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La douleur neuropathique centrale est un phénomène encore mal compris et difficile à traiter Les traitements pharmacologiques sont les premiers et principaux éléments de gestion des douleurs liées à une lésion médullaire, mais leur efficacité est modeste et leurs effets secondaires nombreux (Finnerup et al., 2015). Les recommandations contemporaines de traitement des douleurs neuropathiques, recommandent trois niveaux de prises en charge selon les niveaux de preuves et les tailles d’effet rapportés dans la littérature. En première intention sont proposés les anticonvulsivants de la classe des gabapentinoïdes, les antidépresseurs tricycliques ou inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline leur suivent, en seconde intention les opioïdes faibles puis, les opioïdes forts sont envisagés en dernière position. Enfin, en cas de douleurs réfractaires, d’autres molécules peuvent également être proposées (Siddall et Middleton, 2015). Malheureusement, ces recommandations s'appuient pour l'essentiel sur des études réalisées dans les douleurs neuropathiques périphériques ou chez des patients souffrant de douleurs centrales liées à un AVC et très peu de données existent spécifiquement pour la population des patients blessés médullaires. Une des autres limites des recommandations actuelles est que les ECR retenus traitent l’ensemble des patients comme un groupe homogène. Il existe pourtant des données qui laissent à penser que les douleurs neuropathiques ne forment pas un ensemble homogène et qu’il est possible d’identifier des sous-groupes de patients selon le phénotype de leur douleur (Westermann et al., 2012; Widerström-Noga et al., 2016) ou leur phénotype sensoriel (Widerström-Noga, 2017). Quoi qu’il en soit, peu de données existent spécifiquement pour la population des patients blessés médullaires, et encore moins s’appuient sur des traitements reposant sur le profil douloureux du patient.

La rééducation est un autre grand pan de la prise en charge des patients blessés médullaire. Lors des séances de rééducation-réadaptation (R-R) l’accent est principalement mis sur la récupération de la plus grande autonomie motrice possible. Cette priorité de la fonction motrice fait que les douleurs neuropathiques sous-lésionnelles sont fréquemment moins abordées en soin que dans d’autres situations. Pour autant, les théories de la « neuroplasticité maladaptative » et de « l’incarnation de la douleur » sont des pistes intéressantes de compréhension de la douleur des patients blessés médullaires. Ces théories proposent qu’il existe en lien entre la représentation du corps, la perception douloureuse et des modifications cérébrales. Ce qui ouvre, la voie vers de possibles pistes de rééducation axées sur la représentation du corps avec l’objectif d’induire un phénomène neuroplastique (Moseley et Flor, 2012). Il existe d’ailleurs, des données préliminaires qui laissent à penser que des interventions en rééducation centrée sur la représentation du corps du patient peuvent être efficaces pour traiter certaines douleurs récalcitrantes. Par exemple, le programme d’imagerie motrice graduelle développé dans le cadre du SDRC est actuellement une des options de choix pour ce syndrome (O’Connell et al., 2013). Même si ce traitement est difficile à mettre en place, en pratique clinique et que l’on ne sait pas encore identifier les futurs patients répondeurs (Johnson et al., 2012). D’autres pistes thérapeutiques existent comme l’utilisation de prisme (Christophe et al., 2016; Sumitani et al., 2007), de réalité virtuelle (Austin et Siddall, 2019; Chi et al., 2019), de thérapie miroir (Barbin et al., 2016; Foell et al., 2014) qui sont des outils ayant une influence sur la représentation du corps et pouvant soulager la douleur de certains patients.

Dans le cadre des douleurs sous-lésionnelles des patients blessés médullaires, il existe peu de moyens thérapeutiques rapportés dans la littérature à disposition des professionnels de la R-R. Au-delà de l’usage des différentes méthodes de stimulation électrique (Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation, Cranial Electrical Stimulation et Transcranial Direct Current

des études préliminaires ont mis en avant un effet positif d’une rééducation basée sur la réalité virtuelle pour diminuer les douleurs neuropathiques sous-lésionnelles des patients paraplégiques (Austin et Siddall, 2019). Malgré tout, peu de données existent sur la place d’une rééducation avec une visée neuroplastique pour la prise en charge des patients BM douloureux.

Sur la base de ces données, la principale hypothèse qui a sous-tendue notre travail est qu’à l’instar de ce qui a pu être mis en évidence dans d’autres affections douloureuses chroniques, les douleurs sous-lésionnelles sont liées à des remaniements centraux médullaires et cérébraux spécifiques, qui pourraient se traduire notamment par des altérations des représentations corporelles (image corporelle et schéma corporelle). Si tel est le cas, ces altérations spécifiques de la douleur neuropathique sous-lésionnelle pourraient être la cible d’une prise en charge complémentaire en rééducation. En outre et de façon plus générale, ceci pourrait permettre de confirmer l’intérêt des prises en charge rééducative des changements neuroplastiques dans la prise en charge des douleurs chroniques.

Nous présentons ici deux études qui ont exploré ces hypothèses avec de potentielles retombées pour la prise en charge de la douleur neuropathique sous-lésionnelle du patient blessé médullaire.

1. Dans un premier temps, nous avons réalisé une revue systématique de la littérature concernant les phénomènes neuroplastiques chez les patients blessés médullaires souffrant de douleurs neuropathiques sous-lésionnelle. Cette revue avait pour objectif de faire la synthèse des modifications structurelles, fonctionnelles et biochimiques du SNC associées aux douleurs centrales du patient BM , de les comparer aux altérations retrouvées dans d’autres affections douloureuses chroniques (Apkarian, 2011; Apkarian et al., 2011) et d’identifier de possibles cibles thérapeutiques (Moseley et Flor, 2012).

2. Nous avons ensuite réalisé une étude visant à analyser les modifications de la perception du corps chez les patients BM et leur relation avec la présence de douleurs neuropathiques sous-lésionnelle. L’objectif était de mieux comprendre les liens éventuels entre altération de la perception du corps, sévérité de la lésion médullaire et intensité et caractéristiques de la douleur.

7. Première étude : Revue systématique sur la réorganisation corticale chez les patients

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