• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : L’adolescence et les difficultés rencontrées

1.3 Le processus d’adolescence

L’adolescence ne se résume pas à une crise ; elle correspond à un processus qui peut se résumer selon Delaroche (2004) à deux mouvements opposés et complémentaires : le défi et le deuil de l’enfance.

De même que pour la crise, le changement est inhérent au processus d’adolescence et engage l’individu et son entourage. Par conséquent, il demande à être psychiquement élaboré par le sujet mais aussi par la famille, sous peine d’être à l’origine de divers troubles.

1.3.1 Définition

Comme toutes étapes d’élaboration du fonctionnement psychique, le processus d’adolescence connaît une diversité d’explications théoriques et une complexité de définition. C’est un processus de maturation psychique inhérent à l’adolescence et qui s’élabore dans les profondeurs de l’esprit du sujet ; c’est donc un processus inconscient.

Selon Delaroche (2004, le processus d’adolescence consiste en une séparation qu’entraine « l’interdit de l’inceste ». Autrement dit, par ce processus, l’adolescent va établir une fin à son enfance, "tourner la page" en quelque sorte, ce qui ne va pas sans difficulté ; et en même temps, l’adolescent va élaborer un nouveau soi, indépendant des identifications parentales.

1.3.2 Le défi et le deuil

L’explication de ce mouvement double permet d’illustrer afin de mieux comprendre l’objectif sous jacent de ce processus.

Le défi est lancé par l’adolescent au monde extérieur en même temps qu’il est lancé aux parents. Il représente un mouvement progressif consistant à un dépassement des imagos parentaux transmis inconsciemment par le père et la mère durant l’enfance. Limité à la période de l’adolescence, le défi est une sorte de point d’honneur pour le jeune mais qui retombe vite dès lors les soutiens identificatoires se sont montré suffisamment constants selon Delaroche (2004). Ce défi allant dans le sens de l’affirmation de soi, ce que va gagner l’adolescent en autonomie et indépendance, il va le perdre en maternage. Ainsi, certains

adolescents peuvent avoir un mouvement de recul et vouloir parfois revenir en arrière même si par fierté et narcissisme ceci n’est pas évident.

Ce mouvement régressif correspond au deuil de l’enfance pouvant se manifester positivement par un état "classique" de déprime douloureuse que l’on connaît bien chez l’adolescent mais qui ne dure pas. Mais il peut également se manifester négativement par un état relativement durable de tristesse qui s’installe ; cette attitude doit alors alerter l’entourage car elle peut être le signe pathogène d’une entrée dans la dépression adolescente.

Généralement, ces deux mouvements s’équilibrent par le gain de l’accession à l’âge adulte compensant les pertes des avantages de l’enfance. En revanche, lorsqu’il y a un décalage entre ces deux, la pathologie peut apparaître.

Ce processus d’adolescence, normal, légitime et même indispensable pour l’adolescent peut montrer diverses manifestations que l’on nomme les avatars du processus, comme en premier lieu, les crises, engagent entièrement le jeune mais également sa famille. Ainsi, lorsque ces états revêtent un caractère morbide, il est nécessaire que tout l’entourage de l’adolescent témoigne de sa présence et de son soutien afin d’éviter que ce dernier entre, ou tout au moins s’en sorte, d’une pathologie mentale grave aux conséquences parfois désastreuses. Nous verrons alors que lorsque ce processus est difficilement élaboré par l’adolescent, il peut connaitre des avatars, des tentatives de rupture et des risques témoignant du développement de traits pathologiques.

Dans le cadre de l’évaluation des aspects psychopathologiques chez les adolescents difficiles dans notre étude, nous avons considéré aussi bien ces biais au processus que la psychopathologie telle que nous la présentons ensuite.

1.3.3 Les avatars du processus d’adolescence

Comme nous l’avons montré, ce processus sert au passage de l’adolescent entre le monde enfantin et le monde adulte. Mais s’il prend des proportions trop importantes et inadéquates, plusieurs transformations peuvent apparaître et donner naissance à diverses pathologies.

1.3.3.1 L’angoisse

Elle peut surgir face à ce qu’implique l’avenir, tant au niveau de la sexualité, qu’au niveau de l‘émancipation ou encore de l’autonomie. Elle peut se manifester sous la forme psychique traduisant ainsi le sentiment d’étrangeté que ressent l’adolescent face à l’absence de repères habituels. Elle peut alors être la cause d’actes délictueux ou de dépendance servant de moyen de soulagement pour le jeune. Cette angoisse peut également se manifester physiquement et cela va généralement de pair avec l’angoisse psychique. Ces manifestations physiques se qualifient de somatisation et prennent différentes formes selon l’organe qu’elles touchent.

