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Les douleurs neuropathiques centrales des patients blessés médullaires restent encore mal comprises. Nous avons exploré l’implication des phénomènes neuroplastiques et de la perception du corps dans l’expérience de ces douleurs. A l’instar de ce qui a été rapporté dans plusieurs pathologies douloureuses, les patients blessés médullaires avec des douleurs neuropathiques sous-lésionnelles (DNSL) présentent des modifications structurelles et fonctionnelles dans différentes aires cérébrales impliquées dans la perception douloureuse (Apkarian et al., 2011; Colloca et al., 2017).

Au niveau du cortex insulaire et du cortex préfrontal dorsolatéral, on observe une augmentation de la diffusivité moyenne qui reflète une perte neuronale dans ces aires impliquées dans les aspects cognitifs, émotionnels et motivationnels de la douleur (Gustin et al., 2010). Au niveau thalamique, une diminution de la diffusivité moyenne a été mise en avant qui peut s’expliquer par une prolifération cellulaire (synaptogénèse incontrôlée ou prolifération gliale de type gliose) (Gustin et al., 2010). L’augmentation du taux de myoinositol et la diminution du niveau de N-acetyl dans le thalamus sont en faveur d’un phénomène de gliose accompagné d’une perte neuronale (Pattany et al., 2002). En plus des changements cellulaires, la douleur neuropathique sous-lésionnelle s’accompagne d’une plus faible perfusion du thalamus (Gustin et al., 2014). Ce phénomène a été décrit dans d’autres douleurs chroniques (Ushida et al., 2010). Ces changements peuvent expliquer les signes d’une dysrythmie thalamo-corticale observés (diminution de la réactivité aux stimulations et faible résolution spatiale de l’activité) chez les patients douloureux et qui a été rapportée dans d’autres pathologies neurologiques et douloureuses (Boord et al., 2008; Vuckovic et al., 2014; Wydenkeller et al., 2009).

Au niveau médullaire, les données sont contradictoires sur l’implication de la lésion de la corne dorsale sur le développement des douleurs neuropathiques sous-lésionnelles (Finnerup et al.,

2003; Finnerup et al., 2007). Par contre, il existe des preuves que la préservation et/ou la repousse des fibres du faisceau spinothalamique observées en tractographie, participent au développement des douleurs sous-lésionnelles (Hatem et al., 2010). Ce qui est cohérent avec les signes d’hyperpathie ou d’allodynie retrouvés au niveau lésionnel et en sous-lésionnel chez les patients douloureux (Defrin et al., 2001; Finnerup et al., 2007; Finnerup et al., 2003; Wasner et al., 2008). Ces anomalies sensorielles sont des signes d’hypersensibilité médullaire qui sont retrouvés dans les zones de plus gros déficits sensoriels alors que, les patients douloureux et non-douloureux ne présentent pas de seuil de sensibilité différents (Defrin et al., 2001; Finnerup et al., 2007; Finnerup et al., 2003; Wasner et al., 2008). Il semble donc qu’une lésion du faisceau spinothalamique avec une récupération partielle soient des éléments nécessaires au développement des douleurs centrales chez les patients blessés médullaire. La récupération progressive de la fonction du faisceau spinothalamique est un élément qui accompagne le développement des douleurs sous-lésionnelles possiblement par le développement de zones médullaires hyperexcitable qui participent au développement de ces douleurs (Hari et al., 2009; Wasner et al., 2008).

Au niveau cérébral, les patients BM sans douleurs neuropathiques sous-lésionnelles présentent une hypertrophie du cortex somatosensoriel primaire comparativement, aux patients douloureux et aux sujets sains (Mole et al., 2014). Ceci suggère une neuroplasticité protectrice chez ces patients non douloureux. En plus de l’hypertrophie du cortex somatosensoriel, les patients non douloureux montrent une diminution du volume de matière grise du cortex moteur primaire (Jutzeler et al., 2016). Il a aussi été montré par Wrigley et al., (2009), un rétrécissement et décalage médial de la représentation corticale de la main, lors de stimulation de l’auriculaire, chez les patients BM douloureux comme rapportés chez les patients atteints de syndrome douloureux régional complexe (Di Pietro et al., 2013) ou de douleurs du membre

de changement de la représentation corticale de la main. Le lien entre douleur et représentation corticale du corps est à approfondir

