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3. Incarnation de la douleur

3.1. Altération de la perception du corps dans la douleur

3.1.3. Perturbation de la représentation spatiale dans la douleur

Le corps possède plusieurs représentations de l’espace qui servent dans l’interprétation des informations sensorielles. Trois localisations possibles sont le plus souvent décrites à savoir, i) l’espace corporel, ii) l’espace péripersonnel et iii) l’espace extrapersonnel (de Vignemont et Iannetti, 2015). L’espace corporel étant les limites de notre corps, l’espace péripersonnel la portion d’espace qui nous entoure avec laquelle nous pouvons interagir directement et l’espace extrapersonnel qui est au-delà des deux premiers.

La douleur et la représentation de l’espace interagissent afin de permettre une détection efficace des évènements pertinents potentiellement nuisibles. Ainsi, il a été montré chez des patients atteints d’un SDRC un ralentissement du traitement des informations tactiles provenant du côté de l’espace douloureux (Moseley et al., 2009). En effet, grâce à une tâche dite du jugement d’ordre temporel il a pu être mis en évidence que ces patients présentent un retard au traitement des informations tactiles de leur main douloureuse quand ils sont en position spontané par contre, lorsqu’ils sont bras croisés cette fois ils sont plus lents pour traiter les informations provenant de leur main saine. Ce phénomène a été répliqué chez des patients avec une lombalgie unilatérale et l’on retrouve le même ralentissement au traitement des informations provenant de l’espace douloureux ici postérieur et d’un côté (gauche ou droite) (Moseley et al., 2012). Chez des sujets sains l’on retrouve ainsi une influence de la position des membres dans l’espace sur la perception douloureuse et l’intégration nociceptive. En effet, l’induction d’une douleur par stimulation laser nociceptive est plus faible lorsque les sujets ont les bras croisés que décroisés et cela, s’accompagne de potentiels évoqués de plus faible amplitude (Gallace et al., 2011). De même il a été montré que le réflexe main-clignement (hand-blink reflex en anglais) est modulé par la distance entre les yeux et la main stimulée (Sambo et al., 2011). Ainsi, lors

est plus important quand la main est plus proche du visage (Sambo et al., 2011). Ceci va dans le sens d’une interaction entre l’espace peripersonnel et la douleur.

Il existe aussi une interaction entre douleur et espace extrapersonnel. L’utilisation de la tâche de jugement du milieu du corps subjectif ou de ligne médiane verticale consiste à demander où un sujet situe le milieu de son corps entre la gauche et la droite en se projetant dans l’espace extrapersonnel. Le sujet est positionné face à un mur distant de lui de 2 mètres, grâce à un laser il indique où se situe selon lui le milieu de son corps. Le laser peut être déplacé automatiquement (Bouffard et al., 2013; Reinersmann et al., 2012) ou par un évaluateur ( Sumitani et al., 2007; Uematsu et al., 2009) ou par le sujet lui-même (Kolb et al., 2012). Chez les patient avec un SDRC l’on retrouve une tendance à un décalage du milieu du corps subjectif du côté symptomatique (Sumitani et al., 2007; Uematsu et al., 2009) qui n’est pas retrouve chez des patients avec des douleurs post zostériennes (Uematsu et al., 2009). Le décalage vers le côté pathologique n’est pas systématiquement retrouvé même si les patients avec un SDRC semble faire constamment plus d’erreur dans cette tâche que des personnes saines ou avec des douleurs autres (Reinersmann et al., 2012). De nouvelles études ne retrouvent pas d’effet du SDRC sur l’évaluation de la ligne verticale médiane du corps ce qui tend à minorer ces résultats (Christophe et al., 2016; Kolb et al., 2012). Dans leur étude, Kolb et al., ont utilisé une variante du test dans laquelle, le sujet pointe lui-même avec le laser ce qui pourrait représenter plus un test proprioceptif que visuo-proprioceptif et pas forcément interroger la même représentation que les autres auteurs (Kolb et al., 2012).

