• Aucun résultat trouvé

Problèmes posés aux acteurs du projet

Dans le document Ont collaboré à cet ouvrage (Page 121-135)

Hector SCHMASSMANN

Le 27 octobre 2000, je me suis entretenu de leur mission avec des volontaires de PBI. Nous avons choisi de partir de questions provocantes, à partir de quelques points critiques ou délicats, tirés de notre lecture des archives : la bureaucratie, l’autoréflexion pratiquée par l’organisation, l’interculturalité, le bénévolat et la transmission du travail. Voici des extraits de ces discussions, menées à l’origine en français.

Bureaucratie

Que pensez-vous de l’affirmation que PBI est bureaucratique ?

A : Il existe certes un côté bureaucratique, dans la mesure où il y a beaucoup d’écrits, on rédige de nombreux rapports et on applique beaucoup de méthodes. Il y a un aspect bureaucratique, que j’ai remarqué surtout au début. Pour le fonctionnement du consensus – c’est-à-dire qu’une décision n’est prise que quand tout le monde est d’accord – il est indispensable que l’information circule entre l’équipe et le lieu de coordination. Il y a certainement des choses qui paraissent un peu lourdes, mais elles sont justifiées par la méthode utilisée et les résultats obtenus.

Elles garantissent la communication entre le comité, qui s’occupe d’un projet du début à la fin, et les volontaires, qui restent environ un an. C’est

pourquoi il faut investir beaucoup de travail dans la transmission interne, sans parler des relations avec les Haïtiens. Bref, il y a de la bureaucratie dans le sens où il y a beaucoup de papier et de procédés ; on essaie de transmettre ce que l’on a appris.

B : J’ai l’impression que c’est un peu le destin de toutes les organisations qui s’engagent pour défendre les droits de l’homme. Mais, déjà deux ans après le début du projet, il y avait beaucoup de choses à transmettre.

Pourtant, il était absolument nécessaire de transmettre cette expérience. En effet, si l’on se trouve au début d’un projet et que l’on fait un certain nombre d’erreurs, on peut se dire, pour se rassurer, que c’est, par exemple, le premier atelier que l’on organise ; mais si des volontaires commettent des erreurs lors du dixième atelier et qu’ils remarquent que les mêmes problèmes sont déjà apparus plusieurs fois, c’est très frustrant : on se demande alors si le projet a un sens, ou s’il répète toujours les mêmes erreurs.

A : Il existe un important héritage, notamment en ce qui concerne la manière de procéder de PBI dans d’autres projets – des fonctionnements, qui ont fait leurs preuves pour d’autres projets – et PBI-Haïti a hérité de cela, si bien que le projet-pilote en Haïti a débuté avec des structures développées et testées dans d’autres endroits. Cela a aussi entraîné davantage de travail, vu qu’il a fallu adapter notre manière de travailler et que l’on a réalisé à Haïti un projet différent des autres pays.

B : J’ai entendu beaucoup de choses à ce sujet, aussi bien en rapport avec l’analyse politique qu’avec les nombreux efforts qui en découlaient.

D’une part, l’analyse politique, d’autre part, le soin apporté aux contacts politiques (networking). Plusieurs volontaires ont dit que la raison de leur présence dans le pays était l’éducation à la paix, et ils ne comprenaient pas pourquoi ils devaient rencontrer des responsables de partis politiques, etc.

Pourquoi devrions-nous faire une analyse politique ? Cette question a été soulevée à plusieurs reprises. A mon avis, il s’agissait là d’un manque de compétences spécifiques. Car, pour travailler dans l’éducation à la paix, et pour une évolution positive des conflits, il est nécessaire de connaître la base, le contexte dans lequel on agit. Sinon, on fait des choses qui n’ont aucune relation avec la réalité. Le comité, le coordinateur et plusieurs volontaires ont dû insister sur ce point. Il y avait donc beaucoup de temps passé en discussion, en rédaction, en communication. Je crois que ce genre de bureaucratie est utile si l’on considère que les volontaires changent toutes les années et qu’en arrivant, les nouveaux venus n’ont pas

tout le savoir-faire nécessaire pour leur travail ; je pense aussi qu’il manque une personne de référence sur place. Tous ces facteurs ont contribué à l’augmentation de la charge administrative.

