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Principes, modèle et concepts clés de la théorie de la traduction

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 170-173)

2.- Les principes de la SasP

Section 2. La théorie de la traduction

2. Principes, modèle et concepts clés de la théorie de la traduction

2.1. Une nouvelle approche de la sociologie des sciences : les principes de méthode

2.1.1. La critique de la sociologie traditionnelle des sciences

Selon Callon (1980, 1986), la sociologie traditionnelle des sciences est critiquable sur trois points d’ordre stylistique, théorique et méthodologique. Ces critiques se rejoignent autour du constat que les sociologues des sciences prennent uniquement en compte, dans l’étude du fait scientifique, l’avis des scientifiques sur la science. Dans le même temps, toutes les considérations sociales de leurs discours sont mises de côté par la sociologie qui considère que si les scientifiques sont aptes à parler de science, à décrire les controverses scientifiques, seuls les sociologues sont capables d’appréhender l’environnement social dans lequel la science se fait.

Le problème stylistique : le sociologue ne retient des discours des scientifiques uniquement les éléments techniques car il considère que lui seul détient le savoir technique sur la société, le savoir sociologique.

Le problème théorique : les controverses sont autant scientifiques que sociologiques. On ne peut pas considérer que le savoir sur la société est certain, clair et indiscutable, alors que le savoir sur la nature serait lui incertain, ambigu et discutable. Il faut donc les considérer identiquement dans l’analyse ;

Le problème méthodologique : les controverses sont des phénomènes dynamiques qui ne pouvant être étudiés dans un cadre social figé hermétique aux réalités de pouvoir.

2.1.2. Les principes de méthode de la théorie de la traduction

Dans son article de 1986 sur la domestication des coquilles Saint-Jacques de la Baie de Saint Brieuc, Callon répond respectivement à ces trois problèmes en énonçant trois principes de méthode. Ils permettent de dépasser la vision traditionnelle de la science et de l’étudier telle qu’elle se fait.

Agnosticisme aux sciences sociales : si le chercheur est neutre par rapport aux énoncés techniques et scientifiques, il doit aussi l’être par rapport aux considérations sociales du discours. Par conséquent, de la même manière qu’il ne fait pas d’hypothèses sur ce qui constitue la science, il ne doit pas en faire sur ce qui constitue la société.

Symétrie généralisée : le chercheur doit utiliser un même répertoire pour exprimer les différents points de vue d’une controverse, qu’ils soient techniques, scientifiques ou sociaux. Callon choisit le répertoire de la traduction : chaque point de vue doit être traduit pour être compris de tous.

Libre association : Aucune distinction ne doit être faite a priori entre faits de Nature et faits de Société car ces deux catégories sont à la base de la constitution mutuelle des sociétés et des sciences. Ce principe accepte « de considérer que l’inventaire des catégories utilisées, des entités mobilisées et des relations dans lesquelles elles entrent, est en permanence discuté par les acteurs » (Callon, 1986 : p. 177).

Ces trois principes sont constitutifs d’un positionnement que doit avoir le sociologue des sciences lorsqu’il étudie un phénomène scientifique. Chacun de ces principes entraîne des implications fortes pour le chercheur car « elles sont d’ordre idéologique, conceptuelle et méthodologique » (Missonier, 2008 : p. 47). Nous les synthétisons dans le

Tableau 19 : Principes de méthode de la théorie de la traduction

Problème Principe Explication Implication

2.1.3. Discussion

Le principe de symétrie généralisée est le principe de méthode le plus novateur, sinon le plus controversé. Il implique l’existence d’une symétrie entre humains et non-humains qui ont chacun un rôle dans le processus scientifique. Callon et Latour (1981) empruntent la notion d’actant à la sémiotique (Greimas, 1966 ; Greimas et Courtes, 1979), qu’ils préfèrent à celle d’acteur dont la dimension humaine est très marquée dans le sens commun85.

