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: Présentation méthodologique de la revue de littérature

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L’alignement stratégique, une lecture critique de la littérature

Encadré 3 : Présentation méthodologique de la revue de littérature

Vers la prise en compte de l’humain

Campbell cherche à répondre à la question « What’s going on in alignment? » (2005 : p. 657) afin de comprendre le phénomène d’alignement stratégique. Il adopte une approche par la théorie enracinée pour se positionner au plus près des préoccupations des praticiens.

L’objectif de sa recherche est d’apporter un sens pratique au concept d’alignement stratégique. Autrement dit, il souhaite expliquer ce que ce terme signifie dans une perspective pratique. Cependant, si la volonté est de s’ancrer dans les pratiques, les répondants de son étude sont encore des managers d’affaires (du cadre supérieur aux top-managers) et des senior-managers TI. Par conséquent, s’il donne un sens pratique au terme alignement stratégique dans la perspective de ces managers, il échoue à le faire pour les utilisateurs. Chan et Reich soulignent « la nécessité d’avoir plus d’études enracinées de ce type [Campbell, 2005] – à savoir des travaux qui questionnent la possibilité même d’un alignement stratégique et qui libèrent la voix des participants afin qu’elle soit entendue »58 (2007a : p.

310). L’article de Campbell ouvre cette voie mais ne va pas au bout de la logique attendue.

Campbell et al. (2005) partent également du principe que la stratégie développée par le top-management est détournée, voire contournée, lorsqu’elle est mise en application sur le terrain organisationnel par les managers opérationnels. Ils soulignent comme nous le caractère managérial du des études traitant de la dimension sociale de l’alignement exclusivement construites sur le discours du top-management, c'est-à-dire « au niveau des PDG et des DSI où sont développées les stratégies et décidées les méthodes d’application ».59 (Ibidem : p.

654). Ils se proposent d’étudier l’alignement stratégique du point de vue des managers opérationnels qui mettent en œuvre les décisions du top-management, afin de confronter les perspectives de l’alignement discutées dans la littérature, aux perceptions des praticiens de la question de l’alignement stratégique. Ils montrent, dans une approche constructiviste, que les managers opérationnels SI/TI impliqués dans l’étude partagent la même perception que la littérature sur ce qu’est l’alignement stratégique. En revanche, la méthode pour atteindre l’objectif d’alignement diffère, en particulier concernant la constitution de l’alignement social se traduisant par « le développement de la confiance et des savoirs partagés » 60(Ibid. : p.

58« More grounded research like this [Campbell’s, 2005] is needed – work that questions the very possibility of alignment and allows the voices of the participants to be heard » (Chan et Reich, 2007a: p. 310).

59« The CIO/CEO level, at which planning methodologies are chosen and strategies developed. » (Campbell et al., 2005: p. 654).

60 « The development of trust and shared domain knowledge » (Campbell et al., 2005 : p. 661).

661). Ils concluent leur travail en insistant sur le fait que les « chercheurs SI doivent reconsidérer leurs propres modèles mentaux lorsqu’ils étudient cette question, et bien que quelques chercheurs ont reconnu une potentielle relation récursive entre de nombreuses variables d’alignement (Reich et Benbasat, 2000), il apparaît que seul un petit nombre d’entre eux ont exploré cette facette de la question qui reste de fait peu comprise »61. L’alignement stratégique doit être appréhendé à tous les niveaux de l’organisation. Il est insuffisant de se focaliser sur l’alignement décidé par le top-management, mais souhaitable de s’assurer que l’alignement soit effectivement atteint dans les phases de mise en œuvre. Les auteurs appellent à ne plus dissocier les dimensions intellectuelles et sociales de l’alignement qui sont par nature intimement liées l’une à l’autre.