« L’expérience riche dans une équipe multiculturelle met le concept de travail en question. J’ai toujours été fasciné par la diversité des activités que la vie d’un volontaire PBI offre. Il n’y a presque pas de spécialisations : tous font tout et s’entraident pour avancer dans le boulot. Je crois qu’il n’y a pas de domaines dans lesquels je n’ai pas travaillé ; des relations publiques aux articles du bulletin, des ateliers aux observations, de la rédaction des rapports aux réunions ou aux tâches d’organisations, des évaluations à la comptabilité, et j’en passe... La question que je me pose maintenant est comment je vais revenir au système de travail

“normal”, avec un(e) chef qui me donne du boulot selon un cahier de charge bien délimité ? »

« Haïti. Après un an, j’ai l’impression de n’avoir qu’un tout petit premier aperçu sur ce pays, ses gens, sa culture, sa langue, sa politique... A ce jour, je n’ai pas pu me forger une seule certitude. C’est très troublant, surtout pour quelqu’un qui se voit plutôt comme rationaliste. Ayiti, tè glisan1 ! Pourquoi est-ce que Haïti est si difficile à comprendre ? Ou est-ce peut-être l’expérience interculturelle poussée à l’extrême qui m’a rendu beaucoup plus sensible et prudent dans n’importe quelle affirmation que j’oserais avancer ? Je sais, que je ne sais rien... »

« Que faire des changements de mon propre comportement, que j’ai subi ou développé à travers cette expérience marquante en Haïti ? Moi, qui me suis toujours décrit comme idéaliste et optimiste, qui soulignait le positif, les amélio-rations sans minimiser les difficultés, j’ai l’impression d’avoir atterri, d’être devenu réaliste. Il y a des moments où ces “atterrissages” sont atroces, que la perte d’illusions est difficile à digérer. »

Jürgen Störk, auto-évaluation lors du départ de l’équipe, décembre 1996 Mais toutes ces données structurelles étaient fondées, entre autres, sur le fonctionnement d’un système conçu pour l’accompagnement protecteur : dans ce cas, un changement de personnel annuel est justifié, sinon les liens émotionnels avec les gens deviennent trop forts. Pour la formation au contraire, un temps d’engagement plus long serait sans doute souhaitable.

Dans ce sens, nous avons hérité d’une structure qui ne correspondait pas à ce que nous faisions. Ceci est un risque inhérent à PBI, qui n’agit que sur demande : nous nous adaptons sans cesse. Nous essayons dans la mesure du possible, de répondre aux demandes des organisations qui nous sollicitent. Par la suite, on peut toujours dire que ce n’était pas la bonne

1. « Haïti, terre glissante ! »

solution, qu’il aurait fallu prévoir un séjour de deux ans pour les volontaires. Mais on ne peut pas connaître à l’avance les désirs et les besoins de nos partenaires, qui évoluent, avec le contexte tout entier, au cours de notre collaboration.

Vous diriez donc que PBI est bureaucratique ?

A : En partie oui. Mais cet aspect est contrebalancé par les rapports très personnalisés avec nos partenaires. C’est un domaine qui dépasse clairement le contexte bureaucratique. Il existe des manières de procéder institutionnalisées, mais aussi des moments de grande flexibilité qui se manifestent dans l’accumulation d’expériences et le contact avec les autres, si bien qu’il y a une grande ouverture d’esprit face à la nouveauté.

B : Enfin, il y a encore une compétence, dont nous n’avions pas pris conscience : celle de développer des programmes de formation et de les analyser. Nous avons parlé des compétences nécessaires pour mettre sur pied un cours, mais pas de celles pour développer des programmes et les évaluer. Pour cela, il faut des compétences spécifiques, présentes sur plusieurs années. En une année, il y a trop peu de temps pour pouvoir appliquer ce genre de compétences.

L’autoréflexion de l’organisation

Que pensez-vous de l’affirmation que, PBI est plus tournée vers l’intérieur que vers l’extérieur ?

