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La pression générale qu’exerce l’activité humaine sur son environnement relève à notre époque de l’ampleur d’une crise. Tous les secteurs de l’activité économique y sont visés, qu’ils soient primaire, secondaire ou tertiaire. La dynamique de concentration des forces productives au sein du secteur agroalimentaire constitue ainsi un élément problématique crucial face aux problématiques généralisées de pollution, de surexploitation des ressources et de perturbation climatique. L’esquisse présentée nous rappelle la place du transport, des fertilisants, des pesticides et des OGM au sein de l’agriculture afin d’en constater leurs conséquences au niveau de la santé humaine et de la biodiversité.

En observant brièvement les phénomènes de contamination chimique qui engendrent bio- accumulation, bio-amplification et mutations au sein de la chaîne alimentaire, de même que les perturbations atmosphériques et climatiques engendrées par le secteur agroalimentaire, nous constatons que :

• La surfertilisation (azote et phosphore) et la densité animale (azote) sont des sources importantes de pollution des sols et de contamination des eaux : 50% des engrais de synthèse seulement sont absorbés par les plantes, ceux-ci

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Parmi les autres agents de stress, nous retrouvons les obligations environnementales, l’instabilité des marchés, les maladies d’animaux, la charge de travail très forte, la concurrence et l’endettement, etc. (Idem)

recelant de métaux lourds qui sont dommageables pour la santé humaine (RQGE, 2007 ; Gagnon, 2008) ;

• Les rivières du Québec échantillonnées par le ministère de l’Environnement depuis les années 1990 sont toutes contaminées aux pesticides (dont l’atrazine, réputé pour causer des cancers et autres problèmes endocriniens). En ce qui a trait aux nappes phréatiques, celles-ci sont lourdement contaminées dans les régions à production agricole intensive. De plus, un phénomène paradoxal d’adaptation biologique des parasites aux pesticides et une élimination des prédateurs bénéfiques aux cultures est en cours depuis plus de 60 ans : on utilise aujourd’hui 12 fois plus de pesticides qu’en 1945, en grande partie à cause de l’augmentation de la résistance aux pesticides (Gagnon, 2008) ;

• Les OGM sont commercialisés depuis une quinzaine d'années. Avec le pollen du maïs Bt qui produit son propre herbicide, ces OGM engendrent une pollution génétique non seulement aux cultivarsatteints par leur migration, mais également aux plantes indigènes les entourant, contribuant ainsi à perturber l’équilibre écologique des espèces fauniques qui y habitent : sans compter la contamination alimentaire potentielle d’un aliment « fabriquant » ses pesticides. En ce qui a trait aux plants résistants aux herbicides, ceux-ci représentent plus de 60% de la production mondiale des OGM. Leur existence encourage l’utilisation continuelle de ces produits chimiques qui depuis 60 ans engendrent pollution et désordres systémiques au sein de la biote (Gagnon, 2008 ; CRIIGEN, site Internet) ;

• Enfin, en ce qui concerne les gaz à effet de serre, le secteur de l’agriculture contribue au Québec à 9,4% de la production de l’émission de ces derniers, ceux-ci étant principalement liés aux déjections animales et à l'entreposage des fumiers (méthane) et à la décomposition des engrais (oxyde nitreux) (CAAAQ, 2008). Dans ce calcul, les éléments suivants ne sont pas comptabilisés : l’utilisation des carburants pour les tracteurs et autres machines, la production des engrais chimiques et des pesticides ainsi que le transport des aliments (qui voyagent entre 2 500 km et 4 000 km « de la

fourche à la fourchette ») (Gagnon, 2008 ; Waridel citant le Worldwatch Institute, 2003).

De nombreux autres thèmes associés aux questions du paysage, de la fragmentation du territoire, des atteintes à la biodiversité et à la santé humaine pourraient être énumérées ici. Ce bref portrait, mis en relation avec les questions socioéconomiques propre à la conjoncture actuelle et passée de ce secteur, nous permet d’avoir une bonne idée de l’ampleur des défis propres au monde de l’agroalimentaire et de l’alimentation. Nous présentons ici un tableau qui résume l’ensemble des problématiques associées afin d’avoir une perspective plus synthétique du portrait.

Tableau 2.2 Résumé des problématiques agroalimentaires

Détérioration environnementale

Pollution des eaux, de l’air, des sols;

Érosion des sols;

Perte de biodiversité et problématiques de santé humaine; Pollution génétique;

Perturbations climatiques associées. Concentration des fermes

et disparition de celles-ci

Endettement élevé et détresse psychologique des agriculteurs;

Manque de relève étant de près associé à la disparition des fermes;

Dévitalisation des campagnes. Centralisation des

compagnies agroalimentaires

Concentration des profits chez quelques détaillants (Loblaws, Métro, Sobeys);

Ce bref portrait du monde agricole et de son évolution permet à notre étude de s’ancrer dans une perspective historique et globalisée des enjeux qui entourent les problématiques agroalimentaires. Les défis à relever de la part des groupes sociaux qui désirent du changement en la matière s’avèrent ainsi considérables. Il est donc important de garder à l’esprit la contribution relativement modeste des alternatives mises en place pour chercher une autre voie de développement. La conjoncture historique actuelle nous force à jeter un regard lucide sur l’ampleur des défis tout en relevant les forces réelles d’une mouvance qui tente de tracer une voie hors des sentiers paradigmatiques habituels en termes économiques. La section suivante propose ainsi une réflexion théorique sur d’autres indicateurs de richesse qui se retrouvent au sein des dimensions sociales et écosystémiques du développement. Nous pourrons ainsi ancrer l’analyse des circuits courts au sein d’une perspective socioéconomique et socioculturelle reflétant notre étude de cas.

CADRE THÉORIQUE

Afin de mieux cerner les questionnements portant sur les producteurs impliqués dans le Marché de solidarité, il est pertinent de présenter une analyse sociologique de certaines manifestations des comportements économiques rencontrés. Nous allons ici mettre de l’avant ces éléments afin de les lier à la question environnementale qui se manifeste autant au travers des liens sociaux que dans l’institutionnalisation progressive des mouvements sociaux environnementaux. C’est en explorant l’univers de la sociologie économique, de la sociologie environnementale et du développement local que nous entreprenons l’analyse théorique de notre objet de recherche en rapport avec les systèmes locaux alimentaires. Ces éléments nous permettront d’éclaircir les notions nécessaires à l’approfondissement de notre analyse.