Gagnon, Jansen et Michael considèrent que l’implication et les savoirs stratégiques individuels sont un antécédent de l’alignement stratégique puisqu’ils installent les individus dans un « comportement de soutien à la stratégie » (2008 : p. 426). Ils n’étudient pas l’alignement SI en particulier mais l’alignement stratégique en général. Ils partent de l’observation que de nombreux cas « d’échecs de stratégies ou d’innovations stratégiques sont souvent dus à l’incapacité ou la résistance des employés à s’y impliquer et à adopter les comportements nécessaires et adéquats pour l’accomplissement des objectifs stratégiques »62 (Ibidem, p. 425). Ils proposent un modèle pour évaluer ce qu’ils appellent le construit d’engagement stratégique (le degré auquel les comportements soutiennent la stratégie) qui a une influence positive sur l’alignement stratégique. Cette approche est pertinente car elle porte attention à l’ensemble des membres de l’organisation et pas uniquement au top-management. Elle permet également de montrer que si les « cols bleus » ne soutiennent pas la stratégie, l’alignement stratégique sera faible. Celui-ci est plus qu’un alignement de dimensions techniques, il est également un alignement humain de l’ensemble des parties dans l’organisation. Cette étude est essentielle dans notre lecture de l’alignement stratégique des SI. En effet, l’alignement stratégique a traditionnellement été étudié et conceptualisé dans une perspective managériale et selon une logique hiérarchique et descendante (« top-to-bottom »).

Gagnon et al. (2008) remettent en question cette idée en insistant sur l’implication de

61 « IS researchers need to reassess their own mental models in regard to this issue, as although some researchers have acknowledged a potentially recursive relationship between many alignment variables (Reich and Benbasat, 2000), it appears that very few have explored this facet of the topic, and as such it remains poorly understood. » (Campbell et al., 2005 : p.662).

62« the failure of a strategy / strategic innovation is often due to the inability or resistance of individual employees to commit to it and adopt behaviors that are necessary for the accomplishment of the strategic objective » (Gagnon et al., 2008 : p. 425).

l’ensemble des parties prenantes à un projet d’alignement stratégique63 et sur le fait que chacune d’entre elles puisse s’exprimer en son nom dans ce projet.

Discussion

Cette revue de littérature montre qu’il existe une volonté, dans la littérature sur l’alignement stratégique, d’ajouter aux dimensions organisationnelles et SI/TI, une dimension humaine au modèle d’origine.

Le modèle d’Henderson et Venkatraman endogénéisait les acteurs dans ses différents construits en leur conférant un rôle neutre et passif du fait de la rationalité même du modèle, du processus et de la solution SI définie. Par conséquent, l’intégration de la dimension sociale au modèle pourrait être interprétée comme une volonté de rupture avec deux des hypothèses implicites du SAM, l’hypothèse de passivité des acteurs et l’hypothèse de rationalité. Prendre en compte les acteurs humains dans le modèle signifie qu’ils ne sont plus passifs et ont un rôle dans le processus d’alignement. De la même manière, la participation active de ces mêmes acteurs au processus d’alignement peut traduire le fait que la rationalité intrinsèque du modèle ne se suffit plus à elle-même.

Or, les acteurs pris en compte dans ces études sont principalement le top-management à travers les dirigeants d’affaires, soit les acteurs mis en avant par la littérature d’origine.

L’hypothèse de neutralité des acteurs n’est fondamentalement pas remise en cause puisque la masse des acteurs des organisations, dont les utilisateurs, est exclue de l’analyse et donc conserve le statut qui lui a été attribué dans les développements d’origine. De plus, l’alignement social n’est pas une dimension intrinsèque du modèle SAM, mais un antécédent au modèle. L’alignement social est une condition renforçant la rationalité du modèle. Ils reconnaissent une limite à la rationalité pure, voire magique, du modèle en mettant en évidence les prérequis nécessaire pour que celle-ci s’exprime pleinement. L’hypothèse de rationalité n’est pas remise en cause mais simplement expliquée (voire renforcée).

L’étude de la dimension sociale devient un moyen de justification de la logique et de la rationalité du modèle, plutôt que leur remise en question. Les différents auteurs partaient d’une initiative bienvenue visant à intégrer une dimension humaine au modèle. Toutefois, en

63 Bien que leur approche ne soit pas SI.

restant dans le positionnement rationnel, technique et managérial, ils sont piégés dans ces mêmes hypothèses et ne l’ont pas fondamentalement fait évoluer. La tentative d’incarnation du modèle par la prise en compte d’une dimension humaine n’est qu’une illusion, un renforcement de la dimension purement managériale et rationnelle du modèle dans laquelle les acteurs de l’organisation sont exclus car passifs. Ces études s’ancrent dans le paradigme d’origine et ne remettent pas en cause le contexte. Finalement, la volonté d’ouvrir le modèle aux dimensions oubliées ne se traduit pas dans les faits. Seul l’article de Campbell et al.