1.3.3.2 Les blocages ou les inhibitions

Ceux-ci sont vécus douloureusement par l’adolescent qui en fin de compte s’impose à lui-même des limitations inconsciemment. Ce blocage est le plus souvent présent dans le domaine intellectuel. Soit parce que l’adolescent est accaparé par des pensées qui occupent constamment son esprit, ce qui l’empêche de se concentrer ; soit parce que les thèmes ou les mots évoqués en classe éveillent chez lui des connotations affectives. Ainsi, afin d’éviter le ressenti de ces émotions, l’esprit bloque la compréhension de ce mot ; ce qui peut à grande échelle et à long terme conduire l’adolescent à l’échec scolaire.*

1.3.3.3 La dépression

Elle peut apparaître lors du deuil de l’enfance comme nous l’avons expliqué. Il convient alors d’être vigilant quant à l’élaboration normale de la problématique de séparation pouvant amener des moments de tristesse normaux à cette période de la vie et tout ce qui relève de l’état pathologique de la dépression (nous en verrons les signes cliniques dans la deuxième partie de ce mémoire).

1.3.4 Les tentatives de rupture du processus

Delaroche (2004) explique que ces tentatives sont davantage subies par l’adolescent que émanant de sa propre intention ; elles caractérisent alors certains troubles pathologiques

qui surviennent à l’adolescence. Ces pathologies marquent toutes l’échec de la parole et la rupture du dialogue et arrivent fréquemment en dehors d’un conflit ouvert avec les parents. Elles peuvent alors être qualifiées d’accidentelles : « tout se passe comme si l’accident survenait pour rétablir la communication interrompue, ce qu’il engendre d’ailleurs le plus souvent » (Tardy-Ganry et Durandeau, 2006, p.119).

1.3.4.1 La toxicomanie

La prise de drogues ou de toutes autres substances psycho actives procure une jouissance immédiate, dénuée de conflit. Par cet abus de substances, l’adolescent recherche une impression de toute-puissance et d’immortalité. L’adolescent sait qu’il est dans une transgression de la loi, tellement que ce peut être elle qui le motive carrément avant tout autre cause. Par ailleurs, ces prises de risques et cette transgression sont très facilitées par la dynamique de groupe ; d’où la présence rassurante des bandes.

1.3.4.2 Les tentatives de suicide

Celles-ci ont lieu souvent sans aucun soupçon de la part de l’entourage. L’adolescent se trouve désespéré car il pense ne plus avoir qui que ce soit dans son entourage en qui croire comme interlocuteur valable à ses yeux. Il ressent une solitude mortelle et le suicide lui parait alors être la meilleure des solutions.

1.3.4.3 L’anorexie mentale

Elle est courante à l’adolescence et permet au sujet de mobiliser fortement ses parents et d’exercer un pouvoir sur eux. Ce refus de se nourrir masque généralement le refus du nouveau corps qui est désormais sexué, le refus des transformations corporelles qu’il engendre et le refus de la sexualité.

1.3.4.4 Les décompensations psychotiques

Elles fragilisent considérablement la personnalité de l’adolescent en pleine élaboration. Elles conduisent le jeune vers une perte des rapports avec la réalité,

s’accompagnant souvent d’un sentiment de dépersonnalisation schizophrénique, de délires ou encore de bouffées délirantes. La manifestation pathologique principale de ces décompensations est la schizophrénie en tant que psychose.

1.3.5 Les risques liés au processus

La difficulté, voire l’échec du passage de l’enfance au monde adulte peut générer des problèmes importants chez l’adolescent. En effet, lorsque le défi entraîne divers passages à l’acte ou lorsque le deuil de l’enfance provoque "la morosité" (forme particulière de dépression définit par Mâle en 1982), cela évoque la défaillance du processus.

1.3.5.1 La « morosité »

Elle n’est pas véritablement une dépression mais elle peut être la source de troubles graves, tels que la prise de drogues et les tentatives de suicide. Selon Delaroche (2004), la morosité se manifeste principalement au travers d’un vécu quotidien douloureux, d’un sommeil souvent perturbé et d’une réelle solitude visible ou bien l’appartenance exclusive à un groupe social. L’adolescent morose tient un discours négatif et généralement, le dialogue avec les parents est minimal mais il continue d’exister ; il est alors essentiel pour la famille et l’entourage de l’adolescent de la maintenir.

1.3.5.2 Passages à l’acte et conduites à risque

Les conduites à risque sont très souvent des formes de passage à l’acte, telles que les toxicomanies, les tentatives de suicide, l’anorexie ou la boulimie.

Toutefois, cet agir peut être témoins comme nous venons de le voir du processus de maturation, mais il peut également révéler une forme d’entrée dans une pathologie psychique relativement sévère, telle que les troubles des conduites ; où nous définirons alors davantage ces passages à l’acte et leurs différentes fonctions. Et là se trouve la difficulté à cette période de la vie de faire la part entre des manifestations « normales » et une rupture dans le développement caractérisée par une pathologie avérée.