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2 Interaction eau-roche-CO dans les aquifères d’eau douce : état de l’art

2.2 THEORIE SUR CERTAINS PROCESSUS GEOCHIMIQUES

2.2.2 Les processus d’adsorption-désorption

Il est communément admis que le terme de sorption désigne, de manière générale, un processus impliquant le transfert d’une espèce chimique de la phase aqueuse vers la phase solide (Sposito, 1984; Hiemstra and Van Riemsdijk, 1990; Dzombak et Morel, 1990). Ce terme regroupe, d’une part, le processus d’adsorption, et d’autre part, le processus d’absorption. Le processus d’adsorption correspond à l’adhérence d’une espèce chimique sur la surface d’un solide. L’absorption suggère que l’espèce chimique est incorporée dans le solide. L’échange ionique entraîne le remplacement d’une espèce chimique par une autre à la surface d’un solide. Il est parfois difficile de distinguer la sorption des autres types de processus, notamment la dissolution/précipitation (Sposito, 1984). La différence majeure est que la sorption demande l’existence d’un matériel initial à la différence de la précipitation.

Au sein d’assemblages minéralogiques tels que les sols ou les aquifères, plusieurs composés organiques et inorganiques (minéraux argileux, oxyhydroxydes, etc.) présentent des surfaces chargées susceptibles d’adsorber les ions présents en phase aqueuse. Ces différents composés présentent toutefois des surfaces spécifiques différentes, impliquant que la capacité de sorption de certains de ces composés soit plus importante que d’autres. De plus, la capacité d’adsorption de ces assemblages dépend de la proportion entre les différents composés solides chargés tels que les teneurs en minéraux argileux ou en oxyhydroxydes ou le pourcentage de matière organique. Concernant les cations, cette capacité d’adsorption des assemblages minéralogiques est exprimée, de manière conventionnelle, sous le terme de capacité d’échange cationique (CEC). Il est important de noter que, dans les cas d’assemblages minéralogiques possédant des teneurs élevées en oxyhydroxydes ou en matière organique, la valeur de la capacité d’échange cationique est susceptible de varier en fonction des propriétés chimiques de la phase aqueuse (pH), car une variation de la charge des groupements hydroxyles présents à la surface de ces composés solides chargés est attendue dans ces conditions.

2.2.2.1 Charge de surface

La charge de surface peut avoir deux origines principales :

- défauts cristallins et/ou des substitutions isomorphes d’un cation du réseau par un cation de valence différente. La charge qui en découle est alors indépendante du pH de la solution et plus largement des conditions physico-chimiques du milieu. Les argiles minéralogiques (phyllosilicates) montrent une charge négative permanente due à de telles substitutions engendrant, dès lors, un déficit de charge dans la maille cristalline ;

- réactions chimiques entre ions de la solution et groupements fonctionnels ionisables de la surface. En effet, les atomes présents à la surface d’un solide sont entourés de moins d’atomes que ceux qui sont situés en son cœur. Leur sphère de coordination n’est donc pas complète et possède une réactivité spécifique. Dans les milieux aqueux, la surface des solides s’hydrate, ce qui génère des groupes fonctionnels à la surface du matériau, de type hydroxyle (-OH). Ces groupes fonctionnels peuvent se protoner ou se déprotoner (groupe amphotère), générant ainsi une charge de surface qui engendre ainsi un champ électrostatique. La charge de surface dépend principalement de la concentration en protons

dans la solution et donc du pH. D’autres propriétés chimiques de la phase aqueuse, telles que la force ionique ou la composition chimique de cette phase, peuvent également influencer la charge de surface.

Variation de la charge de surface

Comme mentionnée ci-dessus, la charge de surface des composés solides possédant des groupements hydroxyles varie en fonction du pH, en raison de la protonation ou de la déprotonation de ces groupements. Ces réactions de protonation/déprotonation s’expriment ainsi :

↔ avec { }{ { }} { }

(Équation 2-14)

↔ avec { { }}{ } { }

(Équation 2-15)

avec et correspondant aux constants d’équilibre apparentes.

Lorsque le pH augmente, la majorité des groupements hydroxyles se dissocie en et , et donc la charge de surface des composés devient négative. A l’inverse, les sites de surface se protonent e lorsque le pH diminue, aboutissant à l’établissement d’une charge de surface positive.Il existe un pH pour lequel la charge de surface σ0est nulle, appelé le point de

charge nulle (« point of zero charge : PZC »). Ce point de charge nulle est déterminé en suivant l’évolution de la charge de surface à travers une titration acido-basique d’une suspension du solide étudié. Plus précisément, le titrage ne mesure pas directement cette charge mais se réalise à partir du bilan des protons fixés par le solide. Pour vérifier que le PZC corresponde bien à une charge nulle, un titrage à plusieurs forces ioniques est effectué. Lors que la charge est nulle, les interactions électrostatiques sont nulles et la charge dépend uniquement de la force ionique. Cet état de charge de surface peut être appréhendé par titration acido-basique sur une phase solide et sur une large gamme de pH.

