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Chapitre 1 : L’adolescence et les difficultés rencontrées

1.4 Psychopathologie de l’adolescent

1.4.1 Les troubles oppositionnels et les troubles des conduites

Les conduites déviantes, l’opposition aux règles et la violence qui en découle restent « les manifestations les plus visibles, les plus bruyantes de la psychopathologie des adolescents » (Chabrol, 2011, p.339). En effet, dans un contexte de société où le sentiment d’insécurité et l’affaiblissement du lien social sont grandissants, le développement de ces troubles chez les adolescents, alors souvent « en mal d’être », reste préoccupant. Pour autant, comme l’ont souligné différents auteurs, la société a souvent tendance à considérer ces comportements perturbateurs comme étant volontaires de la part des jeunes et elle oublie alors de prendre en compte leurs déterminismes et leurs malheureux effets pour le développement de l’adolescent qui sont pourtant considérables. C’est ce que tentent par ailleurs de faire tous les professionnels œuvrant dans l’accompagnement, l’aide et le soutien à cette population.

Nous présenterons brièvement ces troubles avant de se concentrer davantage sur leurs signes cliniques les plus retentissants que sont la violence et la délinquance. En effet, elles font ainsi partie de la symptomatologie de ces troubles et, étant deux phénomènes auxquelles les équipes éducatives des séjours de rupture sont souvent confrontées, nous avons souhaité développer ces notions.

1.4.1.1 Présentations et symptomatologies − Troubles oppositionnels

Ces troubles témoignent d’oppositions et d’antipathies répétées et durables de la part de l’adolescent envers toute image d’autorité. Ainsi, tout l’environnement du jeune est

concerné et perturbé par ce fonctionnement hostile ; « ces adolescents difficiles souffrent et font souffrir leur entourage » (Chabrol, 2011, p.339).

Les enquêtes épidémiologiques montrent une prévalence de ce trouble de 3% chez les garçons et de 2% chez les filles chez les adolescents âgés de 11 à 16 ans (Costello et al., 2003), ou encore de 1.5% filles et garçons confondus dans une population de 13 à 15 ans (Ford, Goodman et Meltzer, 2003).

Les signes cliniques les plus marquants de ces troubles sont des colères fréquentes, une désobéissance et une incivilité marquées et une opposition systémique à toutes sollicitations de la part d’adultes. L’adolescent recherche la provocation à l’adulte en testant constamment les limites, pouvant généralement être méchant sans reconnaitre pour autant ses erreurs. Ce trouble amène à des perturbations importantes dans le fonctionnement social mais aussi et surtout au niveau familial et scolaire. L’adolescent ne parvient alors plus à s’adapter, conduisant ainsi à un rejet social important.

- Troubles des conduites

Ces troubles représentent un « ensemble de conduites, répétitives et persistantes, dans lequel sont bafoués les droits fondamentaux d’autrui ou les normes et règles sociales correspondant à l’âge du sujet (agressions envers des personnes ou des animaux, destruction de biens matériels, fraude ou vol, violations graves de règles établies)» (DSM-IV-TR, American Psychiatric Association, 2004, p.68). Le trouble des conduites est considéré comme un facteur de risque de délinquance à l’adolescence et début de l’âge adulte et au développement d’une personnalité antisociale chez l’adulte.

L’enquête épidémiologique de Costello et al. (2003) indiquent chez les 11-16 ans une prévalence du trouble des conduites de 4% chez les garçons et de 1% chez les filles. L’étude de Ford, Goodman et Meltzer (2003) auprès d’adolescents âgés de 13 à 15 ans montre quant à elle une prévalence de ce trouble de 3%.

Les critères diagnostics selon le DSM-IV-TR (2004) varient mais le risque d’une évolution vers la délinquance et l’apparition de ce trouble des conduites avant l’âge de 13/14 ans restent constants. En effet, l’agressivité, la destruction et les actes antisociaux sont les plus représentatifs de ce trouble.

1.4.1.2 Les traits psychologiques

" Ceux-ci ne font pas partie des éléments diagnostiques de ces troubles mais sont pour autant très fréquemment retrouvés dans les différentes études ; ainsi, l’impulsivité, les traits psychopathiques (insensibilité) et les traits narcissiques sont montrés comme étant corrélés aux troubles des conduites et oppositionnels (Pardini, Lochman et Frick, 2003).

L’impulsivité, l’intolérance à la frustration et l’agir caractérisent les comportements délinquants ; de même que l’irritabilité représente une des rares émotions qu’éprouvent ces sujets. Comme nous l’avons souligné, ces éléments ne sont pas volontaires chez l’adolescent mais bien inconscients, révélateurs de profondes souffrances et deviennent alors parfois le seul moyen d’expression de cette jeunesse. Concernant le passage à l’acte notamment, tiré du vocabulaire de la justice, les points de vue psychanalytiques le décrivent comme venant « en rupture d’un discours qu’il court-circuite » (Delaroche, 2004, p.53). En ce sens, le passage à l’acte est assimilé à l’acte délinquant du fait de leur ressemblance car « le passage à l’acte peut être, à l’adolescence, un acte délinquant qui restera isolé après avoir mobilisé toute la famille » (Delaroche, 2004, p.54). De manière générale, ce passage à l’acte, et plus globalement l’agir, représente pour l’adolescent selon Ferrari et Epelbaum (1993) l’expression privilégiée des conflits internes. En effet, lorsque les processus de mentalisation sont débordés par tout le bouleversement psychique provoqué par les remaniements pubertaires que nous avons évoqué à l’adolescence, l’agir prévale pour le jeune en tant que langage du corps et de sa motricité, la parole lui étant alors impossible. De la même façon, lorsque l’adolescent se sent trop dépendant, il a tendance à s’en défendre par le recours à l’agir. Ce passage à l’acte peut servir en effet de projection des conflits internes sur le monde extérieur afin d’éviter de les penser (Ferrari et Epelbaum, 1993). Il peut également permettre à l’adolescent de lutter pour son indépendance. De la même manière, ce dernier s’en sert comme une expérimentation (sexuelle par exemple). Cette mise en acte constitue un moyen de décharger une tension trop importante, que l’adolescent ne parvient plus à maitriser au risque de développer un trop grande angoisse. (Ferrari et Epelbaum, 1993). Enfin ces passages à l’acte autorisent l’adolescent à tester ses propres limites et celles des autres.

Par ailleurs, l’ancrage de l’adolescent dans ces conduites déviantes le mène généralement à développer des traits psychopathiques, et notamment la dureté ; évaluant ces traits de personnalité dans notre étude, nous préciserons par la suite ce qui marque et défini ces aspects psychopathiques.