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Quels sont les principaux obstacles à la Paix aux plans : politique, économique, social et culturel ?

Dans le document Ont collaboré à cet ouvrage (Page 149-152)

récit écrit lors de la clôture du projet

1) Quels sont les principaux obstacles à la Paix aux plans : politique, économique, social et culturel ?

De prime abord, il convient de préciser le contenu actuel de la notion de « PAIX » en Haïti. Aujourd’hui l’usage démargogico-politique qui est fait de ce mot le dénature complètement et lui confère un contenu creux.

En effet, le terme « PAIX » est associé par plus d’un à d’autres mots afin de prendre la tournure désirée. Ainsi, l’on parle de la paix dans le ventre et de la paix dans la tête comme le slogan électoral du parti au pouvoir,

« Fanmi lavalas ». On parle également de la « Paix dans les reins » pour désigner un pacte signé entre les différents gangs de « CHIMÈ1 » qui se partagent le contrôle des 34 quartiers de Cité Soleil. De la paix dans les poches pour parler des besoins d’argent.

1. Chimè = chimère.

Tantôt, j’ai parlé de « dénaturation de cette notion » parce que dans le premier cas le parti au pouvoir qui dit tout faire au nom de la paix, est accusé à tort ou à raison de protéger la majorité des « chimès », des dealers de drogues et d’autres professionnels du crime. D’autant plus, il ne donne aucun signe allant dans le sens de faciliter la transformation du système de justice et de s’affranchir des différents ripoux qui travaillent pour le parti. L’État n’est plus qu’un ensemble d’institutions insalubres à l’intérieur desquelles s’infiltrent les différents gangs. En témoignent les élus, les acteurs du système judiciaire, les ministères et même les présidents pointés du doigt dans des affaires de drogues et/ou dans l’assassinat du PDG de radio Haïti Inter et du gardien de la station.

Dans le second cas, ces « chimè » cinq fois mieux armés que l’insti-tution en charge de la sécurité publique (la police nationale haïtienne) s’arrogent le droit de tuer, brûler, détruire à n’importe quel moment sur des portions de terre qu’ils contrôlent. Ils constituent donc des états dans l’État avec leurs propres chefs et leurs propres règles.

L’un des principaux obstacles à la paix réside dans la déresponsabilité et le désengagement total de l’autorité étatique dans le pays. Car la paix est avant tout synonyme de lois, de droit, d’ordre et de justice. Sans un capitaine responsable le navire de paix ne peut que dériver définitivement.

Il faut noter que le processus de déresponsabilité et de désengagement de l’autorité étatique a été institué au lendemain du départ des Duvalier à la faveur d’une fausse compréhension de la démocratie par la population haïtienne : Demokrasy se : mwen fè sa’m pito2. Cette « contre-définition » de la démocratie matérialisée par le laxisme chronique des institutions publiques s’est renforcée par le mode de gestion de la société dans les années qui suivirent. Ce phénomène est tellement gênant pour le bon fonctionnement de la communauté que l’un des présidents élus constitutionnellement s’était donné comme objectif premier de restituer l’autorité de l’État. Cette irresponsabilité a facilité, entre autres, l’émergence de nombreux pôles de violence que sont devenus les anciens et les nouveaux bidonvilles de Port-au-Prince.

L’absence d’un système de justice fiable. L’actuel système est à la traîne des besoins des citoyens. Étant inefficace, corrompu, politisé, inaccessible,... et sous tutelle de l’exécutif, il ne peut protéger les citoyens, ni traiter les cas les plus simples. Les péripéties de l’instruction sur l’assassinat du PDG de radio Haïti Inter et du gardien de cette station et le climat de peur et d’insécurité généralisée, qui s’installe dans le pays en sont bien les preuves.

2. « La démocratie, c’est faire ce que je veux. »

C’est un système délétère dont la principale production est l’impunité et l’insécurité.

