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Les études ACV en traitement des eaux usées

PARTIE I. LE CHOIX DE L’ACV COMME METHODE D’EVALUATION

III. LA METHODOLOGIE D’ANALYSE DE CYCLE DE VIE

6/ L’ANALYSE DE CYCLE DE VIE APPLIQUEE AU TRAITEMENT DES EAUX

6.3/ Les études ACV en traitement des eaux usées

De nombreux auteurs ont réalisé des études ACV sur des systèmes d’assainissement. Dans le

tableau 7, une sélection de plusieurs études ACV sur les procédés d’épuration est présentée

(d’après [SUH, 2002] et [LUNDIN, 2004]).

L’évaluation environnementale par ACV de systèmes d’épuration des eaux résiduaires

urbaines a été pratiquée depuis le début des années 1990. De nombreux experts ont essayé de

comparer ces systèmes mais on observe une grande diversité de sujets d’étude : analyse de

station conventionnelle pour identifier la meilleure filière ou les étapes de traitement les plus

polluantes, étude des systèmes de traitement ou de séparation à la source (toilette

séparative)… La comparaison de filières de traitement et d’élimination des boues urbaines est

également un thème très abordé, notamment parce que ces filières présentent des possibilités

de valorisation matière (fertilisant ou amendement) ou énergie (biogaz, incinération). Nous

aurons l’occasion de revenir sur les boues en troisième partie.

REFERENCE OBJECTIF DE L’ETUDE FRONTIERES DU SYSTEME

[EMMERSON, 1995] Comparaison de différentes STEP de petite taille

(biofiltre et boues activées)

Construction, exploitation et démantèlement de la STEP

[ØDEGAARD, 1995] Comparaison des filières de traitement

conventionnel des eaux

Exploitation de la STEP et des filières de traitement des boues

[ASHLEY, 1997]

Comparaison des filières de traitement conventionnel des eaux avec des solutions de

traitement à la source

Des toilettes jusqu’à l’élimination finale

[BENGTSSON, 1997]

Comparaison des filières de traitement conventionnel des eaux avec des solutions de

séparation à la source

Exploitation des toilettes ou STEP

[DALEMO, 1997]

Comparaison des filières de traitement conventionnel des eaux avec des solutions de

séparation d’urine à la source

Des toilettes jusqu’à la STEP + l’élimination des boues par épandage

[NEUMAYR, 1997] Comparaison de système de valorisation des boues De la séparation des boues jusqu’à l’épandage

[ROELEVELD, 1997] Comparaison des filières de traitement

conventionnel des eaux Construction et exploitation de la STEP

[DENNISON, 1998] Comparaison de différents traitements des boues et

de leur enfouissement centralisé Filières de traitement des eaux et des boues

[TILLMAN, 1998]

Comparaison des filières de traitement conventionnel des eaux avec des solutions de

séparation solide liquide

Des toilettes jusqu’à la STEP + l’élimination des boues par épandage

[JOHNSEN, 1999] Comparaison de filières de traitement conventionnel

des boues

De la production de boues jusqu’à élimination (incinération, décharge ou épandage)

[ROUSSEL, 1999] Comparaison de filières de traitement conventionnel

des boues

De la production de boues jusqu’à élimination (incinération, décharge ou épandage)

[LUNDIN, 2000]

Comparaison des filières de traitement conventionnel des eaux avec des solutions de

séparation à la source

Exploitation des toilettes ou STEP + production d’engrais économisé

[CLAUSON KAAS,

2001] Etude d’une STEP Exploitation de la STEP

[FRIEDRICH, 2001] Comparaison de filières de traitement conventionnel

des boues

De la production de boues jusqu’à élimination (incinération, décharge ou épandage)

[HOUILLON, 2001] Comparaison de filières de traitement conventionnel

et innovant des boues

De la production de boues jusqu’à élimination (incinération, décharge, épandage, pyrolyse, OVH)

[KHALIFA, 2001] Comparaison de filières de traitement des boues

conventionnel

De la production de boues jusqu’à élimination (incinération, décharge)

[PILLAY, 2002] Etude d’une STEP avec traitement pour réutilisation

de l’eau usée en industrie Construction + exploitation de la STEP

[RIHON, 2002] Evaluation du cycle anthropique de l’eau De la station de pompage pour l’eau potable

jusqu’à la STEP

[SUH, 2002] Comparaison de deux stations d’épuration existantes Construction, exploitation et démantèlement de la STEP

[BEAVIS, 2003] Comparaison de procédés de digestion anaérobie et

aérobie des boues

De la production de boues jusqu’à élimination en épandage

[HOSPIDO, 2004] Etude d’une STEP Exploitation de la STEP + élimination des boues

en épandage

Une lecture approfondie de ces études montre des différences dans les choix méthodologiques

réalisés. Les variations au niveau du champ de l’étude (unité fonctionnelle, choix des limites

du système…) peuvent s’expliquer par la diversité des objectifs. En revanche, le choix de la

méthode ACV est sujet à discussion. On peut se demander si le choix d’une des méthodes,

bien que toutes reposent sur des bases scientifiques, influence les conclusions de l’étude. La

méthode CML est utilisée par [ROELEVELD, 1997], [ROUSSEL, 1999], [PILLAY, 2002],

[SUH, 2002], Eco-indicator 99 par [HOUILLON, 2001], [KHALIFA, 2001], [RIHON, 2002],

EDIP by [CLAUSON KAAS, 2001], EPS [RIHON, 2002] et [LUNDIN, 2000]. Dans

beaucoup d’études, une seule méthode est utilisée mais son choix n’est jamais argumenté.