En plus des réactions de protonation et déprotonation, la charge de surface des composés chargés peut évoluer en fonction de l’adsorption de certains ions, par exemple des cations (M) :

(Équation 2-16)

2.2.2.2 Double couche électrique: couche compacte et couche diffuse

Le cas d’un solide possédant une charge de surface en présence d’une solution ionique est sujet à des phénomènes électrostatiques à l’interface solide/solution. Ces phénomènes électrostatiques sont décrits par la double couche électrique qui est composée, d’une part, de la couche diffuse, et d’autre part, de la couche compacte. Il est important de souligner que l’intensité du potentiel électrostatique de la double couche diffuse évolue en fonction de la charge de surface du solide et de la composition chimique de la phase aqueuse.

Couche diffuse : théorie de Gouy (1910) et Chapman (1913)

Les minéraux chargés peuvent posséder des groupements hydroxyles dont la charge peut varier en fonction des propriétés chimiques de la solution et/ou des groupements chargés négativement de manière permanente. La présence de ces charges à la surface implique la mise en place d’une différence de potentiel électrique entre la solution et la surface. Un tel potentiel électrique influence l’affinité entre les ions et les minéraux possédant une surface chargée. Les aspects purement thermodynamiques des réactions d’adsorption peuvent être décrits à l’aide d’équations macroscopiques (par exemple, équations Freundlich ou Langmuir) tandis que la simulation des phénomènes électrostatiques implique de considérer l’échelle moléculaire. Plus précisément, la représentation mathématique de ces phénomènes électrostatiques implique de considérer les ions comme des charges ponctuelles qui peuvent se déplacer dans un champ électrique. De cette manière, il est possible de représenter l’évolution progressive du déplacement des ions en fonction de leurs distances vis-à-vis de la surface chargée (par exemple, l’attraction des contre-ions et la répulsion des co-ions). La distribution de potentiel au niveau de la couche diffuse obéit aux lois classiques de l’électrostatique définies par l’équation de Poisson. Cette équation permet de relier le potentiel électrique à n’importe quel point de couche diffuse de densité volumique de charge (C. m-3) :

(Équation 2-17)

avec correspondant à la permittivité diélectrique relative du milieu (CV-1m-1).

Sur la base de l’équation de Poisson, la distribution du potentiel électrostatique entourant la surface chargée peut être calculée une fois que les densités de charge sont connues. En plus de cette représentation du champ électrostatique, il est nécessaire de connaître la position d’un ion au sein de ce champ pour pouvoir déterminer avec précision l’influence du champ électrostatique sur cet ion. Il est possible de rendre compte de cette influence du champ électrostatique sur les ions en solution en fonction de leur position au sein de ce champ (a et b) à l’aide de la loi de Boltzmann :

{ } { }

(Équation 2-18)

Les crochets correspondent à l’activité des ions i de charge zi, est le potentiel électrique (en

V), F la constante de Faraday (C/mol), R la constante des gaz et T la température (°K). Les indices a et b indiquent la position dans le champ électrique.

Dans une solution électriquement neutre, à une distance infinie de l’interface solide/liquide, le potentiel électrique est nul ( , ainsi :

→ ({ }{ } )

(Équation 2-19)

{ } { } (Équation 2-20)

Tandis que le potentiel électrique permet de donner une information locale, les densités de charges permettent de caractériser, à elles seules, chacune des régions de la double couche.

La densité de charge volumique est donnée par :

∑ { } ∑ { }

(Équation 2-21)

La relation de Poisson-Boltzmann se définit ainsi en combinant les équations 2-17 et 2-21 :

( ) ∑ { }

(Équation 2-22)

En considérant différents niveaux d’intégration, il est possible de calculer le champ électrostatique entourant les composés solides chargés et ses conséquences sur le déplacement des ions pour toute distance x de l’interface solide/solution.