(2005) en reconnaissent la nécessité de dépasser le caractère managérial de la perspective classique.

2.3.2. L’alignement dynamique : le punctuated equilibrium model

Le modèle SAM est, selon ses auteurs, un modèle dynamique puisqu’il décrit l’alignement comme le résultat d’un processus, d’une succession d’influences de domaines sur les autres.

Rappelons qu’Henderson et Venkatraman (1989b) proposent deux processus différents impliquant à chaque fois deux types d’alignements croisés pour respecter les critères de complétude, de consistance, d’exhaustivité et de validité.

Cette approche a été négligée par la littérature en faveur d’une lecture statique cherchant à mesurer le niveau d’alignement d’une organisation à un moment donné ou à tester la corrélation du niveau d’alignement avec la performance. Ceci est à nos yeux le résultat de la représentation graphique du modèle qui ne restitue pas le caractère dynamique de l’approche, mais au contraire incite à lire l’alignement comme un état de cohérence entre différentes domaines.

Néanmoins, certains auteurs comme Levy, Powell et Yetton (2001) s’interrogent sur la chronologie de mouvements des différents domaines de l’organisation. Cette question rejoint l’idée du processus défendue par Henderson et Venkatraman et approfondie par des auteurs comme McDonald (1991a, b), Luftman (1996) ou Burn (1996, 1997). Elle reste toutefois très mécaniste car elle appréhende le phénomène comme une boucle fermée dans laquelle l’organisation doit respecter différentes phases successives. Ils développent de plus une approche prescriptive de la dynamique en définissant des cycles par lesquels les entreprises doivent passer pour espérer être alignées. Ainsi, le caractère dynamique est relativement rigide car contraint par le cadre figé des différentes étapes de l’alignement.

Hirschheim et Sabherwal (2001) montrent, par des études de cas, la nécessité d’étudier l’alignement dans une perspective dynamique. L’alignement n’est pas appréhendé comme une situation figée, mais comme une succession de périodes pendant lesquelles les modalités d’alignement évoluent. Ils montrent, par exemple, l’évolution du type d’alignement stratégique d’un positionnement de type défensif et une approche SI spécifique (efficience, centralisé et intégré), à un nouvel alignement impliquant un comportement stratégique d’analyse et une approche SI différente (compréhensive, partagée et mixte). Entre ces deux phases, les auteurs identifient une phase de non-alignement dans laquelle la dimension SI n’est pas cohérente avec la stratégie d’affaires qui évolue.

L’article de Sabherwal et al. (2001) est le principal article traitant de l’alignement stratégique dans une perspective résolument dynamique à l’aide d’un emprunt à la littérature de management stratégique, le Punctuated Equilibrium Model (PEM) développé par Gersick (1991). Le PEM considère que les organisations connaissent de longues périodes de relatives stabilités, suivies de périodes de changements radicaux.

Brown et Eisenhardt critiquent sévèrement ce modèle en affirmant que le Punctuated Equilibrium Model se focalise sur les changements radicaux, alors qu’en pratique le changement est continu (1995 : p. 1). Pour le PEM, les changements sont rares, risqués et épisodiques. Les auteurs ne contestent pas le caractère total de certains changements, mais considèrent qu’ils sont issus de changements rapides et continuels, et pas nécessairement brutaux.

L’application aux systèmes d’information de ce modèle semble néanmoins pertinente du fait que les SI ont une part inhérente de rigidité. Sabherwal et al. (2001) assimilent la structure profonde des organisations à leur profil SI qui est supposé être initialement aligné à la stratégie. Or, comme le soulignent Bergeron et al. (2004b : p. 17), « tout équilibre organisationnel n’est qu’éphémère et les événements externes ou internes entraînent irrémédiablement un déséquilibre qui deviendra à son tour le début d’un autre cycle d’ajustements stratégique et structurel vers un nouvel alignement et une performance d’affaires améliorée ». Puisque l’environnement est en perpétuel évolution, l’alignement stratégique est vite dépassé et rendu caduc par les nouvelles contingences.

