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endommagée et sollicitée en ambiance agressive

5.2 Rappels sur la durabilité des bétons de fibres métalliques

5.2.2 Corrosion des fibres traversant une fissure

Si les fibres pontant les fissures se corrodent, l'augmentation des ouvertures de fissures résultante conduit à une profondeur de pénétration des ions plus importante. Reste à déterminer si le processus est évolutif ou s'il peut ralentir voir s'arrêter en présence de déchets en fond de fissure.

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Influence de l’ouverture des fissures sur les propriétés de transfert

Dans un premier temps, les recherches ont eu pour objectif la définition d'une ouverture limite de fissure n'engendrant pas de corrosion. C'est ainsi que de nombreux auteurs se sont intéressés à la quantification de la corrosion de corps d'épreuves fissurés ou ont mesuré l'évolution des propriétés de transfert en fonction de la micro-fissuration des BFM.

Existence d'une ouverture de fissure limite

La démarche est similaire à celle utilisée dans les règlements de béton armé et précontraint pour lesquels l'ouverture de fissure est limitée via le contrôle de la contrainte dans les aciers longitudinaux, pour une classe d'environnement donnée.

La diversité des fibres et des pourcentages utilisés ne facilite pas les comparaisons. Massicotte rapporte la synthèse faite par [Cantin 1996] sur l'influence de l'ouverture de fissure sur la corrosion des fibres métalliques [Massicotte 2000] :

− Des ouvertures de fissures inférieures à 0.15 mm n'engendrent pas de dommage lié à la corrosion [Hannant 1977].

− Pour une matrice de rapport Eau/Liant égale à 0.5, l'ouverture de fissure critique est de 0.25 mm. Si cette ouverture est dépassée, 90% des fibres sont corrodées après 40 cycles de séchage-humidification en présence d'une solution concentrée à 3.5% de NaCl, de pH 9.1 [Morse 1977]. Le taux de rupture des fibres est fonction du nombre de cycles, puis se stabilise au-delà de 32 cycles. En dessous de 0.25 mm, les fissures tendent à être bouchées par les produits de corrosion.

− L'ouverture limite est une fonction du temps d'exposition [Halversen 1976]. Pour une même solution de NaCl concentrée à 5% et à 63°C, l'ouverture critique passe de 0.13 mm à 0.05 mm quand le temps d'exposition passe de 28 à 58 jours.

Cette dernière remarque est assurément la plus judicieuse. Les essais de Bouvier rapportés précédemment [Bouvier 1989] montrent qu'au niveau d'une fissure et après 500h aucune trace de corrosion n'est visible. Par contre après 3000 h d'exposition, la profondeur de corrosion sur les fibres métalliques varient localement de 15 à 70 µm suivant la nature de l'acier (galvanise ou non). Comparé à la dimension de nos fibres (40 à 300 µm), cela n'est plus du tout négligeable pour notre composite.

La notion d'ouverture limite semble donc difficilement utilisable. Cela va dans le sens des résultats obtenus sur béton armé. Rossi rapporte les travaux de [Bakker 1988] qui souligne qu'en dessous de 0.3-0.4 mm, il n'est pas possible statistiquement de relier l'ouverture de fissure à la vitesse de corrosion des armatures. Ce résultat est confirmé par l'étude réalisée durant 14 ans au LMDC25 par [François 1998] sur des poutres BA chargées en flexion dans un brouillard salin. Il est démontré qu'en dessous de 0.5 mm, c'est l'état de micro- fissuration dans la zone de transition interstitielle pâte-granulat qui accroît la diffusivité des chlorures. Au niveau des armatures, cette même micro-fissuration permet ou non la corrosion des aciers en fonction de l'adhérence. Les auteurs mettent ainsi en évidence le lien entre la contrainte dans les armatures longitudinales et l'état de micro-fissuration à l'interface des armatures, et ainsi du degré de corrosion. Ceci est cohérent avec les explications fournies dans la partie 5.2.1 sur l'importance du contact fibres-matrice.

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l'eau et le coefficient de diffusion aux ions chlorures de BFM fissurés.