En résumé notre revue de la littérature a synthétisé les données existantes rapportant un lien entre des phénomènes neuroplastiques consécutifs à une lésion médullaire et le développement de douleurs neuropathiques sous-lésionnelles. Ces données restent encore à confirmer, mais la convergence de résultats issus de plusieurs modalités d’investigation (de l’EEG, à la spectrométrie) nous permet de supposer que les douleurs neuropathiques sous-lésionnelles sont accompagnées par des modifications neuroplastiques étendues dans l’ensemble du névraxe. Ces données ouvrent la voie vers des thérapeutiques visant à remodeler le système nerveux central afin de corriger/compenser ces anomalies (Flor, 2003; Moseley et Flor, 2012). Par exemple, le travail de la sensibilité tactile ou l’utilisation d’un protocole d’imagerie motrice progressive (Graded Motor Imagery) ont montré des effets positifs chez des patients lombalgiques ou atteints d’un SDRC (O’Connell et al., 2013; Ryan et al., 2014).

La deuxième partie de nos travaux suggère que la douleur neuropathique sous-lésionnelle s’accompagne d’une altération du schéma corporel. Cette altération est retrouvée dans diverses pathologies douloureuses, SDRC (Lewis et al., 2007) fibromyalgie (Martínez et al., 2018) ou, DMF (Reinersmann et al., 2010). Le jugement de latéralité est une des différentes approches développées pour étudier le lien entre représentation corporelle. Ce test a permis de montrer que les patients victimes d'AVC ou amputés présentent de leur schéma corporel (Curtze et al., 2010; Nico et al., 2004; Reinersmann et al., 2010; Sirigu and Duhamel, 2001). Il a également été confirmé que la capacité d'imagerie motrice mentale est conservée chez les patients atteints d'une lésion médullaire (Hotz-Boendermaker et al., 2008). L’activité cérébrale des patients BM est similaire à celles de sujets sains lors d’une telle tâche (Alkadhi et al., 2005; Hotz-Boendermaker et al., 2008 ; Ionta et al., 2016). Il a été démontré à plusieurs reprises chez des

volontaires sains, que le temps nécessaire pour décider si une image d'un membre correspond à un membre droit ou gauche, est proportionnel au temps qu'il faudrait pour déplacer physiquement ce membre (Parsons, 2001, 1987). De même, les mouvements imaginés induisent des changements dans l'activation cérébrale similaires à ceux produits par des mouvements réels (Jeannerod, 2001; Jeannerod and Decety, 1995; Lafleur et al., 2002). On considère généralement que la TJL comporte trois étapes : un premier jugement automatique gauche/droite, suivi d'un positionnement mental du corps virtuel dans le cerveau pour correspondre à la position de la partie du corps vue dans l'image et, enfin, la confirmation ou le rejet du jugement initial (Parsons, 2001, 1987).

Malgré des différences méthodologiques dans l’utilisation de la TJL, la plupart des études ont mesuré des altérations du Temps de Réaction (TR) et/ou de la Précision (PREC) dans les affections musculo-squelettiques tels que dans le syndrome de douleur régionale complexe, l'arthrose, la lombalgie ou la douleur faciale (Breckenridge et al., 2019; Ravat et al., 2019). Parmi les études disponibles, peu portent sur la douleur neuropathique, celles existantes traitent des douleurs neuropathiques périphériques (douleur du membre fantôme, avulsion du plexus) (Moseley, 2006; Reinersmann et al., 2010) ou de douleur mixte (syndrome du canal carpien) (Schmid et Coppieters, 2012). A notre connaissance, aucune étude antérieure n'a portée sur la douleur neuropathique centrale, telle que celle résultant d'une lésion médullaire en particulier.

Similairement aux études précédentes sur le SDRC (Moseley, 2004; Reinersmann et al., 2012, 2010; Schwoebel et al., 2002), nos travaux ont permis d’observer une dissociation entre les deux mesures de performance de la tâche de jugement de latéralité. Les patients ont présenté une augmentation du TR sans changement significatif de leur PREC. Ces deux mesures reflètent probablement des aspects différents du schéma corporel. Il est suggéré que la PREC

