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Chapitre 1 : L’adolescence et les difficultés rencontrées

1.4 Psychopathologie de l’adolescent

1.4.2 La violence et la délinquance à l’adolescence

Avant d’aborder ces phénomènes de violence et de délinquance à l’adolescence, il est intéressant de savoir de qu’ils représentent de manière générale. En effet, d’après Harrati, Vavassori et Villerbu (2006, p.11), « la délinquance et la violence […] sont des constructions sociales résultant d’une sélection de faits et d’une interprétation de ce qui fait problème dans une société donnée, à un moment donné ». En ce sens, nous devons considérer que ces phénomènes sont avant tout sociaux ; ils se rattachent directement au concept de déviance, à savoir au « comportement qui échappe aux règles admises par la société » (au sens psychologique du terme déviance).

Les interprétations psychologiques permettent alors de mieux comprendre la violence et la délinquance dans l’individualité et la singularité du sujet, en tant que membre de cette société. De plus, rappelons que selon S. Freud (1912), la société humaine se serait établit sur un meurtre collectif ; la violence et la délinquance seraient donc à l’origine de l’humanité si l’on en croit cet auteur.

1.4.2.1 La violence et l’adolescent

Donner une définition universelle de la violence parait impossible étant données les nombreuses théorisations sur ce thème et la diversité des domaines d’intervention de la violence. D’autant que ce terme de « violence » est principalement attaché au champ de la sociologie et de la justice comme le précisent à juste titre Marcelli et Braconnier (2004) ; ils y indiquent en effet que le champ de la médecine et de la psychologie emploi plutôt le terme d’« agressivité ». Toutefois, nous pourrons retenir qu’en tant qu’effraction portant atteinte à l’intégrité de soi et des autres, la violence peut dans ce cas être considérée comme psychologique.

- Présentation :

Au sens psychologique, la violence est chargée soit de valeurs positives où elle apparaîtrait comme nécessaire à la survie du sujet, soutenant les forces de vie et le mouvement vers la satisfaction des besoins et des désirs. Soit la violence peut être chargée de valeurs négatives, et ce sont celles-ci qui nous intéressent particulièrement, c'est-à-dire qu’elle peut tendre à la destruction d’autrui et/ou de soi-même.

- Les différentes formes de violence :

Elle peut être physique, verbale, psychique, sexuelle, matérielle ou encore économique et sociale (manipulation financière et discriminations diverses et variées).

Plus précisément, la violence peut être hétéro agressive : avec les violences contre les biens (vol, vandalisme, conduites destructrices solitaires, etc.) résultant très généralement d’un fait de bande ; ou également avec les violences contre les personnes (ou les animaux).

A l’inverse, la violence peut être auto agressive, comme le révèlent les automutilations, les tentatives de suicide et les suicides ou bien l’anorexie ou la boulimie.

- En ce qui concerne l’adolescent :

Plusieurs constats par des professionnels et diverses études ont constaté que les adolescents s’inscrivent autant dans des conduites violentes auto agressives qu’hétéro agressives. De manière générale, la violence à l’adolescence apparaît vers 12-13 ans et représente majoritairement la suite de complications pathologiques durant l’enfance ou la préadolescence, telles que les conduites d’oppositions ou les troubles du comportement.

L’origine de cette violence peut entre autres s’expliquer par l’apparition de la puberté qui provoque un impact violent, voire même traumatique pour l’adolescent. Ce dernier se voit imposer des changements corporels significatifs dont il ne maîtrise pas toujours l’utilisation et dont il ne supporte pas forcément bien les conséquences. D’un point de vue psychanalytique, l’adolescent se retrouve confronter à l’exigence de ses pulsions sexuelles et agressives qui peuvent le conduire à une frustration telle que la violence apparaît comme le seul moyen de les extérioriser. En outre, comme tout traumatisme, cette mutation corporelle peut mettre en défaut le jeu de la pensée ; et étant donné que les conflits psychiques doivent trouver une voie d’expression, ce qui ne peut être pensé par l’adolescent est alors agit. Autrement dit, le jeune rejette ces conflits hors du champ psychique et s’enferme dans une forme de violence qu’il va alors agir sur lui-même ou sur les autres.

