• Aucun résultat trouvé

Matrice Composite

1.3.3 Procédure de mise en œuvre

Choix des corps d’épreuve et de leur fabrication

Dans un souci d'efficacité, les premiers essais destinés à la sélection des constituants ont été conduits sur des éprouvettes 40 x40 x 160 mm et 100 x 100 x 400 mm. Pour la suite il importe de travailler avec des corps d'épreuves représentatifs des applications structurelles envisagées. En accord avec les exigences énoncées en introduction et les recommandations sur la caractérisation des BFUP utilisés en plaques minces [AFGC-SETRA 2003], nous décidons de travailler sur des dallettes prismatiques dont l'épaisseur est égale à celle des structures réelles. Pour l'ensemble des fabrications, nous choisissons une épaisseur inférieure à deux fois la longueur de la macro-fibre, soit 40 mm, afin de profiter de l'orientation préférentielle des macro-fibres. Le nombre d'éprouvettes est volontairement élevé (fixé à 9 par étude) afin de pouvoir définir des valeurs caractéristiques.

Les dallettes ont pour dimensions 600 x 200 x 40 mm (longueur x largeur x épaisseur), ce qui respecte les recommandations AFGC15 pour une macro-fibre de longueur 25 mm. Cependant nous avons décidé de couler directement des prismes et non de les prélever à partir de plaques. Ce choix s'impose pour des raisons de temps, de coût et de répétitivité. Les opérations de sciage d'un composite contenant 10% de fibre sont très longues et usent rapidement le matériel. De plus le mode opératoire est plus facilement reproductible pour les dallettes. Il faudra s'assurer que le comportement est représentatif de celui de dalle en procédant à des essais en vraie grandeur.

Remplissage des moules

Le remplissage influe directement sur le comportement du matériau et sur la réponse structurelle des corps d'épreuve testés. Dans le cas de fibres rigides, celles-ci vont faire en sorte de s'orienter suivant les lignes de courant et en fonction des gradients de vitesse pour s'opposer le moins possible à l'écoulement. Cela explique leur alignement le long des parois des coffrages. On doit de plus s'assurer que :

− Premièrement, le passage du malaxeur au corps d'épreuve ne modifie pas l'homogénéité du mélange.

− Deuxièmement, le process de coulage des corps d'épreuve permet un écoulement du composite dans la (les) direction(s) principale(s) de sollicitation.

Le passage malaxeur-moule se fait dans notre cas au moyen d'une goulotte semi-circulaire (gouttière coupée en deux) de diamètre sensiblement équivalent à la largeur du corps d'épreuve, comme le montre la Figure 1.11. On la remplit en mortier puis on la fait glisser le long du fond du moule. On répète l'opération trois fois pour remplir complètement le coffrage en bois. Ce procédé évite la formation de front de jonction perpendiculaire à la section verticale de l'éprouvette, comme cela se produit lors de remplissage simultané par différents endroits du moule [Japan Recommandations 1984, Behloul 1996]. Ce procédé pourrait facilement être transposé au niveau industriel en utilisant un jeu de goulottes vibrantes qui recueilleraient le béton en sortie de malaxeur, et dont la largeur s'épanouirait pour s'adapter à celle des moules.

15

Figure 1.11 - Méthode de coulage des dallettes avec goulotte semi-circulaire – Produit fini après rodage et peinture.

L'ensemble de l'opération s'accompagne d'une vibration externe du moule (le coffrage est bridé sur une table vibrante) ; elle est stoppée immédiatement après fin du coulage. Des essais de remplissage sans vibration, ainsi que de remplissage puis vibration se sont révélés moins performants. Il faut noter que la très forte densité de fibres et la viscosité de la matrice limitent la possibilité de déplacement relatif des fibres dans la matrice. La vibration n'a que peu d'influence sur l'enchevêtrement du réseau de fibres ; elle permet juste une meilleure mise en œuvre du volume de béton dans son ensemble.

Si l'opération de remplissage est bien contrôlée dans le cas de nos dallettes, ce que viendront confirmer les essais mécaniques (cf. chapitres 3 et 4), il semble important à terme de pouvoir définir une séquence de remplissage pour des géométries plus complexes. Cela nécessite le développement de modèles puis d'outils de simulation capables de prédire l'écoulement de fluides visqueux renforcés de fibres. Une optimisation de la géométrie des pièces eu égard aux caractéristiques rhéologiques du matériau et au mode d'obtention des pièces (écoulement libre, extrusion, pompage, infiltration…) sera alors envisageable.

Après fabrication, la cure des éprouvettes est réalisée dans un premier temps au moyen d'un film plastique jusqu'à la fin de la prise. Le très fort dosage en superplastifiant (proche de 1% du poids de ciment) conduit à un retard de prise important, de l'ordre de 36 h. Par contre la durée de prise (Tfin de prise - Tdébut de prise) s'opère en moins de 2 heures et la montée

en résistance est extrêmement rapide (réaction exothermique, fc 130 MPa à 4 jours). Le

démoulage intervient après 48 h et nous recourrons à deux types de cures :

− Soit les corps d'épreuve sont conservés tels quels dans le laboratoire (humidité relative oscillant autour de 50%).

