PARTIE II. EVALUATION DE LA METHODOLOGIE ACV APPLIQUEE AUX
III. DISCUSSION SUR LES ASPECTS METHODOLOGIQUES
4/ LE PROBLEME DE LA CONSTRUCTION ET DU DEMANTELEMENT
4.1/ Les problèmes liés à la construction
Pour réaliser l’inventaire d’ACV de l’étape de construction d’un procédé, une seule méthode,
avec des variantes, est utilisée dans les études précédentes. [SUH, 2002] la présente de
manière détaillée. Cette méthode se déroule de la façon suivante :
- 1
èreétape : on comptabilise la masse de béton utilisée pour le génie civil, la masse des
équipements électromécaniques, qui est assimilée soit à de l’acier (centrifugeuse, filtre
moteurs…) soit à de la fonte (pompes), la masse de PVC issue des canalisations et la
masse éventuelle d’autres constituants prépondérants dans le procédé utilisé
(aluminium…).
- 2
èmeétape : on associe la quantité du matériau considéré aux flux polluants grâce à un
inventaire. Ce dernier est tiré d’une base de données qui contient les ressources et les
émissions nécessaires pour la fabrication d’une quantité donnée de ce matériau.
Par exemple : pour fabriquer 1 kg de béton, il faut x g de gypse, y MJ en électricité… et
cela émet z kg de CO
2dans l’atmosphère… L’ensemble des ressources et émissions
nécessaires est regroupé dans un inventaire ramené à une unité fonctionnelle, ici un kg de
béton. Il est ainsi possible par règle de trois d’évaluer les émissions et ressources
nécessaires à la fabrication d’une masse M de béton utilisée dans l’étude. En agissant de
même pour tous les matériaux de l’étude et en additionnant les flux (ressources et
émissions), on obtient alors l’inventaire d’ACV pour la phase de construction.
Cette méthodologie n’est pas parfaite mais cela semble être la seule réalisable dans la
pratique.
4.1.1/ 1
èreétape : collecte des données
Cette étape consiste à évaluer la masse de matériaux issus :
- des ouvrages (bassins, bâtiments, cuves…),
- des équipements électromécaniques,
civil du procédé (ou des bâtiments abritant le procédé). Parmi les difficultés, il faut retenir que
les plans de génie civil ne sont pas toujours accessibles. Ceci n’empêche pas de mesurer la
dimension des bâtiments mais entraîne des imprécisions : fondations, épaisseurs de plafond
ainsi que d’autres parties ne sont pas toujours accessibles. Il est également difficile de
connaître la quantité d’acier utilisée dans l’armature. Même au sein d’un groupe comme
Veolia Environnement qui possède des entreprises qui construisent des usines d’épuration,
connaître les quantités de matériaux utilisés n’est pas une tâche facile à cause de la
sous-traitance des étapes de construction des procédés (génie civil, électricité, pose de
canalisations…), les quantités de matériaux utilisés n’étant pas des informations échangées
entre les entreprises.
Les équipements électromécaniques rassemblent les pompes, les moteurs, les centrifugeuses,
les filtres, les vis de transfert… Leur constitution exacte ainsi que leur mode de fabrication ne
sont jamais indiqués par leur constructeur. On considère alors l’hypothèse simplificatrice que
la masse de la machine est égale à la masse du constituant principal (acier ou fonte). La masse
est rarement écrite sur les catalogues des fournisseurs de matériels. Ces derniers donnent en
général l’information si on la leur demande mais refusent de nous renseigner sur les
consommations énergétiques et les émissions polluantes induites par la fabrication.
Cette hypothèse (la masse d’une machine équivaut à la masse de son constituant principal)
sous-estime l’impact réel de la construction d’un équipement. En effet une centrifugeuse
possède de multiples phases de fabrication : extraction des ressources, transformation du
minerai en matériau utilisable, usinage : pliage, soudure, traitement physico-chimique,
assemblages de différents matériaux, peintures…. De plus, on ne considère que le matériau
prépondérant sans se pencher sur l’électronique ou d’autres matériaux moins présents en
terme de masse mais peut être sources de pollution non négligeable. Dans cette démarche,
l’usinage et les autres matériaux ne sont pas pris en compte. Il semble donc y avoir une
sous-estimation au niveau de la dépense énergétique et des émissions polluantes. Il est difficile de
prédire l’erreur commise et aucune étude ne semble avoir été menée sur le sujet.