Les auteurs distinguent alors deux grandes phases dans la dynamique de l’organisation, les périodes de relative stabilité ou d’évolution se traduisant par des changements à la marge, et les périodes de révolution se caractérisant par des changements profonds.

Les périodes de stabilité ou d’évolution : ce sont des périodes durant lesquelles les conflits concernant l’alignement stratégique sont gérés soit selon un principe de fine tuning (d’ajustements fins) par des modifications à la marge n’entraînant pas de révolution dans le profil SI (Sabherwal et al., 2001 : p 183) et permettant de conserver le niveau d’alignement ; soit en réinterprétant les facteurs non alignés pour éteindre le conflit de lui-même (Gresov, 1989) auquel cas un non-alignement est assumé sans pour autant être pénalisant pour l’organisation.

Les périodes de révolution : ce sont des périodes pendant lesquelles les transformations dans le profil stratégique de l’entreprise (stratégie SI, stratégie d’affaires, structure SI et structure d’affaires) sont les plus catégoriques et modifient en profondeur la raison d’être de celle-ci.

Figure 14 : Le Punctuated Equilibrium Model, d'après Sabherwal et al. (2001)

Cette approche par le Punctuated Equilibrium Model a été reprise par Jouirou et Kalika (2007) qui confirment le caractère dynamique de l’alignement stratégique grâce à une étude

de cas longitudinale. L’entreprise qu’ils étudient connait une première phase de relative stabilité pendant laquelle son profil stratégique évolue à la marge, avant une période de révolution où le profil stratégique change radicalement. A une double phase pendant laquelle les domaines SI et business s’alignent à la marge, succède une phase où trois des quatre domaines se retrouvent bouleversés, parfois radicalement (passage d’une stratégie défensive à une stratégie prospective au sens de Miles et Snow).

Contrairement aux approches antérieures de l’alignement, la perspective offerte par la PEM est ni prescriptive, ni dogmatique quant au chemin à suivre pour atteindre un niveau d’alignement suffisant. Les auteurs soulignent la nécessité pour l’organisation d’être attentive aux évolutions environnementales et organisationnelles afin de gérer au plus près les différents domaines et de garantir leur cohérence mutuelle. Les changements d’alignement sont pour la plupart réduits et réalisés dans une perspective d’évolution. Or, la focalisation sur l’alignement empêche le mouvement vers d’autres schémas organisationnels potentiellement plus performants et induits par des changements radicaux, au profit des ajustements par la méthode de fine tuning sur les stratégies et les structures (Sabherwal et al., 2001 : p.196).

Cette perspective nous interroge sur la dichotomie alignement comme un résultat / alignement comme un processus. Nous adhérons à l’idée que l’alignement soit un résultat. En revanche, si nous considérons que la volonté d’alignement est nécessairement à l’origine d’un changement organisationnel dans une perspective dynamique, le management de l’alignement stratégique constitue un processus organisationnel de management du changement. La distinction processus/résultat n’est donc pas justifiée puisque l’alignement et le processus d’alignement sont intimement liés : l’alignement stratégique est le résultat final, ou intermédiaire à un moment T, du processus d’alignement stratégique.

Ce raisonnement se retrouve implicitement, mais uniquement dans cet article de Sabherwal et al. (2001). Le mérite de leur approche est de prendre en compte le caractère dynamique des organisations et d’introduire plus de complexité dans l’analyse de l’alignement stratégique.

Elle reste limitée puisqu’ils ne s’intéressent pas aux dynamiques organisationnelles en action, aux pratiques des parties prenantes qui font que les dimensions alignées évoluent. Ce point résonne avec notre critique des limites pratiques du modèle.