reflèterait le temps total nécessaire pour choisir la latéralité, mouvoir mentalement une partie du corps et prendre la décision finale (Bray et Moseley, 2011). Bray et Moseley (2011) ont également suggéré que la combinaison d'une augmentation du TR avec une PREC normale pourrait être due au temps nécessaire lors de l’étape de confirmation (étape 3) pour corriger la décision initiale. Alors que, la combinaison d'une diminution de la PREC avec un TR normal correspondrait plutôt à une mauvaise décision à l'étape trois, ce qui reflèterait une interruption des représentations proprioceptives corticales. Toutefois, cette analyse demeure un sujet de débat, et les changements dans ces deux mesures sont généralement considérés comme reflétant des perturbations du schéma corporel (Breckenridge et al., 2019; Ravat et al., 2019). Les mécanismes neurophysiologiques qui sous-tendent les interactions entre les représentations corporelles et la douleur demeurent mal compris. Des modifications neurales, y compris la réorganisation corticale des cartes corporelles somatotopiques, ont été mises en évidence chez des patients présentant divers syndromes de douleur chronique (Apkarian et al., 2011, 2009; Parker et al., 2016; Wand et al., 2011). Des changements structurels, fonctionnels et neurochimiques ont également été rapportées chez des patients atteints d'une lésion médullaire (Gustin et al., 2014, 2010; Hatem et al., 2010; Henderson et al., 2011; Jutzeler et al., 2015; Nardone et al., 2013). Toutefois, le nombre d'études dans ce domaine reste très faible et les résultats publiés sont hétérogènes. De plus, les relations entre la réorganisation du cerveau et le schéma corporel n'ont jamais été étudiées directement. Les modifications de l'activation cérébrale associées à l'imagerie mentale, en particulier la TJL, ont été étudiées chez des volontaires sains (Parsons et al., 1995), mais jamais chez des patients souffrant de douleur chronique.

Notre travail a permis de mettre en avant une altération du schéma corporel évalué avec la tâche de jugement de latéralité et la tâche d’atteinte du nombril chez les patients blessés médullaires par rapport aux sujets sains. Chez les patients douloureux l’altération du schéma corporel,

évalué par la TJL, est positivement corrélée à l’intensité de la douleur et son caractère neuropathique. Notre étude n’a pas permis de répondre à la question du sens de cette interaction : est-ce que les modifications du schéma corporel altèrent la perception douloureuse ou est-ce la douleur qui perturbe la représentation du corps ? Chez les patients douloureux l’on observe lors de la TJL une baisse de performances (augmentation du temps de réponse et/ou baisse de précision) concernant la reconnaissance du membre douloureux ce qui suggère, que la douleur chronique affecte le schéma corporel (Breckenridge et al., 2019; Ravat et al., 2019). Par contre chez le sujet sain l’on observe plutôt une dégradation des performances de reconnaissances du membre non-douloureux (Hudson., et al 2006). Cette dégradation indiquerait, que la douleur aigue mobilise les ressources cognitives en faveur du schéma corporel du membre douloureux au détriment du non-douloureux. Le schéma corporel étant une représentation du corps orientée vers le mouvement la réorientation de ces ressources pourrait servir la fuite du stimulus douloureux.

La douleur altère le schéma corporel mais l’entrainement de ce dernier peut aussi changer la perception douloureuse. Par exemple, le travail du schéma corporel dans le protocole d’imagerie motrice progressive (Graded Motor Imagery) a montré des effets positifs chez les patients atteints d’un SDRC (Moseley, 2006; O’Connell et al., 2013) même si ces effets semblent varier selon les patients et leurs capacité à suivre le protocole (Johnson et al., 2012). Un lien bidirectionnel entre schéma corporel et douleur semble donc exister. Ce lien pourrait reposer sur les altérations de la représentation corticale du corps retrouvées chez certains patients douloureux (Di Pietro et al., 2013; Flor, 2003; Wrigley et al., 2009) et la capacité qu’a le travail de la représentation des mouvements corporels par exemple par imagerie motrice, d’entrainer des modifications cérébrales et de fonctions. (MacIver et al., 2008; Page et al., 2009; Sacco et al., 2009; Sauvage et al., 2015).