Dans une démarche de développement d’un outil simplifié basé sur l’ACV, la sélection de la

ou des méthodes ACV devra être justifié pour guider les réalisateurs d’étude qui ne seraient

pas des spécialistes ACV.

Par ailleurs, plusieurs études qui comparent les mêmes filières aboutissent à des conclusions

opposées en terme de choix de la filière la plus écologique. Ces incohérences participent au

discrédit de la méthodologie ACV. L’étude [JEHIER, 2002], basée sur la comparaison d’ACV

sur les filières de traitement des boues, a analysé en détail ces divergences de résultats. Si le

champ de l’étude reste assez similaire entre les ACV comparées, ce travail a montré que la

sélection des données et des hypothèses est le plus souvent à l’origine des divergences

observées. Ainsi, cette analyse détaillée met également en évidence l’erreur de vouloir

généraliser des conclusions tirées à partir d’études basées sur un seul jeu d’hypothèses pour

une filière de traitement étudié. Les experts techniques du domaine de l’eau, interrogés dans

ce rapport, reprochent l’erreur faite dans bien des études ACV de prendre des données

moyennes de performances pour un procédé afin d’en tirer une conclusion générale. Dans

certains cas, les études ont recours à une autre source de données : elles s’appuient sur les

informations d’usines existantes. Ceci présente l’avantage de disposer de mesures réelles.

Cependant les performances du procédé étudié, et donc les données d’émissions, sont celles

d’un site local et ne représentent pas l’ensemble des performances possibles du procédé.

En effet, les performances techniques d’un même procédé sont très variables d’un site à

l’autre. Cette variabilité s’explique par les contraintes locales propres à chaque installation :

dimensionnement, niveau technologique, âge de l’ouvrage et surtout mode d’exploitation

conditionnent les caractéristiques techniques et, par conséquent, les impacts

environnementaux.

Ainsi, l’étude d’une technologie ou d’une filière devra être réalisée à partir de plusieurs jeux

de données couvrant la gamme des différentes conditions d’exploitation de cette technologie

ou de cette filière. Il apparaît que seule l’étude des multiples cas d’utilisation peut donner une

vision globale de la performance d’un procédé. De même, lors d’une comparaison de deux

systèmes, il ne faudra pas dire si tel procédé présente un impact environnemental plus ou

moins élevé par rapport à un procédé concurrent, mais dire dans quelles conditions techniques

moyennes (ou à partir d’un cas existant) n’est pas représentatif de l’ensemble des situations

rencontrées tant celles-ci sont différentes sur le plan technique.

C’est pourquoi de nombreuses études ACV, en se basant sur un seul jeu d’hypothèses pour

caractériser un système, n’étudient en fait qu’un cas particulier d’utilisation parmi d’autres.

Une généralisation des conclusions est donc inappropriée. Ceci explique également pourquoi

plusieurs études sérieuses présentent des résultats de comparaisons de filières contradictoires.

Ainsi donc, pour prendre en compte ces incertitudes avant de conclure lorsque différentes

filières sont comparées, le développement de l’outil recherché devra accorder une vigilance

particulière non seulement à la fiabilité des données mais aussi aux études de variabilité. Les

données devront être représentatives. L’outil étant développé pour les besoins de Veolia, ce

sont ses experts techniques qui fourniront les données. Enfin, l’apport de ce travail consistera

surtout à développer une méthode capable d’évaluer l’ensemble des variantes existantes pour

un système de traitement. Il devra notamment pouvoir évaluer l’influence des paramètres

techniques et celle des conditions locales. Ceci permettra à l’outil de s’adapter à chaque projet

pour lequel l’industriel souhaite réaliser une évaluation environnementale et comparer

différentes solutions techniques.

En terme d’évaluation environnementale, l’analyse de cycle de vie est une méthodologie qui

présente de nombreux atouts :

- la série de norme ISO 14040-14043 fixe un cadre méthodologique rigoureux et

cohérent,

- l’ACV est capable d’évaluer de nombreux impacts grâce à son approche multicritère,

- l’approche cycle de vie permet d’évaluer les effets directs et indirects des systèmes

d’épuration sur l’environnement, identifiant ainsi les déplacements de pollution. Le

cycle de vie intègre notamment l’ensemble de la filière de traitement.

L’ACV présente toutefois un certain nombre de limites. Les études sont longues et nécessitent

beaucoup de temps et de données. L’un des objectifs du développement de l’outil sera donc

de réduire la durée des études en réunissant notamment les informations nécessaires. Les

nuisances ne sont pas évaluées. Nous négligerons donc dans un premier temps ces impacts,

mais il faudra toutefois prévoir un cadre pour les intégrer. Sur le plan méthodologique, il

semble essentiel de tester l’ACV sur des cas concrets pour identifier l’ensemble des difficultés

et y répondre. Notamment, le choix de la ou des méthodes ACV devra être justifié. Par

ailleurs, une attention particulière devra être portée sur les limites des résultats des ACV afin

de ne pas généraliser des conclusions qui pourraient dépendre de conditions techniques. Des

analyses de sensibilité devraient donc être prévues.