L’idée sémioticienne soutient qu’un actant dans un récit ne correspond pas nécessairement à un personnage au sens classique du terme (/un acteur). Hébert (2007) dans sa présentation du modèle actantiel, définit un actant comme un être anthropomorphe (humain, animal ou objet anthropomorphique), un élément inanimé concret (un objet, un élément, une mesure), ou un concept (une idée, un énoncé, etc.). De plus, un actant peut être individuel ou représenter un collectif (la société). La notion d’actant vient du constat qu’il n’est pas suffisant pour étudier un récit de s’arrêter aux humains ou êtres vivants. Par exemple dans l’étranger de Camus, le soleil joue un rôle important dans le déroulement de l’action il est, à travers la « brûlure [qu’il] ne pouvait pas supporter » (2008 : p. 91), à l’origine du meurtre de l’Arabe par Meursault. On peut encore citer la forêt menaçante qui empêche le héros d’avancer dans les contes, le courage qui pousse un individu à dépasser ses limites, etc.

Or, le modèle de traduction généralisée pour appréhender la science en train de se faire nécessite un concept « suffisamment souple et [accueillant] pour rendre compte de la prolifération des entités qui contribuent toutes à la production scientifique » (Callon, 1995 : p. 242). La notion d’actant, beaucoup plus large que celle d’acteur, permet de respecter le choix méthodologique et non ontologique du principe de symétrie généralisée dans la sociologie des sciences (Callon, dans Callon et Ferrari, 2006).

Un actant est donc « n’importe quel élément qui cherche à courber l’espace autour de lui, à rendre d’autres éléments dépendants de lui, à traduire les volontés dans le langage de la sienne propre » (Callon et Latour, 1981 : p. 20). Cette notion caractérise tout ce qui a la capacité d’agir, d’influencer positivement ou négativement une action.

85 Un acteur selon le dictionnaire Larousse est « une personne qui prend une part déterminante à une action ».

La seconde caractéristique des actants est liée au fait que leur identité et leur définition dépendent de l’état du réseau dans lequel ils se trouvent et aux traductions auxquels ils appartiennent (Callon, 1995). Les actants sont variables dans le temps comme le souligne le troisième principe de méthode qui engage le sociologue à prendre en compte le caractère évolutif et en perpétuelle négociation de l’identité des actants lorsqu’il cherche à comprendre comment leur monde est composé (Callon, 1986).

2.2. Le modèle de traduction

Le modèle de traduction décrit par Callon dans son étude sur la domestication des coquilles Saint-Jacques de la Baie de Saint Brieuc est une application des trois principes de méthode décrits plus haut. La traduction est un processus général composé de quatre étapes ou moments. Si Callon parle de processus et d’étapes, il souligne que cette méthode de la traduction est tourbillonnaire, donc non linéaire, et que les étapes peuvent se chevaucher par des allers et retours permanents. L’objectif du modèle est de présenter les stratégies des acteurs dans la constitution d’un réseau qui permet la réussite d’un projet d’innovation, ici la tentative de diffusion d’une technique de domestication des coquilles Saint-Jacques dans la Baie de Saint-Brieuc.

Le primum movens

Callon nomme le point de départ du processus « primum movens » (1986 : p. 180). Cette notion renvoie au débat en cosmologie autour de l’existence, ou non, d’un élément fondateur, qui n’a pas de cause à lui-même et qui serait à l’origine de la constitution de notre univers.

Le point de départ du projet de domestication de la coquille Saint-Jacques de la Baie de St Brieuc est un colloque tenu à Brest en 1972 où trois éléments de discussions se sont rencontrés : la découverte par trois chercheurs que les japonais cultivent intensivement les coquilles Saint-Jacques à l’aide de collecteurs qui les protègent durant leur croissance ; la méconnaissance des mécanismes de croissance de l’espèce de coquilles présente dans la Baie (Pecten Maximus) ; une activité de pêche intensive liée à une forte demande des consommateurs qui se traduit par une baisse des volumes indiquant un problème de régénération de l’espèce.

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