De nombreux auteurs ont réalisé des études ACV sur des systèmes d’assainissement. Dans le
tableau 7, une sélection de plusieurs études ACV sur les procédés d’épuration est présentée
(d’après [SUH, 2002] et [LUNDIN, 2004]).
L’évaluation environnementale par ACV de systèmes d’épuration des eaux résiduaires
urbaines a été pratiquée depuis le début des années 1990. De nombreux experts ont essayé de
comparer ces systèmes mais on observe une grande diversité de sujets d’étude : analyse de
station conventionnelle pour identifier la meilleure filière ou les étapes de traitement les plus
polluantes, étude des systèmes de traitement ou de séparation à la source (toilette
séparative)… La comparaison de filières de traitement et d’élimination des boues urbaines est
également un thème très abordé, notamment parce que ces filières présentent des possibilités
de valorisation matière (fertilisant ou amendement) ou énergie (biogaz, incinération). Nous
aurons l’occasion de revenir sur les boues en troisième partie.
REFERENCE OBJECTIF DE L’ETUDE FRONTIERES DU SYSTEME
[EMMERSON, 1995] Comparaison de différentes STEP de petite taille
(biofiltre et boues activées)
Construction, exploitation et démantèlement de la
STEP
[ØDEGAARD, 1995] Comparaison des filières de traitement
conventionnel des eaux
Exploitation de la STEP et des filières de
traitement des boues
[ASHLEY, 1997]
Comparaison des filières de traitement
conventionnel des eaux avec des solutions de
traitement à la source
Des toilettes jusqu’à l’élimination finale
[BENGTSSON, 1997]
Comparaison des filières de traitement
conventionnel des eaux avec des solutions de
séparation à la source
Exploitation des toilettes ou STEP
[DALEMO, 1997]
Comparaison des filières de traitement
conventionnel des eaux avec des solutions de
séparation d’urine à la source
Des toilettes jusqu’à la STEP + l’élimination des
boues par épandage
[NEUMAYR, 1997] Comparaison de système de valorisation des boues De la séparation des boues jusqu’à l’épandage
[ROELEVELD, 1997] Comparaison des filières de traitement
conventionnel des eaux Construction et exploitation de la STEP
[DENNISON, 1998] Comparaison de différents traitements des boues et
de leur enfouissement centralisé Filières de traitement des eaux et des boues
[TILLMAN, 1998]
Comparaison des filières de traitement
conventionnel des eaux avec des solutions de
séparation solide liquide
Des toilettes jusqu’à la STEP + l’élimination des
boues par épandage
[JOHNSEN, 1999] Comparaison de filières de traitement conventionnel
des boues
De la production de boues jusqu’à élimination
(incinération, décharge ou épandage)
[ROUSSEL, 1999] Comparaison de filières de traitement conventionnel
des boues
De la production de boues jusqu’à élimination
(incinération, décharge ou épandage)
[LUNDIN, 2000]
Comparaison des filières de traitement
conventionnel des eaux avec des solutions de
séparation à la source
Exploitation des toilettes ou STEP + production
d’engrais économisé
[CLAUSON KAAS,
2001] Etude d’une STEP Exploitation de la STEP
[FRIEDRICH, 2001] Comparaison de filières de traitement conventionnel
des boues
De la production de boues jusqu’à élimination
(incinération, décharge ou épandage)
[HOUILLON, 2001] Comparaison de filières de traitement conventionnel
et innovant des boues
De la production de boues jusqu’à élimination
(incinération, décharge, épandage, pyrolyse, OVH)
[KHALIFA, 2001] Comparaison de filières de traitement des boues
conventionnel
De la production de boues jusqu’à élimination
(incinération, décharge)
[PILLAY, 2002] Etude d’une STEP avec traitement pour réutilisation
de l’eau usée en industrie Construction + exploitation de la STEP
[RIHON, 2002] Evaluation du cycle anthropique de l’eau De la station de pompage pour l’eau potable
jusqu’à la STEP
[SUH, 2002] Comparaison de deux stations d’épuration existantes Construction, exploitation et démantèlement de la
STEP
[BEAVIS, 2003] Comparaison de procédés de digestion anaérobie et
aérobie des boues
De la production de boues jusqu’à élimination en
épandage
[HOSPIDO, 2004] Etude d’une STEP Exploitation de la STEP + élimination des boues
en épandage
Une lecture approfondie de ces études montre des différences dans les choix méthodologiques
réalisés. Les variations au niveau du champ de l’étude (unité fonctionnelle, choix des limites
du système…) peuvent s’expliquer par la diversité des objectifs. En revanche, le choix de la
méthode ACV est sujet à discussion. On peut se demander si le choix d’une des méthodes,
bien que toutes reposent sur des bases scientifiques, influence les conclusions de l’étude. La
méthode CML est utilisée par [ROELEVELD, 1997], [ROUSSEL, 1999], [PILLAY, 2002],
[SUH, 2002], Eco-indicator 99 par [HOUILLON, 2001], [KHALIFA, 2001], [RIHON, 2002],
EDIP by [CLAUSON KAAS, 2001], EPS [RIHON, 2002] et [LUNDIN, 2000]. Dans
beaucoup d’études, une seule méthode est utilisée mais son choix n’est jamais argumenté.