Chaque domaine est opérationnalisé selon plusieurs méthodes cohérentes avec le positionnement initial du modèle en fonction de la perspective adoptée par les auteurs. Cette opérationnalisation des construits permet la vérification et le test du modèle. Malgré les préconisations d’Henderson et Venkatraman (1989a, b), les chercheurs se positionnent rarement dans une perspective globale et dynamique. Certains travaux ont cherché à aller au-delà du modèle stricto sensu. Ils développent le concept d’alignement social qui favorise la réalisation de l’alignement stratégique des SI. Toutefois, la perspective sociale de l’alignement est limitée par le caractère managérial des études qui négligent la majorité des acteurs de la dimension sociale des organisations : l’ensemble des membres n’appartenant pas au top-management. D’autres études ont proposé une vision dynamique construite sur le PEM dans laquelle l’alignement stratégique ne doit pas s’appréhender comme un état, mais comme une étape dans une coévolution permanente des domaines de l’organisation. Cette approche est seulement descriptive et n’apporte pas d’outils de compréhension des dynamiques organisationnelles permettant d’atteindre une situation d’alignement dans le cadre de reconfigurations ou de management quotidien des SI.

Objectifs de la Section 2.

 Tester l’homogénéité de la littérature et l’existence d’un champ de recherche unifié autour de l’article d’Henderson et Venkatraman (1993).

 Analyser la littérature sur l’alignement stratégique et étudier en quoi elle se positionne dans la continuité ou en rupture face aux développements d’origine

Résultats de la Section 2.

 L’étude bibliométrique montre l’existence d’un champ de recherche unifié et homogène construit sur huit socles théoriques consolidant et justifiant une partie de la construction. Ces piliers théoriques trahissent le positionnement des articles citant Henderson et Venkatraman dans leur héritage intellectuel direct ce qui renforce les hypothèses et postulats initiaux.

 La recherche autour du concept d’alignement stratégique a opérationnalisé, validé et élargi le modèle initial sans remettre en question ses principes fondamentaux. Elle a ainsi renforcé son caractère prescriptif et normatif, sa perspective statique managériale et technique.

Synthèse 2 : L’alignement stratégique, les développements autour du concept

Conclusion

Ce premier chapitre montre combien le concept d’alignement stratégique des SI et le modèle qui lui est associé ont été utilisés dans la littérature pour devenir des références tant pour la recherche que pour les praticiens. Elle soulève certaines limites et critiques à ce concept construit sur des hypothèses et postulats hérités des théories en management stratégique des années 80.

Le SAM est un modèle descriptif à visée prescriptive de l’exploitation du potentiel stratégique des TI. Grâce à lui, les managers sont capables d’analyser l’influence conjointe des domaines technologiques sur les domaines d’affaires et d’évaluer la cohérence interne de leur organisation. Symétriquement, le modèle définit la configuration optimale de chaque domaine, l’alignement stratégique, se traduisant par un surcroît de performance. La reprise du modèle par la littérature en SI ces vingt dernières années a renforcé ce caractère prescriptif à tel point que le concept d’alignement est devenu une norme configurationnelle admise par la littérature et les praticiens (un truisme selon Ciborra). Ce caractère normatif s’est affirmé du fait des études qui ont confirmé le rapport positif entre alignement et performance de l’organisation. Cette relation s’est détachée des conditions dans lesquelles elle a été démontrée empiriquement (échantillon, test partiel du modèle, méthode d’opérationnalisation, etc.) et est devenu une norme en soi, une règle idéale de configuration organisationnelle.

La reprise par les travaux ultérieurs aux publications d’origine a renforcé le caractère statique du modèle qui se manifeste par la seule analyse de l’état d’alignement stratégique. L’objet d’étude n’est pas la dynamique de l’alignement, c’est-à-dire les facteurs et les pratiques à l’origine d’une nécessité d’aligner l’organisation ou qui permettent justement d’atteindre le niveau d’alignement ciblé. Ici, l’objet est la finalité de l’alignement caractérisé par la mesure du niveau de cohérence entre les domaines à un moment donné. Paradoxalement, le SAP lui-même développe une lecture statique de l’organisation en considérant que l’alignement stratégique est le résultat d’alignements successifs de trois domaines, le quatrième étant figé tant qu’une cohérence suffisante des trois autres n’est pas atteinte. De la même manière, les travaux dynamiques construits sur le PEM évaluent la trajectoire d’états d’alignement et négligent l’étude des raisons et dynamiques à l’origine de ces évolutions.

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