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Des problèmes pris en compte en deçà et en delà de l’employabilité

Dans ce chapitre, nous allons voir que le coordinateur en emploi prend en compte divers problèmes de l’assuré définis lors de l’entretien avec lui, d’une part, en le questionnant sur des critères non prescrits pour compléter son diagnostic d’employabilité et, d’autre part, en allant au-delà de la recherche d’emploi en offrant du « social ».

DES TROUBLES DEMPLOYABILITE PRESSENTIS EN CHEMIN

Bien que la vérification des démarches d’emploi se trouve au cœur des entretiens entre le coordinateur en emploi et l’assuré, parfois d’autres critères, non prescrits, font l’objet d’un questionnement au cours de ceux-ci. De tels critères visent à compléter le diagnostic d’employabilité de l’assuré, effectué surtout à partir de son bilan, et son traitement en vue de son retour à l’emploi. Comme précité, la circulaire sur les mesures de réadaptation de l’AI parle uniquement de la saisie du profil de l’assuré par le biais des critères que sont ses aptitudes, goûts, handicap et motivation. Rien d’autre n’est prescrit, mais non plus défendu.

Comme si les critères officiels au niveau de l’institution ne suffisaient pas, que ceux-ci aient été récoltés lors de la vérification de l’éligibilité à l’aide au placement de l’assuré ou encore pendant le premier entretien (lors du bilan) entre l’assuré et le coordinateur en emploi, d’autres interviennent comme dans la situation présentée ci-après.

Cette situation nous paraît d’intérêt pour montrer les risques d’intrusion dans la vie des bénéficiaires lors de la définition des troubles d’employabilité de l’assuré. C’est ce que nous allons montrer à partir de la consommation d’alcool d’un assuré considérée comme problématique par un coordinateur en emploi lors du déroulement d’un entretien.

AVOUER UN PROBLEME DALCOOL PASSE

Dans l’entretien relaté partiellement ci-après, après l’abord d’un stage d’orientation comme aide-soignant dans un home proposé par le coordinateur en emploi à l’assuré, la consommation d’alcool passée de ce dernier va orienter plusieurs tours successifs de paroles. Ceci sous forme d’énoncés explicites dans certains passages ou en filigrane à d’autres moments, ainsi qu’en aparté avant et après l’entretien en question lors d’une discussion avec nous.

Observation du 19 avril 2012

Assuré : J’avais travaillé à Grimisuat en tant qu’employé de commune. Donc y me connaissent bien.

Coordinateur en emploi : Vous avez travaillé, vous pensez qu’ils ont de vous un bon souvenir… ?

Assuré : Pas au home, hein. A la commune.

Coordinateur en emploi : M. (anonymisé) ?

Assuré : M. (anonymisé) je le connais, parce que justement on avait dû faire des travaux au home.

Coordinateur en emploi : Est-ce qu’il connaît votre passé… mmmh… par rapport… à l’alcool ?

Assuré : Non, ça non. On en a pas discuté. La commune, elle, elle connaît.

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Coordinateur en emploi : Mais parce que quand vous alliez travailler là, vous consommiez de l’alcool ou bien ?

Assuré : Non, non, c’était terminé.

Coordinateur en emploi : Ah, parce que si c’était le cas, ça serait bien d’expliquer, quand on va rencontrer les messieurs, qu’à un moment donné vous aviez des problèmes. Ça… vous êtes au clair si vous en parlez ?.... Parce que moi je pourrai pas l’exprimer comme ça là-haut. Je suis tenue à la confidentialité avec vous. Donc si vous pensez que c’est bien qu’on en parle…

Assuré : Moi, si vous voulez qu’on en parle… (bref arrêt) on en parle, y a pas de problème. Moi ce qui m’intéresse c’est de pouvoir travailler. De toute façon, peut-être qu’ils auront déjà entendu par la commune.

Coordinateur en emploi : Vous savez dès fois c’est mieux d’expliquer qu’avant y avait un souci. Parce que j’imagine, qu’indéniablement, si vous allez travailler à Grimisuat vous allez tomber sur quelqu’un qui vous connaît… Y va dire ouh…

Assuré : Ok. Y a pas de souci.

Coordinateur en emploi : Donc, ce que je vous propose c’est de vous rappeler cet après-midi quand j’aurai appelé.