Couche compacte et complexation de surface

Comme mentionnée dans les paragraphes précédents, l’adsorption implique deux mécanismes distincts ; d’une part, une liaison chimique entre les ions et les atomes à la surface, et d’autre part, un phénomène électrostatique dépendant de la charge de surface. Ces deux notions sont exprimées dans l’équation ci-dessous :

(Équation 2-23)

Le terme coulombien (i.e. électrostatique) rG°coul, rend compte de l’effet du potentiel

électrostatique, créé par les espèces chargées adsorbées, sur les ions en solution. Ce terme correspond donc à l’énergie qu’il faut fournir pour amener un ion depuis la solution électrolyte (avec un potentiel électrique jusqu’au site de surface au potentiel 0. Cette composante

électrostatique peut s’écrire de la manière suivante :

(Équation 2-24)

avec z la charge de l’ion et F la constante de Faraday (=96485 C/mol)

Le premier terme de l’équation qui représente le terme d’interaction

chimique indépendant de la charge de surface; ainsi constitue la constante d’équilibre

intrinsèque. De même, constitue la résultante des deux termes et la

constante d’équilibre apparente.

Ainsi : (Équation 2-25)

L’adsorption conduit à la formation d’un complexe avec un groupe de surface qui peut être également le siège de l’ionisation de surface. L’ion adsorbé est localisé sur un site de surface, un complexe est formé entre le site chargé et l’ion adsorbé qui est appelé complexe de surface. Par exemple, l’interaction d’une espèce M en solution de valence z et de sites de surface S conduit à la formation d’un complexe

avec { { }{ }} (Équation 2-26)

avec la constante apparente, la constante d’équilibre intrinsèque et le potentiel au plan

d’adsorption.

L’exemple présenté ci-dessus illustre le formalisme mathématique le plus simple utilisé pour représenter le champ électrostatique rayonnant des solides chargés, et ses conséquences sur le déplacement des ions les entourant. Or, plusieurs modèles ont été développés afin de rendre compte de ces deux points.

2.2.2.3 Les différents types de modèles de complexation de surface

Il ne s’agit pas ici de décrire de manière exhaustive les différents modèles existant dans la littérature mais de rappeler les principales caractéristiques des modèles les plus connus (Table 2-1) afin d’orienter ensuite le choix du modèle, dans cette étude.

Dans les cas les plus simples, la structure de double couche est représentée par deux plans de charges. Ce type de modèle conceptuel à capacitance constante est proposé par Helmholtz (Figure 2-1). L’interface entre le solide et l’électrolyte est symbolisée par deux plans chargés, l’un illustrant la charge à la surface du solide et l’autre constitué des contre-ions. Au-delà des ions adsorbés, le modèle ne considère pas d’interaction entre la surface chargée et les espèces ioniques au sein de la solution. La composition chimique de la solution n’influence pas elle-même la description proposée par Helmholtz.

Gouy et Chapman (Gouy, 1910 ; Chapman, 1913) décrivent un modèle à couche diffuse qui prend en compte l’influence de la surface chargée du solide sur les ions en solution à son voisinage (Figure 2-1). La double couche n’est plus une couche compacte limitée à la surface comme dans le précédent modèle, mais une région interfaciale dans laquelle les ions ont un certain degré de liberté pour se déplacer dans la couche diffuse dont l’épaisseur varie en fonction de la concentration et de la nature des ions en solution. Cependant, le modèle ne prend pas en compte la taille des ions. Il existe une distance limite d’accessibilité à la surface qui correspond au rayon ionique. Stern (1924) combine alors dans son modèle les précédents modèles de Helmhotz et de Gouy-Chapman afin de proposer un modèle permettant de simuler plus précisément l’adsorption des ions à la surface des composés solides chargés. Sur la base du modèle de Stern, Grahame (1947) propose d’affiner la représentation mathématique permettant de simuler la théorie de la double couche. Plus précisément, cette nouvelle représentation mathématique propose que la couche compacte décrive deux plans caractéristiques:

- Un plan correspondant aux ions adsorbés spécifiquement ou plan interne de Helmholtz (PIH), - Un plan plus éloigné de la surface correspondant à des ions adsorbés à la surface possédant

une énergie d’hydratation plus élevée ou plan externe de Helmhotz (PEH)

Figure 2-1 : Différents types de modèle de la double couche : du modèle à capacitance constante au modèle triple couche.

La Figure 2-1 présente les divers modèles physiques de la double couche accompagnés du profil de potentiel électrique correspondant. Le potentiel électrique évolue différemment selon le modèle choisi démontrant ainsi l’importance de l’élaboration et de la fiabilité d’un modèle physique de double couche.

Tableau 2-1 : Description, points forts et limitants des différents modèles de la double couche.