A noter qu’un bloc nerveux provoquant une désafférentation (et antalgie) chez les patients SDRC provoque un décalage de la perception du milieu du corps du côté non désafférenté ce qui corrige leur erreur de perception. L’induction d’un bloc ischémique à le même chez le sujet sain et cet effet neutralisant ne dure que le temps du bloc (Sumitani et al., 2007). Par contre il

ne semble pas avoir de lien entre intensité ou durée de la douleur et erreur lors de la tâche de ligne verticale médiane du corps (Uematsu et al., 2009).

L’induction de douleur chez le sujet sain ne provoque pas de décalage systématique de la perception de milieu du corps. En effet, seule la stimulation douloureuse du membre supérieur droit provoque une déviation de la ligne verticale médiane du corps vers la droite alors que les stimulations douloureuses à gauche ne provoquent pas de déviation (Bouffard et al., 2013). Chose intéressante le phénomène inverse est retrouvé avec une stimulation vibratoire. Les sujets décrivent un décalage vers la droite de leur milieu du corps lorsque le côté gauche reçoit les vibrations alors qu’aucun décalage, n’est retrouvé lors de la stimulation du côté droit (Bouffard et al., 2013).

Outre le fait que la douleur peut influencer la représentation de l’espace ce qui pourrait, être en lien avec une concurrence dans l’intégration des sensations en fonction de leur caractère plus ou moins saillants dans l’environnement. Il est possible aussi d’induire une analgésie en modifiant la représentation de l’espace et du corps dans l’espace. Chez les patients avec un SDRC l’on peut observer que le port de lunette à prisme qui ont pour effet de décaler la perception de l’espace vers le côté sain provoque une diminution de la douleur (Christophe et al., 2016; Sumitani et al., 2007). L’amélioration est spécifique au sens de la déviation perceptive car l’on observe une augmentation des symptômes si les prismes provoquent un décalage vers le côté douloureux (Sumitani et al., 2007). Par contre, il n’y a pas de corrélation entre la diminution de la douleur et l’intensité du décalage lors du test de milieu du corps subjectif (Christophe et al., 2016; Sumitani et al., 2007).

La stimulation vestibulaire est une autre technique permettant d’induire un changement de perception spatiale. Le vestibule participe à la représentation du corps dans l’espace, il réagit

Lorsqu’on stimule l’oreille interne gauche par de l’eau froide, cela induit une inhibition de l’activité des centres vestibulaires gauche et par conséquent une hyperactivité relative du noyau vestibulaire droit induisant une stimulation de l’hémisphère droit (Ferrè et al., 2015). La stimulation calorique ou galvanique du vestibule a montré améliorer des patients atteints de douleurs thalamiques (McGeoch et al., 2008; McGeoch et Ramachandran, 2008; Ramachandran et al., 2007; Ramachandran et al., 2007), d’amputation, (André et al., 2001), de lésions médullaires (Le Chapelain et al., 2001) ou même de migraine (Wilkinson et al., 2017). Chez le sujet sain l’analgésie induite par la stimulation vestibulaire s’accompagne d’une diminution des potentiels évoqués laser indiquant une modulation de l’intégration nociceptive (Ferrè et al., 2015, 2013).

Ces données montrent qu’il existe une interaction entre la douleur, la perception de l’espace et du corps dans l’espace même si peu de données sont encore disponibles pour des recommandations cliniques et que les effets varient selon les conditions (cf Figure 4).

La douleur va perturber l’intégration des informations sensorielles selon leur localisation dans l’espace

Certaines douleurs comme le SDRC induisent chez certains patients une altération de la perception de l’espace

Perturber la représentation de l’espace par la stimulation vestibulaire diminue les douleurs cliniques et expérimentales

Figure 4 : Lien entre image du corps et schéma corporel et douleur : données cliniques, méthode de modulation et d’évaluations.

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