Assuré : Mmmh…

Nous avançons trois interprétations à propos du présent entretien en regard des interventions du coordinateur en emploi.

Un assuré responsable des conséquences

Le coordinateur en emploi définit la consommation d’alcool passée du bénéficiaire comme étant un problème et, plus précisément, un trouble d’employabilité. Autrement dit, le trouble de l’employabilité est inféré à partir de ce qui est considéré par le professionnel comme un problème de l’assuré, à savoir sa consommation d’alcool passée.

Le professionnel émet donc une évaluation de l’employabilité de l’assuré qui ne porte pas, en l’espèce, sur les productions matérielles en matière de recherche d’emploi (mise à part la rédaction de son curriculum vitae à la fin du présent entretien) ou encore sur des critères plus

« objectifs » comme, par exemple, son âge. Cette évaluation porte sur la façon dont l’assuré s’est comporté dans sa vie et les conséquences prévisibles qu’il doit assumer de ses propres actes passés ou présents214.

En effet, le comportement passé de l’assuré en rapport avec l’alcool est considéré comme ayant des conséquences sur ses chances de retrouver un travail et même un stage d’orientation professionnelle chez un employeur. Par ailleurs, l’assuré est tenu responsable de son problème de consommation d’alcool passée. La consommation d’alcool n’est pas considérée, ou du moins verbalisée, comme pouvant relever de la responsabilité sociale, par exemple de celle de l’industrie de l’alcool (Vogel 2006)215. A l’égard de la responsabilité sociétale en matière d’alcool, certains débats qui ont eu lieu sur la révision de la loi sur l’alcool en Suisse dénoncent un laxisme réglementaire qui est responsable de favoriser la consommation d’alcool : prix modique de l’alcool, accès partout et à presque tout moment, publicité attractive dépassant les frontières de la radio/télévision et les pays, etc. (Schmidt 2012 : 58).

214 Le travail de responsabilisation individuelle, évitant la « moralisation », se fait, dans les politiques d’activation, moins sous l’horizon de références normatives substantielles, des devoirs supposés orienter les conduites, qu’il énonce des hypothèses sur les liens entre styles de vie et conséquences prévisibles que l’individu doit assumer, étant l’auteur de sa vie (Genard 2007 : 24, Ducournau 2009).

215 Une reconstruction juridico-historique des politiques suisses en matière d’alcool permet de saisir le passage d’une politique répressive et autoritaire, profitant des revenus fiscaux tout en stigmatisant les personnes dépendantes, à une politique orientée sur une prise en charge médicale, à des programmes de prévention (Vogel 2006). Avec ce passage, l’accent est mis davantage sur la mise en valeur du potentiel de santé, sa protection contre les conséquences néfastes de ses propres actes (plutôt que sur les facteurs de risque) et la coordination des acteurs (Vogel 2006 : 20, Ducournau 2009).

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Suite au rapport effectué par le coordinateur en emploi entre le comportement passé de l’assuré en matière d’alcool et ses conséquences possibles, il opère une traduction de ce qui est attendu pour lui, normalement, dans une entreprise. Comme il l’avance : « vous savez dès fois c’est mieux d’expliquer qu’avant y avait un souci (…) ».

Selon cette interprétation et solution proposée, l’entreprise attend que l’employé soit transparent sur les problèmes susceptibles d’entraver la bonne exécution d’un travail et in fine probablement d’augmenter les risques de l’employeur par rapport à ses obligations légales ou conventionnelles. Par ailleurs, dans le cours de cet entretien, le coordinateur en emploi tente, par un travail de guidage, de reporter la responsabilité sur l’assuré de renseigner l’employeur au sujet de sa consommation d’alcool passée. Ceci puisque le professionnel avoue ne pas être autorisé à le faire pour des raisons de confidentialité. C’est ce que nous allons aborder maintenant en deuxième point.

La question de la confidentialité

La question de la confidentialité qui est citée par le coordinateur en emploi touche au dévoilement des données personnelles de l’assuré. Il avance que cela ne fait pas partie de sa tâche prescrite.

A défaut de ne pouvoir renseigner directement l’employeur, le professionnel tente ici d’agir en faisant pression sur l’assuré. La proposition d’action, fortement incitée, émise envers l’assuré est qu’il parle lui-même à l’employeur, qu’il lui transmette des informations personnelles, mêmes intimes, concernant son problème d’alcool passé. En bref, l’assuré est incité à dévoiler ce qui n’est, à priori, pas légalement communicable pour le coordinateur en emploi.

