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FONDATION DE L'ORDRE DES JÉSUITES 1. IGNACE DE LOYOLA

5. LES PRIVILÈGES DE LA COMPAGNIE

Dès 1558, Lainez, le subtil manœuvrier du Concile de Trente, est nommé général par la Congrégation, avec pouvoir d'organiser l'Ordre selon son inspiration. Les «Déclarations», composées par lui-même et Salmeron, sont jointes aux «Constitutions», en manière de

commentaires, et ne font qu'accentuer le despotisme du général, élu à vie. Un admoniteur, un procureur et des assistants, résidant comme lui-même à Rome, lui sont adjoints pour l'administration générale de l'Ordre divisé alors en cinq Assistances: Italie, Allemagne, France, Espagne, Angleterre et Amérique réunies. Ces Assistances sont elles-mêmes divisées en Provinces groupant les divers établissements de l'Ordre. Seuls, l'admoniteur (ou surveillant) et les assistants sont nommés par la Congrégation. Le général désigne tous les autres fonctionnaires, promulgue les ordonnances, lesquelles ne doivent pas modifier les Constitutions, gère à son gré les biens de l'Ordre et en dirige l'activité, dont il n'est responsable qu'envers le pape.

A cette milice si étroitement unie dans la main de son chef, et qui a besoin, pour l'efficacité de son action, de la plus grande autonomie, le pape ne manque pas de concéder des

privilèges qui paraîtront exorbitants aux autres Ordres religieux.

Déjà, par leurs Constitutions, les Jésuites échappaient à la règle de la clôture comme à celles qui président généralement à la vie monastique. Ils sont en fait des moines vivant

«dans le siècle» et ne se distinguant extérieurement en rien du clergé séculier. Mais, au contraire de celui-ci, et même des autres congrégations religieuses, ils ne sont nullement soumis à l'autorité des évêques. Dès 1545, une bulle de Paul III leur permet de prêcher, confesser, distribuer les sacrements, présider au culte, bref, exercer leur ministère sans en référer à l'Ordinaire. Seule, la célébration des mariages sort de leurs attributions.

Ils ont tout pouvoir pour donner l'absolution, convertir les vœux en d'autres plus faciles à remplir, ou même les lever. «Les pouvoirs du général, relatifs à l'absolution et aux dispenses, sont encore plus étendus», lisons-nous chez M.

Gaston Bally. Il peut lever toutes les peines qui

ont frappé les membres de la Société avant ou après leur entrée dans l'Ordre, les absoudre de tous les péchés, même du péché d'hérésie et de schisme, de la falsification d'écrits apostoliques, etc... «Le général absout, en personne ou par l'entremise d'un délégué, tous ceux qui sont placés sous son obédience de l'état d'irrégularité provenant, soit de l'excommunication, soit de la suspension, soit de l'interdit, à la condition que ces censures n'aient pas été infligées pour des excès si extraordinaires que le tribunal papal puisse seul connaître. «Il absout, en outre, de l'irrégularité provenant de la bigamie, des blessures faites à autrui, du meurtre, de l'assassinat... pourvu que ces mauvaises actions ne soient pas de notoriété publique et n'aient pas fait de scandale»(19).

Grégoire XIII, enfin, conféra à la Compagnie le droit de se livrer au commerce et aux affaires de banque. droit dont elle usa largement par la suite. Ces dispenses et pouvoirs inouïs étaient garantis de la façon la plus absolue. «Les

papes allèrent même jusqu'à sommer les princes et les rois de défendre ces privilèges;

ils menaçaient de la grande excommunication

«latae sententiae» tous ceux qui y porteraient atteinte, et d'après une bulle de Pie V, de l'an 1574, ils accordèrent au général le droit de les rétablir dans leur étendue primitive, envers et contre toutes les tentatives faites pour les diminuer ou les altérer, fût-ce même par des actes de révocation papale... «En octroyant aux Jésuites ces privilèges exorbitants qui allaient à l'encontre de l'antique constitution de l'Église, la papauté ne voulait pas seulement les munir d'armes puissantes pour la lutte contre les

«Infidèles», elle voulait surtout s'en servir comme d'une garde du corps pour la défense de son propre et absolu pouvoir dans l'Église et contre l'Église». «Pour conserver la suprématie spirituelle et temporelle qu'ils avaient usurpée au moyen âge, les papes vendirent l'Église à l'Ordre de Jésus, et par là ils se livrèrent eux-mêmes entre ses mains... Si la papauté s'appuyait sur les Jésuites, toute l'existence des Jésuites dépendait de la suprématie

spirituelle et temporelle de la papauté. De cette façon, les intérêts des deux parties étaient intimement liés»(20).

Mais cette cohorte d'élite avait besoin d'auxiliaires secrets pour dominer la société civile: ce rôle fut dévolu aux affiliés de la Compagnie, dits Jésuites «de robe courte»

«Bien des personnages importants furent ainsi liés à la Société: les empereurs Ferdinand II et Ferdinand III, Sigismond III, roi de Pologne, qui avait officiellement fait partie de la Compagnie, le cardinal Infant, un duc de Savoie. Et ce ne furent pas les moins utiles»(21).

Il en est de même aujourd'hui, où les 33,000 membres officiels de la Société agissent à travers le monde à la façon d'animateurs, d'officiers d'une véritable armée secrète qui compte dans ses rangs des chefs de partis politiques, des hauts fonctionnaires, des généraux, des magistrats, des médecins, des professeurs de Faculté, etc, attentifs à poursuivre, chacun dans son domaine, «I'Opus

Dei», l'œuvre de Dieu, c'est-à-dire de la papauté.

LES JÉSUITES EN EUROPE