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Chapitre 1 : L’adolescence et les difficultés rencontrées

1.4 Psychopathologie de l’adolescent

1.4.3 Le trouble de la personnalité psychopathique/antisociale

D’un point de vue psychopathologique, la psychopathie se définit par le lien entre des troubles du comportement comme les passages à l’acte et une organisation spécifique de la personnalité (Ferrari et Epelbaum, 1993). Il s’agit d’un trouble sévère de la personnalité marqué, comme nous allons le voir, par des passages à l’acte violents et répétitifs, ne faisant pas l’objet d’une culpabilité ; le psychopathe est effectivement caractérisé par une absence de remords dans tous ses actes. En ce sens, elle représente une pathologie de l’adolescence car la mise en acte, comme l’avait indiqué Freud (1912) à son époque, est caractéristique de cette période de la vie. Plus précisément, afin de réduire la tension psychique de ces adolescents psychopathes, l’agir serait leur mode privilégié et le passage à l’acte viendrait bloquer toute tentative d’élaboration et de mentalisation en intervenant de manière plus ou moins violente dans le réel. Cette mise en acte de la part du jeune représenterait un mode de défense, au même titre que les autres mécanismes de défense qu’il utilise, provoquant des ruptures de liens et des discontinuités dans divers domaines.

Rappelons qu’à l’adolescence, nous ne parlons pas encore de personnalité antisociale qui concerne précisément l’adulte ; ce sont des adolescents psychopathes que le DSM-IV (1994) classe dans les troubles des conduites, équivalents alors à cette forme de personnalité. En effet, ce trouble du comportement est le seul que nous pouvons reconnaître durant l’enfance et l’adolescence et il est également le seul à avoir montré une évolution vers une personnalité dyssociale à l’âge adulte. En revanche, le diagnostic de personnalité antisociale

proprement dit peut être proposé pour les jeunes adultes âgés d’au moins 18 ans et ayant connu des troubles des conduites avant l’âge de 15 ans.

1.4.2.1 Les signes cliniques

Ils apparaissent depuis l’âge de 15 ans et englobent un mode général de mépris de la part de l’adolescent et de transgressions des droits fondamentaux d’autrui. Mais il faut être prudent à ne pas confondre la psychopathie et la délinquance qui sont distinguables sur le plan des définitions, même si elles sont proches dus à leur "lien de cause à effet".

- Les conduites antisociales et délinquantes : se caractérisent par des troubles du comportement et de l’agir, soit auto agressif (automutilations, suicides), soit hétéro agressif (vandalisme, viol, meurtre). Ces caractéristiques révèlent une grande impulsivité et une grande agressivité de la part du psychopathe ; car il est dans une intolérance massive à la frustration et ne supporte pas un quelconque conflit pouvant susciter chez lui une décharge d’impulsivité violente.

L’adolescent psychopathe fait également preuve d’une grande instabilité sociale, scolaire ou professionnelle, émotionnelle, relationnelle, et comportementale. Ses difficultés relationnelles profondes sont liées à une incapacité à maintenir de manière positive un attachement prolongé à quelqu’un.

Paradoxalement, ce sujet a une aisance certaine dans les relations humaines ; il parle volontiers de sa vie, engage facilement la conversation, il cherche à plaire et cela fonctionne bien de manière générale. Mais là où sa conduite devient pathologique, c’est que ses relations sont superficielles, irrégulières et seulement intéressées par son besoin de satisfaction immédiate. Par conséquent, si l’adolescent est déçu ou qu’il n’attend plus rien de la relation, son comportement change complètement et il devient agressif, froid, distant et méprisant.

Enfin, l’adolescent psychopathe adopte souvent des conduites ordaliques, toxicomanes ou encore alcooliques les poussant à l’extrême comme une sorte de provocation à la mort. Il recherche des sensations et des émotions très fortes poussant ainsi la consommation à son paroxysme et pouvant alors provoquer des risques inestimables envers les autres et lui-même. Ceci représente un moment d’agressivité certaine mais également d’angoisse profonde.

- Les conduites de retrait : celles-ci se manifestent essentiellement chez l’adolescent qui en fait s’est construit une forme de carapace avec les conduites bruyantes expliquées précédemment. Derrière elles se cachent bien souvent des manifestations symptomatiques traduisant de relativement grands désarrois, fragilités et souffrances qu’il est urgent de déceler pour adopter un traitement des plus appropriés.

La passivité et la dépendance sont très caractéristiques des ces conduites et se révèlent surtout avec l’adhésion de l’adolescent à une « bande ». Le jeune s’ennui, traîne, tourne en rond, ne parvient pas à prendre des décisions ; le monde des bandes apparaît alors comme pour parer à ceci mais également adapté à son mode de communication particulier et superficiel. De plus, Ferrari et Epelbaum (1993) expliquent que selon eux l’adolescent psychopathe ne parviendrait pas à devenir indépendant et autonome de par un manque de ressources internes assez solides. Le monde environnant apparaît alors comme indispensable. Mais cette appartenance à une « bande » comporte un risque majeur qui est celui du passage à l’acte qui devient un moyen de reconnaissance et d’adhésion au groupe. L’adolescent résout en effet son conflit identitaire mais cela reste tellement provisoire que les conséquences sont parfois irrémédiables. L’adolescent psychopathe peut alors vivre des décompensations aigues où la souffrance dépressive peut apparaître au travers d’un désarroi immense et d’un pessimisme intense.

1.4.2.2 Les repérages cliniques

En dehors des signes que nous venons d’évoquer permettant un diagnostic, certains signes apparaissant avant l’âge de 15 ans et sont précurseurs d’une évolution vers une personnalité antisociale à l’âge adulte : l’école buissonnière, le renvoi de l’école pour inconduite, la délinquance, des fugues nocturnes du domicile parental, des rapports sexuels fréquents, des ivresses ou abus de drogues répétés, des vols, du vandalisme, un niveau scolaire inférieur à la normale, une violation chronique des règles et des incitations aux bagarres (Marcelli et Braconnier, 2004).

Afin d’approfondir nos propos, nous pouvons présenter l’organisation du psychopathe autour d’un triptyque existentiel appelé "les 3D" que propose Chartier (1997) dans son œuvre :

− « Le Déni » : l’adolescent psychopathe est incapable de reconnaître la responsabilité de ses actions. L’autre en devient toujours l’auteur et l’adolescent s’inscrit dans la conviction d’être victime et de devoir se venger. Ce déni le conduit aussi aux activités « ordaliques ».

− « Le Défi » : l’adolescent psychopathe défi constamment l’autorité (de l’adulte) et le droit mais il défi aussi autrui et se lance des défis à lui-même sous une forme d’omnipotence.

− « Le Délit » : caractérise le passage à l’acte de l’adolescent pour qui « l’Agir sera le moyen obligé qui lui permet de se rassurer sur sa toute-puissance narcissique » (Chartier, 1997, p.65). Le délit du psychopathe est non seulement prémédité (volontaire) mais aussi soudain et brutal ; il se rapproche alors de l’acting out en psychopathologie.

Ce fonctionnement conduit également le psychopathe à vivre sur le mode du « tout, tout de suite » ou « rien, jamais » ; il vit dans un présent immédiat où le fait de différer ou retarder sa demande signifie pour lui le refus de la prendre en compte (Chartier, 1997). D’où ces débordements dans les actes et cette impulsivité. De la même manière, l’adolescent psychopathe vit dans l’absence de futur ; il est dans l’incapacité de prévoir et/ ou d’anticiper.