Pourtant, le coordinateur en emploi n’explicite pas davantage à l’assuré ce qu’il entend par confidentialité et les bases légales concernant cette clause. Par ailleurs, nous n’avons pas repris cette thématique de la confidentialité, versus le devoir d’information, en entretien d’explicitation avec le coordinateur en emploi en question. Suite à cela, en faisant un détour, non exhaustif, par les cadres légaux entrant en jeu, nous remarquons que la question du dévoilement des données nominatives est assez floue, voire ambivalente.

Que nous disent brièvement ces cadres légaux ?

A la lecture de la loi fédérale générale sur la protection des données révisée en 2008 (LPD du 19 juin 1992, état au 1er janvier 2011), celle-ci consent que tout traitement des données personnelles, c’est-à-dire toutes les informations qui se rapportent à une personne identifiée ou identifiable (al. a, art.

3) constitue une atteinte à la personnalité (Gasser 2008). Leur divulgation est possible que sous certaines conditions (Ibid). Cette loi ainsi que celles des 26 actes législatifs cantonaux définissent les principes à respecter en toutes circonstances, comme la proportionnalité, la transparence, la justification ou la sécurité des données (Pärli 2013 : 310).

Ensuite, selon le code des obligations (at. 328b, CO) à propos des relations de travail, l’employeur peut demander à un (futur) employé des données personnelles qui se rapportent, d’une part, aux aptitudes de celui-ci à remplir son emploi ou, d’autre part, qui sont nécessaires à l’exécution de son emploi (Gasser 2008). L’obligation d’informer pour l’exécution d’un emploi comprend les indications dont l’employeur a besoin pour satisfaire à ses obligations légales ou conventionnelles : rapports avec la police des étrangers, avec l’inspection du travail, avec les institutions d’assurances sociales ou privées, etc. (Ibid). Les informations à donner dépendent toutefois de la nature de l’emploi (Ibid). S’il s’agit d’une occupation manuelle ou technique qui ne requiert qu’un faible investissement personnel, les informations que l’employeur peut recevoir

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pour l’accomplissement de telles tâches restent limitées ; elles concernent en premier chef la formation et l’expérience professionnelle du travailleur (Ibid)216.

A l’interprétation de ces deux contenus légaux cités, prévaut le principe de la protection des données, sauf sur consentement de l’assuré. A cet égard, nous pouvons penser qu’une dépendance passée à l’alcool, ne touchant ainsi pas à l’exécution d’un emploi actuel, n’est certainement pas une donnée nécessaire à l’employeur pour l’exécution du stage en question.

Par ailleurs, en revenant sur la convention de partenariat entre l’assuré et l’OCAI, il est marqué que l’assuré consent, par sa signature, à ce que le service de placement communique aux employeurs potentiels les conditions liées à son état de santé lui permettant d’exercer une activité adaptée, c’est-à-dire ses limitations fonctionnelles. Pourtant, selon un coordinateur en emploi :

« Souvent avec la divulgation des limitations fonctionnelles, on devine ce qu’a la personne, par exemple si on dit qu’elle ne peut pas porter de poids, qu’elle ne peut pas rester assise trop longtemps, etc. » (observation du 28 mars 2012).

Toutefois, pour pouvoir porter une appréciation sur les limitations dues à l’état de santé de l’assuré, les OCAI avec leurs experts sont tributaires des renseignements fournis entre autres par les médecins (traitants ou de l’assurance) tenus, quant à eux, au secret médical. Celui-ci s’étend à toutes les informations médicales et non-médicales dont le médecin a connaissance dans l’exercice de son métier, à moins de pouvoir y être autorisé par le patient ou une autorité de surveillance de la profession en question (ARTIAS 2013).