La masse des canalisations est estimée à partir du volume de matériau, lui-même calculé à
partir du diamètre, de l’épaisseur de la canalisation et de sa longueur. Le cas des canalisations
est assez similaire à celui des équipements électromécaniques : la quantité de PVC ou d’acier
est considérée mais l’usinage de la canalisation ne l’est pas. Il y a donc sous-estimation de la
dépense énergétique et des émissions polluantes.
Outre le génie civil, les appareils électromécaniques, les cuves et les canalisations, beaucoup
de petits éléments ne sont jamais considérés : les appareils de mesure, les systèmes électriques
(câbles et armoires, automates)… Bien évidemment, leur prise en compte allongerait
considérablement la durée des études. On admet, personne ne semble toutefois l’avoir montré,
que leur impact environnemental est négligeable.
De même d’autres éléments ne sont pas considérés par manque de données : la construction
de la station, comme par exemple le terrassement, l’assemblage des différents procédés,
l’impact des véhicules lors de la construction…
La collecte des données d’une usine d’épuration est ainsi rendue difficile par le manque
d’informations disponibles. Ce problème s’explique par deux caractéristiques des procédés de
traitement des eaux : les STEP ont une longue durée de vie et leur conception est unique. La
longue durée de vie des stations ne permet pas de disposer de beaucoup de cas d’étude sur les
étapes de construction et de démantèlement. De plus, le caractère unique de chaque station
rend difficile la généralisation des études de cas : la quantité de matériaux utilisés dans une
usine n’est pas proportionnelle à la taille et dépend de nombreuses contraintes techniques et
locales. Il serait donc difficile, même en étudiant la construction de plusieurs sites, de tirer des
règles générales entre les quantités de matériaux et la taille des procédés.
Ainsi, la méthode actuelle de collecte des données pour la phase de construction est
complexe, mais non irréalisable. Elle semble différer de la réalité par la négligence de certains
matériaux et des étapes de fabrication des équipements électromécaniques et des
canalisations. Ce problème ne provient pas de la méthodologie ACV mais des acteurs du
domaine du traitement des eaux. En effet, pour améliorer la collecte des données, il faudrait
que les industriels du secteur de l’eau et les équipementiers disposent d’un protocole de
recueil et de publication des informations nécessaires, comme cela peut être fait pour
certaines émissions polluantes dans les systèmes de management environnemental.
4.1.2/ 2
èmeétape : variabilité des bases de données
Outre la collecte des données, les bases de données utilisées pour établir les inventaires d’un
matériau présentent une certaine variabilité.
Pour caractériser cette variabilité, une étude de sensibilité est proposée entre les différents
inventaires disponibles parmi les bases de données du logiciel Simapro et les études réalisées.
Nous montrerons ici les cas du béton et de l’acier. L’analyse est effectuée sur Simapro 5.
Pour cela, nous utilisons les méthodes Ecopoints 1997, Eco-indicator 99 et EPS. Il s’agit de
trois méthodes à score : le résultat est un seul critère au lieu des multiples impacts difficiles à
interpréter. Nous laissons les coefficients de pondération par défaut. Le score donne une note
aux inventaires étudiés. Sa valeur n’est pas importante mais la comparaison des inventaires
est ainsi possible. Trois méthodes sont sélectionnées pour éviter les erreurs de jugement.
• Etude des bases de données du béton
Nous disposons de quatre sources de données :
- « beton concrete I » : de Simapro, la base indique qu’il s’agit de la fabrication de
1000 kg de béton non armé préfabriqué (140 kg de ciment, 320 kg de sable, 460
kg de gravier, 40 kg d’eau). L’inventaire est constitué de données moyennes
collectées sur plusieurs sites
- « beton not reinforced ETH » : de Simapro, la base indique qu’il s’agit de la
fabrication de 1 kg de béton non armé tiré d’une étude allemande.
