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COMMENT EVALUER LES INTERACTIONS EAU-ROCHE-CO 2 ET QUELS SONT LES OUTILS DE

2 Interaction eau-roche-CO dans les aquifères d’eau douce : état de l’art

2.4 COMMENT EVALUER LES INTERACTIONS EAU-ROCHE-CO 2 ET QUELS SONT LES OUTILS DE

DE MONITORING GEOCHIMIQUES DISPONIBLES?

Les études, à différentes échelles, sur les interactions eau-roche-CO2 semblent indiquer que

l’impact d’une fuite accidentelle est relativement mineur. Ces études ont également permis de cibler les paramètres à mesurer pour suivre l’évolution du système eau-roche en présence de CO2. Ces

paramètres et critères clés permettent de mettre en place un plan de surveillance en fonction des systèmes aquifères cibles (hydrogéologie, géochimie). Les outils de monitoring auront un rôle important ; ils fourniront une alerte précoce ou démontreront au contraire le confinement permanent du CO2.

2.4.1 Compréhension du fonctionnement hydrochimique initial d’un aquifère cible

Pour détecter toute anomalie dans le système aquifère induite par l’intrusion de CO2, il faut

d’une part connaître la variabilité chimique naturelle de l’eau de formation et d’autre part appréhender la vitesse, le sens de l’écoulement de l’eau et cibler les accidents (failles, fractures, forages etc.).

Il existe des compilations sur la qualité des eaux souterraines qui renseignent sur la ou les variation(s) naturelle(s) potentielles (Edmunds et al., 2003 ; Morgantini al., 2009). Les paramètres hydrodynamiques de l’aquifère sont déterminants pour définir une stratégie dans l’emplacement des équipements de surveillance. Ces paramètres permettent également de comprendre le fonctionnement hydrochimique de l’aquifère.

2.4.2 La caractérisation minéralogique comme moyen de prédire la réponse géochimique

L’interaction eau-roche est contrôlée par la minéralogie de l’aquifère. Ainsi les minéraux qui ont un faible pouvoir tampon par rapport au pH seront plus sensibles à l’acidification induite par la dissolution du CO2. La dissolution du CO2 et les réactions qui suivent avec les minéraux de l’aquifère

vont contrôler l’évolution du pH. L’abondance des carbonates, silicates, phyllosilicates, et des oxydes etc. est un paramètre clé. De plus, et bien qu’ils soient fréquemment minoritaires dans le cortège minéralogique de l’aquifère, les minéraux sulfurés et autres phases minérales porteuses de métaux sont déterminants pour la mobilisation des contaminants. La détermination de la minéralogie d’un aquifère permet donc d’appréhender la réponse géochimique à une fuite de CO2 (Tableau 2-2)

S’il est possible d’obtenir des échantillons solides représentatifs de l’aquifère, les méthodes pétrographiques et chimiques classiques (DRX, analyse totale sur roche etc.) permettent d’obtenir des informations sur les phases minérales majoritaires. Pour identifier les minéraux mineurs ou les inclusions d’éléments métalliques, il faut faire appel à des techniques plus fines (MEB, EDS, µ-XRF) ou à des méthodes d’extraction (Apps et al., 2010 ; Keating et al., 2012; Viswanathan et al., 2012).

En l’absence d’échantillon, les calculs, à partir des paramètres physico-chimiques de l’eau, des indices de saturation, via la modélisation, peuvent donner certaines informations sur les minéraux en équilibre dans le système.

Famille Exemple Processus géochimique

Paramètres hydrochimiques

impactés Carbonates

Calcite (CaCO3) ; Magnesite

(MgCO3) ; Rhodochrosite

(MnCO3) ; Sidérite (FeCO3) ;

Dolomite (CaMg(CO3)2)

Dissolution/précipitation (Cinétique rapide)

Passage préférentiel en solution contrôlé par le produit de solubilité

Cations CITD, ETM

Oxyhydroxydes

goethite (FeO(OH)) ; Hématite (Fe203)

Boehmite (AlO(OH)); Gibbsite Al(OH)3

Dissolution/précipitation (cinétique rapide)

Sorption

Passage préférentiel en solution contrôlé par le produit de solubilité

pH, redox, cations+ ETM CEC Phases minérales porteuses d’éléments métalliques

As Arsenopyrite (FeAsS) Sorption sur les sites de surface d’autres phases minérales (argile, oxyhydroyde etc.) ou organique Dissolution/coprécipitation (cinétique lente pour la plupart des sulfures) Passage préférentiel en solution contrôlé par le produit de solubilité

pH, redox, ETM Ba Barite (BaSO4)

Pb Galène (PbS) Se Ferroselite (FeSe2)

U Uraninite (UO2), Coffinite

(USiO4) ; Brannerite

(UTi2O6)

Zn Sphalerite (ZnS)

Phyllosillicates

Kaolinite Al2(OH)4Si2O5

Muscovite KAl2AlSi3O10(OH)2

Biotite KFe3(AlSi3O10)(OH)

Dissolution/precipitation (cinétique très lente)

Sorption

Passage préférentiel en solution contrôlé par le produit de solubilité

pH, cations CEC ETM Autres silicates Feldspath Amphibole Pyroxène … Dissolution/precipitation Sorption/desorption

Concentration en solution (produit de solubilité)

pH, cations, ETM

Tableau 2-2 : Quelques exemples de minéraux vs processus et indicateurs de la présence de CO2

(ETM=éléments traces métalliques) (d’après Hem, 1985).

