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: La problématisation des coquilles Saint-Jacques de St Brieuc

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 175-178)

2.- Les principes de la SasP

Encadré 5 : La problématisation des coquilles Saint-Jacques de St Brieuc

L’intéressement

Le deuxième moment de la traduction est l’intéressement, ou « comment les alliances sont scellées » (Ibidem : p. 185). La problématisation revêt un caractère artificiel puisque si les actants qu’elle définit ne se reconnaissent pas et n’adhèrent pas, alors elle ne se réalisera pas.

Le moment de l’intéressement vise à réaliser, à concrétiser le système d’alliances porté par la problématisation en imposant et stabilisant les identités des actants qu’elle définit.

Figure 16 : L'intéressement (Callon, 1986)

Pour intéresser B, A doit couper tous les liens que « la foule invisible » symbolisant les autres entités actives ou passives (C, D, E), tente d’établir avec B. Ces entités, si elles existent et

entrent en contact avec B, lui donnent une définition alternative à celle de A et remettant éventuellement en question l’engagement qu’elle a avec A.

Une problématisation n’est pas unique. Elle peut être contestée par d’autres problématisations. L’intéressement consiste à isoler les actants identifiés des autres problématisations par n’importe quels moyens. Si l’intéressement fonctionne et que les actants adhèrent à leur définition et se reconnaissent dans la problématisation, la problématisation est validée. Au contraire, si l’intéressement échoue et que les actants se détournent de la problématisation au profit d’autres alternatives, elle est réfutée. Callon ne donne pas de méthode d’intéressement et au contraire il notifie, en citant Feyerabend, que

« tout est bon », la force, la séduction, la rhétorique, etc.

Dans le cadre des pêcheurs, si une autre équipe de chercheurs les définis différemment en leur donnant un autre point de passage obligé, alors ceux-ci peuvent ne plus se reconnaître dans la problématisation qu’ont fait d’eux les trois premiers chercheurs. Le projet dans son ensemble n’aboutira pas. Il convient de les convaincre par la séduction en les conviant à des conférences, en leur exposant la situation au Japon, en ciblant les organisations professionnelles, etc.

Les collecteurs représentent en revanche le mécanisme d’intéressement pour les coquilles car ils sont censés mettre physiquement leurs larves en sécurité contre les courants, les prédateurs, les marins pêcheurs, etc. Si cet intéressement est réussi, donc que les larves adhèrent aux principes des collecteurs, alors une partie de la problématisation sera validée.

Encadré 6 : L'intéressement

L’enrôlement

Le troisième moment de la traduction est l’enrôlement ou « comment définir et coordonner les rôles » (Callon, 1986 : p. 189). L’enrôlement « désigne le mécanisme par lequel un rôle est défini et attribué à un acteur qui l’accepte » (Ibidem : p.189). Il est constitué par l’ensemble des négociations multilatérales, des ruses ou des coups de force qui permettent à l’intéressement d’aboutir. Le dispositif d’intéressement ne se concrétise pas forcément dans la constitution d’un réseau d’alliances. L’actant, ou le groupe d’actants problématisant, doit agir activement pour intéresser ces actants. La phase d’enrôlement permet de définir et de distribuer les rôles. Cette phase est cruciale car si le rôle est refusé par un actant, cela fragilise le réseau, ce refus pouvant en entraîner d’autres en cascade.

Intéresser les coquilles revient à fixer les larves sur le collecteur. Toutefois, cette fixation n’est pas automatique. Il faut négocier avec les larves pour que celles-ci acceptent le mécanisme d’intéressement, et soient finalement enrôlées dans le projet. Par exemple les larves se fixent mieux à partir de cinq mètres de profondeur. Mais cette fixation est-elle due à un comportement normal de fixation lorsque la larve rencontre un obstacle dans sa chute, ou à l’inverse au fait que les larves évoluent à cette profondeur ? Ainsi, le mécanisme d’intéressement devra être ajusté pour intéresser au mieux les larves et les enrôler. De la même manière quels sont les matériaux les mieux adaptés pour que les larves se fixent aux collecteurs ?

Cet exemple montre que même si les larves ne sont pas des acteurs humains, il faut négocier avec elles, traduire leur volonté afin qu’elles acceptent le projet que les chercheurs ont pour elles et qui est défini et opérationnalisé lors de la problématisation et de l’intéressement.

Encadré 7 : l'enrôlement

La mobilisation

Le quatrième et dernier moment est la mobilisation des alliés ou la représentativité des porte-paroles. L’objectif de la traduction est de fédérer un ensemble d’actants autour d’une problématisation, autrement dit d’inscrire le plus grand nombre d’alliés au sein d’un réseau.

Cependant, il n’est pas possible de rallier tous les actants individuellement comme il n’est pas possible de tous les impliquer dans les différentes étapes de la traduction. Il convient pour chaque actant de constituer « une chaîne d’intermédiaires qui aboutisse à un seul et ultime porte-parole » (Callon 1986 : p. 197). Ces intermédiaires émergent à différents niveaux selon un processus en cascade. A la fin de ce processus, un porte-parole est désigné, élu ou imposé.

Il a la responsabilité de parler au nom du groupe avec les autres actants. Comme le souligne Callon dans son exemple, « une poignée de chercheurs discutent dans une salle close quelques tableaux de chiffre et quelques diagrammes. Mais ces discussions engagent des populations indénombrables d’acteurs silencieux, coquilles, marins-pêcheurs, spécialistes, qui sont représentés à Brest par quelques porte-paroles » (Ibidem : p. 198). Si la représentativité des porte-paroles est garantie par consensus, la problématisation et son caractère hypothétique laisse place à la constitution d’un réseau d’actants contraignant (l’acteur-réseau). Celui-ci demeure fragile car contestable à tout moment si « la traduction devient trahison » (Ibid. : p. 199). Le réseau doit être continuellement consolidé et renforcé en

impliquant toujours plus les acteurs clés afin de le rendre irréversible donc difficilement contestable

Les chercheurs sont confrontés à trois types d’acteurs dispersés : on dénombre des milliers de coquilles et des centaines de marins pêcheurs dans toute la Baie, ainsi que de nombreux spécialistes des coquilles Saint-Jacques à travers le monde. Suite à des sélections successives, des porte-paroles pour chacun des acteurs ont été désignés : échantillon pour les coquilles ; délégués professionnels pour les pêcheurs ; et collègues assistant aux colloques ou séminaires pour la communauté scientifique.

Les trois chercheurs parlent au nom de chacun de ces actants auprès des différents porte-paroles. Par exemple, ils parlent au nom de la communauté scientifique et des larves auprès des délégués professionnels des marins pêcheurs qui restituent ensuite le discours à la masse des marins-pêcheurs, etc.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 175-178)