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Processus de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR) des groupes armés

3. Résultats

4.3 Haïti et ses défis face à la répression de la criminalité

4.3.2 Processus de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR) des groupes armés

La présence de groupes criminels armés en Haïti constitue également un défi auquel Haïti doit faire face. Muggah (2005) estime que près de 15 000 individus feraient partie de ces différents groupes. Les groupes politiques, les groupes militaires et paramilitaires, les bases armées et les employés des compagnies de sécurité privées entretiennent une relation particulière (Kolbe, 2013). Comme en Colombie, ces groupes sont constamment en compétition (Gomez Del Prado et Cusson, 2012). Mais ils collaborent parfois entre eux, ainsi qu’avec les familles aisées et le gouvernement. Burt (2012) explique qu’en engageant des employés des

compagnies de sécurité privée, les riches contribuent à l’augmentation de la criminalité. De plus, les crimes perpétrés par leurs employés ne sont pas toujours détectés. De son côté, le gouvernement profite des activités illicites de ces groupes (ex. : narcotrafic, enlèvements, blanchiment de fonds), ce qui complique le démantèlement de ceux-ci (Beer, 2016). De surcroit, la compétition pour les ressources et le désir de contrôler les territoires peuvent donner lieu à des vengeances (Beer, 2016; Gomez del Prado et Cusson, 2012). L’escalade de la violence peut se solder par différents types d’homicides, soit les règlements de compte, les raids commis par des groupes criminels ou gouvernementaux, les exécutions sommaires par la police, les meurtres de policiers (Gomez del Prado et Cusson, 2012). Parmi les données sur les homicides recensées par la CÉ-JILAP, une forte majorité des meurtres avaient été commis par des hommes armés non identifiés. Le groupe criminel auquel appartiennent ces hommes n’était pas connu, mais il est évident que leur accès facilité aux AAF est problématique (Muggah, 2005).

Comme il a été possible de constater, la présence des AAF est probablement l’un des facteurs qui contribue le plus à la criminalité fatale en Haïti. Les données de la CÉ-JILAP indiquent que plus de 80% des homicides seraient perpétrés à l’aide d’une AAF. Le travail des autorités s’avère complexe, car les lois régissant les armes sont rarement appliquées et il n’existe pas de registre qui conserve des traces de l’achat, de la vente ou des échanges d’AAF (Muggah, 2005). De plus, le vol d’armes, particulièrement lors des attaques visant des policiers, contribue à augmenter le sentiment d’insécurité de la population haïtienne, ainsi que la criminalité (Alterpresse, 2016; MINUSTAH, 2012; Muggah, 2005). Ces AAF, qui se retrouvent entre les mains de criminels, peuvent facilement être trafiquées (Muggah, 2005). Muggah (2005) affirme que l’adoption d’un registre et la création d’institutions responsables d’assurer un des armes suivi seraient des étapes nécessaires à la stratégie de réduction de la violence.

Depuis les 20 dernières années, une dizaine de tentatives de désarmement ont été effectuées par l’ONU, la PNH et les militaires américains; la majorité de type coercitif, plutôt que volontaire (Muggah, 2005). Muggah (2005) explique que le but des désarmements était triple. Il visait à réduire le nombre d’armes en circulation dans le pays, tout en promouvant la stabilité et en offrant aux hommes démobilisés un soutien financier. En 2004, près de 20 000 armes avaient été récupérées par les autorités, dont près de 70% avaient été saisies dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince (Muggah, 2005). Ce nombre est plutôt bas compte tenu du fait que plus de 200 000 armes sont encore entre les mains de citoyens haïtiens (Karp, 2012b).

Haïti et la communauté internationale se sont rarement entendus sur la portée et l’impact que peuvent avoir les tentatives de DDR (Dworken, Moore et Siegel, 1997). La communauté internationale accuse l’État d’un manque de volonté de soutenir les efforts de DDR. Elle déplore le fait que certains départements (ex. : Sud et Grand’Anse), par lesquels transitent facilement des armes provenant des pays étrangers, n’ont pas fait l’objet d’efforts de démobilisation aussi importants. De plus, dans plusieurs de ces régions, le processus visait

principalement les anciens membres de la FAdH, alors que des armes se trouvaient également dans les mains de membres du corps policier intérimaire instauré avant la création de la PNH (Muggah, 2005).

La stratégie proposée par le Cadre de coopération intérimaire, de concert avec la Commission Nationale de Désarmement, implique une approche à niveaux multiples (Muggah, 2005). Les acteurs mobilisés incluraient la MINUSTAH, la section DDR du PNUD, ainsi que les Ministères de la Justice et de l’Intérieur du pays (Muggah, 2005). Mais il n’est pas dans l’intérêt du parti politique au pouvoir de soutenir ces efforts, car il est responsable de l’attribution des armes à certains groupes qui opèrent dans le pays (Dziedzic et Perito, 2008). De plus, dans la psyché haïtienne, la possession d’AAF a toujours été associée au pouvoir et à la liberté, deux choses que ce peuple refuse d’abandonner (Kolbe, 2013). Gomez del Prado et Cusson (2012) expliquent qu’en Colombie, l’insécurité incite les citoyens à s’armer afin de se protéger, plutôt que d’être tué. La situation est semblable en Haïti. Comme l’indique Édouard (2013), les haïtiens ont recours à la violence afin de survivre. Ceci explique le nombre important d’AAF en circulation dans le pays, particulièrement chez les civils (Karp, 2012b).

Le processus de DDR devrait inclure des mesures de désarmement involontaires, mais aussi des stratégies volontaires. Afin de diminuer l’incidence de la violence dans le pays, ces stratégies devraient comprendre une réintégration socioéconomique des anciens groupes des membres criminels, un développement communautaire, ainsi que des activités visant la réconciliation entre les individus désarmés et la communauté (United Nations, 2006). Muggah (2005) avance qu’avant d’injecter des fonds dans le pays, la communauté internationale doit s’assurer qu’un plan concret de désarmement, démobilisation et de réintégration soit établi. Il est donc crucial de cibler les groupes les plus à risque et de s’attaquer aux têtes dirigeantes des groupes criminalisés (United Nations, 2006). Mais avant tout, ils doivent obtenir le soutien du gouvernement haïtien. Les responsables auront également besoin de l’aide des ONG locales et internationales afin que celles-ci puissent changer les mentalités des citoyens concernant la possession d’AAF (United Nations, 2006).

La PNH doit aussi participer à la DDR en adoptant une approche plus communautaire (Côté, 2007). Les messages adressés à la population ne seront toutefois pas suffisants pour créer un changement de mentalité (United Nations, 2006). Lors du processus de DDR, il sera donc crucial que les différents acteurs œuvrent avec le gouvernement et initient un dialogue politique transparent. De plus, ils devront travailler à la réforme de l’ensemble du système pénal et au renforcement de la sécurité dans toutes les zones du pays.