2.2.2.4 Modèle de l’échange d’ion

Le mécanisme d’échange d’ion traduit la substitution d’un ion par un autre sur un site de surface dont la charge est permanente car issue d’un phénomène de substitution isomorphique. Un tel phénomène permet de développer un modèle n’ayant pas besoin de considérer l’interaction électrostatique. La réaction d’échange entre deux ions monovalents, par exemple Na+ et K+, s’exprime ainsi :

- ↔ - ave { }{ { }{ }} (Équation 2-28)

avec { } l’activité des espèces chimiques et X la surface du solide associée à une charge permanente globalement négative.

Modélisation de l’interface

minéral/solution Description Les points forts/limites

Modèle de Helmholtz

(1879) • Modèle le plus simple de double couche électrique ; • Interface correspond à un condensateur moléculaire (deux plans parallèles de charge contraire)

• Formation d’une monocouche des ions adsorbés pour compenser l’excès de charge à la surface de la phase solide

• Variation linéaire du potentiel électrique entre les deux plans

• Insuffisant pour représenter l’interface minéral/solution

• Amélioration par la théorie de la double couche diffuse (Gouy- Chapman)

Modèles de double-

couche électrique Gouy-Chapman (1910) : • couche de surface avec les espèces adsorbées (fixes) et une couche diffuse avec les contres- ions (mobiles et attirés par interaction électrostatique)

• interface plane, épaisseur de la couche diffuse inversement proportionnelle à la force ionique de la solution

Gouy-Chapman-Stern (1924) :

• combinaison du modèle de Helmholtz et de la couche diffuse

• épaisseur minimale de la couche des ions adsorbés et fixes et fonction du rayon ionique (couche de Stern)

• une couche diffuse

• le centre des ions de la couche de Stern correspond au plan externe de Helmhotz (« Outer Helmholtz Plan », OHP)

Gouy-Chapman :

• problème avec la répartition des ions adsorbés à la proximité immédiate des parois chargées

• la couche diffuse peut avoir une distance quasi-nulle avec la surface de la phase solide

Gouy-Chapman-Stern (1924) :

• adsorption non spécifique des ions situés dans la couche de Stern

• amélioration par la théorie de Grahame (1947)

Le modèle triple couche

électrique Gouy-Chapman-Stern-Grahame (1947) : • La couche compacte de Stern est subdivisée en 2 parties :

- la 1ère entre la surface et le plan interne de Helmholtz i.e. IHP (complexe de surface interagissant fortement avec la surface en perdant totalement ou partiellement leur sphère d’hydratation, appelés complexe de sphère interne)

- La 2ème est comprise entre l’IHP et l’OHP confondu avec le plan de Stern (complexe hydratés appelés complexes de sphère externe, retenus par les forces électrostatiques). • la couche de Stern est simulée en considérant

deux condensateurs entre lesquels une variation linéaire du potentiel électrique (ions sont immobiles)

• couche diffuse où la variation du potentiel de la couche diffuse est exponentielle (mobilité des ions proche de celle dans l’électrolyte libre) (Hunter 1981)

• Distinction entre les complexes de sphère interne et externe spécifique des ions de la couche de Stern

• Grand nombre de paramètre à acquérir • Plusieurs domaines d’application et

La théorie de Debye-Hückel permet de relier la concentration de l’espèce chimique en solution avec son activité. Pour relier l’activité du cation adsorbé dans ce cas avec sa concentration, il existe cependant plusieurs conventions (Gaines Thomas, 1953 ; Gapon, 1933, Vanselow, 1932). Pour les réactions qui n’impliquent que les ions monovalents, les conventions sont équivalentes. Dans le cadre de cette étude, la convention de Gaines-Thomas a été utilisée. Cette convention permet de représenter un échange ionique impliquant des cations de différentes valences, par exemple entre Na+ et Ca2+, de la manière suivante : - ↔ - avec { }{ } { } { } (Équation 2-29) - → - avec { }{ } { } { } (Équation 2-30) ( ) (Équation 2-31)

avec mi la molalité de l’espèce i. L’activité de chaque ion échangeable est exprimée comme une

fraction équivalente i.e.

avec ∑ (Équation 2-32)

Cette théorie a été largement appliquée pour décrire le comportement macroscopique d’ions majeurs aux interfaces de solides complexes tels que les roches ou les sols (e.g. Tertre et al., 2012). Ce modèle, bien que développé à l’origine pour des solides ayant une charge fixe, a été étendu à des solides possédant une charge variable avec le pH (Bradebury and Baeyens, 2002, 2003). Néanmoins, il ne permet pas d’interpréter ni les propriétés électrocinétiques des particules en suspension, ni les données structurales obtenues, à l’échelle atomique, par spectroscopie.