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c) La problématique de la fragmentation des dispositifs de publicisation des sciences : des enjeux théoriques aux enjeux pratiques

Comme nous avons pu le voir, du point de vue de la théorie critique, les questions portant sur le complexe sciences sociétés demeurent indissociables des questions portant sur les sciences en tant que phénomènes institutionnels. Et dans ce mouvement, les différentes conceptions épistémologiques propres aux théories de la connaissance jouent un rôle majeur. Alors que le positivisme, modèle traditionnel, postule un rapport ontologique de la théorie sur le monde empirique et plaide dans ses formes les plus extrêmes pour une prévalence de la technique sur la critique ; le modèle constructiviste, plus récent et constituant un paradigme épistémologique probablement plus moderne, repose, quant à lui, plutôt sur un rapport pragmatique du monde empirique à la théorie. L'enjeu du passage d'une approche positiviste à une approche constructiviste se présente ainsi comme celui du passage d'une « réalité » conçue comme naturelle et nourrissant une prétention à l'universel, à celui d'une « réalité » socialement construite au travers de processus et de dispositifs, dans lesquels se jouent des rapports de force aux conséquences in fine politiques et économiques. Ainsi, l’évolution critique des modèles épistémologiques, du positivisme au constructivisme, dans la mesure où elle comprend une transformation des conceptions du savoir et de l’expertise, n’est pas sans lien, nous le pensons, dans l’évolution critique des structures démocratiques, de la représentation au dialogisme ou pour le moins dans l’évolution des oppositions et revendications portées par les différents champs sociaux et/ou acteurs dans l’espace public.

Le positivisme, comme nous l'avons vu, repose sur une conception rationaliste de la « vérité ». Cependant, la nature même de cette « rationalité », supposée caractériser les énoncés produits par les acteurs scientifiques, est elle-même posée sous la forme d'un postulat fondé sur ce qui apparaît comme une « vérité première » opérée en amont même du travail de recherche. Les notions de « rationalité » et d'« irrationalité » ne sont d'ailleurs elles-mêmes d'aucun recours méthodologique lors de la réalisation des travaux scientifiques : elles ne se justifient au travers d’une quelconque utilité méthodologique et pratique dans la production des énoncés scientifiques. En revanche, ces catégories sont mobilisées au service d'un jugement de valeur, a posteriori de la réalisation des travaux de recherche, catégorisant et hiérarchisant les formes de savoirs et de cultures entre elles. Une fois les travaux de recherche effectués, de tels postulats servent ainsi l'affirmation d'un savoir « universel » et leur diffusion dans les sociétés, au travers des dispositifs et pratiques de communication. Or, ce jugement de valeur intrinsèque au rationalisme n'est pas sans amener irrémédiablement une contradiction de la part d'

« une science » se revendiquant ontologiquement d'une « neutralité » sur le plan des valeurs culturelles et normatives. Dans ce sens, le rationalisme est également autodémonstratif, non pas parce qu'il procéderait à la rationalisation de ses postulats, mais bien plutôt parce qu'il cache ses propres contradictions derrière un discours simplificateur et péremptoire. Le discours rationaliste, en présentant les conditions de validité des énoncés scientifiques comme déjà réalisées, comme essence même de l’activité scientifique, tend à dissimuler et à empêcher les phénomènes d’objectivation des objets scientifiques permettant de satisfaire à de telles conditions de validité. Ainsi, face au paradoxe théorique majeur du rationalisme, nous supposons que c'est bien plutôt une finalité pratique qui en maintient l'existence. Et celle-ci se définirait par le maintien d'une distinction entre formes de savoirs, menant elle-même à une distinction justifiant d'une hiérarchisation fonctionnelle des formes d'expression entre groupes socioprofessionnels, entre d'une part acteurs scientifiques et d'autre part « acteurs profanes ».