De sus, le secret de fonction s’applique à tous ceux qui exercent une tâche de caractère public à la lecture du code des obligations (art. 320 CO) (ARTIAS 2013). Il s’agit de protéger ce qui a été confié à une personne en vertu de sa fonction (Ibid)217. Le secret de fonction s’applique ainsi à l’OCAI concerné qui précise que :

« Les dossiers de nos assurés contiennent des renseignements confidentiels, les rapports médicaux en particulier appartiennent à la sphère intime et privée des personnes. C’est pourquoi vous êtes tenu(e) de garder le secret sur toutes les constatations et observations faites dans le cadre de votre activité. Il ne s’agit pas seulement d’un devoir moral et de discrétion, mais d’une obligation légale dont l’inobservation peut entraîner de sévères sanctions. Selon les articles 66 et 70 AI, les dispositions de l’AVS concernant le secret professionnel sont applicables par analogie au personnel des Offices AI » (Office Cantonal AI du Valais 2012)218.

Pour la collaboration interinstitutionnelle, l’obligation de garder le secret peut être libérée pour l’AI et l’AC en fonction des dispositions légales (Pärli 2013 : 310).

Pour terminer, un article du code de déontologie de l’Association suisse des professionnels de l’action sociale (ASPAS)219 parle du devoir de discrétion se référant à l’art. 35 de la loi sur la protection des données (AvenirSocial 2010)220. Il y est noté que les professionnels doivent traiter

216 Notons que le contenu légal à propos des relations de travail traitent de la divulgation des données de l’assuré entre celui-ci et un employeur et non pas de l’intervention d’un tiers, comme l’OCAI, dans cette divulgation (discussion avec un juriste 2014).

217 Il n’y a pas violation de secret de fonction lorsque les collaborateurs d’un même service mélangent des informations utiles et nécessaires pour résoudre un cas (ARTIAS 2013). Il faut que ce soit dans l’intérêt de la personne concernée (ARTIAS 2013). De même que peuvent être transmises des informations à des services tiers (Ibid).

218 Cette disposition ne s’applique pas aux « travailleurs sociaux » qui ne sont pas employés - en majorité - dans les services d’Etat, donc tenus au secret de fonction (Gilliard 2004 : 6). Le secret professionnel dans les services sociaux privés n’est ainsi pas protégé (Ibid).

219 Un code non juridiquement reconnu mais ayant un poids juridique.

220 L’art. 35 de la loi sur la protection des données réprime la violation du devoir de discrétion (ARTIAS 2013). Selon cette disposition, il est interdit de révéler intentionnellement des données personnelles secrètes ou sensibles dont on a connaissance dans le cadre de sa profession (Ibid). L’obligation de garder le secret demeure même lorsque les rapports de travail ont pris fin (Ibid).

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des données personnelles avec toutes les précautions nécessaires en accordant une priorité à la protection des données et au devoir de discrétion (principes 12) (Ibid).

Transparence

Suite au devoir de confidentialité que le coordinateur en emploi prétend ne pas pouvoir dévoiler, celui-ci s’engage dans un travail de justification des bienfaits de la solution à ce que l’assuré explique de façon transparente sa situation personnelle à l’employeur. Le souci de transparence est mis en lien avec la connaissance tôt ou tard par l’employeur du problème d’alcool passé de l’assuré. Nous amenons deux éléments de précision à cet égard : l’un concerne la notion de transparence, l’autre, l’adhésion de l’assuré à cette idée.

Tout d’abord, le dévoilement des données personnelles de l’assuré par lui-même est soutenu à travers le principe de transparence défendu par la hiérarchie de l’OCAI enquêté. Comme le témoigne un responsable de l’office :

« (…) faut négocier avant avec l’assuré pour savoir ce qu’il est d’accord de dire, etc. Que l’employeur soit au clair ».

Autrement dit, une telle règle institutionnelle est prônée au nom du principe de transparence envers les employeurs221. Alors que les professionnels ne peuvent divulguer que les limitations fonctionnelles de l’assuré, ce dernier peut, quant à lui, transmettre ce qu’il désire à l’employeur (entretien responsable de février 2012). Comme expliqué encore :

« (…) On est tenu aux limitations et l’assuré peut dire lui-même s’il veut… Si l’assuré ne veut pas dire qu’il est à l’AI, alors pas de problème » (entretien responsable de février 2012).

A travers l’utilisation de cette règle, nous remarquons toutes les ambigüités et télescopages possibles entre les diverses bases légales existantes, telles celles précitées, sur les données personnelles à dévoiler ou non.

Ensuite, le coordinateur en emploi tente d’obtenir l’adhésion de l’assuré à l’idée précitée.

