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La problématique de reconversion et de réappropriation des édifices religieux :

CHAPITRE II :Les édifices religieux, entre reconversion et conservation patrimoniale

2. La problématique de reconversion et de réappropriation des édifices religieux :

Un édifice religieux est un lieu estampé de symbolisme, par sa présence sur un territoire donné, il rend visible, une religion, affirme la présence et les convictions profondes d’une communauté religieuse. Il est souvent au cœur d’enjeux politiques et socioculturels qui

80Golvin E., 1971, Essai sur l’architecture religieuse musulmane: tome I, Paris, éd Klincksieck, P. 21 81Ribordy L., 2010, Op Cit. P. 37

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régissent et affectent tout acte de construction, conservation ou reconversion. En effet, autant l’acte de construire de conserver sont bénis pour une communauté de croyants, autant est celui de reconvertir et de réapproprier les édifices appartenant à une autre tradition religieuse. La reconversion en tant action, renvoie à un changement de fonction ou d’activité pour un bâtiment existant. Quant à la réappropriation, elle renvoie à une manière de disposer l’espace suivant la matrice culturelle de l’usager. Appliqués à un édifice religieux ces deux opérations revêtent d’avantage de symbolisme, elles peuvent même dissimuler une affirmation de

supériorité. En effet, par se présence au présent mais reconvertis, un édifice religieux sollicite, selon Choay, simultanément deux mémoires ; « celle, plus proche, d’une nouvelle$

instauration religieuse qui structure la vie quotidienne et définit son horizon, et celle, plus lointaine, d’un passé temporel »82

. Etant un fait historique permanent, les facteurs de reconversion sont multiples et varient d’un endroit à un autre et d’une époque à une autre.

Avant d’approfondir ces deux points, à savoir les facteurs de reconversion et une lecture historique de la pratique de reconversion, nous allons d’abord définir cette pratique. Appliqué au domaine du bâtiment, la reconversion est la récupération d’un ancien édifice et sa réaffectation à une nouvelle activité, cela peut impliquer des transformations et une adaptation du bâtiment au nouvel usage. La réappropriation quant à elle, est une notion qui peut être vue sous plusieurs aspects, économique, juridique, technique...En architecture l’appropriation est un processus à travers lequel les usagés disposent l’espace, elle résulte d’une réinterprétation du modèles culturelles sur l’espace. L’appropriation est en final un ensemble de pratiques appliqué à l’espace visant son adaptation à la matrice culturelle des usagés. Elle dénote un mode d’interaction avec

l’espace. Appliqués aux édifices religieux la reconversion et la réappropriation signifient la récupération d’édifices désaffectés, ayant jadis servis au culte, et leur affectation à un nouvel usage. La nouvelle activité peut être d’ordre cultuel, dans un culte autre que le culte initial, ou profane. Dues à multiples facteurs, la reconversion et la réappropriation des édifices

religieux, peuvent impliquer des destructions et des modifications irréversibles. 2.1. Facteurs de reconversion

Des mutations politico-religieuses aux catastrophes naturelles, en passant par la succession des civilisations, les mutations géopolitiques, religieuses ou sociales, les causes et facteurs pouvant entrainer la désaffectation puis la reconversion d’un édifice religieux sont multiples. D’abord les groupes socioculturels et politiques dominants, qui par prestige, exhibitionnisme, ou affirmation de la supériorité s’approprient toujours les édifices religieux des dominés. Ainsi après la fin de chaque guerre, les édifices religieux sont les premiers à subir des opérations de reconversion voir des destructions. Le prosélytisme religieux est également un facteur non négligeable, Choay83 estime que ce dernier, a probablement détruit plus que les

guerres. Actuellement dans les sociétés occidentales, la laïcisation et la diminution de la pratique religieuse, sont également des phénomènes qui provoquent des reconversions. Le facteur économique et le manque de moyens financiers pour l’entretien des édifices peuvent également, entrainer l’abandon ou la reconversion de certains édifices. Enfin la nature joue également un rôle destructeur, par les catastrophes naturelles, tels les tremblements,

inondations et autres.

Ainsi parfois l’édifice religieux devient l’unique témoignage de l’apport et de l’influence

82Choay F., 1992, Op Cit, P. 36. 83Choay F., 1992, Op Cit, P. 30

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de tous ces facteurs réunis. Comme ces mutations n’ont jamais cessé, la reconversion et réappropriation des édifices religieux sont un fait historique permanent.

2.1.1. La reconversion des édifices religieux ; un fait historique

permanent

. Dans les temps modernes le phénomène s’est accentué, le nombre d’édifices religieux désaffectés ou reconvertis a augmenté considérablement. La chute de l’empire ottoman a entrainé la reconversion de plusieurs mosquées en Bulgarie ou en Roumanie par exemple. Après les mouvements de libération nationalistes au Maghreb, nombreuses églises et synagogues étaient reconverties. Certaines sociétés occidentales connaissent une baisse remarquable de la religiosité, entrainant ainsi l’accroissement du nombre d’églises désaffectées et reconverties.

Dire qu’un édifice religieux peut à lui seul raconter l’histoire d’une nation, nous semble alors véridique. L’échantillon d’édifices reconvertis que nous présentons ci-dessous le confirme. Ces édifices sont principalement choisis sur le pourtour méditerranéen, étant le berceau de nombreuses civilisations anciennes et des religions monothéistes.

