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1.1 Généralités

1.1.3 La microstructure mésoscopique et propriétés en fatigue

Beaucoup de facteurs peuvent influer sur la durée de vie en fatigue d’une pièce, ils sont aussi bien intrinsèques au matériau qu’extrinsèques. La composition chimique, le traite-ment thermique, et le type et niveau de sollicitation mécanique sont des élétraite-ments qui influencent fortement le comportement en fatigue : un changement d’un de ces paramètres peut entraîner une variation significative de la hiérarchie de criticité des défauts. Il est donc difficile d’établir avec précision le rôle de chacune des phases sur l’endommagement du matériau. Comme expliqué précédemment, la précipitation fine renseigne sur les pro-priétés mécaniques du matériau et majoritairement sur son comportement quasi-statique. Lorsqu’une pièce est soumise à un chargement cyclique, il a par contre été observé que ce sont principalement les hétérogénéités de grandes dimensions qui pilotent sa durée de vie

en fatigue. Ces hétérogénéités peuvent aussi bien être des phases intermétalliques que des défauts de fonderie [BAT 13]. Dans les paragraphes qui suivent nous passerons en revue les différents types de défaut "mésoscopiques" (plusieurs dizaines de micromètres) présents dans les pièces moulées en essayant de dégager les grandes tendances de leurs impacts respectifs sur le comportement en fatigue de ces alliages d’aluminium.

Les défauts les plus couramment rencontrés sont les oxydes et les pores (voir figure 1.10). La taille et la quantité de défauts au sein d’un matériau sont connues pour diminuer la durée de vie des pièces lisses, mais d’après Linder la quantité de porosités dans un alliage AlSi10Mg n’a pas d’impact pour les pièces entaillées [LIN 06]. En contrepartie, pour les pièces lisses, Buffière et al. [BUF 01] constatent, pour un alliage AlSi7Mg, que les pores représentent au moins 85% des sites d’amorçage et qu’ils sont principalement localisés en surface du matériau ou en peau. Les courbes de la figure 1.11 montrent l’influence de la taille des pores et de la porosité sur les durées de vie à grand nombre de cycles d’alliages d’aluminium AlSiMg. Les matériaux contenant les pores les plus gros sont ceux qui pré-sentent les durées de vie les plus faibles et inversement. L’évolution n’est cependant pas linéaire ; les durées de vie augmentent fortement lorsque la taille des pores est inférieure à quelques dizaines de micromètres. La figure 1.11b montre que, pour des défauts de tailles similaires, leur nombre a aussi une influence sur le comportement en fatigue de l’alliage : une faible porosité aboutit à une plus grande limite d’endurance. L’influence des pores sur la résistance à la fatigue peut clairement être mise en évidence en comparant le com-portement d’un matériau contenant des pores et celui du même matériau après une étape de densification (par Compression Isostatique à Chaud (CIC) par exemple). Cette étape supprime les pores par diffusion et le matériau ainsi traité montre une meilleure tenue en fatigue [LEE 03, DEZ 15]. Le terme ’pore’ désigne en réalité deux types de défauts : les pores gazeux (emprisonnement de gaz lors du refroidissement) et les cavités de retrait (aussi appelées retassures).

Les pores gazeux sont dus à la présence d’hydrogène dissout dans le métal liquide. La solubilité de l’hydrogène dans l’aluminium augmente avec la température. Lors de la solidification, l’hydrogène forme des pores uniformément répartis et localisés dans les zones inter-dendritiques [LUM 10]. Pour de très fortes vitesses de refroidissement, le spores gazeux sont quasiment sphériques et de petites tailles [MCD 03]. Des pores gazeux peuvent aussi être générés par l’emprisonnement d’autres gaz, comme dans le cas du procédé à modèle perdu de cette étude (voir paragraphe 1.2).

Les cavités de retrait apparaissent à l’étape finale de solidification lorsque le métal liquide ne parvient plus à compenser les contractions dues à la solidification [LUM 10]. Elles sont généralement de grande taille comparées aux pores gazeux et présentent une morphologie complexe et fortement tridimensionnelle. Elles sont donc a priori plus cri-tiques vis-à-vis de la résistance mécanique du matériau que les pores gazeux. Localement, leurs courbures peuvent en effet être importantes, ce qui induit naturellement de fortes concentrations de contraintes, néfastes vis-à-vis du comportement en fatigue. Le rayon de courbure minimum, pour les zones les plus "repliées", est ainsi compris entre 30 et 50% du

Figure 1.10 – Principaux défauts de fonderie : (a) pores gazeux et cavité de retrait dans un alliage A319 produit par un procédé à modèle perdu [WAN 06], (b) faciès de rupture d’une éprouvette de fatigue en A357 élaboré par moulage coquille montant une cavité de retrait et laissant apparaître les bras de dendrites secondaires [BRO 12a], (c) faciès de rupture montrant un film d’oxyde sur le site d’amorçage d’une fissure de fatigue dans un A357 mis en forme par moulage semi-solide [BRO 12a]. Les zones plus foncées sur les images (b) et (c) surlignent la présence des défauts.

SDAS [MCD 03]. Ces défauts sont, comme les pores gazeux, localisés au niveau des zones eutectiques. Leurs tailles sont donc conditionnées par la taille des dendrites et des grains. Par conséquent, les cavités de retrait sont généralement intergranulaires. Diminuer la taille des grains en ajoutant un affineur de grain ou en augmentant le taux de refroidissement permet d’obtenir des retassures de plus petites dimensions [KAU 04].