Propriétés de transfert et fissuration des BFM

Les essais de laboratoire en relation avec les indicateurs de durabilité évoqués précédemment se répartissent donc en deux catégories :

Tout d'abord des mesures de coefficient de diffusion apparent Da ont été effectuées sur des

bétons micro-fissurés. A partir d'essais sur BO et BHP (fc 40 et 100 MP) sollicités en traction en ambiance saline pendant 20 mois, Konin met en évidence l'évolution du coefficient de diffusion avec l'état d'endommagent26 des bétons, indépendamment du temps d'exposition [Konin 1998]. Concernant les BFM, des profils de pénétration en chlorures totaux ont été mesurés sur des anneaux de béton (épaisseur 50 mm, diamètre 150 mm et rapport Eau/Liant 0.48) préalablement micro-fissurés. Le dispositif de charge, dit "cœur expansif" [Masse 1998], permet un contrôle précis de l'ouverture des fissures radiales créées (fissure entre 6 et 325 µm). La quantification de la micro-fissuration est réalisée par la méthode des répliques [Ollivier 1985]. Tout en maintenant ouverte cette fissuration, le dispositif de chargement et l'anneau sont placés dans une cellule de diffusion. Après 14 jours d'exposition, le profil de pénétration suivant une direction perpendiculaire aux fissures est établie. Les résultats montrent qu'au-delà de 125 µm, la teneur en [Cl-] augmente fortement (0.25% du poids de ciment), mais qu'en dessous de 55 µm, la concentration n'est pas affectée [Gagné 1998]. Les auteurs expliquent ce résultat par une éventuelle cicatrisation des fissures les plus fines.

Cette procédure bien qu'intéressante, est délicate à mettre en oeuvre. De plus, le calcul d'un coefficient de diffusion est difficile et peut être influencé par la quantité d'ions fixés chimiquement ou physiquement le long de la fissure, ainsi que par la nature des molécules utilisés (CaCl2 ou NaCl). Aussi les chercheurs se sont-ils tournés vers des essais de

perméabilité à l'eau sur BFM fissurés, réputés plus sensible à l'état de fissuration des échantillons.

Les différents modes opératoires utilisés pour mesurer la perméabilité des BFM se différencient principalement par la technique de fissuration de l'échantillon. Un essai de flexion sur plaque de BFM couplé à un perméamètre est proposé par [Ferrier 2000]. D'autres auteurs utilisent l'essai de fendage Brésilien (splitting test) ou un essai de fendage à partir d'éprouvette rainurée (Wedge splitting). Dans l'essai de fendage brésilien, l'échantillon est déchargé avant mesure de la perméabilité, induisant une refermeture des fissures. Dans l'essai "Wedge splitting", un suivi de la fissuration est possible tout en procédant à la mesure de la perméabilité [Aldea 2001]. Mais le rainurage préalable de l'éprouvette impose un chemin de fissuration peu représentatif du processus de micro- fissuration diffus obtenu sur les matériaux à très fort dosage en fibres, ce qui modifie le faciès de fissuration. Des essais de perméabilité sur éprouvettes sollicitées en traction uniaxiale sont utilisés par [Gérard27 1996] et [Shah 2001]. Ce dernier montre que la perméabilité de BFM dosé à 1% augmente seulement bien après le pic d'effort, mais aucune information n'est disponible sur la distribution et l'ouverture des fissures.

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Fonction lui-même de la résistance mécanique et de la sollicitation appliquée 27

Globalement toutes ces études montrent une réduction d'un facteur 100 de la perméabilité avec l'incorporation de fibres métalliques courtes. Celle-ci est habituellement calculée en supposant que le flux entre les parois des fissures est laminaire : il évolue avec le cube de l'ouverture de fissure (formule de Poiseuille). L'action des fibres sur la perméabilité est donc double : d'une part un fort dosage en fibre va créer des faciès de rupture très contrastés, augmentant d'autant la tortuosité. D'autre part, la multi-fissuration induite par un fort pourcentage de fibres courtes va conduire, pour un même état de déformation, à la création de fissures plus fines. D'après ce qui vient d'être dit, on en déduit que les fibres vont très rapidement limiter les propriétés de transferts (ceci reste valable pour des ouvertures inférieures à 150 µm).