D'un point de vue théorique, les modèles épistémologiques reposant sur la conception d'un « savoir absolu » se révèlent profondément insatisfaisants, car au final la compréhension de tout énoncé scientifique prend toujours place en fonction d’un système de référence non plus universel mais relevant de contextes particuliers englobant certaines données culturelles spécifiques. D'un point de vue pratique, le positivisme se justifie (ou plutôt tente de se justifier) également socialement au travers de ses réalisations techniques, présentées alors comme autant de preuves positives de son efficacité : le développement de la médecine moderne qui a allongé l'espérance de vie, l'énergie qui permet de se chauffer l'hiver, la lumière électrique qui remplace la bougie, etc. Il n'en demeure pas moins que ces preuves reposent sur une sélection partiale et orientée : le développement des controverses majeures lors des cinquante dernières années montre également des cas où ces réalisations techniques pourraient constituer autant de preuves négatives.

De surcroît, la théorie critique mène à la nécessité de mieux comprendre les phénomènes sociologiques internes à une « communauté scientifique », afin d'intégrer et d'analyser dans les études du complexe sciences sociétés les enjeux, les contraintes et les intérêts immanents aux sciences conçues en tant que phénomènes institutionnels. Dans ce sens, les effets des pratiques liées aux différents modèles de publicisation des sciences seraient plutôt à rechercher au sein même d'un intérieur communautaire, plutôt que vers les publics extérieurs. Notre projet de recherche se fonde ici sur ce que nous présentons encore sous la forme d'une intuition : nous pensons en effet que, contrairement aux discours institutionnels les plus courants, la pratique de la vulgarisation ne répond que très partiellement à un « fossé des connaissances » compris comme une réalité sociale. Il semble, à

l'inverse, que ce soit bien plutôt par la pratique de la vulgarisation que se produit, se reproduit et se socialise l'idée d'un « fossé des connaissances », prenant alors la forme d'une distinction à l'échelle de la « communauté scientifique ». De ce point de vue, la vulgarisation prend la forme d'une idéologie qui, en participant aux processus de reproduction des mondes vécus des acteurs de la recherche, générerait d'elle-même ses propres terrains pratiques. L'originalité de cette approche est de rechercher en interne, au sein d'une « communauté scientifique » plutôt qu'en externe, les effets des pratiques liées aux différents modèles de publicisation des sciences et notamment celles de vulgarisation.

Ainsi, la mise en correspondance des modèles épistémologiques avec des modèles d'organisation des sociétés démocratiques ne reste ici que très schématique, si l'on ne prend pas en compte les pratiques communicationnelles des acteurs de la recherche eux-mêmes au sein des dispositifs de publicisation des sciences. Une telle mise en correspondance ne présente en fait que peu d'intérêt, sinon aux niveaux de la philosophie politique ou de la macrosociologie, si l'on accorde une attention accrue aux liens reliant les pratiques communicationnelles avec les éléments d'une culture sociale et professionnelle des acteurs de la recherche. Un ouvrage récent propose une définition, à notre sens, particulièrement intéressante de la notion de « science » elle-même :

Science n.f. : Du latin scientia, « connaissance », lui-même issu du verbe scrire, « savoir », la science est une forme de connaissance souvent vue comme supérieure aux autres au regard de la proximité qu'elle entretiendrait avec la « réalité » ou la « vérité ». Elle est néanmoins impossible à définir en quelques lignes de manière satisfaisante. L'activité dite scientifique recouvre en effet une immense diversité de pratiques selon les lieux, les périodes de l'histoire et les disciplines, et leur trouver un dénominateur commun n'est pas chose aisée. Historiquement, l'emploi du terme « science » ne s'est généralisé qu'au cours du XIXe siècle, si bien qu'il est sans doute préférable de parler de

« savoirs » dans toute leur multiplicité pour les siècles qui ont précédé. La désignation de ce qui relève de la science et de ce qui n'en relève pas fait depuis lors l'objet d'enjeux de taille, tant « la Science » dispose du quasi-monopole de la légitimité et de l'applicabilité officielle des connaissances.35