B : C’est vrai que l’on peut avoir cette impression en consultant les archives, parce qu’elles ont servi, avant tout, comme nous venons de le dire, à transmettre, à créer le consensus, etc. Après coup, je trouve que chez la majorité des volontaires, la rencontre avec la culture haïtienne a été très présente, même s’ils ne l’ont pas formalisée. Il y a en effet très peu de textes de PBI sur « la culture haïtienne ». Peut-être faut-il tenir compte ici d’une sorte d’aspect moral, c’est-à-dire qu’en tant que volontaires de PBI, on ne se sentait pas autorisé à schématiser la culture haïtienne. On ne se sentait pas non plus compétents : cela aurait été présomptueux de notre part de dire que cette culture est de telle ou telle nature. Les discussions

sur la culture haïtienne ont eu lieu de manière informelle, et nous avons découvert cette culture surtout grâce aux rencontres avec nos partenaires.

Cela se sent moins à la lecture des documents.

A : A la lecture des documents écrits par l’équipe, on a, certes, l’impression d’une pression pour produire beaucoup de choses à but spécifiquement interne à l’organisation, afin de faire respecter le principe du consensus lors des processus de décision. Mais le but ultime de ce fonctionnement est de développer quelques chose en collaboration avec les Haïtiens et leur pays. Il existe plusieurs éléments qui indiquent que nous n’avons pas fait fausse route, que PBI n’est pas un circuit fermé, ni une organisation qui théorise ses expériences simplement pour son propre usage.

Existe-t-il des moyens d’améliorer les relations entre PBI et la culture haïtienne ?

B : Oui, il faut prolonger la durée de séjour des volontaires.

C : C’est vrai qu’au début, on se sent débordé dans son travail parce qu’il faut assimiler les principes (non-ingérence, attitude non partisane, consensus, non-violence...). On a sans arrêt des questions à poser au sujet de ces principes, parce qu’ils sont toujours présents. Ils sont importants, mais aussi pénibles. On se sent obligé de les respecter et on en oublie un peu l’aspect extérieur. Il faut du temps pour se sentir à l’aise, prendre de la distance, voir ses propres expériences plus ou moins confirmées par les principes, mais aussi pour arriver à savoir reconnaître ses propres limites pour pouvoir dire : jusqu’à ce point, je suis d’accord, mais ensuite, je ne le suis plus. Je trouve qu’une année, c’est trop peu pour s’intéresser suffisamment à ce qui se passe à l’extérieur.

B : Il me vient à l’esprit un point positif qui atténue un peu cette hypothèse. Il concerne l’immersion : au début de sa mission, chaque volontaire passe une période définie seul au milieu d’un groupe d’Haïtiens. A mon avis, cette période est capitale. J’y ai beaucoup appris, notamment des choses qui m’ont aidé à mieux travailler par la suite. La deuxième remarque que je voulais faire au sujet de l’affirmation que nous sommes trop tournés vers l’intérieur, concerne le fait que nous vivions en communauté. Car il y a aussi des problèmes de relations qu’il s’agit de résoudre. L’aspect positif est que nous avons de l’expérience en matière

de conflits et avons appris à en maîtriser certains aspects. Cela influence notre manière de voir les conflits des autres.

« La vie de l’équipe de tous les jours est relativement bien organisée, on s’habitue aux gens, à leurs manies et dans certains cas on peut même appréhender leurs réactions. L’habitude permet de supporter des attitudes que, dans un autre contexte, nous chercherions à éviter. Les liens qui se tissent, malgré tout, nous poussent à accepter la mauvaise humeur et les coups de gueule qu’un être humain a le droit et le devoir d’exprimer, lorsque les contenir devient insurmontable. La faiblesse humaine a aussi le droit de cité dans notre micro-société. Ce laboratoire des relations humaines apprend chaque jour à tous que repousser ses limites n’est pas impossible, que la tolérance est une vertu sans laquelle “L’enfer c’est les autres”. »

Nathalie Machabert, journal de l’équipe PBI Haïti, 24 mars 1999 C : Mais selon l’ambiance qui règne dans l’équipe, on n’a plus la force de se tourner vers l’extérieur.

B : Nous vivons en communauté, travaillons ensemble et prenons des décisions selon le principe du consensus. Nous nous trouvons aussi dans un contexte qui nous paraît incroyable, extrêmement étrange ; de ce fait, l’une des fonctions de l’équipe est aussi un peu d’équilibrer nos émotions.