− Soit ils subissent une cure thermique de 4 jours à 90°C. Pour éviter tout départ d'eau, les dallettes sont enveloppées dans un film cellophane puis recouvertes par une couche d'aluminium autocollant. Elles sont ensuite conservées au laboratoire. Nous reviendrons sur l'influence de la cure dans le prochain chapitre. Ce dernier point clôt ce premier chapitre relatif à l'optimisation d'un composite fibré multi-échelles.

1.4 Conclusions

L'objectif prioritaire de cette première partie était la mise au point d'un composite cimentaire fibré multi-échelles de référence. Nous avons successivement travaillé sur la formulation du matériau puis sur sa fabrication. De la première étape nous retenons que :

− Une démarche cohérente portant sur l'amélioration de la compacité et de la microstructure conduit à une matrice ultra-hautes performances de rapport Eau/Liant égale à 0.16, dotée d'une résistance en compression de 220 MPa. Les critères de sélections des matériaux portent sur la rhéologie et la résistance en traction de la matrice.

− L'étude met en lumière le risque que prend l'ingénieur en sélectionnant ses constituants sur leurs seules performances individuelles, "l'assemblage" pouvant conduire à des caractéristiques mécaniques et rhéologiques médiocres (incompatibilités chimiques et empilement granulaire non optimal). Les choix passent encore aujourd'hui par des campagnes expérimentales. Le fort dosage en superplastifiant apporte un retard de prise important.

Concernant l'optimisation du renfort, la démarche s'appuie sur l'analyse du processus de fissuration des matrices cimentaires en traction uniaxiale. Cela impose d'intervenir à

l'échelle de la micro-fissuration diffuse du matériau et à l'échelle de la fissuration localisée de la structure . Pour ce faire nous recourons à trois types de fibres métalliques :

− La fraction volumique du renfort est désormais de 11%. Surtout, le nombre de fibres est de deux ordres de grandeur supérieur à celui des BFUP type BPR fibré. Le rapport entre les diamètres des micro- et macro-fibres est de 10. Les fibres sont substituées au sable ; cela se traduit par un appauvrissement de la fraction granulaire la plus grossière.

− La laine d'acier apporte un gain de rigidité au composite. Sa finesse la rend seule capable d'intervenir efficacement au niveau de la micro-fissuration diffuse du matériau, au sens défini précédemment. A elle seule, elle représente approximativement 95 % du nombre de fibres du mélange.

− L'élancement important des macro-fibres limite leur dosage et donc leur efficacité. Pour ce faire, on leur adjoint une méso-fibre qui agit par effet nombre en retardant la coalescence des méso-fissures.

L'étude met en évidence de manière explicite les effets de synergie et de seuil de

saturation en fibres. Un même dosage en laine d'acier peut conduire à un effet de

groupe positif ou négatif, suivant le nombre de méso- et macro-fibres. Cela renforce l'idée que toutes les fibres participent jusqu'au pic d'effort16.

16

Les prochains chapitres seront l'occasion de préciser le fonctionnement du composite et le caractère multi- échelles du renfort.

retour d'expériences que nous avons acquis. Les points suivants méritent d'être soulignés :

− La fabrication d'un composite aussi fortement dosé en fibres métalliques nécessite des outils spécifiques adaptés. Nous utilisons des mélangeurs intensifs parfaitement adaptés à la défloculation des fines et ultra-fines et à la dispersion des liquides. La géométrie de l'outil a été optimisée pour ne pas contribuer à la formation d'oursins. Elle se compose de couteaux qui cisaillent littéralement le mélange fibré.

− La séquence de malaxage retenue se caractérise par une pré-homogénéisation à sec des constituants solides et de la laine d'acier. L'incorporation des méso- et macro-fibres s'opère après obtention d'une matrice fluidifiée, dans un temps réduit au minimum et à vitesse réduite (cuve et outil). Le malaxage est stoppé très rapidement après introduction des macro-fibres (une quinzaine de secondes).

− La définition des corps d'épreuve suit globalement les recommandations AFGC- SETRA relatives aux BFUP. Cependant le choix est fait de mouler plutôt que de scier les corps d'épreuve à partir d'une dalle mince. L'épaisseur des dallettes est de 40 mm, valeur représentative des applications structurelles projetées.

− Le composite est mis en œuvre par écoulement au moyen d'une goulotte en plusieurs couches. Le développement d'outils de simulation d'écoulements de matrice à inclusions rigides longilignes est attendu pour promouvoir l'optimisation des géométries des pièces et promouvoir ainsi l'utilisation de ces matériaux.

L'ensemble des points évoqués est désormais fixé et servira de base pour l'ensemble des études décrites par la suite. Le matériau fait par ailleurs l'objet d'un dépôt de brevet mondial sous l'appellation CEMTECmultiscale®.

Connaissances des comportements