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4.2 Génération de maillages et modèles

4.2.1 Procédure de maillage

4.2.1.1 Traitement d’image

La génération de maillage à partir de volumes 3D est couramment désignée par le terme anglophone "image based modeling", puisque ce sont des images en niveaux de gris qui sont utilisées pour générer les maillages. Il est nécessaire de traiter numériquement les images 3D pour en extraire l’information nécessaire au maillage : les phases et les interfaces.

La première étape consiste à diminuer au maximum la taille des volumes en les altérant le moins possible. La taille d’une image 3D est typiquement d’environ 10 Go juste après reconstruction : l’encodage étant généralement fait sur 32 bits. Les principales difficultés lorsque l’on travaille en 3D résident dans la mémoire nécessaire à l’analyse des images et dans le temps que prennent ces analyses. Par exemple, la simple lecture d’un tel volume prend plusieurs minutes (limitation due à la vitesse de lecture de la mémoire des disques durs) et l’application d’un filtre médian peut prendre plusieurs heures. Les volumes sont donc ré-encodés sur 8 bits afin de diviser par quatre leurs tailles.

Comme le montre la figure 3.1, les images tomographiques permettent d’identifier plu-sieurs phases constitutives du matériau étudié. Le maillage exhaustif de la microstructure (pores+particules de seconde phase) serait toutefois prohibitif en terme de nombre d’élé-ments. Nous avons par contre montré (chapitre 3) que les pores contrôlaient l’amorçage des fissures. Dans une première approche, nous ne considérerons donc pas les particules dans les modèles EF. Les principales étapes de traitement d’images vont maintenant être expliquées et illustrées à l’aide d’exemples en deux dimensions (figure 4.4) où une seule coupe d’un volume est représentée afin de simplifier la démarche. L’objectif de ce

proto-cole est de générer deux volumes (binaires) contenant seulement les surfaces externes de l’échantillon (pores en surface inclus) pour le premier et les surfaces des pores internes pour le second. Ces deux volumes correspondent aux images 4.4c et d.

— La première étape consiste en une segmentation du volume initial (figure 4.4a) afin d’extraire les zones correspondant à la matrice. Sur l’image initiale, les pores et l’air extérieur sont visibles en gris foncé (faibles niveaux de gris). L’histogramme des niveaux de gris de la figure 4.4a montre deux pics distincts : à gauche l’air (ou le vide) et à droite la matrice d’aluminium. Il suffit donc de conserver seulement les voxels dont le niveau de gris est inclus dans le pic de droite pour isoler la matrice. Une binarisation est ensuite appliquée : les voxels de la matrice prennent tous une valeurs de 255 alors que les autres sont mis à 0.

— Le volume précédemment généré est ensuite "nettoyé" afin de retirer les derniers ar-tefacts (sous forme d’anneaux) restants. Ces arar-tefacts ne peuvent pas être supprimés lors de la reconstruction. Il est alors nécessaire de filtrer l’image à l’aide d’un filtre gaussien (suivi d’une nouvelle segmentation) ou de procéder à leurs suppressions manuellement. La figure 4.4b représente le volume à la fin de cette étape.

— L’ensemble des pores internes sont ensuite rebouchés artificiellement à l’aide du plu-gin "Fill Hole 3D" du logiciel ImageJ [OLL 13]. La surface extérieure de l’éprouvette est alors isolée (figure 4.4c).

— Un volume est ensuite calculé à partir de l’opération suivante : INVERSE[Fig.4.4b + INVERSE(Fig.4.4c)]

Ici, la fonction INVERSE(A) correspond à l’image dont les niveaux de gris sont les niveaux de gris inversés de l’image A, soit pour une image encodée sur 8 bits, INVERSE[A(x,y)]=255-A(x,y). Ce volume contient ainsi tous les pores internes. Un filtre "labeling" est ensuite appliqué pour isoler un à un les pores. Les plus petits (deq < 15 µm) sont alors supprimés et l’image est binarisée : voir la figure 4.4d.

4.2.1.2 Maillage surfacique

Les volumes précédemment obtenus sont alors utilisés pour générer un maillage de la surface extérieure de l’éprouvette ainsi qu’un maillage surfacique des pores internes restant. Un algorithme de type "Marching cube" est d’abord utilisé pour extraire les deux surfaces [NEW 06, LOR 87]. Ces maillages surfaciques composés de triangles, voir figure 4.5, possèdent des tailles de maille de l’ordre de grandeur du voxel (2,75 µm pour les scans réalisés à l’ESRF). Une étape de remaillage est ensuite réalisée à l’aide du logiciel Avizo, où un algorithme de remaillage inspiré des travaux de Zilske est implémenté [ZIL 07]. Une faible taille d’élément est fixée à la surface des pores internes afin de représenter au mieux leurs morphologies (figure 4.6a). Le même algorithme est utilisé pour le remaillage de la surface extérieure, mais un gradient dans la taille d’élément est spécifié. Il est donc possible de générer des éléments plus petits dans les zones où des aspérités sont présentes : les pores de surface sont ainsi maillés plus finement que les zones planes de la surface extérieure (figure 4.6b).

Figure 4.4 – Principaux volumes générés lors du processus de traitement d’image : (a) état initial, (b) segmentation de la matrice, (c) génération d’un volume ne contenant que la surface extérieure de l’éprouvette et (d) génération d’un volume ne contenant que les pores internes les plus volumineux.

4.2.1.3 Maillage volumique

Les deux maillages obtenus (pores internes et surface extérieure) sont ensuite assemblés dans le logiciel Gmsh [GEU 09]. Le remplissage volumique par des éléments tétraédriques y est effectué une première fois. Le nombre d’éléments produits par cette reste cependant trop élevé (environ 1 million de degrés de liberté (DDL)) pour réaliser nos simulations élasto-viscoplastiques sur plusieurs cycles. Ceci est dû au fait que lors du remplissage, la taille des éléments2 est constante dans le volume. Il est donc indispensable de faire varier

la taille des éléments tétraédriques si l’on souhaite à la fois conserver un niveau de détail

Figure 4.5 – Exemple de maillage surfacique d’un pore sphérique généré par la méthode du "Marching Cube".

Figure 4.6 – Exemples de zones remaillées en surface : (a) pores internes avec une taille de maille constante et (b) surface extérieure présentant des éléments de différentes tailles.

suffisant pour bien décrire la morphologie des pores et aboutir à un nombre "raisonnable" d’éléments. Le maillage est donc optimisé à l’aide du module "distance" de Gmsh, dont les paramètres d’entrée sont une longueur minimale et maximale d’éléments. Ce module calcule une carte 3D des distances aux surfaces déjà maillées (levelset) qui est ensuite utilisée pour fixer la taille des tétraèdres lors du remaillage (voir figure 4.7b). Dans notre cas, la taille minimale est affectée à la surface des pores internes (surfaces jaunes sur la figure 4.7a) alors que la taille maximale n’est pas a priori attachée à des éléments : elle est attribuée à des éléments en fonction de la carte des distances calculée au préalable. Un gradient dans la taille des tétraèdres est donc généré lors du remplissage et, au final, le nombre de DDL est abaissé à environ 300 000.

Figure 4.7 – Protocole de remaillage sous Gmsh : (a) assemblage des maillages surfaciques, (b) génération d’une cartographie de la taille des éléments intégrant des gradients de tailles et (c) remaillage volumique final suivant une carte de distances calculée à l’étape (b).