D’après Warin (2007 : 68), pour obtenir l’accord d’un bénéficiaire, les intervenants sociaux doivent gagner sa confiance pour mettre en œuvre les dispositifs sélectifs. Dans la présente situation, le coordinateur en emploi mobilise l’argument du réseau de proximité pour tenter d’obtenir l’adhésion de l’assuré. Selon lui, le réseau de proximité au sein d’un village engendre que tout le monde se connaisse. Comme avancé, les acteurs d’un tel réseau vont probablement émettre des jugements négatifs, voire stigmatisants, envers l’assuré que certains connaissent, du moins par ouï-dire, puisqu’il a travaillé auparavant dans la même commune. L’ouï-dire possède toute son importance dans le fonctionnement des réseaux interpersonnels.

Un assuré consentant

Quant à l’assuré, il endosse in fine sa responsabilité de divulguer son trouble d’employabilité inféré à partir de son problème d’alcool passé énoncé par le coordinateur en emploi.

Ceci bien qu’il tente de faire prendre une autre direction à l’action du coordinateur en emploi avec la réponse suivante à la suggestion du coordinateur en emploi : « si vous voulez qu’on en parle… ».

221 Cette règle sur le devoir de transparence (ou d’information) prônée à l’interne de l’OCAI est à priori non écrite. Peut-être renvoie-t-elle au principe de diligence et de fidélité des intérêts de l’employeur inscrit dans le code des obligations (art.

321a) auquel est soumis le travailleur.

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A ce sujet, tout d’abord, l’usage du « on » laisse à ce stade une certaine indétermination. En outre, les propos de l’assuré abordent en quelque sorte la question de sa liberté de choix dans le dévoilement de ses données personnelles. Il tente d’énoncer sa position asymétrique dans son rapport institutionnel avec le coordinateur en emploi comme représentant du pouvoir étatique (Vrancken 2007 : 84). En d’autres mots, l’assuré tente de pousser l’agent à prendre acte de sa position de pouvoir dans cette asymétrie des places et des rôles, qu’il perçoit dans l’interaction présente et en conséquence l’impossibilité pour lui de donner son adhésion réelle à la norme de bien vouloir fournir des informations à l’employeur sur sa consommation d’alcool. D’ailleurs, cette asymétrie dans l’interaction institutionnelle se retrouve tout au long du déroulement de l’entretien lorsqu’on observe son guidage par le coordinateur en emploi qui est celui qui pose toutes les questions (Pamukci 2009 : 69). L’assuré ne fait que suivre l’ordre des questions soulevées. Il reste en retrait en ne dessinant pas un autre ordre des possibles en prenant une autre direction langagière.

Pourtant, l’intervention de l’assuré sur le remodelage de son degré de liberté réelle n’est pas reprise dans les propos du coordinateur en emploi, que ce soit par une réponse ou un commentaire de sa part. Comme l’avance Vrancken (2007 : 86) à propos de ce type de politiques : les intervenants insistent sur la nécessité de la procédure, comme si les profondeurs de la psychologie de l’usager importaient peu. Peu importe l’adhésion réelle de l’usager aux dispositifs.

Ce qui importe dans le cadre de la discussion et négociation permis par l’entretien individualisé est le maintien du dialogue, que les choses soient dites et entendues de part et d’autre (Genard 2007 : 59). Le consensus qui s’opère entre l’intervenant et l’usager procède ainsi davantage du consentement de circonstance, c’est-à-dire de l’ordre de la concession apparente que de l’adhésion réelle. Comme dit, les politiques d’intervention sur autrui apparaissent plus comme des politiques par consentements apparents que des politiques réellement contractuelles, les parties n’étant pas juridiquement égales (Vrancken 2007 : 86). Brevieglieri (2008 : 94) aborde aussi ce principe de consentement qui permet, d’après lui, de penser conjointement l’idée de liberté individuelle et celle d’obligation. Comme il l’avance :

« La seule obligation qui soit légitime est celle que l’individu a, préalablement, librement consentie » (Ibid).

On s’éloigne de la sorte d’une co-construction de la part de l’assuré au contenu et aux modalités de mise en œuvre de sa politique d’activation pour se situer dans une autonomie

On s’éloigne de la sorte d’une co-construction de la part de l’assuré au contenu et aux modalités de mise en œuvre de sa politique d’activation pour se situer dans une autonomie