Dans une démarche de développement d’un outil simplifié basé sur l’ACV, la sélection de la
ou des méthodes ACV devra être justifié pour guider les réalisateurs d’étude qui ne seraient
pas des spécialistes ACV.
Par ailleurs, plusieurs études qui comparent les mêmes filières aboutissent à des conclusions
opposées en terme de choix de la filière la plus écologique. Ces incohérences participent au
discrédit de la méthodologie ACV. L’étude [JEHIER, 2002], basée sur la comparaison d’ACV
sur les filières de traitement des boues, a analysé en détail ces divergences de résultats. Si le
champ de l’étude reste assez similaire entre les ACV comparées, ce travail a montré que la
sélection des données et des hypothèses est le plus souvent à l’origine des divergences
observées. Ainsi, cette analyse détaillée met également en évidence l’erreur de vouloir
généraliser des conclusions tirées à partir d’études basées sur un seul jeu d’hypothèses pour
une filière de traitement étudié. Les experts techniques du domaine de l’eau, interrogés dans
ce rapport, reprochent l’erreur faite dans bien des études ACV de prendre des données
moyennes de performances pour un procédé afin d’en tirer une conclusion générale. Dans
certains cas, les études ont recours à une autre source de données : elles s’appuient sur les
informations d’usines existantes. Ceci présente l’avantage de disposer de mesures réelles.
Cependant les performances du procédé étudié, et donc les données d’émissions, sont celles
d’un site local et ne représentent pas l’ensemble des performances possibles du procédé.
En effet, les performances techniques d’un même procédé sont très variables d’un site à
l’autre. Cette variabilité s’explique par les contraintes locales propres à chaque installation :
dimensionnement, niveau technologique, âge de l’ouvrage et surtout mode d’exploitation
conditionnent les caractéristiques techniques et, par conséquent, les impacts
environnementaux.
Ainsi, l’étude d’une technologie ou d’une filière devra être réalisée à partir de plusieurs jeux
de données couvrant la gamme des différentes conditions d’exploitation de cette technologie
ou de cette filière. Il apparaît que seule l’étude des multiples cas d’utilisation peut donner une
vision globale de la performance d’un procédé. De même, lors d’une comparaison de deux
systèmes, il ne faudra pas dire si tel procédé présente un impact environnemental plus ou
moins élevé par rapport à un procédé concurrent, mais dire dans quelles conditions techniques
moyennes (ou à partir d’un cas existant) n’est pas représentatif de l’ensemble des situations
rencontrées tant celles-ci sont différentes sur le plan technique.
C’est pourquoi de nombreuses études ACV, en se basant sur un seul jeu d’hypothèses pour
caractériser un système, n’étudient en fait qu’un cas particulier d’utilisation parmi d’autres.
Une généralisation des conclusions est donc inappropriée. Ceci explique également pourquoi
plusieurs études sérieuses présentent des résultats de comparaisons de filières contradictoires.
Ainsi donc, pour prendre en compte ces incertitudes avant de conclure lorsque différentes
filières sont comparées, le développement de l’outil recherché devra accorder une vigilance
particulière non seulement à la fiabilité des données mais aussi aux études de variabilité. Les
données devront être représentatives. L’outil étant développé pour les besoins de Veolia, ce
sont ses experts techniques qui fourniront les données. Enfin, l’apport de ce travail consistera
surtout à développer une méthode capable d’évaluer l’ensemble des variantes existantes pour
un système de traitement. Il devra notamment pouvoir évaluer l’influence des paramètres
techniques et celle des conditions locales. Ceci permettra à l’outil de s’adapter à chaque projet
pour lequel l’industriel souhaite réaliser une évaluation environnementale et comparer
différentes solutions techniques.
En terme d’évaluation environnementale, l’analyse de cycle de vie est une méthodologie qui
présente de nombreux atouts :
- la série de norme ISO 14040-14043 fixe un cadre méthodologique rigoureux et
cohérent,
- l’ACV est capable d’évaluer de nombreux impacts grâce à son approche multicritère,
- l’approche cycle de vie permet d’évaluer les effets directs et indirects des systèmes
d’épuration sur l’environnement, identifiant ainsi les déplacements de pollution. Le
cycle de vie intègre notamment l’ensemble de la filière de traitement.
L’ACV présente toutefois un certain nombre de limites. Les études sont longues et nécessitent
beaucoup de temps et de données. L’un des objectifs du développement de l’outil sera donc
de réduire la durée des études en réunissant notamment les informations nécessaires. Les
nuisances ne sont pas évaluées. Nous négligerons donc dans un premier temps ces impacts,
mais il faudra toutefois prévoir un cadre pour les intégrer. Sur le plan méthodologique, il
semble essentiel de tester l’ACV sur des cas concrets pour identifier l’ensemble des difficultés
et y répondre. Notamment, le choix de la ou des méthodes ACV devra être justifié. Par
ailleurs, une attention particulière devra être portée sur les limites des résultats des ACV afin
de ne pas généraliser des conclusions qui pourraient dépendre de conditions techniques. Des
analyses de sensibilité devraient donc être prévues.