Figure 1.11 – (a) Influence de la taille du pore où se sont amorcées les fissures principales sur le nombre de cycles à rupture d’un alliage A356 affiné au strontium pour deux niveaux de chargements [WAN 01a] et (b) courbes de Wöhler pour différentes qualités d’un alliage AlSi10Mg (S1 étant le matériau contenant le moins de pores et S6 celui en contenant le plus)[LIN 06].

Les oxydes sont quant à eux classés en deux groupes : les inclusions ("vieux" oxydes, originaires de la surface du liquide contenu dans le creuset du four avant d’effectuer la coulée ou dans les ustensiles de transfert) et les films ("jeunes" oxydes). Lors du remplis-sage, ces derniers (principalement composés d’alumine) se replient sur eux même et sont repoussés dans les zones inter-dendritiques lors de la solidification. Ils ont alors une taille qui varie entre 1 et 10 µm et constituent des discontinuités du matériau critiques pour l’amorçage de fissures de fatigue à grand nombre de cycles [NAY 01]. Pour des défauts de dimensions équivalentes, les films d’oxydes sont toutefois moins nuisibles que les pores gazeux et les cavités de retraits, pour des procédés de moulage conventionnel [WAN 01a]. La comparaison avec un alliage semi-solide a montré que cela n’est pas forcément tou-jours le cas : les films d’oxydes y concurrencent les pores en terme de nocivité [BRO 10]. Dans le cadre de ce projet, le matériau étudié est produit par un procédé à modèle perdu spécifique. La criticité des différents types de défauts engendrés par ce procédé sur le com-portement en fatigue est assez mal connue à ce jour malgré un certain nombre de travaux de recherche récents [TAB 11, LE 16, LIM 14, WAN 16].

1.1.3.1 Les particules secondaires

Figure 1.12 – Influence du strontium sur deux alliages ne comportant aucun pore pour différentes valeurs de SDAS : (a) A356 + CIC et (b) A357 + CIC [WAN 01b].

La morphologie des particules de silicium influence également la résistance à la fa-tigue des alliages d’aluminium de fonderie (figure 1.12). Le nombre de cycles à rupture peut être amélioré, soit par traitement thermique, soit par ajout de strontium (ou autre affineur d’eutectique tel que le sodium) ou encore par la combinaison des deux comme illustré sur la figure 1.13. La résistance à la fatigue à grand nombre de cycles sera d’autant plus élevée que les particules de silicium auront des formes plus sphériques, diminuant ainsi les concentrations locales de contraintes. Des alliages A356 ayant trois différentes tailles de particules de silicium ont ainsi été étudiés en fatigue propagation par Leeet al.

[LEE 95a, LEE 95b]. Ces auteurs ont constaté que le comportement en fatigue de l’alliage d’aluminium dépend de la taille, de l’orientation, de la distribution locale des particules de silicium, mais aussi de la résistance à la fissuration des particules de silicium, de la décohésion de l’interface particule/matrice de phase alpha et de l’écoulement plastique de la matrice. Pour des particules dont la taille est de l’ordre de 1,5 à 2,5 µm la décohésion particule/matrice est prédominante. Alors que pour des particules de plus grande taille (3-9 µm), le clivage des particules de Si est prépondérant. Pour les tailles intermédiaires (2,5-5 µm) et des essais à faible ∆K, une combinaison des deux derniers phénomènes est observée [LEE 95a, LEE 95b, LAD 02]. Les décohésions Si/Al sont expliquées par une incompatibilité élastique et plastique entre la ductilité de la matrice en aluminium et la dureté et fragilité des particules de silicium.

Figure 1.13 – Effet des traitements thermique et de l’affinement au Sr sur les particules de silicium d’un alliage Al-Si : (a) non traité thermiquement et non affiné, (b) T6 et non affiné, (c) non traité thermiquement et affiné au strontium et (d) T6 et affiné au strontium [DEZ 13].

Les composés intermétalliques présentés à la section 1.1.1.2 peuvent aussi avoir une influence sur la résistance à la fatigue du matériau. C’est principalement le cas pour les phases riches en fer qui, comme pour le silicium, peuvent être des sites d’amorçage privilé-giés du fait de leurs morphologies, leurs tailles et leurs comportements fragiles [TAB 15]. L’augmentation de la teneur en Fe de 0,08% à 0,14% décroit par exemple la durée de vie en fatigue des alliages A357 non modifiés, principalement pour les microstructures gros-sières [WAN 01b]. Cet auteur n’a toutefois trouvé aucune influence significative pour les microstructures avec des faibles SDAS (< 50 µm). Les amorçages sur ces phases inter-métalliques ne sont cependant que rarement observés car les porosités sont des défauts plus nocifs et concentrent les amorçages [YI 04, DEZ 15]. Pour des chargements méca-niques élevés, il a été montré que ces intermétalliques perturbent le chemin de fissuration [TAB 10, HUT 15, TIR 16]. Les traitements thermiques sont par ailleurs généralement choisis pour que les intermétalliques les plus dangereux, les β-AlFeSi (aiguilles en 2D) ainsi que les phases θ-Al2Cu de grande taille de l’eutectique soient dissous pendant la phase de mise en solution [SAM 96].