Shah rapporte le cas de BFM dont la perméabilité augmente passé un certain pourcentage de fibres [Tsukamoto 1990]. Ceci tient à l'absence d'optimisation de la compacité du mélange, l'ajout supplémentaire de fibre induisant une mauvaise rhéologie et donc une diminution de l'ensemble des caractéristiques du BFM fabriqué. On regrettera au final qu'aucun essai n'ait été mené sur des BFUP.

Durabilité des bétons de fibres métalliques fissurés

Au final la transposition d'une mesure de perméabilité vers la détermination d'un taux de corrosion n'existe pas. La corrosion des fibres en fond de fissure est localisée. Elle est accélérée par la présence continuelle de chlorure. Le facteur limitant sera plutôt la capacité de diffusion de l'oxygène et des hydroxyles vers la cathode, donc à travers la matrice non fissurée.

Les références relatives à la corrosion de structures fissurées en BFM sont peu nombreuses. Comme elles font souvent appel à des corps d'épreuves épais (10 cm), la corrosion n'a pas le temps de se développer en profondeur sur la durée de l'étude, si bien que les caractéristiques mécaniques sont faiblement affectées. De plus, rares sont celles pour lesquelles le chargement est concomitant avec l'attaque par les chlorures ([Mu 2003], mais des cycles de gel-dégel sont associés au chlore et au chargement, rendant difficile l'analyse des contributions de chaque paramètre de l'essai). Enfin les faibles dosages incorporés modifient peu le comportement de la structure avant le pic d'effort et donc la sensibilité du matériau à la corrosion. Signalons cependant l'étude de Kosa sur des éléments minces en SIFCON dosé à 14% de fibres métalliques de 30 mm de long, diamètre 0.5 mm [Kosa 1991]. Les panneaux testés mesurent 1.25 cm d'épaisseur et certains sont pré-fissurés, d'autres pré-carbonatés avant de subir 10 mois dans une solution de NaCl. Les résultats montrent que même si la résistance en flexion diminue peu (8% à 10 mois), la réduction du diamètre des fibres (-30%) est deux à trois fois plus rapide que celle de panneaux initialement vierges conservés dans les mêmes conditions. Les fibres se rompent lors du rechargement à rupture au lieu de se déchausser. Ces résultats contrastent avec les tendances optimistes des études citées précédemment.

Dans le cas du composite étudié, une éventuelle corrosion sous contrainte, du même type que celle affectant les câbles de précontrainte peut éventuellement se produire compte tenu de la nuance des aciers utilisés pour les macro et méso-fibres (fu compris entre 2600 et

3400 MPa). Ce type de corrosion consiste en une fragilisation des aciers à haute limite élastique par l'hydrogène H+. Celui-ci est produit au niveau de la zone cathodique et s'insère dans les dislocations de l'acier, zone de plus grandes déformations. Si l'état de déformation locale dépasse l'état de déformation admissible de l'acier fragilisé, sa ductilité chute et il se fissure. Les conditions d'apparition d'une telle corrosion sont :

− Un taux de chargement supérieur à 50 % de la contrainte ultime pour notre nuance d'acier (70% pour les aciers de précontrainte).

L'acier des micro-fibres a une limite élastique voisine de 800 MPa, trop faible pour y être sensible. Concernant les méso-fibres, leur faible élancement (?=30) ne permet pas de développer une contrainte suffisante dans l'acier. Celle-ci est limitée à 650 MPa28

Seule les macro-fibres sont donc susceptibles d'être sensibles à la corrosion sous contrainte, avec une contrainte théorique de 1400 MPa à la limite d'adhérence. Mais la part d'effort reprise par chaque taille de fibre est difficilement estimable. Dans tous les cas, seule une observation du faciès de rupture éventuelle permettrait de détecter ce type de corrosion. Mais dans notre cas, la présence de rouille due à la corrosion par les chlorures risque de masquer ces éventuelles traces.