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Caractérisation de l’unité fonctionnelle

PARTIE II. EVALUATION DE LA METHODOLOGIE ACV APPLIQUEE AUX

III. DISCUSSION SUR LES ASPECTS METHODOLOGIQUES

2/ CHAMP DE L’ETUDE

2.1/ Caractérisation de l’unité fonctionnelle

Le choix de l’unité fonctionnelle présente deux types de difficultés lors de sa définition :

- un problème de qualité lorsque l’on établit les fonctions du système,

- un problème quantitatif car le flux fonctionnel présente une certaine variabilité.

• Fonctions d’une station d’épuration

Pour définir l’unité fonctionnelle, il est important de déterminer l’ensemble des fonctions d’un

système de traitement des eaux. Le but principal d’une station est de traiter un certain volume

d’eau usée avec une performance épuratoire déterminée. Or cette performance dépend :

- de la qualité de l’eau brute en entrée de station. Celle-ci est composée d’une matrice de

polluants (DCO, azote, phosphore…) caractérisés par une charge et une concentration.

Ces flux polluants étant variables d’un réseau à l’autre, il ressort que l’eau à traiter

d’une collectivité est unique et spécifique d’une zone urbaine. Ces deux caractéristiques

du flux fonctionnel (l’eau à traiter) sont évoquées dans le paragraphe précédant (Partie

II/III/1.3/).

- du niveau de rejet exigé qui dépend des objectifs de qualité imposés et de la sensibilité

du cours d’eau.

La principale fonction d’une STEP, la fonction épuratoire, est donc conditionnée par la qualité

du réseau en amont de l’usine et par la sensibilité du milieu naturel récepteur de l’effluent

traité.

Ainsi il se pose la question du choix du flux fonctionnel. L’eau usée est constituée d’une

matrice de polluants, comme nous l’avons développé plus haut. Il serait donc possible de

sélectionner comme flux fonctionnel un des flux polluants de l’eau usée, un flux de pollution

éliminée par la STEP ou encore un volume d’eau.

La problématique du choix du flux fonctionnel a été étudiée en profondeur par [SUH, 2002].

Celui-ci met clairement en évidence que la multitude de polluants dans l’eau usée à traiter ne

permet pas de caractériser qualitativement cette eau, à cause de la variabilité de ces flux et de

l’absence de relation physique entre eux. L’unité fonctionnelle pour un système d’épuration

ne peut être qu’un volume ou une masse d’eau. Pour prendre en compte la qualité de l’eau

usée entrante, Suh définit le concept de charge polluante négative : les flux polluants entrants

dans la station sont comptabilisés négativement dans l’inventaire d’ACV, les flux émis étant

comptés positivement.

Le caractère unique de l’eau usée à traiter ainsi que la sensibilité du milieu aquatique

récepteur rend la performance épuratoire de chaque usine d’épuration unique. Une

conséquence importante est alors l’impossibilité théorique de comparer des STEP existantes.

En effet, la fonction de deux usines n’est pas la même lorsqu’elles traitent deux villes

différentes, car les eaux usées ont des propriétés différentes tout comme le milieu récepteur.

Pour des raisons pratiques, cette précaution méthodologique n’est pas respectée. En effet dans

de nombreux articles et d’autres études, les ACV se basent sur la comparaison d’ouvrages

existants, seul moyen pour comparer des filières de traitement ou des procédés différents avec

des données industrielles, donc représentatives. De plus, si nous souhaitons constituer une

base de données sur les émissions de procédés, il faudra collecter les informations par des

mesures sur plusieurs usines. Cette pratique sous entend l’hypothèse que les eaux usées des

installations comparées sont suffisamment proches d’un point de vue qualitatif, ce qui peut

être vrai pour les eaux usées urbaines à certaines conditions. Les auteurs qui étudient des sites

ne soulignent jamais qu’ils ont vérifié cette hypothèse.

Ainsi il semble donc important de pouvoir comparer la qualité des eaux usées à traiter afin de

justifier ou non de la comparabilité de STEP. Ceci présenterait plusieurs avantages :

- beaucoup d’eaux usées domestiques ont des qualités proches qui les rendent

semblables. Dans ce cas, la comparaison devient justifiée.

- certains polluants ne sont pas traités par la station et la traversent. Il devient injuste

alors d’attribuer ces flux polluants au système de traitement alors que ceux-ci

proviennent du réseau ou d’effluents industriels. Ces flux peuvent être des

sous-produits des prétraitements (graisses, sables, refus de dégrillage), des éléments traces

métalliques ou organiques retrouvés dans les boues, des substances industrielles…

Pour caractériser la qualité du produit traité, il faut collecter les flux en entrée (eau usée,

vidanges de camions hydrocureurs…) et en sortie du système (eau, boues, sous-produits). Ces

flux permettraient de préciser la fonction du système en calculant la performance épuratoire

de la station. Nous proposons de définir cette performance selon deux paramètres :

- le seuil de rejet : il représente les capacités qualitatives de dépollution. En effet il

indique quelles sont les normes que peut satisfaire la station et quel est le niveau

de qualité auquel le cours d’eau peut prétendre.