Cette définition présente l'avantage de prendre de multiples précautions vis-à-vis de celles proposées lors de discours ordinaires portés par de multiples acteurs scientifiques, politiques ou de la médiation scientifique sur les sciences elles-mêmes. De plus, elle rend compte de l'existence de phénomènes institutionnels et d'enjeux sociaux se présentant comme déterminants dans la représentation de la parole de l'officiel. Cependant, nous pensons pouvoir, dès à présent, aller un peu plus loin dans la définition de la notion. Pour les auteurs, il reste difficile de trouver un « dénominateur

35 Bastien Lelu et Richard-Emmanuel Eastes (dir.), Les scientifiques jouent-ils aux dés ?, idées reçues sur la science, Le Cavalier Bleu, 2011, p.7.

commun » permettant de rassembler l'hétérogénéité des sciences en « une science » homogène. En effet, les activités scientifiques se différencient premièrement, par leurs formes institutionnelles : entre une multiplicité de laboratoires, d'universités, de secteurs publics et privés, etc. Or, chacune de ces institutions présente une différenciation culturelle évidente entre, par exemple, une faculté de médecine et un département de science de l’information et de la communication. Deuxièmement, les disciplines, les paradigmes et les méthodes diffèrent à l'infini d'un laboratoire de recherche à un autre, et peuvent en certains cas engendrer des conflits académiques plus ou moins violents. Troisièmement, les statuts professionnels, les tâches et les conditions de travail des acteurs de la recherche divergent encore une fois du tout au tout entre un vacataire, un chargé de travaux dirigés, un professeur ou un doyen d'université ; entre ceux qui exercent uniquement des activités de recherche et ceux qui consacrent la majeure partie de leur temps de travail à l'enseignement en amphithéâtre, etc. Parmi cette forte hétérogénéité au sein des critères sociologiques, une « homogénéité » des sciences apparaît sous l’angle d’une fiction. Pourtant, il est un domaine qui rassemble les éléments culturels et les individus composant cette hétérogénéité en une apparente homogénéité : les phénomènes pratiques de la communication, en premier lieu desquels les dispositifs de publicisation des sciences. Car, fondamentalement, il n'est aucun savoir scientifique qui n'ait besoin de mots, de signes ou du langage pour devenir « vérité » partagée. Or, de ce point de vue, c’est bien à un mode spécifique de mobilisation du langage et de la parole que nous avons affaire, impliquant le langage lui-même au travers d’une forme de croyance en la possibilité d’un « sens objectif » purement débarrassé de tout subjectivisme et de tout intérêt.

Dire que le champ [scientifique, ndla] est un lieu de lutte, ce n’est pas seulement rompre avec l’image irénique de la « communauté scientifique » telle que la décrit l’hagiographie scientifique – et souvent, après elle, la sociologie des sciences –, c’est-à-dire avec l’idée d’une sorte de « règne des fins » qui ne connaîtrait pas d’autres lois que celle de la concurrence pure et parfaite des idées, infailliblement tranchée par la force intrinsèque de l’idée vraie. C’est aussi rappeler que le fonctionnement du champ scientifique produit et suppose une forme spécifique d’intérêt. (…) Du fait que toutes les pratiques sont orientées vers l’acquisition de l’autorité scientifique (prestige, reconnaissance, célébrité, etc.), en jeu intrinsèquement double, ce que l’on appelle communément « l’intérêt » pour une activité scientifique (une discipline, un secteur de cette discipline, une méthode, etc.) est toujours à double face ; et de même les stratégies qui tendent à assurer la satisfaction de cet intérêt. 36

De notre point de vue, les sciences se définissent principalement au travers d’une conception partagée communautairement des phénomènes de l’énonciation, c’est-à-dire de la construction et/ou de

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Pierre Bourdieu, « La spécificité du champ scientifique et les conditions sociales du progrès de la raison », Sociologie et sociétés, vol.7, n° 1, 1975, p. 92-93.

la production d’actes de parole qui ne sont pas sans lien avec la notion même d’espace public. Pour Eliseo Verón, les sciences, alors comprises comme phénomènes institutionnels, se définissent et se différencient à partir d'un ensemble de phénomènes communicationnels spécifiques :

