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IMPACT D’UNE FUITE DE CO 2 DANS LES AQUIFERES D’EAU DOUCE : DEUX MOTS-CLES :

2 Interaction eau-roche-CO dans les aquifères d’eau douce : état de l’art

2.1 IMPACT D’UNE FUITE DE CO 2 DANS LES AQUIFERES D’EAU DOUCE : DEUX MOTS-CLES :

CLES : SECURITE DU SITE DE CSC ET QUALITE DE L’EAU (INTRODUCTION)

2.1.1 Les interactions eau-roche-CO

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dans le cycle de vie d’un stockage

Le CO2 a le potentiel de modifier les paramètres physico-chimiques d’un aquifère et ainsi de

le déséquilibrer. L’étude des interactions eau-roche-CO2 joue donc un rôle important et leur

compréhension figure comme un argument fort de la maîtrise des effets indésirables de la technologie CSC. Les interactions eau-roche-CO2 constituent le cœur de ce chapitre.

Depuis l’émergence du stockage géologique du CO2, l’évaluation des interactions eau-roche-

CO2 a été un sujet de recherche(Czernichwovski-Lauriol et al., 1996 ; Gunter et al., 1997).

Plusieurs interactions eau-roche-CO2 peuvent s’observer à différents niveaux (IPCC, 2005,

Gaus et al. 2010):

- les interactions pendant la phase d’injection de CO2 dans l’environnement proche-puits

(André et al., 2007) ;

- les interactions à plus long terme entre le réservoir de stockage et la roche couverture (Audigane et al., 2007, Xu et al., 2003, 2005 ; White et al., 2005) ;

- les interactions le long des chemins de fuites de CO2 en cas de confinement imparfait;

- les interactions induites par le déplacement de saumure ;

- les interactions dans les réservoirs sus-jacents, y compris les aquifères d’eau douce.

La phase d’injection de CO2 représente l’étape où les effets non souhaités seraient les plus

grands dans le cas de fuite, du fait de la sur-pressurisation dans le réservoir (IPCC, 2005 ; Scherer et al., 2005 ; Bergman and Winter, 1995 ; Holloway and Savage, 1993). Dans le cas de stockage géologique de CO2 dans des aquifères salins continentaux, plusieurs unités géologiques peuvent

séparer le réservoir hôte et le(s) aquifère(s) d’eau douce stratégiques exploités. Ainsi, les trois chemins de fuite potentiels les plus souvent cités pour le CO2 (IPCC, 2005 ; Pruess, 2008 ; Bachu et

Celia, 2009) sont les fuites à travers la roche couverture du réservoir hôte, la migration le long de fractures ou failles et par les puits.Pour ces derniers le(s) défaut(s) de cimentation, d’altération ou de bouchage de ces puits constituent un chemin de fuite pour le CO2 (Gasda et al., 2004 ; Carey et al.,

2007).

2.1.2 L’impact d’une fuite de CO

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sur la ressource en eau : les enjeux

Par le biais de ces chemins de fuite induits par le stockage, le CO2, accompagné ou non des

eaux de formations profondes, peut s’introduire dans les aquifères d’eau douce sus-jacents et constitue un risque déjà référencé (Bouc et al., 2007).

L’impact du CO2 modifie les équilibres hydrochimiques de l’aquifère. En effet, lorsque le CO2

de plus accompagné de l’eau de formation profonde, plus salée, l’intrusion induit également des processus de mélange saumures-eaux douces. Il est ainsi essentiel (1) d’identifier les caractéristiques minéralogiques et hydrochimiques de l’aquifère cible (2) de sélectionner les interactions eau-roche qui indiquent la présence de CO2. Ces deux étapes réalisées permettront :

- d’appréhender et comprendre le comportement des espèces (majeures, mineures et traces) en solutions que régissent ces processus géochimiques ;

- d’adapter les outils de surveillance des fuites en fonction des aquifères cibles qui sont abordés ;

- de démontrer la sûreté du stockage de CO2 en l’absence de fuite ou de déclencher une alerte

précoce et une réaction efficace en cas de fuite décelée, au vu des modifications des paramètres physico-chimiques reliés à l’interaction eau-roche-CO2 de l’aquifère cible ;

- de répondre ainsi à la problématique environnementale liée à l’évolution de la qualité de l’eau de l’aquifère ;

- de répondre aux interrogations légitimes du public et des pouvoirs publics sur le niveau de sécurité et de surveillance d’une telle technologie adaptée à une maîtrise de risques potentiels.

Ainsi, les maîtres mots de ce chapitre et plus largement ceux de ce travail de thèse, sont : processus géochimiques, outils de surveillance, fuite de CO2, aquifère d’eau douce.

2.1.3 Etat des connaissances scientifiques sur l’impact des interactions eau-roche-CO

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dans les aquifères d’eau douce

Compte tenu de l’importance d’étudier ces interactions eau-roche-CO2 pour les nombreuses

raisons citées précédemment, plusieurs compilations récentes d’informations font état des connaissances scientifiques sur les impacts potentiels du CO2 sur les aquifères d’eau douce (Lemieux

et al., 2011 ; IEAGHG, 2011 ; Lions et al., 2012).