Nous ne pouvons exclure formellement la possibilité que l'augmentation du TR ne soit pas liée à des changements du schéma corporel. D'autres interprétations ont été envisagées, y compris la possibilité que l'augmentation du TR soit liée à une sous-utilisation chronique (associée à une forme de négligence) du membre douloureux et/ou à un biais attentionnel non spécifique induit par la douleur (Moseley, 2004). Nos données ne concordent pas totalement avec ces hypothèses. L'augmentation relative du TR concernait le pied et non la main, ce qui exclut la possibilité d'un biais d'attention non spécifique. Concernant la non-utilisation des membres, il n'y avait aucune corrélation entre la gravité de la lésion spinale et l'augmentation du TR. Les déficits moteurs étaient semblables chez les patients avec et sans douleur. Par contre, l’âge de la lésion est positivement corrélé à l’altération du schéma corporel, ce qui laisse supposer que cette représentation du corps se dégrade progressivement suite à l’handicap moteur. En conséquence il est peu probable que nos résultats soient uniquement attribuables à la non utilisation des membres sinon la sévérité de l’handicap moteur devrait aussi influencer la TJL. L’absence de corrélation entre la durée de la douleur et les altérations du schéma corporel interroge sur la nature du lien entre douleur et représentation du corps. Il ne semble pas que la représentation du corps se modifie selon l’évolution de la douleur ni des facteurs psychologiques (dépression et anxiété). Cela laisserait supposer que la présence de la douleur en soi affecte la représentation corporelle par un processus de concurrence sur les ressources mentales et non, par un processus progressif de dégradation de la relation entre les mécanismes de représentation du corps et de protection de celui-ci. De futures investigations portant sur un suivi prolongé de l’évolution de la douleur et de la représentation corporelle post-lésionnelle permettraient d’éclaircir cela.

Nous avons également évalué la perception visuospatiale du corps de nos patients, afin de vérifier les changements possibles dans d'autres aspects de la représentation corporelle. Nous

avons utilisé un test dérivé du test subjectif vertical de la ligne médiane du corps (SVBM). Cette technique a été utilisé pour évaluer la négligence hémispatiale chez les patients victimes d'AVC, mais aussi dans les syndromes de douleurs chroniques (Christophe et al., 2016; Kolb et al., 2012; Reinersmann et al., 2012; Sumitani et al., 2007). Lors de ce test, on demande aux patients de localiser la ligne médiane verticale subjective de leur corps en présence de lumière et dans l'obscurité. Pour se faire en regardant un point laser se déplacer horizontalement sur un écran placé devant eux, ils indiquent quand le laser croise leur ligne médiane subjective dans le plan frontal de leur corps (Reinersmann et al., 2012; Sumitani et al., 2007). Dans les variantes de ce test, les patients doivent déplacer eux-mêmes le point laser (Kolb et al., 2012) ou pointer directement vers une position sur l'écran (Christophe et al., 2016). Des résultats hétérogènes ont été rapportés chez des patients souffrant de syndromes douloureux chroniques. Une altération de la perception visuospatiale a été signalée dans certaines études avec des patients atteints de SDRC (Kolb et al., 2012; Reinersmann et al., 2012; Sumitani et al., 2007), mais pas dans d'autres (Christophe et al., 2016) ou dans d'autres syndromes de douleur chronique, tels que la névralgie post-zostérienne (Uematsu et al., 2009). De plus, aucune corrélation n'a été trouvée entre les changements de la SVBM et l'intensité de la douleur dans ces études. Nous avons adapté ce test pour évaluer la ligne médiane horizontale subjective du corps (SHBM), correspondant au plan transversal traversant le corps au niveau de l'ombilic. Notre hypothèse était que les patients atteints d'une lésion médullaire pourraient avoir une perception visuospatiale altérée du bas du corps. Nous n'avons trouvé aucune différences significatives entre nos deux groupes de patients ou entre les patients et les sujets sains lors des différentes tâches. Ceci suggère qu’une lésion médullaire n’entraîne pas de changements significatifs dans la perception visuospatiale du corps. Ces résultats concordent avec ceux de certaines études fondées sur le SVBM dans le SDRC (Christophe et al., 2016) ou sur la névralgie

post-méthodologique dans notre étude. En effet, nos résultats ont été très variables dans les deux groupes de patients, mais aussi chez les volontaires sains. Ce degré élevé de variabilité peut refléter la difficulté de ces tâches, comme l'ont signalé plusieurs de nos sujets, y compris des volontaires sains. La position allongée des sujets peut expliquer une partie de la difficulté de ces tâches. Cette position a été choisie parce que la plupart des patients présentaient de graves déficits moteurs, mais elle a pu introduire un biais dû à une diminution des afférences vestibulaires, qui jouent un rôle clé dans la représentation corporelle (Ferrè et al., 2013; Ferrè et Haggard, 2016). Il serait intéressant de tester cette hypothèse dans des études futures, en comparant les résultats du SHBM chez des volontaires sains en position horizontale et debout.