Néanmoins, pour Jeammet, « la violence est un signe de réponse à une menace qui plane sur l’identité du sujet et qui tend à restaurer cette identité menacée » (Tyrode et Bourcet, 2000, p.30). En effet, cet auteur considère que la violence aurait pour objectif de dénier ou de détruire le lien objectal ; or nous savons bien qu’à l’adolescence le besoin de l’objet est évident, autant que la nécessité de s’en éloigner. Dans cette conception, en

permettant à l’adolescent d’anéantir l’objet, la violence lui permet de sauver sa propre image de lui-même. En ce sens, la violence apparaît comme une défense identitaire, « un ultime recours pour ne pas mourir, pour ne pas disparaître sans lutter, pour permettre une continuité d’existence et, par-là même, une continuité narcissique » (Tyrode et Bourcet, 2000, p.35). Ce qui rejoint le concept de violence primitive ayant une valeur auto défensive et étant nécessaire au sujet.

Par ailleurs, il est important de noter que l’impact du processus pubertaire va retentir plus ou moins fortement selon l’histoire familiale du sujet et son contexte de vie ; les carences affectives (vécu abandonnique), les relations trop fusionnelles avec la mère en l’absence du père ou encore le manque d’exigences éducatives paraissent les facteurs les plus pathogènes d’une violence destructive et néfaste autant pour l’adolescent lui-même que pour autrui.

Nous pouvons alors retenir que l’adolescent peut utiliser la violence naturellement pour se dépendre des obligations de son monde interne afin de s’adapter au monde externe. Mais lorsque ces conflits paraissent insurmontables pour l’adolescent car trop angoissants et que son entourage est pauvre et ne le stimule pas dans l’acceptation de lui-même, la violence engendrée au départ peut prendre à moyen termes la forme de passages à l’acte. Ceux-ci peuvent dangereusement être attribués par le sujet sur soi, mais ils peuvent également s’adresser à autrui et alors prendre un caractère délinquant.

1.4.2.1 La délinquance juvénile

Le phénomène de la délinquance chez les adolescents est devenu très prégnant dans notre société actuelle ; il concerne un grand nombre de professionnels tous fortement impliqués dans la volonté de prévenir l’ascension fulgurante que la délinquance a pu prendre depuis des années. Rappelons toutefois que les discours des médias ne sont pas vraiment en adéquation avec la réalité ; nous entendons souvent dire que la délinquance juvénile des mineurs est en nette augmentation. C’est certes un fait réel ; en guise d’illustration, « en 1997, la gendarmerie et la police ont interpellé 154 437 mineurs » (Tyrode et Bourcet, 2000, p.83). Mais il est important de souligner que la délinquance de manière générale, tous âges confondus, a également considérablement augmenté. En revanche, comme l’indiquent Tyrode et Bourcet (2000), ce qui est alarmant et qui démuni parfois certains praticiens, c’est l’âge d’entrée dans la délinquance qui s’avère être de plus en plus jeune.

Afin de mieux comprendre la gravité de ce que représente la délinquance chez nos jeunes, nous allons expliquer brièvement ce en quoi elle correspond.

- Définition :

Au sens premier et étymologique, le terme « délinquance » signifie « faire défaut, manquer, faire faute ». Au sens moral ou légal, il peut se définir comme « faillir, être en faute donc responsable, commettre une faute ». Autrement dit, le sujet délinquant adopte un comportement allant à l’encontre de la loi : il commet des actes délictueux dont il doit en assumer la responsabilité (pénale). Mais de même que la violence, la délinquance est généralement le résultat d’un parcours personnel et singulier de l’individu délinquant.

De plus, « l’histoire de la délinquance et de la personnalité délinquante est profondément intriquée à l’histoire de la criminologie » (Tyrode et Bourcet, 2000, p.90).

- Les conduites délinquantes à l’adolescence :

De manière épisodique ou exceptionnelle, les conduites déviantes sont très fréquentes chez la majorité des adolescents, caractéristiques de l’ambivalence à cette période. L’adolescent oscillant constamment entre le besoin d’indépendance et la peur d’être abandonné, il est évident qu’il réagit et peut alors parfois transgresser certaines règles soit pour tester ses limites et celles de la loi, soit pour attirer l’attention d’autrui. Mais cette étape de vie est particulièrement délicate et angoissante dans les relations interpersonnelles et sociales du sujet. Par conséquent, certains adolescents s’enferment dans ces conduites, ce qui comporte un risque majeur de marginalisation ou de délinquance compromettant gravement l’avenir social de la personne.