2.4.3 Les paramètres directs et indirects de détection du CO

2

et sensibilité des méthodes

Le couplage entre l’approche numérique et l’approche expérimentale est primordial pour une compréhension des interactions eau-roche-CO2 dans le temps et l’espace et pour la mise en

place d’un plan de surveillance à partir d’une liste d’indicateurs de détection de CO2. Cependant, la

réponse des indicateurs physico-chimiques directs ou indirects dépend de plusieurs facteurs :

- la minéralogie de l’aquifère (Tableau 2-2), - le taux de réaction,

- la composition de l’eau,

- la proximité des points de monitoring à l’endroit de fuite de CO2 en fonction de

l’écoulementde l’eau (Carroll et al., 2009).

Selon Wilkin et al. (2010), Carroll et al. (2009), et Kharaka et al. (2006), le pH et la concentration en carbone inorganique dissous sont les meilleurs indicateurs directs de fuite de CO2.

Cependant, selon le type d’aquifère, la réponse de ces indicateurs à la présence de CO2 sera

différente. Dans le cas d’un aquifère carbonaté, le changement du pH sera mineur étant donné la capacité tampon des carbonates. Par contre, la variation des ions bicarbonates sera importante et un

bon outil de monitoring. A contrario, dans le cas d’un aquifère silicoclastique, la présence de CO2

provoquera une variation importante du pH et un effet moindre sur l’alcalinité (Wilkin et al., 2010).

Le suivi des concentrations des éléments majeurs et traces qui sont des indicateurs directs/indirects de la présence de CO2 est indispensable puisque toute évolution est le résultat

d’interaction eau-roche-CO2. En effet, la dissolution incongruente de minéraux tels que le K-

Feldspath qui engendre une augmentation de la teneur en silicium et en potassium par exemple, sert d’indicateur indirect de la présence de CO2, tandis que l’augmentation en ion bicarbonate est

directement reliée à la dissolution du gaz.

Dans le cas de la dissolution de carbonate, toute anomalie des éléments constitutifs du minéral est un moyen d’évaluer l’interaction eau-roche-CO2. L’augmentation des ions bicarbonates

est, dans ce cas, pour moitié due à la dissolution du carbonate et du gaz (Tableau 2-2).

Les éléments métalliques, dont le comportement dépend fortement de l’état redox du système, de la minéralogie, ainsi que la prise en compte des concentrations initiales de ces métaux dans l’eau (Apps et al., 2010) peuvent être également des indicateurs de la présence de CO2.

L’analyse de ces derniers permettrait également de suivre toute anomalie dans le système aquifère due au changement de spéciation aqueuse, à la déstabilisation de phase solide (Tableau 2-2).

Cependant, l’interdépendance des processus géochimiques peut masquer des informations chimiques. En effet, si la teneur en calcium est, entre autres, un indicateur de la présence de CO2

celle-ci peut être atténuée. Prenons ainsi l’exemple d’une réaction avec un aquifère carbonaté. L’interaction eau-roche-CO2 se fait en deux étapes. La première étape consiste en la dissolution de la

calcite qui mobilise le calcium en solution. La deuxième étape décrit l’adsorption de ce calcium en solution à la surface d’oxyde ou d’argile. Le CO2 dissous est donc partiellement neutralisé pour

former des ions bicarbonates grâce à l’action tampon de la dissolution des minéraux carbonatés, et l’effet de réaction de surface va masquer une partie du calcium libéré par la réaction.

Ainsi, de nombreux facteurs peuvent atténuer l’impact d’une fuite de CO2 et masquer toute

interaction avec le CO2; (1) les processus de mélange et de dilution, (2) le rôle des carbonates

tamponnant le pH, (3) la disponibilité limitée des éléments traces métalliques et enfin (4) la précipitation de minéraux secondaires (Keating et al., 2011). Ou, au contraire, il peut y avoir des facteurs aggravant l’impact d’une fuite, notamment la remontée de CO2 gazeux et le déplacement

des saumures du réservoir que les outils de monitoring cités précédemment permettront de détecter.

La liste des indicateurs chimiques directs et indirects de la présence de CO2 peut donc

s’avérer insuffisante dans le cas d’une atténuation de processus. Il est nécessaire d’ajouter à la liste, non exhaustive, des outils de surveillance encore plus sensibles qui peuvent même fournir des informations complémentaires quant à l’origine d’une perturbation. Ceci introduit la notion de suivi isotopique.

2.5 CONTRIBUTION DES ISOTOPES DU CARBONE ET DE L’OXYGENE COMME INDICE