La tâche d’atteinte du nombril (TAN) a été utilisée pour évaluer plus directement les distorsions potentielles de la représentation corporelle chez les patients atteints d'une lésion médullaire. L'erreur de localisation du nombril était significativement plus importante chez les patients que chez les témoins, mais des résultats similaires ont été obtenus chez les patients présentant ou non des douleurs neuropathiques sous-lésionnelles. Des changements dans la capacité de pointer vers des parties spécifiques du corps ont été rapportés dans le SDRC (Reid et al., 2016) ou dans d’autres lésions neurologiques (Head et Holmes, 1911; Paillard, 1999), mais jamais chez les patients atteints d'une lésion médullaire. Les mécanismes sous-jacents de cette tâche sont probablement complexes et encore mal compris (Reid et al., 2016), mais la tendance vers une corrélation entre l'augmentation du seuil vibratoire et l'erreur lors de la TAN observée chez nos patients suggère que ces mécanismes peuvent impliquer les afférences proprioceptives. L'absence de corrélation avec l'intensité de la douleur, l’âge de la lésion et les performances à la TJL suggère également que les changements dans la représentation corporelle évalués avec cette tâche simple sont différents de ceux évalués par la TJL.

Les résultats que nous avons obtenus s’inscrivent dans plusieurs axes de recherche. Actuellement les liens entre modifications dans les aires sensorimotrices, altération du schéma corporel et douleur centrale chez les patients victimes de lésions médullaires sont encore mal compris. De même, nous ne savons pas quelles stratégies rééducatives envisager pour traiter ces modifications et quels pourraient être leurs effets sur la douleur des patients. Plusieurs stratégies à visée centrale existent dans la prise en charge de la douleur chronique (réalité virtuelle, stimulations transcrâniennes, imagerie motrice, stimulations vestibulaires…) néanmoins, les données sont encore exploratoires et leurs effets sur le schéma corporel non-étudiés (Chi et al., 2019; Thieme et al., 2016). L’étude de la représentation du corps est difficile car c’est une notion complexe et il n’existe pas d’outils standards pour son évaluation. Nous nous sommes servis d’outils fréquemment utilisés dans l’étude de la représentation corporelle mais dont les propriétés clinimétriques de fiabilité et sensibilité au changement sont encore peu étudiées. Dans un soucis de pragmatisme, nous avons utilisés des tests brefs (60 images pour la TJL et une tentative par tâche de pointage). Il est probable qu’un plus grand nombre de répétitions faciliterait l’étude de l’altération de la représentation du corps mais, des évaluations longues avec plusieurs dizaines de tests sont difficilement applicables en pratique clinique. L’utilisation du nombril comme repère pour la tâche de SHBM doit être repensé car à entraîner des difficultés pour l’ensemble des sujets. Nous projetons rarement la représentation que nous avons de cette partie notre corps dans l’espace. Elle nous a servi comme repère facilement identifiable mais, elle fait intrinsèquement moins sens que la notion que nous pouvons avoir de notre gauche et notre droite utilisé dans les tests classiques de SVBM. Cette tâche demande des ajustements pour comprendre si elle peut refléter la représentation que nous avons d’une limite entre le haut et le bas de notre corps. D’autres tâches peuvent aussi être envisagées pour étudier ce construit telles que, les tâches de jugement d’ordre qui en laboratoire ont été utilisées pour

Legrain et al., 2012; Moseley et al., 2012). Lors de ces tests, un sujet doit indiquer quand il a l’impression que deux stimuli provenant de deux hémi-champs spatiaux ou, de deux parties de son corps sont simultanés. Une adaptation de cette tâche dans le plan sagittal pour étudier la SHBM peut aisément s’envisager même si, son utilisation en pratique clinique semble plus délicat.

Ce travail de recherche aura permis de synthétiser les données sur le lien entre altération du système nerveux central et douleurs neuropathiques sous-lésionnelles des patients blessés médullaires, et d’apporter des connaissances sur l’interaction entre ces douleurs et l’altération de la représentation du corps chez ces patients. L’impact de la douleur et de l’incapacité motrice sur le schéma corporel des patients victimes d’une lésion médullaire sont encore à explorer plus finement afin, de disposer d’outils d’évaluation de qualité, d’identifier des thérapeutiques rééducatives et les potentiels sous-groupes de patients répondeurs.

Bibliographie

Adler, R.H., 2009. Engel’s biopsychosocial model is still relevant today. J. Psychosom. Res. 67, 607–611. https://doi.org/10.1016/j.jpsychores.2009.08.008

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