La caractérisation des performances épuratoires du système pourrait s’intégrer dans une étude

ACV de deux manières :

- par la définition d’impacts négatifs, tels que le propose [SUH, 2002]. Les flux

entrants dans la station sont comptabilisés négativement et se soustraient donc à l’impact

de la station. Il s’agit là d’une substitution. Cette solution présente l’inconvénient de ne

pas tenir compte de la concentration des polluants dans le rejet, qui est un paramètre

aussi important pour un procédé de dépollution que la charge éliminée.

Par ailleurs, il est possible de mal interpréter le résultat. Par exemple, l’impact d’une

station sera toujours négatif pour les flux sur l’eau (flux

sortie eau

– flux

entrée eau

< 0). Un

impact négatif est considéré comme un gain environnemental. Cependant la rivière

recevra toujours une pollution de la station.

- dans une nouvelle étape du champ de l’étude qui aurait pour objectif de vérifier la

comparabilité des stations. Dans cette étape, un tableau présenterait les performances des

stations en terme de taux de traitement et de seuil de rejet. L’analyse de ces

performances servirait à déterminer si deux stations sont comparables, ou plus

précisément, quels sont les paramètres pour lesquels on peut les comparer. Par exemple,

deux stations peuvent avoir des performances proches pour le traitement de la pollution

carbonée mais peuvent diverger en terme de traitement de l’azote car parmi les usines,

l’une est équipée d’un procédé de nitrification/ dénitrification, l’autre non.

Enfin, la STEP devra bien souvent répondre à des fonctions secondaires qu’il ne faut pas

négliger :

- traitement tertiaire pour améliorer la qualité de l’eau traitée : désinfection, rejet en

zone sensible…

- traitement des boues en vue de leur élimination ou d’une éventuelle valorisation,

- valorisation énergétique ou agricole des boues,

- désodorisation,

- désinfection,

- traitement des graisses…

Ces procédés, qui ajoutent une qualité au service réalisé par l’usine de traitement, peuvent

diminuer les impacts de la station (odeurs, pathogènes) et/ou en augmenter d’autres

(consommation supplémentaire d’énergie). Là encore, avant de comparer deux usines ou deux

procédés, il convient de bien analyser les fonctions secondaires et vérifier que les usines

remplissent bien les mêmes fonctions. Si tel n’est pas le cas, il semble souvent possible

d’exclure des frontières du système un procédé qui donne une fonction supplémentaire à une

STEP. Par exemple, si deux stations ont les mêmes fonctions mais que l’une réalise en plus

une désodorisation et une désinfection des effluents, les procédés de désodorisation et de

désinfection pourraient être exclus des frontières de ce système pour pouvoir comparer les

deux filières avec les mêmes fonctions.

Ainsi, les fonctions d’une station peuvent être très variables. Ceci pose un problème surtout

pour la comparaison de différentes filières.

• Variabilité du flux fonctionnel

Pour un système de traitement des eaux, le flux fonctionnel ne peut être qu’un volume d’eau.

Une autre difficulté vient alors dans la définition de l’unité fonctionnelle : celle de la

variabilité du flux. En effet, le volume d’eau entrant dans une usine est variable dans le temps,

comme par exemple dans le cas de la STEP A (tableau 29).

Eau usée en entrée m3/an 2000 8 011 513 2001 11 564 576 2002 9 914 893 Moyenne 9 830 327 Ecart type 1 778 040

Tableau 27 : Volume d’eau usée en entrée de la station A

Pour ces valeurs, l’écart type représente 18 % de la moyenne. Un tel écart n’est pas étonnant

en traitement des eaux. Il peut même être beaucoup plus élevé lorsque l’usine se situe dans

une zone à forte fluctuation de population, comme dans les zones touristiques ou à forte

croissance démographique. Cette variabilité du flux fonctionnel engendre une certaine

incertitude sur les résultats qui paraît inévitable. En plus de l’incertitude classique sur les

données, la variabilité du flux fonctionnel augmente l’incertitude générale sur les résultats car

tous les flux doivent être divisés par ce flux, qui sert de base de référence. La variabilité du

flux fonctionnel est donc une difficulté supplémentaire pour réaliser des ACV en traitement

des eaux. L’utilisation du plus grand nombre de données et un traitement statistique de

celles-ci sont donc conseillés.

Dans le cas de l’ACV des filières de traitement des boues, le flux fonctionnel (la quantité de

boues) évolue en quantité et en qualité le long de la chaîne de traitement : l’épaississement et

la déshydratation diminuent le volume de boue, tandis qu’un compostage ou une digestion en

les caractéristiques des boues à une étape donnée. Bien qu’il n’existe aucune règle, on se base

souvent sur la boue au début de la filière de traitement. Ce choix pose cependant un

problème : les boues en sortie du clarificateur ne sont pas toujours quantifiées sur les stations,

les quantités de boues étant plutôt mesurées en sortie de station. Le réalisateur de l’étude doit

alors faire un calcul pour remonter la chaîne et avoir la quantité de boue au début du

traitement. Suivant les hypothèses posées, par exemple sur la quantité de chaux ajoutée dans

le cas d’un chaulage, un tel calcul peut présenter une certaine incertitude. La méthode de

calcul devra donc être dans ce cas clairement explicitée.