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La perturbation de la gustation

III. De la difficulté sensorielle « innée » à la difficulté sensorielle « acquise » et

1. De la difficulté sensorielle « innée »

2.2. La perturbation de la gustation

La dysgueusie désigne toute perturbation du sens du goût. Il en existe de nombreuses, nous ne pourrons malheureusement pas toutes les décrire ici.

Ces perturbations ou pertes de la sensibilité gustative peuvent être rencontrées notamment lorsqu’un sujet subit, à cause d’une tumeur et d’un cancer oro-facial, une radiothérapie, dont le but est de détruire et d’empêcher la prolifération des cellules cancéreuses. En effet, la radiothérapie utilise des radiations ionisantes dont l’unité de dose est le Gray. A vingt grays, entre vingt à trente pour cents de cellules

sensorielles gustatives sont détruites car elles subissent directement la toxicité des radiations ionisantes (Woisard et Puech, 2003)1.

La radiothérapie, si elle est prolongée, entraîne également des modifications salivaires précoces ainsi qu’une asialie, plus tard, c’est-à-dire une diminution ou un manque total de production salivaire. Au-delà de soixante-cinq Grays, l’asialie est durable. Comme nous l’avons évoqué précédemment2, c’est grâce à

l’insalivation de l’aliment en bouche qu’il est possible que les corps sapides se dissolvent : la production salivaire permet donc aux papilles gustatives de se déployer et d’offrir la perception de toutes les saveurs. Ainsi, la perte du goût est une des conséquences de la radiothérapie et elle est surtout liée à et fortement intriquée avec l’atténuation de l’apport salivaire (Woisard et Puech, 2003)3. Cette perte du sens gustatif est

nommée agueusie et peut être partielle ou totale, certaines pouvant être durables.

2.3.

La prise en charge orthophonique de ces difficultés sensorielles

L’orthophoniste ne prend pas en charge directement et seulement les perturbations des sens chimiques lorsqu’il rencontre un patient ayant subi un traumatisme facial ou une radiothérapie. La rééducation orthophonique s’insère dans une dynamique rééducative beaucoup plus globale, basée bien entendu sur ces difficultés mais également sur les autres troubles que rencontre le patient. Nous considérerons, entre autres notions, dans ce chapitre, la rééducation de ces difficultés sensorielles.

Ainsi, dans ces pathologies, une rééducation et une sollicitation sensorielles peuvent être envisagées. Pour stimuler l’odorat et ainsi permettre au sujet d’entraîner ce sens qui fait défaut, l’orthophoniste peut proposer un Loto des Odeurs® ou bien des petits pots dans lesquels diverses fortes odeurs sont perceptibles (du café soluble, de la lessive, etc.), le dessein étant de parvenir à les discriminer et à les identifier. Il est également possible, pour se rapprocher au plus près du vécu sensoriel du patient, de mettre à sa disposition des odeurs qu’il aimait particulièrement sentir auparavant. Pour diminuer la sécheresse buccale liée à la diminution de l’apport salivaire, des brumisateurs peuvent être utilisés par l’orthophoniste. Afin de stimuler le goût, le Loto des Saveurs® peut être mis à disposition du patient ; il est également possible de travailler avec de petites quantités de saveurs (du sucré, du salé, etc.) pour stimuler les papilles gustatives du sujet tout en prenant des précautions quant à d’éventuels troubles de la déglutition.

Il est d’ailleurs important de préciser que les patients qui subissent une radiothérapie sont également victimes de troubles de la déglutition, qui seront également pris en charge par l’orthophoniste qui adaptera le comportement alimentaire de son patient en luttant contre les conséquences de la fibrose (Woisard- Bassols et Puech, 2003)4.

Une parenthèse au sujet de la sensorialité peut être ouverte dans ce chapitre, dans la mesure où nous avons parlé des traumatismes faciaux et des paralysies faciales. L’orthophoniste est, de plus, habilité à rétablir l’équilibre entre l’hémiface paralysée et l’hémiface saine et ce grâce au toucher, et notamment avec le recours à des massages faciaux, prodigués au patient. Il bloquera le côté sain afin de stimuler le côté

1 WOISARD-BASSOLS, Virginie et PUECH, Michèle. La réhabilitation de la déglutition chez l’adulte, page 354.

2 Voir 1 .5.2.

3 WOISARD-BASSOLS, Virginie et PUECH, Michèle. La réhabilitation de la déglutition chez l’adulte, page 354 et 355.

paralysé (Eyoum, 2012)1. Le toucher thérapeutique, tel qu’il est superbement décrit dans un numéro de

Rééducation Orthophonique dirigé par Isabelle Eyoum, orthophoniste, est au cœur de ces prises en charge particulières et uniques2.

Ces personnes ayant un déficit acquis ont donc connu, durant un long moment de leur vie, la sensorialité selon sa perception à cinq facettes. Ils ont perdu, partiellement ou totalement, cette perception intégrale et intègre, alors que reste intacte leur mémoire sensorielle.

3.

… et aux difficultés alimentaires fonctionnelles engendrées par des

chirurgies buccales et oro-pharyngées

Les chirurgies buccales et oro-pharyngées que subissent certains sujets modifient de manière considérable la manière dont ils perçoivent leur espace buccal intime et également dont ils approchent l’acte d’alimentation. En effet, ces chirurgies mutilantes provoquent des troubles de la déglutition, puisqu’elles visent à retirer des structures anatomiques spécifiques nécessaires à toute alimentation ordinaire. La possibilité de manipulation du bol alimentaire peut être modifiée, au même titre que la capacité de propulsion de ce dernier (Puech, 2011)3. Ce que nous considérons ici, ce n’est donc plus le déficit sensoriel

mais la difficulté alimentaire fonctionnelle acquise qui, elle non plus, ne permet pas, ou plutôt plus, au sujet de percevoir et de profiter entièrement de toutes les caractéristiques organoleptiques des aliments présentés tels quels et surtout tels qu’ils étaient consommés auparavant (Puech, 2011)4, puisque quelques adaptations,

mises au point aux côtés d’un orthophoniste, sont nécessaires.