Dans le cadre du CSC, les études sur les processus géochimiques engendrés par la présence de CO2 dans les aquifères d’eau douce sont relativement récentes par rapport aux études qui se

focalisent sur les interactions eau-roche-CO2 dans le réservoir de stockage.

Dans le réservoir de stockage du CO2 (e.g. dans un aquifère salin), la composition des eaux,

déjà fortement minéralisées, ne présente pas une importance majeure ; un critère de sélection des réservoirs est justement que la qualité de leurs eaux les rend inexploitables. En revanche, les évaluations du degré d’interactions eau-roche-CO2 dans ces conditions de stockage ont un intérêt

pour l’estimation du changement de porosité, de perméabilité ou encore pour estimer la capacité de piégeage minéral, le CO2 pouvant être fixé de façon pérenne par son intégration dans le réseau

cristallin de certains minéraux, notamment des carbonates.

Par contre, les réactions géochimiques dans le système eau-roche-CO2 qui se produiraient

dans un aquifère d’eau douce, ont un tout autre impact puisqu’elles pourraient modifier sa qualité et donc en affecter certains usages.

Du fait des conditions différentes de pression, de température, de salinité et de quantité de CO2, il n’est pas possible de faire l’analogie directe entre les travaux de la littérature sur les

interactions eau-roche-CO2 dans le réservoir hôte et ceux concernant les aquifères sus-jacents d’eau

douce.

Cependant, les interprétations, via les modèles numériques dans les formations de stockage, (Kharaka et al., 2006, 2009 ; Knauss et al., 2005 ; Xu et al., 2004 , 2005 ; Zerai et al., 2006) apportent une information supplémentaire sur les possibles chemins réactionnels en dépit des différences de conditions par rapport aux aquifères d’eau douce (Gaus et al., 2005a., André et al., 2007., Audigane et al., 2007).

La dissolution de CO2 va générer de l’acide carbonique dissous. Celui-ci se dissocie et libère

ainsi des protons qui modifient le pH d’une eau naturelle en la rendant acide. Les protons peuvent à leur tour interagir avec la roche. Les interactions eau-roche-CO2 peuvent être multiples et se traduire

par la dissolution de phases minérales, la co-précipitation et les processus de sorption/désorption des éléments traces, la complexation aqueuse (IEAGHG 2011 ; Lemieux, 2011 ; Keating et al., 2011). Ainsi, de nombreuses études, à différentes échelles d’expérimentation et de modélisation, donnent de la visibilité sur l’étendue d’une intrusion de CO2 et des contaminations potentielles associées

(Smyth et al., 2009; Zheng et al., 2009, 2011 ; Kharaka et al., 2010 ; Keating et al., 2012 ; Viswanathan et al., 2012 ; Trautz et al., 2012 ; Little et al., 2010 ; Lu et al., 2010 ; Apps et al., 2010 ; Wilkin et al., 2010) et sont abordées plus en précision dans la section 2.3.

Bien que ce phénomène ne soit pas lié directement à des interactions eau-roche-CO2, il existe

des conséquences géochimiques liées au déplacement d’une saumure. En effet, la surpression engendrée par l’injection de CO2 peut modifier largement les gradients de pression entre formations

aquifères et éventuellement créer un régime d’écoulement où une masse d’eau salée est déplacée vers l’espace poral occupé par des eaux douces et donc potentiellement potables. L’eau salée a, de plus, une concentration plus élevée en éléments traces (Michard et Bastide, 1988 ; Berner et Berner, 1996 ;; Kharaka et al., 2009 ). Le mélange, la diffusion et les interactions eau-roche détermineront l’impact ultime sur la qualité de l’eau en termes de potabilité. En effet, dans le cas de forts contrastes de minéralisation, il suffit d’un faible pourcentage d’une eau fortement minéralisée pour induire une dégradation d’une ressource en eau faiblement minéralisée (Humez et al., 2012 soumis). Il faut noter que le mélange entre eau salée et eau douce n’est pas un sujet spécifique au stockage du CO2 et qu’il

a été étudié en détail dans un contexte de biseau salé (Appelo et Postma, 2005).

Enfin, il existe des eaux naturellement riches en CO2 qui peuvent être exploitées pour la

consommation humaine et servir pour évaluer les interactions eau-roche-CO2 à long terme. Il s’agit

par exemple des eaux carbo-gazeuses du Massif Central en France, faisant partie de la « ceinture des eaux carbogazeuses » (Pearce, 2003 ; Czernichowski et al., 2002). L’analogie avec les eaux naturellement riches en CO2 n’est pas parfaite. Ces eaux ont été en contact avec leur encaissant

depuis des milliers d’années ou plus, donc tous les éléments mobilisables ont été éliminés du système. Alors qu’une fuite de CO2 bouleverse les équilibres chimiques d’un système eau-roche qui

peut être à l’équilibre et peut libérer à court terme des quantités importantes de solutés, y compris d’éléments traces potentiellement nocifs.

Il n’est pas possible de comprendre les interactions eau-roche et les mécanismes des processus dans un scénario d’intrusion de CO2 dans le(s) aquifère(s) cible(s) sans avoir fait une étude

impacté qui permet d’établir des relations entre la phase aqueuse et la phase solide parfois complexe.