L’équipe est comme une sorte de famille qui se trouve parfois dans une situation de crise, et doit faire face en même temps à la violence et aux conflits très présents à l’extérieur. Tout cela constitue une grande charge pour l’équipe et atteint parfois les limites du supportable.

J’aimerais ajouter la chose suivante : il était absolument nécessaire de réfléchir ensemble à certains aspects, notamment à la manière de faire certaines choses, à la position à adopter face à Haïti, à nos partenaires, etc.

Il était important que nous discutions de nos principes – comme, par exemple, le fait de ne pas prendre parti – jusqu’à trouver un consensus.

Même si c’est parfois pénible, cela nous donne une garantie de qualité dans les contacts avec nos partenaires sur place, même si cela peut paraître paradoxal.

C’est un peu comparable au métier du travailleur social, de l’éducateur ou du psychologue qui passe des heures en colloques, supervisions... Je trouve que c’est tout simplement nécessaire... Les contacts que nous avons eus avec nos partenaires étaient d’une qualité exceptionnelle. Des expatriés d’autres organisations n’ont pas eu cette qualité dans les contacts, même si certains d’entre eux tenaient des théories sur la culture haïtienne parce qu’ils prenaient part à des excursions tous les week-ends, qu’ils rendaient

visite à des artistes, etc. Ils avaient leur propre théorie sur la culture haïtienne, mais étaient amers et désabusés quant au sens de leur travail et quant au type de relations développées avec leurs partenaires locaux.

Nous avons bénéficié de contacts très authentiques avec nos partenaires haïtiens.

Trouvez-vous que PBI concentre trop ses activités sur Port-au-Prince ? C : Le fait que deux tiers des ateliers aient eu lieu « en dehors » (andeyô) montre bien qu’il y a eu une volonté de la part de l’équipe et du comité de réaliser d’importantes parties du projet en dehors de Port-au-Prince. Ainsi nous avons eu des contacts privilégiés avec d’autres régions du pays, comme, par exemple, à Chénot, dans les montagnes Cahos, qui est devenu le deuxième pôle de nos activités. Il y a aussi eu d’autres endroits, au nord et au sud du pays.

B : Nous travaillons toujours sur demande. De temps à autre, des interlocuteurs, haïtiens ou étrangers ont émis le vœu que nous soyons présents dans tout le pays. Mais cela n’était pas la démarche de PBI. Nous pouvions nous rendre dans un certain endroit, à notre propre initiative, pour nous présenter et rencontrer des organisations locales. Puis, parfois, émergeait une demande, parfois non. Mais nous ne pouvions pas décider de réaliser un travail dans cet endroit en l’absence de demande explicite.

C : Parfois, nous avons eu des problèmes dans le suivi de projets, surtout au niveau de la communication et des moyens de transport ; mais, là aussi, il s’agissait d’une partie de la réalité haïtienne à laquelle nous devions nous soumettre. Il y avait aussi des projets « andeyô » qui étaient bien suivis.

L’interculturalité

Que pensez-vous de l’affirmation que PBI est trop eurocentrée ?

C : Je ne sais pas trop : PBI est-elle eurocentrée ? Plutôt occidentale. Nous en avons parlé à propos du recrutement des volontaires : nous avions, par exemple, de la peine à trouver des volontaires qui ne venaient pas d’un pays du Nord. Cela est caractéristique d’un certain aspect de la structure

de PBI : il faut voir dans quels pays PBI a des groupes de base : c’est seulement dans les pays du Nord2. Ensuite, c’est dans la manière d’approcher nos partenaires en Haïti que l’on voit si nous sommes capables d’évoluer. Au départ, nous arrivons comme nous sommes, c’est-à-dire, sans aucun doute, comme des Occidentaux.

Comment les Haïtiens ont-ils perçu ces groupes « d’Occidentaux » ? Avaient-ils des attentes particulières ?

B : Oui, on nous a remarqués en tant que « blan ». Ce terme désigne surtout une origine nationale et sociale, plutôt qu’une couleur de peau.