Les conduites délinquantes témoignent toutes des moyens d’expression les plus utilisés par les adolescents ne parvenant pas à surmonter les conflits psychiques massifs auxquels ils sont confronté : l’agir et le passage à l’acte, qui paraissent alors comme la fuite idéale d’une situation de tension.

De la même façon que la violence, les actes délinquants peuvent être orientés en direction d’autrui (hétéro agressifs) ou en direction de soi-même (auto agressifs). Mais ils peuvent également avoir une « dimension projective » (rétorques de l’adolescent), une

« dimension d’affirmation de soi » (pour un idéal du Moi souvent mégalomane dans ce cas) ou encore en repoussant momentanément les valeurs de son entourage familiale afin de s’en distinguer (Ferrari et Epelbaum, 1993). Ces actes sont alors souvent interpréter comme une rébellion de la part du jeune contre la société, ce qui révèle leur aspect de recherche identitaire profonde.

Ces conduites déviantes ont très généralement lieu en groupe qui permet à l’adolescent d’accéder à une identité, celle de la « bande » ; elle représente un signe d’adhésion qui n’est autre qu’appartenir à la transgression des lois du monde des adultes. A ce propos, Winnicott, « considérant que les adolescents sont des isolés en bande » fait remarquer que ces jeunes « ont tendance à s’identifier à l’élément le plus pathologique du groupe » (Marcelli et Braconnier, 2004, p.27). Le vol étant alors la conduite délinquante de groupe la plus classique. Le vandalisme le suivant de près, il revêt en revanche un caractère plus pathologique. Non seulement il apparaît être un acte gratuit mais surtout, il réclame une organisation faisant appel au fonctionnement inconscient du groupe. Autrement dit, la violence en bande contre les biens témoigne de la présence de normes dans ce groupe qui, selon Durkheim (1970), représentent des règles commune imposées qui créent la déviance. Il en est de même pour les violences contre les personnes qui sont essentiellement commises par des groupes d’adolescent (bagarres, « tournantes », etc.).

Toutefois, notons que le contexte social, économique et culturel de l’adolescent est un indicateur plus important de l’évolution vers ou dans les comportements délinquants que les facteurs psychopathologiques proprement dits.

- La personnalité délinquante :

La personnalité du délinquant peut tout à fait se présenter comme normale, indemne de tout conflit compte tenu du remaniement incessant dans lequel la personnalité de l’adolescent se trouve à cette transition de vie. Néanmoins, Pinatel (1987) indique des traits de personnalité quasiment universels que l’on retrouve chez la plupart des sujets délinquants : à savoir l’égocentrisme, la labilité, l’agressivité et l’indifférence affective. Pour cet auteur, ces traits « constituent le noyau central de la personnalité criminelle gouvernant le passage à l’acte » (Tyrode et Bourcet, 2000, p.91). En outre, plusieurs études ont montré qu’un parcours délinquant se retrouvait préférentiellement chez les personnalités psychopathiques, comme nous l’avons abordé dans la présentation des troubles de la personnalité psychopathiques.

De manière générale, nous pouvons remarquer que la violence et la délinquance ont un lien évident par l’évolution qu’elles peuvent connaître respectivement l’une envers l’autre. Mais toute la difficulté se trouve dans le fait que tous les actes violents chez l’adolescent ne sont pas nécessairement délinquants et vice versa ; mais les actes délictueux peuvent, en plus, prendre un aspect violent qui rend la délinquance alors plus difficile encore. Les divergences dans la conception de ces phénomènes résident ainsi autour des définitions et de l’orientation que l’on donne de chacun d’eux.

En revanche, il demeure de rester prudent quant à l’enfermement nosographique des adolescents dans « la personnalité délinquante » ; ce sont en premier lieu des conduites antisociales qu’il s’agit de traiter au plus tôt et d’en observer l’évolution avant de poser un diagnostic qui aurait tendance dans ce cas à "séquestrer" le jeune peut être illégitimement.