De ce point de vue, les institutions scientifiques seraient des ensembles organisationnels complexes axés sur le processus de production d'un produit : la connaissance. Or, normalement, les produits d'une entreprise industrielle sont destinés soit à d'autres entreprises qui vont encore les transformer ou les incorporer dans d'autres produits, soit directement à la société, c'est-à-dire au marché de la consommation. Qui sont les « consommateurs » de ces produits particuliers que l'on appelle les « connaissances scientifiques » ? Un destinataire évident des produits que l'on appelle des connaissances scientifiques ce sont précisément les industriels (…). Mais une particularité des institutions scientifiques qui les différencie, peut-être, d'une entreprise industrielle, c'est que les premiers destinataires des connaissances scientifiques semblent être les scientifiques eux-mêmes : on dirait qu'il y a un mécanisme endogène particulier par lequel des usines de production de connaissances que sont les institutions scientifiques se nourrissent tout d'abord d'elles-mêmes. (…) Or, justement ici un autre parallèle devient étonnamment pertinent : une institution scientifique ressemble somme toute à (...) une institution médiatique d'information (…). Quel est l'input (...) qui met en marche le processus de production ? Des informations sous forme de discours. Quels est l'output (…) ? Des informations sous forme de discours. (...) les discours à l'entrée et à la sortie ne sont pas identiques : il y a eu (…) des transformations. Et aussi bien l'institution scientifique que l'institution médiatique informative disent nous parler d'un réel, que nous appelons « le monde ».37

Or, les phénomènes communicationnels sur lesquels reposent les institutions scientifiques se définissent au travers de dispositifs et de pratiques de communication, plus ou moins formalisés, que nous pourrions grossièrement définir en deux catégories : les dispositifs de publicisation d'une part de pair à pair et d'autre part ceux visant des publics externes. Notons premièrement dès à présent que de telles typologies de dispositifs communicationnels reposent sur une distinction réalisée parmi les catégories de publics auxquels ils s'adressent. Notons deuxièmement que ces typologies de dispositifs reposent sur des pratiques marquant des conventions et normes communicationnelles radicalement opposées. Ainsi, d'un côté, les dispositifs de publicisation38 de pair à pair reposent sur une diversité de catégories de dispositifs : colloques, congrès, conventions, publications, ouvrages, etc. ; tout en donnant lieu à des processus d'évaluation quantitative des performances des chercheurs ou des laboratoires entre eux, selon des critères sensiblement communs. Le fait qu'une part importante des financements et de la notoriété d'un laboratoire repose sur de tels processus montre sous l'angle d'une certaine évidence le profond ancrage de ces dispositifs de communication au sein des pratiques

37 Eliseo Verón, « Entre l'épistémologie et la communication », in revue Hermès, Sciences et médias, numéro 21, 1997, p. 25-26.

38 Nous emploierons la notion de dispositif de publicisation pour qualifier les dispositifs de publicisation externes, tandis que nous emploierons dispositif de publicisation de pair à pair lorsque la précision s'imposera.

socioprofessionnelles des acteurs de la recherche. Et, certes, si de tels dispositifs d'évaluation demeurent fortement critiqués par certains acteurs de la recherche, leur opérationnalité demeure difficilement contestable. Les dispositifs de communication scientifique de pair à pair constituent les lieux d'une pratique socioprofessionnelle incontournable pour les acteurs de la recherche, et ce, malgré l'hétérogénéité de leurs composantes sociales. Or, ces lieux où se réalise une pratique communicationnelle, formellement prescrite par les institutions de tutelle des acteurs de la recherche, reposent sur la mise en application des normes spécifiques au modèle dialogique, mise en application toutefois restreinte à la seule dimension d'une « communauté scientifique ». Au sein de ce qu'Eliseo Verón nomme les dispositifs d'une « communication endogène », concernant une communication entre acteurs disciplinaires ou pluridisciplinaires, les différents énonciateurs de même que les destinataires se définissent et se conçoivent réciproquement, dans la dimension empathique, sur un pied d'égalité :