A : On ne peut pas nier son origine de « blan », mais on peut essayer d’évoluer et de prendre le risque d’entrer dans une relation vraie, authentique, avec Haïti et sa population, une relation qui n’est pas faussée par le fait que l’on vient du monde occidental, ce qui implique que l’on a de l’argent, besoin d’un visa, etc.

B : Ces différences restent de toute façon présentes dans la relation, dès le moment où l’on vient de deux mondes différents. Mais il était possible, et indispensable, de bâtir un partenariat, comme A vient de le dire, d’établir une véritable relation.

« Pour moi, la vie des Haïtien(ne)s que je côtoie reste plus que jamais une énigme devant laquelle je ne peux me prononcer. Plus je la découvre, plus j’en apprends, c’est vrai. Mais plus j’en apprends plus je sais qu’il me reste beaucoup à découvrir. Rien n’est définitivement simple. Ici, voiture ou pas, kòb3 ou pas, créole ou pas, un Blanc reste un Blanc. Moi, je suis un Blanc qui transporte sa culture sur son dos, son idéalisme dans sa poche gauche et un scepticisme s’accroissant de jour en jour dans la droite. Les poches se mélangent parfois de manière imprévue. »

Tom Noirfalisse, journal de l’équipe PBI Haïti, 27 février 1999 A : Nous n’avons pas non plus tenté d’instruire les Haïtiens, c’est-à-dire de nous présenter comme des « blan » qui savent tout mieux qu’eux ; pour cette raison, nous n’avons pas non plus accédé à toutes leurs demandes, comme, par exemple, de donner des recettes pour le règlement des conflits

2. En 2001, l’organisation a accueilli PBI Inde comme premier groupe national dans un pays du sud.

3. 100e de Gourde ; pognon.

ou d’agir à leur place. Ces vœux-là, nous ne les avons jamais exaucés car personne ne sait mieux qu’eux-mêmes ce dont ils ont besoin.

C : Je crois que cela est aussi lié aux compétences des volontaires. Une personne qui n’est pas hautement formée, qui ne s’occupe pas professionnellement du développement de programmes de formation, se comportera plus modestement.

B : Je pense que c’est aussi grâce à notre conception, notre approche... J’ai le sentiment que cela s’est vérifié dans les faits, car nous avions trouvé un bon contact avec la population. Il y a eu des Haïtiens qui ont donné beaucoup de leur temps et de leur énergie, qui ont donné beaucoup d’eux-mêmes, et tout ça de leur plein gré. Ce n’est pas le cas chez beaucoup d’ONG : s’ils ne sont pas payés, des Haïtiens pensent souvent qu’ils sont exploités par les organisations et que leur travail n’est pas assez valorisé.

Le travail pour des organisations internationales ou des ONG représente une des rares opportunités économiques en Haïti. De plus, les Haïtiens sont conscients des sommes d’argent que représentent l’humanitaire et le développement ; si des Occidentaux reçoivent un salaire confortable pour ce type d’engagement, pourquoi devraient-ils, eux, travailler gratui-tement ? D’autant plus qu’à travers leur travail, ils justifient l’argent reçu par l’organisme occidental. Cela n’est pas un jugement moral, simplement un constat.

Que pensez-vous de l’affirmation que la population d’Haïti, longtemps opprimée, soit passive ?

B : Après quelques mois passés en Haïti, on peut avoir l’impression, comme Occidental, « qu’il suffirait de » certaines choses qui nous semblent simples, pour résoudre certaines problématiques graves. On peut alors être étonné, énervé, ou déçu de voir que les Haïtiens ne le font pas.

On risque alors de devenir condescendant ou arrogant. C’est un grave piège qui empêche la rencontre, car le respect est fondamental. En faits, ils ont leur propres raisons, en lien avec leur contexte... qui est beaucoup plus complexe que ce que l’on imagine comme étranger. Ainsi, ils ont développé des modes de résistance en fonction de leur réalité sociale, de leur culture et de leur histoire.

La dernière discussion que j’ai eue avec des amis haïtiens, avant mon retour en Europe, portait justement sur le respect : ils me disaient que le respect était la chose la plus importante en Haïti. Et c’est vrai. Cette idée

Dans le document Ont collaboré à cet ouvrage (Page 121-135)