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Pour une politique de Paix en Haïti

Dans le document Ont collaboré à cet ouvrage (Page 157-161)

conjoncture internationale, n’est-elle pas possiblement favorable ?

« L’image » d’Haïti est, aux yeux de l’opinion internationale, celle d’une « transition démocratique ».

− L’appui des réseaux institutionnels ou non gouvernementaux (ONG) en faveur du respect des droits de l’homme.

− L’appui des réseaux en faveur de la non-violence dans le monde, spécialement le Canada, les USA et l’Europe (par la diaspora haïtienne) et l’Amérique latine (après la visite de Perez Esquivel).

− Les relations avec la culture africaine pour cultiver la gestion non violente des conflits selon les cultures spécifiques.

Dans ce même chapitre des relations internationales, deux pays voisins sont à privilégier : le Costa Rica et la République Dominicaine. Pour le Costa Rica, l’exemple d’un pays démilitarisé peut aider à comprendre l’après « Armée d’Haïti ». Mais avec la République Dominicaine, Haïti doit établir des relations de paix en dépit des contentieux du passé. Si Haïti accepte le démantèlement de son armée, elle pourrait signer un accord de paix avec la République Dominicaine avec la garantie inter-nationale du tracé de la frontière commune qui sépare l’île en deux.

Pour régler des contentieux historiques tenaces, la République Dominicaine et Haïti pourraient organiser une commission mixte d’histo-riens pour réécrire l’histoire de l’île en l’épurant des slogans bellicistes.

Il est sûr qu’il y a eu envahissement, guerres, massacres. L’exploitation des coupeurs de cannes Haïtiens est largement connue et documentée. De même s’ouvre le dossier de la contrebande et de la corruption. Mais aucune histoire, même tourmentée, ne peut justifier des comportements xénophobes, racistes ou belliqueux. Les deux peuples d’une même île sont condamnés à s’entendre, tant la survie économique est difficile.

Cette commission d’historiens serait, en outre, une collaboration utile entre la société civile et le pouvoir politique. L’implantation d’une maison de la paix de l’UNESCO pourrait faciliter ce type de projets.

Il semble également logique qu’au plan économique Haïti s’engage avec les États indépendants de la Caraïbe (CARICOM) en vue d’échanges équitables dans le commerce international.

Politique intérieure

Une telle politique étrangère d’Haïti n’a de sens que si elle accompagne une évolution intérieure et interne vers la Paix. Le premier

acteur de la paix en Haïti, c’est bien le peuple et la société. Si la route est longue, le premier pas, la décision politique d’avancer, coûte le plus.

La recherche de la paix est historiquement passée par le refus de l’esclavage de la colonie et de la dictature. Elle passe donc par la quête de libération et de démocratie, par la lutte contre la misère.

L’implantation d’un véritable État de droit en Haïti, le respect de la Constitution et la mise en place de vrais services publics au service d’un peuple majoritairement pauvre, analphabète et exclu dans son propre pays sont bien les premières conditions de la Paix.

Mais la culture démocratique comme la culture de la paix demandent du temps. Planter, arroser, faire grandir, réaliser des objectifs pour réinvestir... Il faut apprendre ce rythme lent quand tout est en urgence.

Ainsi faut-il passer par des étapes nécessaires et changer de regard, en un mot de culture.

Les premières mesures devraient toucher et transformer le rapport du peuple haïtien et de sa propre sécurité à l’intérieur des frontières. L’armée d’Haïti était une armée intérieure d’occupation contrôlant un peuple dont le pouvoir se méfiait. Depuis la Constitution de 1987, l’expérience permet de poser en d’autres termes la question de la sécurité par une révision de la Constitution abolissant l’armée et promouvant une décentralisation efficace permettant à la population locale d’assurer une bonne part de sa sécurité.

Dans le même temps, une justice de proximité comme une police de proximité permettraient de nouer des nouveaux rapports. En revitalisant le niveau des juges de paix, en développant les conciliateurs qui existent déjà dans la tradition haïtienne et en formant des cadres locaux à la TNVC, dans les associations, syndicats, ONG et autres structures intermédiaires, le système judiciaire faisant droit aux droits coutumiers s’allégerait d’autant du poids énorme d’une société frustrée de ne pouvoir faire aboutir sa revendication de Justice, la plus forte revendication exprimée depuis le départ du dictateur.

Enfin, s’il faut conclure provisoirement, la culture de la paix devrait être l’un des axes fondamentaux de l’école, de l’enseignement, de la pédagogie, bref de l’éducation des enfants et des jeunes. L’éducation nationale comme les instances privées ou confessionnelles pourraient indiquer ce chemin de Paix comme convergence fondamentale de leurs efforts.

Ce désir de paix, d’apaisement après la tourmente, est comme le levain dans la pâte de la société haïtienne.

Il peut être le ferment d’une culture de la paix. Au prix d’une politique voir d’une économie de la paix et à tout le mais, d’une volonté politique persévérante.

« De profession je suis électricien, mais depuis quelques années, mon dévouement pour l’élaboration d’une société civile en Haïti m’a fait prendre une autre direction et la palette d’activité dans laquelle je suis engagé comprend le développement communautaire, le syndicalisme, le militantisme aux côtés d’organisations populaires, et finalement la participation active au Groupe de Formateurs pour la Paix. La motivation qui se cache derrière cet engagement n’est autre que la volonté de construire la Paix, qui représente la base de développement d’Haïti. A mes yeux les conflits violents que subit le pays rendent la situation instable et non propice à l’élaboration d’une société civile. Il faut donc commencer par changer cette mentalité de violence en utilisant les méthodes participatives de gestion positive des conflits qui permettront d’éviter les actes violents. Et je suggère que pour augmenter l’impact, le GFP devrait organiser des séminaires dans les écoles, de même que participer à des émissions télévisées et radiophoniques. Je considère le rôle des membres du groupe comme des messagers qui doivent s’intégrer dans la marche vers la démocratie. »

Jean Saurel Beaujour, bulletin 13 de l’équipe PBI Haïti, novembre 1997

Dans le document Ont collaboré à cet ouvrage (Page 157-161)