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La prise en charge orthophonique de ces difficultés sensorielles

III. De la difficulté sensorielle « innée » à la difficulté sensorielle « acquise » et

1. De la difficulté sensorielle « innée »

1.3. La prise en charge orthophonique de ces difficultés sensorielles

l’accès au langage oral, est énormément basée sur la prise en compte de la sensorialité résiduelle des patients. Le sens de la vision est très largement mis en avant, le geste utilisé substituant la réception auditive difficile. Les enfants sourds apprennent ainsi, aux côtés de l’orthophoniste et des différents intervenants, à utiliser la Langue des Signes Française (la LSF) ou bien le Langage Parlé Complété (le LPC) dont l’utilisation, comme son nom l’indique, permet de suppléer à la lecture labiale qu’il faut s’entraîner à

1 DERRIER, Sophie. Ortho magazine n°102 : Les impacts du handicap sur le développement, Dossier « L’orthophoniste et l’enfant déficient visuel », page 15.

2 Voir la définition dans le Glossaire, page 193. Définitions données par DERRIER, Sophie.

3 Mémoire d’Orthophonie réalisé et présenté par LELIEVRE, CAMILLE. Etude des mécanismes et stratégies de lecture chez des enfants aveugles lisant en Braille, page 12 et 13.

http://pontt.net/2015/01/mecanismes-et-strategies-de-lecture-denfants-aveugles-lisant-en-braille/ 4 Ibid., pages 13 et 14.

déchiffrer. Les personnes sourdes sont donc très attentives, d’un point de vue visuel, afin de comprendre le langage oral et de communiquer avec autrui. Le toucher est, lui aussi, utilisé dans les prises en charge orthophoniques des enfants sourds. Cela passe par la sensibilisation kinesthésique et donc par la perception tactile lorsque, par exemple, l’orthophoniste place la main de l’enfant sur son cou pour lui faire percevoir les vibrations laryngées lors de la production de la parole. Le recours au sens tactile permet ici de favoriser la prise de conscience du langage parlé et de la production des phonèmes, afin d’amener l’enfant à oraliser.

La prise en charge orthophonique de la déficience visuelle est très largement méconnue, peu d’orthophonistes s’occupent d’enfants ayant des difficultés visuelles innées. Un numéro d’Ortho magazine1

nous renseigne sur cette orthophonie peu courante. Comme nous l’indiquent deux orthophonistes s’occupant de jeunes déficients visuels, Sophie Derrier et Anaïs Fer, l’enfant, malvoyant ou non-voyant, se construit et construit une perception du monde basée sur quatre sens seulement, ses expériences sensorielles et motrices étant restreintes. Ainsi, son acquisition des pré-requis langagiers (attention conjointe et pointage) est perturbée, de la même manière que son organisation linguistique (aspects lexicaux et morpho- syntaxiques dont l’apprentissage est retardé et saccadé) et pragmatique (beaucoup de signaux pragmatiques sont reçus grâce au canal visuel). L’acquisition du langage oral chez le déficient visuel comporte donc certaines spécificités, tout comme son acquisition du langage écrit. En effet, l’apprentissage de la lecture à travers le Braille, qui nécessite la participation du toucher, se fait selon une modalité sensorielle différente de celle qu’utilisent les voyants. Ainsi, dans le cadre de la pratique orthophonique, certains jeunes braillistes rencontrent des troubles spécifiques du langage écrit auxquels l’orthophoniste peut remédier. Cela passe, au début, par la prise en compte des troubles tactilo-graphiques (travail de la représentation mentale corporelle, de la latéralisation, appui sur l’espace feuille avec support simplement graphique, support punctiforme puis support linguistique braille, reconnaissance et maîtrise de séquences fréquemment utilisées selon l’axe syntagmatique) et également par le travail de la voie lexicale de la lecture et de l’écriture. Tout cela peut se réaliser en utilisant de nombreux chemins sensoriels (épellation orale, écriture dans le sable ou avec des lettres tactiles, etc.) (Derrier et Fer, 2012)2.

Ces différents sujets, susceptibles d’être rencontrés lors d’une prise en charge orthophonique et s’ils le sont, bénéficient donc d’une thérapie dont la charpente est basée, entre autres, sur la sensorialité (utilisation majoritaire de la vision pour les déficients auditifs et du toucher ainsi que de l’audition pour les déficients visuels) mais pas du tout d’une rééducation alimentaire orthophonique à proprement parler. En revanche, il est important de préciser que les malvoyants ou non-voyants sont, lorsqu’ils sont suivis en institution, aidés par ce que nous appelons des Auxiliaires de Vie Journalière pour personnes déficientes visuelles : ce sont des AVJistes. Le rôle des AVJistes est celui de permettre au patient déficient visuel de tirer profit le plus efficacement possible de ses possibilités visuelles restantes afin de parvenir à effectuer des tâches ordinaires de la vie quotidienne. C’est sur les informations apportées par ses quatre autres sens que le déficient visuel doit se baser afin de réaliser ces actes3. S’alimenter est une démarche qui nécessite,

pour ces personnes, une attention toute particulière, car l’axe œil/main/bouche est perturbé. Pour cette raison, elles nécessitent non pas une rééducation alimentaire, mais véritablement une éducation alimentaire fonctionnelle, basée sur l’approche des aliments de manière diverse et sur la familiarisation avec les couverts et la motricité gnoso-praxique.

1 Ortho magazine n°102, de la page 13 à la page 32.

2 DERRIER, Sophie et FER, Anaïs. Ortho magazine n° 102 : Les enjeux de l’évaluation précoce, Dossier « L’orthophoniste et l’enfant déficient visuel », page 28 et 29.

3 Renseignements Internet après consultation à l’Institut Clément Ader.

Ces sujets, ayant des déficits sensoriels innés, créent, dès le début de la vie, leur sensorialité autour de leurs sens résiduels. Leur mémoire sensorielle s’est, de ce fait, construite et élaborée autour d’une palette sensorielle à quatre facettes.

2.

… à la difficulté sensorielle « acquise »

De nombreuses affections peuvent toucher les sens à l’âge adulte, au détour d’une pathologie acquise, provoquant une altération sensorielle. Cette dernière peut être totale ou partielle. Nous nous intéresserons ici aux difficultés sensorielles acquises atteignant les sens chimiques que sont l’odorat et le goût et qui peuvent être rencontrées par un orthophoniste dans un service d’Oto-Rhino-Laryngologie (ORL) ou dans un cabinet libéral.