2.1.1. 1 Sainte Sophie

Hagia Sophia ou l’église de la sagesse devine est l’édifice le plus élaborée de l’architecture byzantine. Construite la première fois par Constantin Ier puis tombée en ruine. Elle

fut reconstruite sous le règne de Justinien (527-565). Ce dernier avait confié cette tache en 537 à Anthémios de Tralles et Isidore de Milet. L’église fut reconvertie en mosquée par les ottomans qui lui ont ajouté les contreforts et les minarets84.

Aujourd’hui l’église est reconvertie en musée.

Si des églises à l’exemple de sainte Sophie furent reconverties en mosquées. A leurs tours, des mosquées ont été reconverties en églises.

FIG 12 : Sainte Sophie à Istanbul, Turquie

2.1.1.2. Cas de l’algérie

Les mouvements de colonisation du XIXème siècle puis de décolonisation du XXème siècle, avaient entrainé maintes reconversions d’édifices religieux. L’Algérie après l’indépendance en 1962 avait hérité de nombreux édifices des cultes non-musulman. Ces derniers étaient, en majeur partie, reconverties. La pratique de reconversion des édifices

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religieux n’a pas cessé et pour diverses raisons. Aujourd’hui encore, les édifices religieux continuent d’être reconvertis.

Entre la profanation et le mal nécessaire garantissant une nouvelle vie à l’édifice reconvertis , la problématique de reconversion des lieux cultuels se posent toujours avec acuité. Si aujourd’hui avec le développement de la notion de patrimoine, la part est faite entre la conservation et la reconversion. Jadis la reconversion avait permis à de nombreux édifices de traverser les temps.

Avant la reconnaissance de leur intérêt historique, la reconversion était le seul moyen qui permettait aux édifices d’échapper à la débitassions en morceaux.

2.2.Le patrimoine religieux :

Une notion polysémique et à multiples ramifications tel le patrimoine, ne peut qu’englober l’héritage cultuel, matériel et immatériel. En effet, partout dans le monde le patrimoine religieux occupe une place prééminente dans la sphère patrimoniale. Ce patrimoine constitue un ensemble, dont la partie la plus émergente est les édifices religieux. Ayant trait à la

religion, ce patrimoine n’échappe pas à la complexité, il émane, en plus du cultuel, du social et du culturel. Il est soumis aux impératifs et intentions des acteurs de la patrimonialisation, qui opèrent des sélections non jamais innocentes.

Dans ce qui suit nous allons tenter de définir ce patrimoine, ces composantes et les enjeux régissant la conservation de cet héritage.

Le patrimoine religieux est difficile à cerner dans une définition figée, car cette dernière est également soumise aux jeux d’influences des acteurs de la patrimonialisation. La commission des biens immobiliers du Québec par exemple, définie comme faisant partie de patrimoine religieux,

« les biens immobiliers, mobiliers ou archivistiques qui correspondent à l’ensemble

des critères suivants: Ils appartiennent ou ont appartenu à une Église ou Tradition, ou ils lui sont reliés ou l’ont été dans le passé, l’Église ou la Tradition en cause étant représentée par l’une ou l’autre de ses composantes: fabrique paroissiale, communauté religieuse, diocèse, consistoire, etc. Ils ont été, selon le cas, construits, fabriqués ou acquis en vue de l’une ou l’autre des fonctions inhérentes ou corollaires à la mission religieuse, institutionnelle ou sociale de leur propriétaire (culte, résidence, enseignement, soins aux personnes, subsistance, villégiature) ou à des fins de témoignage. Ils ont une valeur patrimoniale »85.

En d’autre terme c’est la reconnaissance de l’ensemble des édifices, ruine d’édifices, biens mobiliers, objets d’arts et héritage archivistique ayant servis au culte ; mais également des rituels, croyances et pratiques sociales propre à ce culte ou tradition religieuse comme faisant partie de l’héritage commun d’une nation ou d’un groupe social donné. Impliquant ainsi l’obligation de leur préservation et leur transmission aux générations futures. Le patrimoine religieux émane autant du cultuel que du socioculturel. Il représente un corpus fondamental pour la compréhension du long et complexe processus d’évolution des sociétés humaines, et des valeurs qui les ont marquées. Ils constituent un des plus illustres témoins de l’histoire commune d’une nation ou d’un groupe social.

Le patrimoine religieux est constitué de sanctuaires, temples, monastères, nécropoles, montagnes, arbres sacrés, stèles, inscriptions, refuges, chemins et d’ensembles plus vastes et complexes telles les villes saintes, les paysages sacrés et les routes de pèlerinage...Il comprend également un patrimoine mobilier composé d’objets, d’archives et de documents. Il ne faut

85Brunelle-Lavoie L., 2002, « la définition du patrimoine religieux», bulletin de la commission des biens culturels,Québec, Ed. Laval-Lemay, P. 1-2.

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pas oublier le patrimoine immatériel dont les rites, les traditions et toutes les pratiques religieuses qui s’y rattachent à ces lieux sacrés...

Bien que la reconnaissance du patrimoine religieux date de l’apparition du patrimoine, la complexité de ses composantes conjuguée au symbolisme religieux qui s’y rattache, rend la définition et la conservation du patrimoine religieux un sujet de controverse, régi par des enjeux qui dépassent souvent l’objet lui-même.