lors du processus dynamique qu’est la formation d’un lumen au sein d’un cyste. Elles permettent ainsi, d’étudier les relations entre les protéines de polarité, le trafic vésiculaire mais également les PIs. Dans ces cellules, la formation du lumen dépend de l’exocytose de vésicules au niveau d’un domaine particulier des cellules, la zone appelée AMIS (Apical Membrane Initiation Site) (Schluter et al., 2009). Elle repose ensuite sur l’accumulation de protéines apicales telles que CRB ou la glycoprotéine Podocalyxine (PCX), qui participeront à la formation du lumen, au niveau de la zone AMIS (Bryant and Mostov, 2008) (Figure 37). Le domaine AMIS témoigne donc de la présence d’une polarité apico-basale au sein des cellules du cyste. Cette polarité n’est tout d’abord pas présente au sein des cellules isolées et initiales, mais sera établie après leur division. Le domaine de contact entre les membranes des deux premières cellules filles deviendra le domaine AMIS. Avant l’accumulation de PCX au niveau du domaine AMIS, PAR3, aPKC et des protéines du complexe exocyste SEC8 et SEC10 définissent ce domaine en étant localisés au point de contact entre les deux cellules grâce aux protéines RAB, RAB11a et RAB8 (Bryant et al., 2010). La formation du lumen repose ensuite sur un processus de transcytose qui nécessite l’endocytose de CRB, PCX, Annexine2 (ANX2) et CDC42 puis leur transport dans des vésicules RAB11a positives jusqu’au niveau du domaine AMIS (Bryant et al., 2010). Une fois proche de ce domaine, RAB11a déclenche une cascade d’activation, impliquant notamment RAB8 et le complexe exocyste, qui permet l’exocytose des protéines apicales au niveau du futur domaine apical (Bryant et al., 2010). Ces protéines permettent alors de former le lumen au niveau de la zone AMIS. L’adressage des vésicules contenant les protéines apicales au niveau du domaine AMIS est donc primordial. Ainsi, PAR3, aPKC et le complexe exocyste sont requis pour adresser les vésicules au niveau de ce domaine (Bryant et al., 2010). La diminution de l’expression de PAR3 induit alors une accumulation cytoplasmique de PCX dans des vésicules RAB11a positives (Bryant et al., 2010). De plus, lors de la division de la

56 première cellule isolée, RAB35 se localise au niveau du site de contact entre les deux cellules filles pendant la cytokinèse. RAB35 permet ainsi l’adressage de vésicules apicales notamment grâce à son interaction physique avec PCX (Klinkert et al., 2016). La diminution de l’expression de RAB35 inverse alors la polarité du cyste, avec l’accumulation de PCX et d’autres protéines apicales comme CRB, à l’opposé de sites de contacte entre les cellules du cyste (Klinkert et al., 2016). Dans ce contexte, ces protéines apicales sont bien endocytées mais finissent par se relocaliser et s’accumuler anormalement à l’opposé du domaine AMIS. Enfin, lorsque le lumen commence à se former, les PIs commencent également à se polariser. Le PI(3,4,5)P3 s’enrichie au niveau du domaine basal du cyste tout comme la PI3KI, p110δ (Martin-Belmonte et al., 2007; Peng et al., 2015). De plus, cette PI3K est primordiale pour établir précocement la polarité du cyste car la diminution de son expression ou de son activité induit une inversion de la polarité (Peng et al., 2015). p110δ régule notamment l’organisation des adhésions focales, de la membrane basale ainsi que l’activation de la GTPase RAC1. Cette protéine est également impliqué dans l’organisation de la lame basal et induit, elle aussi, une inversion de polarité du cyste lorsque son activité est affectée (O’Brien et al., 2001). A l’inverse, le PI(4,5)P2 s’enrichit prêt du lumen grâce à l’accumulation de PTEN dans le domaine AMIS (Martin-Belmonte et al., 2007). Le processus permettant l’enrichissement de PTEN en apical n’est cependant pas clairement identifié. Il a toutefois été proposé que son interaction avec PAR3 pourrait être impliquée (Feng et al., 2008). L’enrichissement apical de PI(4,5)P2 permet de renforcer le processus d’endocytose apical car il recrute l’ANX2 qui elle même recrute CDC42 et aPKC en apical. Cette polarité est ensuite conservée une fois le lumen formé.

ii.

Les protéines de polarité sur le trafic vésiculaire

Les protéines de polarité semblent également impliquées dans la régulation du trafic vésiculaire. En effet, par exemple, chez C.elegans, après un crible RNAi, le module antérieur (PAR3, PAR6, PKC3 (aPKC) et CDC42) a été montré comme requis dans le trafic vésiculaire. De plus, dans des cellules non polarisées telles que les cellules HeLa humaines, l’expression de dominant négatif de CDC42 et PAR6 induit des défauts d’endocytose (Balklava et al., 2007). De plus, PAR3 est impliqué dans l’enrichissement au niveau du domaine antérieur de EEA-1, un marquer de l’endosome précoce (Andrews and Ahringer, 2007). De même, PAR6 et PKC3 (aPKC) permettent d’enrichir et de maintenir au niveau du cortex antérieur, DYN-1, l’homologue de la Dynamine (Nakayama et al., 2009). PAR5, PAR1 et PAR3 sont également impliqués dans la localisation sub-apicale de RAB11 dans l’intestin de C.elegans (Winter et al., 2012). Cependant, les modules de polarité semblent avoir des rôles différents en fonction des types cellulaires. Dans les cellules de disque imaginal de

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Drosophile, CDC42, PAR6 et aPKC régulent la scission des vésicules d’endocytose via la

Dynamine pour permettre, en apical, l’endocytose de E-Cadhérine puis sa relocalisation au niveau des AJs (Georgiou et al., 2008; Leibfried et al., 2008). Toutefois dans les cellules du neuroectoderme de l’embryon de Drosophile, CDC42, PAR3 et PAR6 régulent cette fois négativement l’endocytose précoce, en apical, et positivement la maturation de l’endosome précoce en endosome tardif (Harris and Tepass, 2008). Le rôle précis des protéines de polarité dans le trafic vésiculaire n’est cependant pour l’instant pas connu. Il a ainsi été proposé que ces dernières pourraient, en participant à l’organisation et à la dynamique du cytosquelette, réguler l’efficacité du trafic (Shivas et al., 2010). Ces protéines, et notamment les kinases, pourraient également jouer sur l’activation de certaines protéines impliquées dans le trafic vésiculaire voire même sur les enzymes régulant les PIs, également impliqués dans le trafic vésiculaire. Enfin, dans les cellules mammaires de Souris, PAR3 a récemment été impliqué dans le trafic vésiculaire et plus particulièrement dans l’exocytose. En se liant à la fois aux PIs et à la protéine du complexe exocyste EXO70, PAR3 permet d’adresser à la membrane latérale des protéines localisées dans ce domaine et participant ainsi à la survie des cellules. Les auteurs proposent que PAR3 jouerait ici le rôle de récepteur pour le complexe exocyste à la membrane plasmique (Ahmed and Macara, 2017).