Institutionnalisation d’un cycle infernal de violence. La violence représente aujourd’hui la principale méthode de transformation de conflits en Haïti. Les conflits les plus simples se ressoudent à coup de revolvers, de machettes et de couteaux avec une complicité intempestive des instances responsables. Aujourd’hui, les différents quartiers populaires ont un arsenal fou et s’affrontent de temps en temps. Le dernier en date est celui de Fort-Mercredi où plus d’une dizaine de personnes ont été tuées dont une fillette de deux ans brûlée vive, et des dizaines de maisons incendiées. Au mépris des principes de droits et de justice, des émissaires et des officiels du gouvernement ont rencontré ces groupes armés et ont tenté une réconciliation. En fin de compte, comme à Cité Soleil ces groupes armés ont conservé précieusement leurs armes (qu’ils ont reçues de je ne sais qui) à des fins inavouées et inavouables (politiques ou économiques ). Ainsi, va l’insécurité en Haïti.

Au fait, si l’on remonte un peu plus loin dans l’histoire, on verra que les 15 ans de cette interminable transition démocratique ont contribué à préparer mentalement et culturellement l’incorporation et la banalisation d’une violence non innocente.

La pauvreté et les conditions de vie précaires désespèrent la population et obligent certains citoyens à s’embarquer sur la mauvaise route (gangs, drogue, prostitution). La violence constitue de nos jours un mode de vie.

La société haïtienne n’est plus qu’une jungle où tous les coups sont permis, c’est ce qu’a tenté de dire tout haut le célèbre président Preval à travers l’expression naje pou’w soti3. Il compare la société haïtienne à une mer agitée où seuls les forts et plus capables survivront. D’autres expressions ont émergé. C’est ainsi qu’on parle de KPS (kapab pa soufri)4, de MAB (moun afè bon)5, etc.

Sans aucun mécanisme de régulation, les bourgeois commerçants mènent une lutte acharnée contre le reste de la population dont la grande majorité ne peut pas se procurer un repas chaud pendant la journée. C’est une véritable politique de pi gran manje pi piti6 qui existe dans la commu-nauté. Le fait qu’Haïti soit frappé de nullité totale au niveau de la pro-duction favorise cette situation car les grands exportateurs réalisent plus de 500 % de bénéfices sur leurs marchandises, les grands détaillants feront

3. « Nager pour s’en sortir. » 4. « Ceux qui ne souffrent pas. » 5. « Ceux qui vivent bien. » 6. « Les riches avalent les pauvres. »

de même et les petits détaillants chercheront à tirer leurs épingles du jeu.

Et au diable les consommateurs ! Je peux prendre l’exemple d’un cybercafé dont la consultation sur Internet se fait à 125 gourdes l’heure alors que ça ne coûte que 50 gourdes dans la plupart des cybercafés de la capitale ; le soda qui se vend partout à 7 gourdes coûte 20 gourdes dans cette même boîte. Et le comble est que l’employée (secrétaire), pour un emploi à mi-temps, n’y est payée que 1 500 gourdes par mois ; incroyable, mais vrai.

La déliquescence sociale et la perte de valeurs morales humaines. Une société quasiment sans modèles. La grande majorité de nos aînés ne sont plus que des hommes rejetés. Le respect des lois, le respect de la vie, le sens du patriotisme, le sens de responsabilité, l’engagement citoyen font défaut à nos citoyens d’aujourd’hui et probablement de demain.

Des citoyens zombis, voilà ce que produit la société. A tort ou à raison, nos citoyens acceptent n’importe quoi et font n’importe quoi. Il faut souligner qu’à la base de cette situation nous avons un problème d’éducation, de formation et de culture.

On peut voir aujourd’hui des zenglendos, des dealers de drogués, des criminels notoires, des « chimè » respectés, vénérés des membres de la communauté, notamment des jeunes. C’est donc une société complè-tement au bord de la dérive.

En réaction à cette situation, nombre de nos jeunes désespérés qui n’ont plus la foi et ne veulent pas hypothéquer leur avenir, ont préféré prendre l’exil pour ne pas avoir à vivre un avenir incertain et sans gloire.

C’est la problématique de la fuite de cerveaux que connaît depuis quelques années le pays.

2) Que peut-on rêver ? Quelles sont les chances de la Paix ?

Dans le document Ont collaboré à cet ouvrage (Page 149-152)