Cette situation se caractérise par un certain nombre de présupposés : [a] l'énonciateur et le destinataire s'auto- définissent comme producteurs de connaissances dans un même domaine scientifique. La situation est donc structurée par une hypothèse forte de symétrie entre les deux positions. [b] Cette symétrie a une implication bien précise : elle est l'une des principales raisons qui justifie l'acte de communication et légitime sa mise en œuvre. (…) L’énonciateur peut communiquer, sans s'attendre à la moindre rupture institutionnelle, parce qu'il est lui-même reconnu par le destinataire comme producteur de connaissances dans le domaine en question. [c] Cette dernière remarque montre bien qu'une autre implication de la symétrie est une hypothèse sur la comparabilité de compétences de l'énonciateur et du destinataire. Dans les situations de ce type, le destinataire sera amené à actualiser cette comparabilité en exerçant l'autorité qu'elle comporte : il posera des questions, soulèvera éventuellement des objections, fera différentes sortes de remarques.39

D'un autre côté, les dispositifs de publicisation avec les publics externes marquent quelques différences fondamentales avec ceux relatifs à la publicisation de pair à pair. Tout d'abord, les pratiques, qu'elles concernent le modèle de la vulgarisation, celui de l'animation culturelle scientifique ou du modèle dialogique, ne font pas l'objet d'une reconnaissance ou d’une valorisation institutionnelle. Ensuite, et ce, d'une manière assez floue, elles apparaissent dans les textes de lois comme étant l'une des activités des chercheurs40. De fait, cette disposition juridique peu claire laisse un libre arbitre aux acteurs de la recherche dans la décision de s'engager ou non. Ce type de publicisation, au moins pour le modèle de vulgarisation, semble relever plutôt d'une tradition communicationnelle inscrite dans la pratique que d'un impératif édicté juridiquement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous parlons d'engagement des acteurs de la recherche dans les dispositifs de publicisation externes.

39 Eliseo Verón, « Entre l'épistémologie et la communication », in revue Hermès, Sciences et médias, numéro 21, 1997, p. 29-30.

Avec ce type de situation, nous entrons déjà dans ce qu'on appelle souvent par ailleurs la « vulgarisation scientifique ». Ses principales caractéristiques peuvent être décrites comme suit : [a] l'énonciateur s'auto-définit comme scientifique, comme producteur de connaissances. L'acte de communication a donc son point d'origine à l'intérieur des institutions scientifiques, d'où la qualification d'endogène que nous utilisons. [b] Le destinataire est défini par différence : c'est parce qu'il n'est pas un scientifique que l'énonciateur s'adresse à lui. [c] C'est cette

différence qui fonde la justification et la légitimité de l'acte de l'énonciateur, c'est parce qu'il a une certaine

compétence dans un domaine scientifique, et que le destinataire ne l'a pas, qu'il prend la parole. De nombreux ouvrages de chercheurs prestigieux écrits, comme on dit pour le grand public, sont un bon exemple de ce type de situation. L'intervention d'un scientifique dans un magazine de télévision est un autre exemple.41

Par conséquent, les conditions d'une distinction sociale entre acteurs scientifiques et « profanes », participant à la lutte pour le monopole de l’autorité scientifique elle-même conçue comme une forme de capital social, s'inscrivent dans les catégories mêmes des dispositifs de publicisation à disposition des acteurs de la recherche et se voient notamment formalisées par les processus d'évaluation des performances socioprofessionnelles des chercheurs. À cet endroit réside probablement toute l'ambivalence du rapport des acteurs de la recherche à la notion de communication elle-même42. Alors que ceux-ci pratiquent une communication symétrique entre pairs réputés compétents, ils pratiquent dans le même temps, au travers de la vulgarisation, une information asymétrique et univoque, envers des publics externes réputés a priori incompétents. Et cette ambivalence relevable prête à conséquence dans les conceptions épistémologiques mêmes que se font les acteurs scientifiques des sciences. En effet, les acteurs scientifiques, en s'engageant dans les dispositifs de publicisation de pair à pair, admettent de facto certaines règles implicites : soumettre les travaux scientifiques dans leur ensemble au regard des pairs, accepter tacitement de ceux-ci des échanges d'arguments, des retours critiques ou