- « beton reinforced I» : de Simapro, la base indique qu’il s’agit de la fabrication
de 1000 kg de béton armé préfabriqué (140 kg de ciment, 320 kg de sable, 460 kg
de gravier, 40 kg d’acier, 40 kg d’eau). L’inventaire est constitué de données
moyennes collectées sur plusieurs sites.
- « beton [SUH, 2002] » : base tirée de [SUH, 2002], d’après [KJORKLUND,
1997].
Nous présentons ici les bases de données disponibles sans distinction entre béton armé et
béton non armé.
L’unité fonctionnelle considérée est la fabrication de 1000 kg de béton. Nous obtenons les
résultats présentés aux figures 23, 24 et 25.
Figure 24 : Scores des inventaires béton selon la méthode Eco-indicator 99
Figure 25 : Scores des inventaires béton selon la méthode EPS
Pour les trois méthodes sélectionnées, nous constatons que « beton reinforced I » a l’impact
environnemental le plus important, suivi par « beton concrete I ». Les sources « beton not
reinforced ETH » et « béton SUH, 2002 » comptent respectivement pour environ un quart et
un dixième de « beton reinforced I ». L’impact élevé de « beton reinforced I », qui est un
béton armé, peut se justifier par la prise en compte de l’acier. En revanche, l’écart important
entre les trois autres sources, qui représentent des bétons non armés, ne s’explique pas par la
nature du béton.
« beton reinforced I » avec un fort impact, « beton not reinforced ETH » et « beton [SUH,
2002] » ont un impact plus faible. Il semble impossible en l’état actuel de nos connaissances
d’établir laquelle de ces sources est la plus représentative de la réalité.
• L’acier
Nous avons le choix parmi huit inventaires d’acier :
- « Steel [SUH, 2002] » : inventaire utilisé par [SUH, 2002],
- « Steel bj » : de Simapro, tiré d’une étude hollandaise,
- « Steel construction Fe470 I » : de Simapro, tiré d’une étude hollandaise sur les
aciers utilisés pour la construction de bâtiments,
- « Steel ETH T : de Simapro », tiré d’une étude suisse allemande,
- « Steel high alloy T » : de Simapro, tiré d’une étude suisse allemande,
- « Steel I » : de Simapro, tiré d’une étude hollandaise,
- « Steel low alloy T » : de Simapro, tiré d’une étude suisse allemande.
Les scores des différents inventaires pour la fabrication de 1 kg d’acier sont présentés dans les
figures 26, 27 et 28 :
Figure 27 : Scores des inventaires acier selon la méthode Eco-indicator 99
Figure 28 : Scores des inventaires acier selon la méthode EPS
Les trois graphiques montrent nettement que l’ensemble des inventaires d’acier présentés ont
un impact relativement proche, du simple au triple, pour les trois méthodes testées, sauf
l’acier « steel high alloy ETH T » dont le poids environnemental est bien plus important.
Deux inventaires sélectionnés, « steel [SUH, 2002] » et « steel construction Fe470 I», sont
considérés par leur auteur, respectivement [SUH, 2002] et Simapro, comme des aciers de
construction. L’inventaire « steel high alloy ETH T » semble donc plus adapté aux aciers de
haute qualité dont l’utilisation est peu vraisemblable dans notre cas.
Cette étude de sensibilité sur les bases de données du béton et de l’acier montre clairement la
disparité entre les différentes bases de données pour ces deux matériaux. L’utilisateur, non
spécialiste de la fabrication du béton ou de l’acier, n’est pas en mesure d’identifier la
meilleure base de données et devra faire appel à un expert. Outre la difficulté pour collecter
les données de l’étude, ceci illustre le problème d’utilisation des bases de données qui
augmente l’incertitude des flux d’inventaire pour la phase de construction.
Dans le document
Analyse de cycle de vie appliquée aux systèmes de traitement des eaux usées
:
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