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Chapitre 1 : L’adolescence et les difficultés rencontrées

1.4 Psychopathologie de l’adolescent

1.4.6 Les troubles liés aux substances psycho actives

La consommation de substances psychoactives est très fréquente à l’adolescence et pose une difficulté majeure pour la santé publique, notamment en termes de prévention. Les drogues les plus usées chez les jeunes sont le tabac, l’alcool et le cannabis ; nous étudierons davantage ces deux derniers. En effet, l’enquête épidémiologique ESPAD (2007) sur la consommation du tabac, de l’alcool et du cannabis chez les adolescents de 16 ans indique que la « prise concomitante d’alcool et de cannabis est déclarée par 19% des jeunes » (Chabrol, 2011, p.287). Et nous verrons que ces deux substances sont comorbides à plusieurs troubles, qu’elles les prédisent ou en soient des conséquences.

La caractéristique de la substance psychoactive, qu’elle soit licite (tabac, alcool) ou illicite (cannabis, cocaïne, héroïne, etc.), est qu’elle induit une dépendance physique et/ou psychologique. En effet, le consommateur développe une tolérance à la drogue qui peut le conduire à en abuser et par conséquent, à en devenir dépendant. La sujétion physique se

traduit généralement par des symptômes de sevrage (énervement, palpitation, sueur, etc.) et celle psychologique représente le « désir impérieux de la substance » où l’individu cherche toujours plus et autre chose en consommant.

• Alcool :

Les enquêtes épidémiologiques montrent un début de consommation d’alcool chez le jeune adolescent vers une évolution rapide de consommation abusive, voire de dépendance chez le plus grand adolescent.

En effet, l’enquête HSBC (« Health Behavior in School-aged Children », 2006) auprès de sept mille jeunes, indique que plus de la moitié de ceux de 11 ans ont expérimenté l’alcool, qu’à 13 ans cette expérimentation concerne environ trois jeunes sur quatre et qu’à 15 ans, 11% des garçons consomme régulièrement (c'est-à-dire plus de dix fois par mois) contre 5% des filles.

Le mode de consommation d’alcool évolue notamment avec l’âge ; les adolescents passe de l’essai « en cachette » à la préadolescence, à une consommation modéré avec un même groupe de pairs, puis à un usage, souvent en plus grand groupe ou du moins pas toujours avec le même entourage, régulier, voire fréquent pour certains, où ils recherchent essentiellement l’ivresse. Effectivement, la quantité absorbée augmente avec la tolérance du jeune à la substance alcool mais surtout l’effet recherché évolue vers une quête de « liberté » (effet désinhibant), « pour être gai » ou encore « pour oublier ». La prise de boissons alcoolisées devient alors un médiateur, tant social que psychologique.

• Cannabis :

La même enquête HSBC (« Health Behavior in School-aged Children », 2006) auprès de sept mille jeunes, précise l’expérimentation du cannabis commence également tôt, 1% des filles des garçons de 11 ans, mais de façon moins importante. Elle augmente cependant avec l’âge puisqu’elle concerne 5% des garçons et 4% de filles de 13 ans. Cette enquete indique également une consommation de cannabis d’une fois par mois pour 14% des gaçons et 11% des filles de 15 ans ; l’enquête ESPAD (2007) précise que cet usage concerne 18% des garçons et 12% des filles de l’âge de 16 ans. La consommation régulière est rapportée par ces deux enquêtes de 5% chez les garçons et 2% chez les filles de 15 ans et 16 ans.

Cette drogue, extraite du chanvre indien, se présente sous deux formes essentiellement : l’herbe, autrement appelée la « beuh » qui est un mélange de feuilles, et le « haschich » ou le « shit », c'est-à-dire la résine de cannabis.

Les modes de consommation sont toutefois variés à partir de ces formes ; ils ont un effet plus ou moins fort et influent souvent sur le degré de tolérance à cette substance. L’usage le plus fréquent est celui de l’inhalation qui, elle-même varie, soit par le plus communément appelé « joint » ou « beuz » (roulé dans du papier à cigarette et mélangé avec du tabac), soit par l’utilisation d’une pipe ou encore par « le bang » ou pipe à eau. Ce mode de consommation conduit souvent l’usage concomitant de tabac. Enfin, le cannabis peut également être ingérer ; les consommateurs peuvent en effet se servir des feuilles dans des préparations culinaires comme des yaourts ou des gâteaux (« space cake ») ou encore des infusions à boire.

Quel qu’en soit l’usage, le cannabis est souvent introduit dans les groupes de jeunes comme étant convivial, représentant un moment de partage pour « s’évader ensemble » ou « être à part » et « ne pas réfléchir » ou bien encore « pour philosopher et planer ».

1.4.6.2 Effets et syndromes cliniques de l’alcool et du cannabis

Concernant l’alcool, la tolérance est relativement rapide, l’adolescent consommant alors de plus en plus pour obtenir des états d’ivresse. Ces derniers peuvent conduire jusqu’à un coma éthylique (trois jeunes de notre étude avaient d’ailleurs déjà été hospitalisés pour ce fait). « L’alcool est euphorisant, stimulant, désinhibiteur, tranquillisant » (Chabrol, 2011, p.290). La consommation de tabac est souvent liée. Cependant, les effets neuropsychologiques de l’alcool sont généralement davantage observés chez le jeune adulte plutôt que chez l’adolescent et suite à une consommation régulière. Toutefois, l’usage de cette substance peut conduire à de l’impulsivité et de l’agressivité, pouvant développer un trouble du comportement. L’attention, le jugement et les perceptions sont également altérés.

Les effets du cannabis peuvent varier en intensité jusqu’à l’apparition de syndromes cliniques relativement graves (comme le développement d’une psychose chez des sujets vulnérables). L’inhalation provoque des effets immédiats car le THC touche directement le cerveau. Ces effets sont d’ordre émotionnels (« euphorie légère, un sentiment plaisant de stimulation, un sentiment de bien-être, de détente et une sociabilité accrue », Chabrol, 2011, p.293) pouvant durer 2 à 3 heures suivant l’inhalation. D’autres effets peuvent durer jusqu’à 12 heures voire 24 heures après l’inhalation. Ces conséquences sont à la fois perceptives

(perception spatiale troublée, temps de réaction prolongé, etc.), psychomotrices (diminution de la vivacité, sentiment de flottement, etc.) et cognitives. Ces dernières inquiètent particulièrement car après avoir consommé du cannabis, l’adolescent ressent, une obstruction intellectuelle, une diminution des capacités d’apprentissage, des troubles de la mémoire, etc. Ses capacités cognitives et d’attention sont largement altérées. Et en conséquence, ces effets émotionnels conduisent souvent au « syndrome d’amotivation [qui] se manifeste par un désintérêt scolaire, […] un désintérêt social [et] un désinvestissement des activités » (Chabrol, 2011, p.295). Et ce syndrome préoccupe beaucoup les politiques publiques, les familles et les travailleurs sociaux. D’autres effets du cannabis encore moins fréquents mais présents comme des réactions négatives passant par des moments d’excitation inappropriée, une certaine « irritabilité » (Chabrol, 2011, p.294), des réactions d’ordre paranoïaque, des sentiments de dépersonnalisation, de déréalisation qui peuvent angoisser le jeune jusqu’aux hallucinations. Enfin, ces effets varient selon le mode de consommation comme nous l’avons précisé ; l’ingestion prolonge les effets dans le temps, le « bang » peut « permettre » certes une inhalation plus rapide, mais provoque des effets violents immédiats.