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2. Méthodologie

2.1 Adaptation de la typologie de l’UNODC

La présentation des différents facteurs pouvant avoir un impact sur la criminalité nous a permis de constater que plusieurs d’entre eux se prêtent bien à la situation d’Haïti. Cependant, malgré les explications que ces facteurs macro peuvent offrir, ils ne présentent qu’une partie de la réalité des homicides. Rares sont les études qui tentent de classifier les homicides commis dans le pays, particulièrement lorsque les données sont difficilement accessibles. Mais selon Mucchielli (2002), l’homicide est d’abord et avant tout une interaction entre deux individus dans un contexte social. Dans leur étude, l’UNODC (2014) a tenté de catégoriser les homicides intentionnels en trois catégories, soit les homicides interpersonnels, ceux liés aux activités criminelles et les homicides sociopolitiques.

2.1.1 Les homicides interpersonnels

Les homicides interpersonnels constituent la première catégorie et comprend deux sous-catégories (UNODC, 2014). Tout d’abord, les homicides commis par un membre de la famille ou un partenaire amoureux. Ces homicides pourraient être catégorisés comme étant des un parricide (un père ou une mère tué par son enfant), un infanticide (un enfant tué par un membre de la famille) ou encore un meurtre en conjugal (un individu tué par un partenaire amoureux actuel ou passé) (Beaupré, 2015). Ensuite, les autres homicides interpersonnels incluent les incidents qui surviennent lors de querelles et également lors de beuveries. Dans ces cas, les protagonistes peuvent être des amis, des connaissances, ou encore des inconnus. Le conflit peut escalader et entrainer la mort d’un des deux individus (Cusson et Boisvert, 1994).

2.1.2 Les homicides liés aux activités criminelles

La seconde catégorie dont il sera question dans cette recherche est celle des homicides liés à des activités criminelles. Elle inclut les règlements de compte entre criminels, les meurtres de voleurs ou criminels par des policiers, ainsi que les homicides liés aux gangs criminelles. Comme l’explique le rapport de l’UNODC (2014), ce sont ces crimes qui, habituellement, monopolisent l’attention des forces de l’ordre. Une distinction sera faite entre les bases (groupes criminels moins organisés qui s’apparenteraient aux gangs de rue) et les individus soupçonnés d’appartenir ou faisant partie d’autres groupes criminels dont l’identité n’est pas toujours connue. Selon Kolbe (2013), les bases opèrent principalement dans les bidonvilles, alors que les autres groupes criminels armés participent aux activités illégales, tels que le trafic de drogues et d’armes à feu. Plusieurs membres de ces groupes sont affiliés au gouvernement. De plus, les homicides qui se produisent

durant des crimes plus conventionnels, tels que les vols et les agressions sexuelles, sont aussi inclus (UNODC, 2014).

2.1.3 Les homicides sociopolitiques

Les homicides sociopolitiques complètent la typologie de l’UNODC (2014). Cette catégorie comprend, entre autres, les meurtres à connotation sociale. Ceux-ci visent des individus à cause de leur race, leur orientation sexuelle, leur faible statut socioéconomique, leurs problèmes de santé mentale ou d’autres caractéristiques pouvant les rendre vulnérables. Certaines populations marginalisées sont perçues comme apportant une faible contribution à la société, ce qui explique la violence dirigée envers celles-ci (Édouard, 2013). Les homicides reliés à la religion sont également une forme de violence présente en Haïti. Dans ces cas, ceux qui pratiquent la sorcellerie peuvent être victimes, car ils s’adonnent à des pratiques perçues de manière négative par la majorité de la société. Mais les sorciers sont parfois responsables des meurtres, en donnant des substances à leurs victimes, à la demande d’autres personnes (Farmer, 1988). Le recours à la sorcellerie à des fins de vengeance est peu étudié, mais demeurent une réalité en Haïti. Une autre forme d’homicides faisant partie des mœurs du pays sont les lynchages, soit le meurtre d’un ou de plusieurs individus par des membres de la communauté (MINUSTAH, 2013). Face à la défaillance du système pénal, la violence de groupe devient une alternative pour se faire justice.

En plus des homicides ayant une connotation plus sociale, les meurtres en lien avec la situation politique font l’objet de discussions chez les haïtiens. Par exemple, les cas de personnes tuées suite à un enlèvement sont présentés dans les médias, particulièrement en période électorale (Human Rights Watch, 2011). Parmi les victimes, il est possible de compter des membres du gouvernement ou des personnes dites importantes, qui ont été enlevées à cause de leurs prises de positions ou encore de leur influence trop grande dans la sphère politique. Lorsque leurs proches ne parviennent pas à fournir le montant de la rançon exigée, les otages sont tués. Des homicides peuvent aussi survenir lors de manifestations durant lesquelles la population revendique ses droits ou encore des changements au sein du gouvernement (CÉ-JILAP, 2016). La gestion des foules s’avérant difficile, certains manifestants ou spectateurs peuvent être blessés ou même tués. De plus, puisque les policiers font face à un niveau de criminalité important, ils ont parfois recours à des techniques, tels que les raids afin de créer un effet de surprise et appréhender des criminels. Ces opérations, qui se déroulent principalement dans les zones de non droit, peuvent se solder par le décès de criminels, de policiers ou encore d’autres victimes collatérales (n.a, 2005). Lors des raids perpétrés par les groupes criminels, la violence peut aussi être meurtrière. En Haïti, comme dans toutes les régions du monde, cette dernière catégorie de crimes est très rarement documentée. Nous tenterons tout de même d’explorer la survenue de cas d’homicides liés au contexte sociopolitique.